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La prohibition des punitions corporelles et ses difficultés d'application dans les écoles publiques au Togo. Cas des écoles primaires publiques de l'Inspection pédagogique de Lomé- ouest

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par Kokougan Mawoussé SODJAGO
Université de Lomé Togo - Maà®trise 2011
  

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1.2.2- Les travaux centrés sur la prohibition des punitions corporelles à l'école

Dans ce registre, nous avons consulté les travaux de Neill, de Kodjo Messan, de Désarmais et Gineste, de Chatelain, de Bernard Douet, de Jeanne Contou pour ne citer que ceux-là. Les travaux de ce registre essaient de faire le lien entre les punitions et la violence et démontrent donc le fait que la punition ne soit pas nécessaire en éducation. Par ailleurs, ils fustigent l'autorité/discipline verticale, unilatérale et excessive au profit d'une autorité/discipline concerté et autonome.

Déjà au Moyen Age (XVème siècle), Montaigne dénonçait l'usage des punitions corporelles en éducation. Cette pratique disciplinaire que Montaigne qualifiait de « discipline de fer et de sang » lui apparaît comme une barbarie. Dans les Essais, il s'exclamait en ces termes :

« Cette police (ce système de punition) de la plupart de nos collèges m'a toujours déplu : on eût failli [...], moins dommageablement, s'inclinant vers l'indulgence. C'est une vraie geôle de jeunesse captive : on les rend débauchée, l'en punissant avant qu'elle le soit. Arrivez-y sur le point de leur office (à l'heure du travail) : vous n'oyez que cris et d'enfants suppliciés et de maîtres enivrés en leur colère. Quelle manière, pour éveiller l'appétit envers leur leçon [...], les mains armées de fouets ! Inique et pernicieuse forme ! » (Montaigne, cité par Coudray, 1989 :21).

A titre de travail empirique, Jeanne Contou (1980), dans sa thèse de troisième cycle a dénoncé le système punitif en France. C'est un système dur, barbare et cruel puisque les punitions avaient pour seul but de combattre l'enfance. Tout ceci découle des conceptions de l'enfance. Cette période est diabolisée puisque l'enfant est considéré comme un être léger, inintelligent, malléable, paresseux d'esprit, impur, non mûr, corrompu, impitoyable par rapport à l'adulte, méchant et sadique. La conclusion à laquelle aboutit Contou est claire : le système punitif sévère, sadique, oppressif et répressif conduit inéluctablement l'enfant à la résignation, à l'obéissance aveugle, au conformisme, au pessimisme bref à l'apathie qui rend l'enfant cruel, révolté, lâche et menteur. Il nourrit de la haine envers le travail. Et la conséquence directe n'est que les mauvaises performances, ce qui se solde par l'échec scolaire. Contou a principalement axé ses travaux sur les punitions symboliques. En définitive, pour lui, les punitions n'ont pas de place dans l'éducation scolaire.

Abondant dans le même fil, Bernard Douet (1987) a mené des enquêtes dans les écoles primaires et maternelles qui lui ont confirmé que les punitions sont inefficaces. Bien souvent, les enfants ne mettent pas la différence entre l'intention éducative et l'acte agressif. Donc, pour eux, être puni, c'est être agressé. Les investigations de Douet ont confirmé que les élèves développent les sentiments d'opposition et de révolte si on les punit de trop. Pour Douet, les punitions sont inutiles, inefficaces voire dangereuses. Il a donc préconisé que la discipline soit bienveillante et l'autorité non excessive. Il faut rechercher les vraies causes de l'indiscipline pour user de la thérapie la plus convenable au lieu de s'enfermer dans un système de punition aveugle voire néfaste. En clair, selon Douet, les punitions surtout corporelles doivent être abolies.

Quant à A. S. Neill (1970), celui-ci aborde le problème d'une manière encore plus radicale. Pour Neill, le système de punition est mauvais. La punition est toujours un acte de haine. Elle forme un cercle vicieux. A Summerhill, les cours sont facultatifs. Les élèves les suivent s'ils veulent. Les élèves vivent dans une totale liberté. Et pourtant on y travaille beaucoup. Donc, pour l'initiateur et le directeur de l'école de Summerhill, l'enfant libre, autonome n'a pas besoin de punition pour travailler. Puisque la punition lui enlève tout esprit de responsabilité, d'autonomie et d'indépendance. La punition sème dans le coeur de l'enfant la crainte. Or « personne ne peut aimer ce qu'il craint ».

Telle est aussi la position de Chatelain (1952) qui à son compte s'insurge contre les pédagogies traditionnelles, basées sur la punition. Pour celui-ci, l'usage des punitions conduit à former des enfants trop dociles, craintifs, indifférents, voire déloyaux, agressifs ou sournois. En d'autres termes, la punition produit plus de mal que de bien. Les élèves n'en ont pas besoin pour travailler.

Dans la même veine, R. Désarmais et R. Gineste (1963 : 302) s'écriaient ainsi : « le temps est révolu où le maître estimait normal d'avoir recours au châtiment corporel pour maintenir intacte son autorité ». Selon ces deux inspecteurs, la crainte que sèment les punitions corporelles n'est pas à même à favoriser les activités pédagogiques. La relation éducative se trouvera tendue dans une telle atmosphère rendant l'activité scolaire inefficace voire impossible. La punition ne peut donc pas amener les apprenants à améliorer leur travail scolaire puisqu'elle se matérialise dans un cadre hostile aux activités pédagogiques.

De l'autre côté de l'échiquier, John Locke, bien qu'étant du même avis que Neill, paraît plus prodigue en solutions réalistes. Selon Locke en effet, les punitions corporelles sont inefficaces puisqu'elles rendent les élèves anxieux, frustrés et haineux. En général, les élèves s'acharnent à bien exécuter leur travail scolaire afin d'échapper à ces punitions qui sont d'ailleurs impropres à la morale éducative. Pour Locke, lorsque la punition n'est pas acceptée par l'élève, elle crée un sentiment de désobéissance entrainant souvent l'abandon ou la fuite. Pour lui, il faut avoir confiance en l'enfant. Selon le gentleman, « The sooner you treat him as a man, the sooner he will begin to be one ». Locke préconise qu'on donne la liberté à l'enfant afin qu'il soit motivé par le choix éducatif de ses maîtres. « Changez de méthode, et vous verrez qu'ils tourneront aussitôt leur application du côté que vous voudrez. »

Abordant le problème sous l'angle de la discipline, Chatelain (1952) plaide pour une discipline interne, émanant des élèves eux-mêmes, une autodiscipline, ce à quoi fut d'accord Célestin Freinet (1978).

Freinet qui a classé la discipline en trois (3) catégories, en vient à choisir celle basée sur la coopération scolaire, l'entraide entre les élèves, l'autogestion de la vie commune par les élèves eux-mêmes, etc. Le tout reste possible grâce aux conseils du maître. Le rôle de l'enseignant est de guider, d'animer, et non de commander. Dans une classe, selon Freinet, la discipline sera consentie donc naturelle parce que comprise par tous comme étant nécessaire. C'est cette discipline qui aide les élèves à bien travailler. De ce fait, il condamne la punition, car étant conçue comme quelque chose d'extérieure et d'imposée aux élèves. Ce sont là des vues plus ouvertes, ce que l'on peut appeler une perspective centriste.

Kodjo Messan (1992) y trouve place en reconnaissant d'abord, au-delà de tout, la place des punitions en éducation. Toutefois, il préconise que l'on fasse usage uniquement que des punitions symboliques. « Une menace visuelle ou une insulte [...] valent mieux qu'un coup de bâton sur les fesses ».Il précise enfin que l'idéal serait de ne pas punir du tout car il y a un lien important entre la punition et la violence. Pour Messan, il y a un lien entre les disciplines d'enseignement et l'usage des punitions à l'école.

C'est cette idée qu'a prolongé Halilou (2000) en reconnaissant d'abord le système disciplinaire et punitif comme nécessaire en éducation scolaire. Mais, malgré tout, dit-il, « elle ne donne pas entièrement satisfaction ». Il reprend Messan en affirmant que les punitions symboliques sont les plus appropriées en situation d'apprentissage. Mais les punitions ne règlent pas les vrais problèmes. Puisqu'elles enferment le punisseur et le puni dans une sorte de cercle vicieux.

Bien que Freinet, Chatelain et Neill puissent être classés dans le registre des partisans des écoles nouvelles, Neill s'éloigne sensiblement des deux premiers en refusant l'obéissance et la discipline. « Pourquoi un enfant devrait-il obéir ? »demandait-il. Pour Neill, l'enfant est par nature bon. C'est donc la discipline qui le corrompt. Il en donne un exemple probant : « Enchaînez un chien et de bon chien, il deviendra méchant. Disciplinez un enfant et cet enfant a priori sociable deviendra mauvais, menteur et haineux. » (Neill, 1970 :152). Seule la discipline consentie garantit la liberté de l'enfant et de son être.

Revenant à la vue modérée ou « centriste », nous préciserons que pour ceux-ci il ne s'agira pas de rejeter toutes les punitions en bloc (comme le préconise Neill), mais il faut les utiliser dans des circonstances précises et vraiment nécessaires et aussi dans des conditions rationnelles.

Désamais R. et Gineste R. (1963 : 303) pour qui « ce n'est pas par la crainte, (mais) c'est par l'affection que le maître obtient le travail le plus régulier et le plus productif », après avoir montré l'intention positive qui anime la discipline, parlent de la discipline libérale, de liberté organisée. Pour eux, l'éducation traditionnelle n'amène pas l'enfant à l'acquisition de l'autonomie. L'enseignant doit s'efforcer de trouver une solution d'équilibre entre la discipline stricte et la liberté absolue. L'enseignant doit donc s'efforcer de concilier discipline et liberté. Il parviendra ainsi à la discipline libérale :

- En faisant preuve d'une grande compréhension à l'égard des élèves ;

- En participant à toutes leurs activités, à leurs jeux ;

- En créant un esprit d'équipe par des réalisations communes en tout domaine ;

- En développant l'amour de l'élève ;

- En « sublimant » les instincts d'opposition ou de destruction des agités et des meneurs ;

- En secouant les « indifférents et les amorphes » ;

- En faisant régner un esprit d'équipe, de confiance et de camaraderie ;

- En ayant recours que tout à fait exceptionnellement aux punitions ;

- En n'infligeant pas des punitions collectives.

Cette solution se trouve encore plus réaliste puisque dire simplement qu'il faut supprimer les punitions en éducation scolaire, c'est comme si l'on revenait à une société sans règle et sans « morale » (Durkheim), à une forme de libertinage, de licence ou d'anarchie, de laisser-aller (Saint Augustin). Ce qui est certain, c'est le risque y est grand.

Sur le plan psychologique, le débat reste le même mais un peu plus spécifié. Les théories de l'apprentissage entre autres le renforcement se sont penchés sur ce thème et en ont fait une préoccupation brillante et focale.

La théorie des renforcements a pour pionnier Skinner. Celui-ci distingue les renforcements négatifs de nature aversive (punition) des renforcements positifs de nature attractive (récompense). Pour Skinner (1968), la punition est sans doute un renforçateur privilégié. Mais, en étudiant plus minutieusement l'influence des renforcements dans les phénomènes d'apprentissage, il en vient à condamner les renforcements négatifs dans sa théorie. Pour Skinner (1968), la pédagogie traditionnelle n'utilise souvent que les procédés aversifs, c'est-à-dire les punitions mais aussi de façon maladroite. « Il pouvait y avoir des renforcements positifs (récompenses, plaisir d'apprendre), mais d'une manière générale, l'enfant apprenait pour échapper à la punition. » Pour lui, c'est un système à condamner car générant « anxiété, ennui, agressivité, culpabilité, voire terreur » et conduit à « l'échec de l'enseignement que l'on constate ».

Skinner s'aligne derrière les renforcements positifs qui, selon lui sont les seuls à même d'amener les élèves à améliorer leur travail scolaire. C'est cette optique que défend aussi Le Ny (1974) pour qui, la punition appartient au passé et qu'il faut la remplacer par la récompense.

Pour Cornman (1973), le dressage, c'est-à-dire l'imposition pure et simple de la punition ne peut être utilisée que durant les deux premières années en raison de l'impossibilité à faire appel à la réflexion ou à la conscience morale de l'enfant qui n'existe pas encore. Les punitions sont donc nécessaires à cette époque de la vie. Il s'agit alors d' « éduquer les réflexes de l'enfant en lui donnant des automatismes, des habitudes » (Cornman, 1973 : 253). Dès que l'enfant acquiert une certaine conscience morale (de 4 à 5ans), le dressage peut laisser place à la contrainte morale tenue par le langage donc basée sur la condamnation morale.

Ce parcours de la revue de littérature nous a permis de recenser les études traitant des pratiques punitives. Chacun des travaux a étudié les retombées de l'usage des punitions en éducation scolaire. Beaucoup de ces auteurs sont arrivés à la conclusion qu'il faut supprimer les punitions surtout corporelles en éducation et pourquoi il faut les supprimer. Mais il est à noter qu'il n'y pas d'étude consacrée systématiquement à l'usage des punitions corporelles en milieu scolaire au Togo et ce, sous l'angle spécifique de leur prohibition. C'est dans cette perspective que nous avons repositionné le problème sur les facteurs qui expliquent la non application de la prohibition des punitions corporelles dans le système scolaire togolais et ce, pour combler ce vide. En outre, notre étude trouve là une pertinence focale.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe