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Contribution à  l'étude des origines de la poésie mallarméenne

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par Mohamed Dr Sellam
Université de Bordeaux - Doctorat 1981
  

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VI

La vision cosmique et morale de la poésie mallarméenne.

Mallarmé,à la suite de son maître Baudelaire,considère que le monde n'est perfectible que par le moyen de l'art,seul et unique instrument susceptible de prévaloir le prestige du Beau et du Bien,sur le Mal et la Laideur..Or le monde d'ici-bas,hérissé des maux de la terre,pouvait se purifier et s'épanouir dans sa plendeur originelle,grâce au génie du poéte,qui manipule habilement l'art ainsi que les autres outils de perfectionnement de la société..

Dans la période allant de 1851 à 1852,Baudelaire éprouvait grandement ce besoin impérieux,en affirmant,à la suite d'une crise hystérique ,que toute espérance,toute foi dans le futur,bref dans un au-delà inconnu,réside aussi bien dans sa purification morale que dans sa régénération spirituelle. «Faire tous les matins,écrivit-il dans ses journaux intimes,ma prière à Dieu,réservoir de toute force et de toute justice,à mon père,à Manette et à Poe,comme intercesseurs. ».Mallarmé,au temps de sa pleine maturité intellectuelle,en lisant cette confession,si insignifiante et banale fût-elle,comprit aussitôt que son maître,loin d'avoir été superstitieux et naïf,tendait effectivement à la perfection morale et divine.

 De plus,il s'avérait que,à l'occasion d'un article écrit sur« Pierre Dupont » Baudelaire condamnait énergiquement « La puérile utopie de l'école de l'art pour l'art » pour avoir exclu de la poésie la passion et la morale et ,prenant le contre-pied de ces poétes utopistes,il exalte avec une ferveur inattendue « l'idée de la vertu et de l'amour universel «  tout en s'insurgeant en même temps contre ces poétes hellénistes qui se dévouaient trop délibérément à la peinture de la passion et de la morale du temps révolu et de l'ère paienne..C'est en effet dans cet ordre d'idées que Mallarmé a entrepris -du moins pour un temps-de se lancer sur les traces du maître..Et repoussant trop dédaigneusement les préceptes et dogmes tant respectés de l'école de l'art pour l'art,il conçut une poésie,non pas pragmatiquement utilitaire,mais une poésie qui,visant à réformer le monde,tant sur le plan moral qu'intellectuel,s'élevait au-dessus de toutes les considérations matérielles viles.«C'est un genre assez nouveau que cette poésie oû les effets matériels du sang,des nerfs sont analysés et mêlés aux effets moraux de l'esprit et de l'âme » 

Cet univers poétique,de lumière et de sons,né dans les creux obscurs de son âme énergique,émergea à la surface sous forme d'inspiration divine et l'on assiste à la fois ému et ébaubi -à une transfiguration idéale et éthique en même temps dans l'espace physique que psychique-transfiguration dont le seul mérite est d'élever le sens du bonheur au rang d'une valeur vitale,céleste et sacrée,inséparable de celle du rêve et du beau,ne s'affirmant et ne se confirmant que par le biais du rêve,né et entretenu dans les sein de cette nouvelle poésie..

Ainsi,bien que Mallarmé se fût montré plus d'une fois fort réticent à l'égard de la religion,qu'il condamnait comme illusion et mystification,une religion nantie du pouvoir aveugle et de la tyrannie de réduire et d'aliéner l'esprit humain,tout en suggérant toutefois un autre substitut plus salutaire,à savoir la puissance divine de l'art,qui agit plus bénéfiquement sur les esprits dans le dessein de les parfaire jusqu'à atteindre un idéal plus sublime..

La perfection morale ou le dépassement de soi était le but essentiel-sinon exclusif-de Mallarmé,qu'il joignit en particulier à celui de perfection artistique et esthétique,qu'il n'aurait pu dissocier du premier. 

«Malheureusement,affirma-t-il dans une lettre écrite à Cazalis en avril 1850,en creusant le vers à ce point,j'ai rencontré deux abîmes qui me désespèrent :l'un est le néant auquel je suis arrivé sans commande ,l'autre le bouddhisme et je suis encore trop naïf pour pouvoir croire même à ma poésie et me remettre à un travail que cette pensée écrasante m'a fait abandonner » Ainsi la recherche du perfectionnement artistique le conduisit inéluctablement à un désespoir que l'on pouvait qualifier à juste titre de métaphysique.

Plus il cherche à atteindre la perfection,plus son désespoir s'accroît indéfinément,pour aboutir en fin de compte à un vide absolu,à une inanité cruelle,très proche de l'effondrement total,dont nul ne pouvait déceler les vraies motivations..

A certains moments de sa vie,lorsqu'il entreprenait à purger pleinement son être de tous les vices congénitaux et de toutes les tares physiques apparentes ou latentes,il entrevoyait avec horreur le néant,la vanité de tout travail et l'ombre vague de la religion l'enveloppa d'un suaire terrible,étouffant, mortellement asphyxiant,à tel point qu'il se mit a songer à embrasser ,à l'instar de Leconte de Lisle,la nouvelle religion bouddhiste,comme substitut à la religion chrétienne,qu'il ne trouva pas tout à fait à son goût ni conforme à son esprit,que hantait perpétuellement le culte de l'art.47(*)

De plus,ce qui avait vraiment conduit Mallarmé à une crise morale aiguë,c'était sa santé ,en état de délabrement continuel,qu'il dédaignait par ailleurs de ménager,absorbé qu 'il était par un labeur physique intense,tiraillé par un dilemme angoissant,entre la résignation à un état moral naturel et l'insurrection intellectuelle contre cet état stationnaire,ce qui lui aurait permis précisément d'y apporter une transformation totale,apte même à parfaire l'humanité dans son ensemble.

La mort soudaine de son grand-père48(*),qu'il adorait et aux obsèques duquel il avait assisté,le plongea davantage dans un deuil infini-Pire encore,la maladie de Baudelaire,atteint depuis belle lurette de faiblesse de coeur et déjà d'une santé fort chancelante,acheva pour de bon de l'anéantir moralement et psychologiquement..

Ses tourments,aigris par un pessimisme sombre,durèrent jusqu'à la fin de 1866,pour atteindre un point culminant ,au point de croire que sa fin était imminente.

C'est dans ces circonstances terribles,qu'il a eu l'impression qu'une vision étrange d'une poésie purifiante,a fait jour dans soin esprit,telle une étincelle éblouissante qui a balayé d'un seul coup tous les maux tragiques dont il souffrait..

Cette vision lumineuse ,surgie en effet au sein de son esprit défaillant,et qui l'a libéré de l'état de désespoir oû il était,nous rappelle en quelque sorte l'impact spirituel qu' a exercé sur lui la théorie hégélienne ; ;mais Mallarmé,à en juger par sa position vis-à-vis du philosophe allemand,était moins enclin à reconnaître fermement son influence,d'ailleurs évidente dans la plus grande partie de son oeuvre..Il affirma au contraire que,c'est grâce à sa sensibilité aiguë,à son intuition pénètrante,qu'il a été amené à forger une nouvelle forme de poésie universelle et dans ce sens,il écrivit en 1867,à villiers de Lisle Adam : « J'avais,à la faveur d'une grande sensibilité,compris la corrélation intime de la poésie avec l'univers,et,pour qu'elle fût pure,conçu le dessein de la faire sortir du rêve et du hasard et de la juxtaposer à la conception de l'univers :malheureusement,âme organisée simplement pour la jouissance poétique,je n'ai pu,dans la tâche préalable de cette conception,comme vous,disposer d'un Esprit--et je vous confie que je suis arrivé à l'Idée de l'univers par la seule sensation(et que,par exemple,pour garder une notion ineffaýçable du néant pur,j'a dü imposer à mon cerveau la sensation du vide absolu..Le miroir qui m'a réfléchi l'être a été souvent l'horreur... »

 Pour Mallarmé,le monde,en tant que phénomène naturel,ne présente rien d'autre que ruine et désastre ...Cette idée est par ailleurs mitigée par une disposition quasi instinctive de vouloir réformer tout ,ce qui l'a conduit au bout du compte à insinuer sans oresque réfléchir : «Le monde est fait pour aboutir à un beau livre. »

De quoi serait-il fait ce beau livre ?Serait-ce par le tragique,l'horreur des séquences et des contingences dont son esprit était constamment obsédé ?

Ou encore il serait beau par cet amas de visées presque intuitives relatives au perfectionnement de la race humaine ?

D'ailleurs,notre monde est-il perfectible Se laisse-t-il enfin se décharger du fardeau des maux qui l'accablait au fil des siécles ?Quoi qu'il en soit ce «beau livre »n'est en vérité qu'une utopie,une vision idéaliste qui s'effrite aussitôt avec l'apparition de la réalité absolue,car ce n'est ni Hérodiade ni non plus l'Après -midi d'un Faune n'avaient porté en eux les germes de la purification de l'humanité..

Mais,toutefois,si l'amélioration du monde s'avérait effectivement impossible,la théorie hégélienne à laquelle Mallarmé croyait indubitablement et d'après laquelle l'Idée logique comme un mystérieux absolu se dissoudrait et se transformerait en l'univers,au lieu de s'isoler comme Dieu,dans la providence duquel d'ailleurs Mallarmé ne croyait absolument pas..Or cette Idée logique,telle une semence dans un jardin inculte,pouvait donner ses fruits et parfaire l'amélioration morale du monde.Dans une une interprétation de la pensée hégélienne,le philosophe Bénard a fait remarque que « Dieu lui-même se fait homme,le Dieu qui se sait,à la fois individuel et universel...L'être universel ne se manifeste pas seulement dans la personne du Christ mais dans l'humanité toute entière...ce développement de l'absolu qui se contemple ainsi dans le monde moral sans sortir de son essence est la paix,l'harmonie,de l'esprit avec lui-même dans son objectivité »Le monde deviendra poétique,lorsque avec le temps,l'Idée du Bien et du Beau s'ancre et s'enracine dans le sol stérile de l'humanité..et l'homme qui aspire toujours à la libération de soi,au réconfort et à la jouissance,loin de la douleur et du mal,réalise par son génie divin .« la coorélation intime de la poésie avec l'univers »l'homme dès lors ne fera plus partie de l'univers,mais il y sera absorbé,tel le fini dans l'infini,selon la pensée pascalienne..C'est également là la vraie hantise qui n'a pas cessé de tourmenter Mallarmé.«C'est,écrivit-il encore à Cazalis dans une lettre datée du 14 mai 1867,c'est t'apprendre que je suis impersonnel,et non plus Stéphane que tu as connu--mais une aptitude qu'à l'univers à se voir et à se ressentir     

à travers ce qui fut moi.. »Ainsi,pour Mallarmé du moins,le devoir de l'homme,comme de sa destinée,est de lutter,de lutter afin de pouvoir se rapprocher le plus près possible de l'impossible idéal de pureté,représenté par Igitur dans « Un coup de dés.... » ;c'est pour cela que,dans la poésie mallarméenne,telle la fusion du fini avec l'infini ou le temporel avec le spirituel--le sujet est confondu avec l'objet,sans pour autant provoquer de confusion au niveau de l'Idée,puisque,en dernier ressort,le sujet est toujours Mallarmé lui-même ou à plus forte raison le poéte qui s'identifie à tous les autres poétes et par là à l'humanité entière..

* 47 Mallarmé n'est pas athée,mais c'est un poéte que la poésie a aliéné jusqu'à oublier la religion.

* 48 -Il est question évidemment de son grand-père maternel,mort à Versailles en 1869,Il fut son tuteur après la mort du père du poéte en 1863.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984