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Enjeux de la grande distribution helvétique. Analyse socio- économique et stratégique de l'évolution des acteurs de la grande distribution alimentaire en Suisse

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par Dominique - Nicolas Tinguely - Mueller
Université de Genève - Baccalauréat universitaire en gestion d'entreprise 2007
  

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Introduction du marché suisse

Waro, EPA / UNIP, ABM, Pick-Pay, Primo, Vis-à-Vis, Magro, Jumbo, Grand-Passage / Innovation / Jelmoli, bientôt Carrefour : Toutes ces enseignes suisses de grande distribution alimentaire nous les connaissions, nous les fréquentions, elles font partie du paysage des magasins alimentaires suisses. Plus exactement elles faisaient partie du paysage car elles ont toutes disparu ou ont annoncé leur intention de disparaître de notre pays si particulier en termes de grande distribution.

Ces quinze dernières années, nous avons assisté à de très nombreuses fusions et absorptions, une concentration et disparition d'acteurs de la grande distribution qui inquiètent les consommateurs et qui sont le résultat d'une suite stratégique et politique qu'il aurait fallu limiter ou réglementer trente ans plus tôt.

Le marché suisse de la grande distribution alimentaire, soit l'ensemble des magasins qui vendent des produits alimentaires de catégories multiples (viande, biscuits, pâtes), des produits manufacturés (boîtes de conserves, barquettes) mais également des produits d'utilisation courante comme des produits d'hygiène ou d'entretien, est très particulier en termes de comparaison internationale. En effet, nulle part ailleurs dans les pays industrialisés, deux groupes détiennent à eux seuls près de 90% du marché. Ces deux groupes sont devenus tellement présents dans la vie des consommateurs suisses que la société les a affublé d'un déterminant ou de divers surnoms : la Migros, connue également sous le nom de « géant orange » et Coop sous celui de « la Coop » ou la « Coopé ».

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Notons que ces deux entreprises sont hautement appréciées des citoyens suisses et qu'elles jouissent d'une très bonne image en termes de sérieux, environnement, avant-gardisme, service, qualité des produits, prix attrayants. Il semble impossible d'imaginer une Suisse sans Coop et Migros.

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Ces deux entreprises de forme coopérative rythment presque chaque jour un peu plus la vie des citoyens suisses. Elles ont une forte influence politique et possèdent en plus de leurs magasins homonymes une multitude d'autres acteurs du commerce de détail suisse. Il est impossible de vivre en Suisse sans consommer Migros ou Coop ! Régulièrement ces deux coopératives investissent de nouveaux marchés, se livrant officiellement une rude bataille concurrentielle dans des domaines de plus en plus larges, en l'occurrence : Électronique, Hi-Fi vidéo, Électroménager, Grande distribution alimentaire, Téléphonie, Assurances, Banques, Bricolage, Ameublement, Jardinage, Luminaires, Parcs de loisirs, Stations d'essence, Grands Magasins citadins, Cartes de crédit, Culture et Spectacles, Dépannage routier, Librairies, etc...

En tant que coopératives, Migros et Coop possèdent également des entreprises de production ou de transformation de denrées alimentaires très diverses qui couvrent pratiquement toute la gamme possible de l'alimentaire transformé. Ces deux entreprises, de par leur implantation dans la vie économique suisse et les très nombreux emplois qu'elles génèrent, ont un poids économique et surtout politique dont les médias ne parlent que peu ou pas.

Ces géants suisses sont inquiétés par la venue annoncée de deux acteurs allemands, Lidl et Aldi, des magasins de maxidiscompte (Hard discount), qui suivent une politique agressive de prix bas.

Ces deux groupes allemands ont une force financière éminemment plus importante que Migros et Coop et bien que ces deux entreprises n'aient pas à craindre une faillite, il se pourrait que leurs importantes parts de marché dans le secteur alimentaire, diminuent quelque peu.

La seule annonce de la venue d'Aldi et Lidl a suffi à réveiller ou accentuer la concurrence entre les deux géants suisses. Existe-t-il un duopole ou une entente cartelaire sur les prix, la concurrence est-elle efficace dans le secteur de la grande distribution alimentaire, qu'en est-il pour le consommateur en termes de prix mais aussi de qualité des produits, de choix, d'innovation, de goût, et qu'en est-il pour les producteurs indépendants des grands groupes internationaux ou de nos deux coopératives ?

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Entrée et sortie d'acteurs sur le marché suisse

de la distribution alimentaire

Pendant très longtemps, le marché suisse, protégé et difficile d'accès pour les entreprises étrangères (normes particulières, frais de douanes, etc.), à été exclusivement en mains suisses. Cependant certains acteurs étrangers, tous beaucoup plus importants que Migros et Coop, ont tenté une intrusion en Suisse :

Rewe Suisse

Rewe, groupe allemand, a racheté le 11 juin 2003 le troisième groupe suisse du moment soit « Bon Appétit Group » qui venait de revendre son magasin en ligne « LeShop » à Migros car il avait de la peine à démarrer. Bon Appétit Groupe possédait les enseignes « Pick-Pay » et « Magro » ; cette dernière étant surtout présente en Valais, ainsi que le groupe de distribution de proximité Usego avec ses enseignes « Primo » et « Vis-à-Vis ».

Rewe s'est vite rendu compte qu'aucun développement n'était possible à terme avec Bon Appétit Group.

 

Les enseignes Pick-Pay étant principalement situées dans des bâtiments Migros avec des baux Migros, Pick-Pay agissait comme complément à Migros qui ne vend pas d'alcool ni de cigarettes et ne vend pratiquement que des marques distributeur. Pick-Pay vendait quelques marques « Phares », du vin, de l'alcool et des cigarettes.

De son côté, les magasins « Magro » sont à mi-chemin entre un dépôt de gros pour professionnels (même modèle que le groupe « Aligro » à Genève) et les magasins grand public. Magro avait 10 magasins sous son enseigne et était présent surtout en Valais et dans

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quelques cantons romands. Sans grande évolution depuis 1996, Bon Appétit Groupe à acquis Magro en 2000 et ouvert 3 magasins.

Rewe a tenté de transformer les Pick-Pay en mini-discompte avec des produits d'appel premier prix de marque et la ligne « Clever ». Le projet de lancer l'enseigne « Penny Market » (Maxi-discompte de Rewe) en transformant les Pick-Pay a également été étudié.

Le groupe Rewe s'est résolu à vendre sa branche suisse en cédant les principaux Pick-Pay à Denner (Rast Holding, Phillipe Gaeydoul), avec la bénédiction de la Migros, et les Pick-Pay franchisés ou les Pick-Fresh à « La Valaisanne Holding » (LVH) propriétaire des magasins valaisans : PAM (Produits Alimentaires Martigny).

Rewe à également revendu son pôle Usego de Suisse romande à LVH avec les enseignes « Promo » et « Vis-à-Vis » de Suisse romande qui ont été intégrées au réseau PAM.

Le pôle suisse alémanique de Usego ainsi que les enseignes « Primo » » et « Vis-à-Vis » de Suisse alémanique ont été cédées aux magasins « Volg », qui appartiennent à une troisième importante coopérative suisse, la FENACO, Société Coopérative des agriculteurs suisses. Elle possède entre autres les magasins « Landi ». les stations services « Agrola » et Unidrink SA qui lui, détient entre autres les jus « Ramseier » et « Granador », les eaux « Elmer » et la licence suisse pour « Pepsi » et « Sinalco ».

En novembre 2004, les magasins « Magro » ont été cédés à un investisseur français, Monsieur Paul-Louis Chailleux possédant plus de trente ans d'expérience dans la grande distribution et propriétaire en France de plusieurs supermarchés sous enseigne franchisée « Casino » (5ème groupe en France, derrière Leclerc, Carrefour, Auchan et ITM-InterMarché). « Peu après, la direction valaisanne du groupe avait démissionné en bloc, en désaccord avec la stratégie du nouveau patron. »1

En décembre 2004, les produits Casino et Premier Prix Casino arrivent en rayons et au cours du printemps 2005, l'ensemble des enseignes « Magro » deviennent « Casino » (en franchise).

1 TSR-INFO. (24 février 2005). Consulté le 20 septembre 2007 sur le site http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200000&wysistatpr=www.tsrinfo.ch

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-- Pick-Pay -) Denner

-- Pick-Pay Partenaire, Pick-Fresh --) PAM/LVH

-- Usego Suisse romande Primo, Vis-à-Vis --) PAM/LVH

-- Usego Suisse alémanique Primo, Vis-à-Vis --) Volg

-- MAGRO --) Vendu à Paul-Louis Chailleux sous franchise « Casino »

Carrefour

 
 

Au début des années 1990, le groupe français Carrefour (Hypermarché Carrefour) a tenté une entrée en Suisse avec deux hypermarchés en Suisse romande, un à Lausanne et un à Bienne. En 1991, Carrefour s'est retiré et a revendu ses deux hypermarchés à Migros.

A noter qu'à l'époque, les années 90, Carrefour n'avait pas fusionné avec le français « Promodès » (Hypermarché Continent, Supermarché Champion) et était le numéro 6 mondial. C'est par la suite, en 1998, que Carrefour a racheté les « Comptoirs modernes » (Supermarché : Stoc) et est ainsi passé du numéro 6 au numéro 4 mondial devant Metro et Sears. En 1999, Carrefour a fusionné avec son principal concurrent « Promodès » pour éviter une éventuelle OPA de Wal-Mart sur les deux leaders français, et devient numéro 2 mondial et numéro 1 européen. Suite à la fusion, les enseignes « Continent » et « Stoc » ont été abandonnées.

Le 2 octobre 2000, Carrefour alors numéro 2 mondial derrière Wal-Mart et numéro 1 européen, signe une participation conjointe avec le groupe Maus Frères (« Jumbo », « Manor », « Athleticum », « Lacoste ») dans Distributis, propriétaire des hypermarchés « Jumbo ».

Carrefour prend 40 %, puis plus tard 50% de Distributis. Le 1er janvier 2001, les 11 hypermarchés « Jumbo » passent sous l'enseigne « Carrefour ». La majorité des produits est confectionnée spécialement pour Distributis et a été reprise des magasins Jumbo. Carrefour a amené sa stratégie de marketing, certains produits à bas prix et mène une politique de

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promotion à la semaine avec un journal distribué en tout ménage, sur le modèle de ce que fait pratiquement chaque enseigne.

Le 21 août 2007, Carrefour et son associé Maus Frères ont annoncé la cession des 12 hypermarchés Carrefour de Suisse au groupe Coop pour 470 millions de francs suisses. 2200 collaborateurs sont concernés. En 2006, Carrefour Suisse représentait 1,1 % du marché en volume pour un chiffre d'affaires de 950 millions de francs. Cette cession à Coop doit encore recevoir l'aval de la Commission suisse de la Concurrence.

Carrefour international à décidé de quitter le pays car il n'est pas numéro 1 ni numéro 2, ceci en accord avec sa nouvelle politique stratégique. A son arrivée, le groupe français avait annoncé la construction d'un hypermarché par an. Or, en 7 ans, un seul hypermarché a été ouvert. La difficulté de construire et les spécificités suisses en termes de normes techniques ont fortement empêché le développement de Carrefour en Suisse.

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Rétrospective des concentrations

Globus

Migros reprend le groupe Globus en 1997 et par-là l'enseigne « ABM, Au Bon Marché ». Sur le même segment que l'EPA/Unip, « Grand Bazar » bon marché. Les bénéfices d'ABM s'érodent régulièrement pour atteindre un chiffre négatif en 2001. Après analyse il ressort qu'un fort investissement serait nécessaire pour relancer les ventes de cette chaîne et que son principal concurrent EPA est mieux placé sur le secteur des Grands Magasins à bon prix qu'ABM. Le Groupe Globus/Migros décide alors en 2001 de repositionner les magasins ABM avec d'autres concepts : en magasins de mode Oviesse, drogueries Estorel, Coffee-Shops Nannini, ou transformé en Globus. En 2003, constatant l'échec du repositionnement des magasins ABM, Globus/Migros se séparent des surfaces de ventes.

Jumbo

Le 2 octobre 2000, Carrefour reprend les marchés « Jumbo » en participation conjointe dans Distributis avec « Maus Frères », propriétaire de « Manor ».

Waro et Rast Holding

Le 1 janvier 2003, les 10 Hypermarchés, 15 Supermarchés, 3 marchés, 13 stations services, 15 restaurants et les actifs immobiliers de « Waro », de couleur Verte et Jaune (un bâtiment aux couleurs « Waro » est présent le long de l'autoroute Genève Lausanne au niveau de Gland), ont été vendus à Coop.

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Waro faisait partie de Rast Holding S.A . (100% Famille Gaeydoul) qui possédait à l'époque les discomptes (discount) « Denner » et les magasins de jouets « Franz Carl Weber » vendus en 2006 au français « Ludendo ».

Cette opération a permis à Coop de mettre la main sur 22 magasins en Suisse alémanique et 6 en Suisse romande et surtout, de rattraper son retard dans les surfaces de 1500 à 5000 m2 et ainsi d'abandonner plusieurs projets de construction. (Consulter les graphiques de la répartition des magasins Coop en annexe).

Coop a déclaré à l'époque que les emplacements pour grandes surfaces étaient rares en Suisse et souvent déjà construits. De plus les procédures d'autorisation de construction sont longues2.

À la suite de cette vente, Rast Holding S.A. sous la conduite de son célèbre patron Phillipe Gaeydoul, a fortement investi dans la rénovation et l'amélioration de Denner, transformant ses magasins plus proches à l'époque d'un maxidiscompte de marque, on parlait alors de 600 références, en magasin discompte possédant plus de références (1'400 références) et en réintroduisant fortement des marques à hauteur de 75%3.

Des produits laitiers et du pain frais ont fait leur apparition et par la suite des fruits et des légumes sur la base, semble-t-il, d'un modèle développé en France par le groupe Carrefour avec ses magasins de discompte « ED, l'épicier » et les produits « Dia % ». Denner à créé sa marque de distributeur (MDD) « Denner » vendant ainsi ses produits premier prix a côté de produits de marques. Par exemple, les yaourts Denner et les yaourts Hirtz de Nestlé, du café soluble Denner à côté du café de marque.

De par cette revalorisation de ses enseignes et un repositionnement stratégique bien en phase avec ce qui se faisait à l'étranger, Denner a enregistré ces dernières années une hausse de son chiffre d'affaires/parts de marché bien plus importante que la moyenne et atteignant parfois les 2 chiffres. (+11.8 % en 2004)4

2 Communiqué de presse Coop

3 PROMARCA. (2002). « Rapport annuel de Promarca 2002. » Consulté le 2 octobre 2007 sur le site http://www.promarca.ch/

4 TSR-INFO. (05 septembre 2005). Consulté le 23 septembre sur le site http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200000&wysistatpr=www.tsrinfo.ch

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EPA, Uniprix

EPA, mais également Grands Magasins S.A., Uniprix, l'Unip, une enseigne aux noms multiples selon les époques et la région linguistique. « On trouve tout à l'Unip » « l'EPA c'est l'Unip » sorte de magasin « Grand Bazard » sur le modèle de la « Samaritaine » ou du BHV (Bazard de l'hôtel de Ville) à Paris.

Les magasins EPA étaient implantés dans les centres-villes et étaient réputés pour leurs prix bas sur la quincaillerie, les parfums, les cosmétiques, les jeans et les habits, etc.

Les magasins EPA entrent dans le cadre de cette étude car comme tout Grand Magasin ils faisaient également marché alimentaire. Bien que la vocation première des Uniprix n'était pas l'alimentaire, cette dernière fait partie d'une obligation qui veut que l'on puisse faire ses courses en même temps que ses achats.

 

EPA a été fondé dans les années 1930 et était détenu par Oscar Weber Holding (OWH) du nom du fondateur d'EPA. OWH est la propriété de trois familles. En 2002 OWH est démantelé, les activités immobilières sont transférées à Swissville (groupe Rentenanstalt), les magasins EPA sont repris à 100% par la famille Buhofer. Les 90 magasins franchisés « EPA/Superdiscount » sont remis à Bon Appétit Groupe et passent sous enseigne Pick-Pay.

En avril 2002, la famille propriétaire d'EPA S.A. et Coop signent un partenariat. Coop prend 40 % de EPA S.A. et une option sur la majorité du capital à utiliser entre 2004 et 2009. Coop gèrera les achats et la vente « nourriture » des 39 magasins EPA et de ses 22 restaurants. Cette prise de participation est annoncée comme un rapprochement stratégique dans le but de renforcer la position des deux enseignes et de devenir numéro 2 dans le domaine des « Grands Magasins » derrière « Manor ». Il est annoncé dans le communiqué de presse que « EPA reste EPA ». Les enseignes EPA sont conservées.

Il est annoncé le 30 novembre 2002 qu'à compter du 1er janvier 2003, les magasins EPA seront progressivement transformés en un nouveau concept de Grands Magasins et porteront le nom de la marque de tutelle « Coop City » tout en conservant leur autonomie. La nouvelle

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direction des magasins EPA reste dans une large mesure entre les mains de responsables EPA. 3 magasins seront fermés : EPA Sion le 30 juin 2004 ; EPA Wetzikon le 1 janvier 2005 et le Coop City Märthof de Bâle le 30 septembre 2003.

Cette décision semble motivée par le constat que le segment des petits prix ciblés par EPA n'est plus rentable et n'offre que peu ou prou de perspectives d'avenir. Il faut repositionner les Grands Magasins EPA. Le concept des Coop City, Grands Magasins à la sauce Coop est alors développé.

Le 1er janvier 2004, Coop prend 100% du capital d'EPA et le 22 juin 2004, Coop annonce la fermeture de 9 ex magasins EPA entre janvier et décembre 2005: EPA Regensdorf, EPA Volketswil, EPA Brugg, EPA Granges, EPA Lausanne Métropole, EPA Sierre, EPA La Chaux-de-Fonds, EPA Kreuzlingen et EPA Vevey. Le 30 novembre 2004, Coop annonce l'ouverture pour septembre 2005 d'un Interdiscount XXL à la place de l'ex EPA de la Croix-d'Or à Genève.

Les Valaisans, PAM, Magro et Usego

A l'automne 2004, les magasins PAM sont repris par LVH, une société fondée peu de temps avant et inconnue jusqu'à présent, qui fait son entrée dans le secteur de la grande distribution Helvétique.

 

En novembre 2004, Magro (Bon Appétit Groupe/Rewe) passe en mains d'un privé français puis, au printemps 2005, sous franchise Casino.

Le 10 février 2005, Usego (Bon Appétit Groupe/Rewe) : les 77 Primo et les 161 Vis-à-vis de Suisse romande passent sous enseigne « PAM » ou « Proxi » via LVH en Suisse romande et le 14 décembre 2004, les 218 Primo et 394 Vis-à- vis de Suisse alémanique sous enseigne « Volg » via la Coopérative agricole FENACO.

« Bon appétit justifie ces désengagements par le fait que le commerce de détail en petite surface n'est plus rentable pour lui depuis plusieurs années. Le nombre de points de vente

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livrés a reculé de 35 % depuis 1995. Le chiffre d'affaires d'Usego généré dans le commerce alimentaire de gros est passé de 700 millions de francs en 1999 à 400 millions aujourd'hui. »

Pick-Pay

 
 

Le 1er novembre 2005, les 75 détaillants franchisés Pick-Fresh et Pick-Pay partenaires sont cédés par Bon Appétit Groupe/Rewe à LVH. Ils passeront sous enseigne PAM et Proxi.

Le 5 septembre 2005, Denner reprend les 146 magasins Pick-Pay a Bon Appétit Groupe/Rewe portant ainsi le nombre de magasins Denner à plus de 700. « C'est la plus grande acquisition dans l'histoire de Denner», a déclaré son directeur Philippe Gaydoul. Les magasins Pick-Pay, toujours situés à proximité des Migros pour y vendre des produits complémentaires à l'offre de Migros (vins, alcool, cigarettes, produits phares/stars de marques suisses ou internationales), passeront sous l'enseigne Denner.

Cette acquisition permet à Denner de devenir le 3ème distributeur suisse après le démantèlement et la liquidation des activités de Bon Appétit Groupe par son propriétaire, l'allemand Rewe.5

Denner

Le 12 janvier 2007, Migros et Denner annoncent sous le slogan « Denner reste Denner » leur intention de passer Denner sous le giron de Migros. « Migros rachète 70% du capital du discounter Denner. Le patron de ce dernier, Philippe Gaydoul, garde les parts restantes et en conserve la direction pendant au moins trois ans. Le prix de la transaction n'a pas été dévoilé. Denner restera une entreprise indépendante et les 3500 emplois sont garantis. »6

5 Les informations de ce chapitre sont issues de trois sources : http://www.tagesanzeiger.ch/dyn/news/wirtschaft/393987.html http://www.kvschweiz.ch/sw739.asp http://classic.facts.ch/dyn/magazin/wirtschaft/766168.html

6 TSR-INFO. (12 janvier 2007). Consulté le 15 octobre 2007 sur le site http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200700&sid=7423756

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Le 3 septembre 2007, « La Comco, tout en donnant son aval, a énoncé cinq conditions, dont la plupart sont valables sept ans, du moins tant que les hard discounters allemands Aldi et Lidl n'auront pas ouvert ensemble au moins 250 magasins. La première consiste à maintenir l'indépendance de Denner, notamment du point de vue de l'identité visuelle. Migros doit s'engager à ne racheter aucun autre détaillant dans le secteur alimentaire en Suisse. «Nous n'achèterons donc ni Coop ni Aldi», a ironisé Herbert Bolliger. Les administrateurs de Denner devront être majoritairement autonomes à l'égard du géant orange. De plus, Migros n'est pas autorisé au cours des trois prochaines années à ouvrir des magasins M-Budget, ce qui reviendrait à créer une nouvelle chaîne de discounts. Enfin, des restrictions sont posées au niveau de l'approvisionnement, en vue notamment de ne pas pénaliser les petits et moyens fournisseurs suisses. »7

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7 ATS. (4 septembre 2007) Consulté le 15 octobre 2007 sur le site http://www.romandie.com/infos/news2/200709041631000AWPCH.asp

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La déferlante allemande : aubaine ou menace ?

Depuis quelques années déjà, on parle beaucoup de l'entrée, et pour les nommer tout de suite : Aldi et Lidl, des Hard Discounters allemands sur le marché suisse. La presse et les médias en ont parlé abondamment et en ont fait ainsi un sujet de discussion important, qui a constitué de ce fait une bonne publicité pour les deux distributeurs tudesques, publicité de surcroît gratuite8.

Certains voient dans cette entrée une aubaine pour toute l'économie suisse, au travers de la baisse des prix dont bénéficieraient les consommateurs9 ; d'autres, en revanche, appréhendent l'arrivée des Allemands, soit parce qu'ils craignent pour la qualité de l'alimentation10, soit parce qu'ils ont peur pour la condition sociale des employés.11

Actuellement (été 2007), il y a 34 succursales Aldi12 mais aucune succursale Lidl13 en Suisse. Ceci n'est pas encore beaucoup, mais correspond bien aux stratégies que les deux hard discounters ont déjà appliquées dans d'autres pays. Aldi entre sur un nouveau marché par étapes successives alors que Lidl ouvre généralement d'un coup un grand nombre de filiales. C'est ainsi qu'on peut s'attendre à une cinquantaine de succursales Lidl d'ici à la fin 2008. 170 filiales d'Aldi et Lidl ensemble, sont à cette date déjà planifiées, et vu que chacun des huit centres de distribution (4 pour Lidl et 4 pour Aldi) peut approvisionner jusqu'à 60 filiales, on pourrait se retrouver avec 480 filiales dans quelques années. Il semble donc que le petit pays peuplé « d'irréductibles Helvètes » ne résistera plus pour longtemps à l'envahisseur (en citant librement René Goscinny), d'autant plus qu'il est déjà entouré par des pays qui sont « occupés » par Aldi (Allemagne, Autriche,

8 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007

9 PANTZER, A. (25 juillet 2005). « Aldi und Lidl mischen den Detailhandel auf. » Consulté le 27 juin 2007 sur le site http://emagazine.credit-

suisse.com/app/article/index.cfm?fuseaction=OpenArticle&aoid=104775&lang=de

10 UNITERRE. (2004). « La course au dumping des prix ? » Edito du journal Uniterre du mois de novembre 2004

11 SYNA. (SANS DATE). « Aldi - A la limite de la loi. » Consulté le 27 juin 2007 sur le site http://www.syna.ch/secteurs-branches/secteur-tertiaire/commerce-de-details/aldi.html

12 ALDI SUISSE AG. (SANS DATE). Site d'Aldi Suisse. Consulté le 27 juin 2007 sur le site http://suisse.aldi.com/

13 LIDL. (SANS DATE). Site de Lidl Suisse. Consulté le 27 juin 2007 sur le site http://www.lidl.ch/ch/home_fr.nsf/pages/i.home

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France) et Lidl (Allemagne, Autriche, France, Italie). Et il y a de bonnes chances qu'Aldi ne quitte pas de sitôt la Suisse, étant donné qu'il n'a encore jamais quitté un pays où il s'était installé, quitte à accepter des pertes opérationnelles durant les premières années. Lidl a toutefois déjà abandonné des marchés quand la situation est devenue trop difficile. Ce fut notamment le cas des pays baltes et de la Norvège.14

Dans ce chapitre, nous allons faire une projection sur les parts de marchés attendues de Lidl et Aldi dans les années qui viennent, en exposant simultanément les enjeux, le risque et l'utilité de l'arrivée des hard discounters en Suisse.

Importance du réseau

Plusieurs indices nous amènent à croire que les deux détaillants allemands à prix cassés ne vont pas réellement bouleverser le marché suisse. Le premier indice est l'importance du réseau, toute relative comparée au réseau des magasins Coop et Migros. Nous avons vu qu'Aldi et Lidl ensemble auraient au maximum 480 filiales, en tenant compte des centres de distribution actuellement prévus. En comparant cela au nombre de magasins détenus par Migros (530)15 et Coop (802)16, nous voyons qu'il faut relativiser l'importance du réseau des hard discounters allemands. Denner, le concurrent sans doute le plus direct d'Aldi et Lidl qui désormais appartient à Migros, détient quant à lui 727 magasins17 (y compris les Denner Satellite). De ce fait, tout en n'étant pas en nombre ridicule, la quantité des magasins Aldi et Lidl est plutôt restreinte par rapport aux grands acteurs de la distribution suisse.

Si on compte 7 523 934 habitants pour la Suisse18 et qu'on envisage 480 filiales Aldi et Lidl, ceci donne 6.38 magasins pour 100'000 habitants. En tenant compte seulement du nombre de 170 filiales prévues à ce jour, le chiffre se réduit à 2.26 magasins pour 100'000 habitants. En comparant avec l'Allemagne, le pays d'origine du hard discount, on trouve19 7.85 magasins

14 HEER, G. (12 juin 2007). « Aldi/Lidl: Nun machen deutsche Discounter ernst. » Handelszeitung du 12 juin 2007. Consulté le 27 juin 2007 sur le site

http://www.handelszeitung.ch/de/artikelanzeige/artikelanzeige.asp?pkBerichtNr=154785

15 RAPPORT DE GESTION MIGROS. (2006).

16 RAPPORT DE GESTION COOP. (2006).

17 DENNER. (SANS DATE). Site de Denner. Consulté le 29 juin 2007 sur le site http://www.denner.ch/de/filialen/filialen_suche.php?1

18 POPULATION DATA. (SANS DATE). Consulté le 30 juin 2007 sur le site http://www.populationdata.net/europe.php

19 KPMG. (2005). « Der deutsche Lebensmitteleinzelhandel aus Verbrauchersicht. » P.5

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Aldi et Lidl pour 100'000 habitants. Et par comparaison avec la France, on constate qu'il y a 1951 magasins Lidl et Aldi, ce qui donne 3.2 magasins Aldi et Lidl pour 100'000 habitants20.

Il faut bien relativiser ces chiffres concernant l'Allemagne et la France : dans ces deux pays, Aldi et Lidl font bien partie des hard discounters les plus importants sur le marché (et même les deux plus grands en ce qui concerne l'Allemagne), mais ils ne sont pas les seuls dans cette catégorie. En France, il y a, entre autres, les chaînes Ed, LeaderPrice, Netto et le Mutant et en Allemagne, nous pouvons citer Netto et Norma parmi les plus grands. En comptant tous les magasins hard discount, leur nombre, toutes chaînes confondues, est donc encore nettement plus élevé.

Ces chiffres nous montrent que le réseau d'Aldi et Lidl est extrêmement dense en Allemagne, ce qui s'explique par le fait que les deux distributeurs sont d'origine allemande et que le hard discount est, de manière générale, très prisé en Allemagne. En France, le réseau est nettement moins grand, même en tenant compte des autres distributeurs hard discount. Que pouvons-nous déduire de ces chiffres pour la Suisse ? En comparaison avec l'Allemagne, le réseau des Aldi et Lidl sera bien entendu moins grand. Par rapport à la France, le futur réseau hard discount helvétique ne sera pas négligeable, bien qu'il faille relativiser les chiffres pour la France, car celle-ci compte encore d'autres hard discounters sur le marché, tandis qu'Aldi et Lidl seront les seuls pour la Suisse (vu que Denner fait partie des soft discounters).

Nous pouvons néanmoins affirmer que si Aldi et Lidl concrétisaient l'ouverture de plus de 400 magasins, ils disposeraient d'un nombre de filiales largement suffisant pour faire partie des grands dans les le commerce de détail suisse, sans bien sûr atteindre les chiffres de Coop et Migros. Nous constatons donc qu'ils mènent une attaque relativement sérieuse en Suisse, ce qui leur permettra d'atteindre assez rapidement une position importante sur le marché, par la taille de leurs réseaux respectifs.

20 DISTRIPEDIE, L'ENCYCLOPEDIE DE LA DISTRIBUTION. (14 avril 2007). Le Hard-Discount en France : nombre de magasins, surfaces totales et moyennes par enseigne. Consulté le 04 juillet 2007 sur le site http://www.distripedie.com/distripedie/spip.php?article149

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Pour conclure ce paragraphe, nous pouvons donc dire qu'Aldi et Lidl auront un réseau suffisamment dense et suffisamment bien réparti sur le territoire national pour être proche des clients potentiels, sous condition que les emplacements soient stratégiquement bien choisis. Mais ils ne pourront néanmoins pas concurrencer Coop et Migros qui restent largement supérieurs au niveau du réseau et qui ont ainsi une position plus forte sur le marché.

Taille et offre des magasins

Un magasin Aldi a une surface moyenne de 900 m2,21 tandis qu'un Lidl aura une superficie entre 500m2 et 1500 m2.22 Notons que l'uniformisation extrême des magasins fait partie de la stratégie de ces deux discounters pour minimiser les coûts. De ce point de vue, ils ne peuvent donc pas concurrencer les grands distributeurs suisses, car aussi bien Migros que Coop sont des généralistes qui couvrent le marché entier grâce à un ensemble de filiales allant du petit magasin de quartier jusqu'à l'hypermarché et disposant d'un assortiment adéquat pour chaque commerce, ce qui fait défaut chez Aldi et Lidl.

En effet, le nombre de références plutôt restreint (700 références chez Aldi Suisse23), fait partie de la stratégie des « prix cassés » des hard discounters. Si l'on compare au nombre minimum d'au moins 2300 références dans les plus petites succursales de Coop24 ou encore au nombre moyen de références dans un magasin PAM (300025), par exemple, l'assortiment d'Aldi paraît très maigre. L'offre d'Aldi et Lidl pourra donc au mieux compléter les achats chez Migros, Coop et compagnie mais pas les remplacer. On pourra peut-être observer un phénomène semblable à la réaction provoquée par les produits M-Budget et Coop PrixGarantie. Car les dernières études du panier de la ménagère montrent que le consommateur moyen ne se cantonne pas à l'achat exclusif de produits « bon marché » ou de produits « de luxe ». Le consommateur choisit en même temps la ligne premier prix du magasin pour les produits de base, mais ne se prive pas de mettre aussi quelques produits de

21 KELLER, P. (17 septembre 2006). « Aldi-Offensive stockt. » NZZ am Sonntag du 17 septembre 2006. Consulté le 04 juillet 2007 sur le site http://www.nzz.ch/2006/09/17/wi/articleEHAOH.html

22 LIDL. (SANS DATE). Site de Lidl Suisse. Consulté le 04 juillet 2007 sur le site http://www.lidl.ch/ch/home.nsf/pages/c.p.ps.immobiliengesuch

23 KELLER, P. (17 septembre 2006). « Aldi-Offensive stockt. » NZZ am Sonntag du 17 septembre 2006. Consulté le 04 juillet 2007 sur le site http://www.nzz.ch/2006/09/17/wi/articleEHAOH.html

24 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007

25 Contact par e-mail avec Mme Sandrine Bujard de Valrhône-PAM

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luxe dans son panier26. Reste à voir si les consommateurs continuent d'acheter les produits de base dans la ligne entrée de gamme chez Migros et Coop ou s'ils vont acheter ceux-ci chez Aldi ou Lidl. Le comportement des consommateurs sera par conséquent décisif ainsi que l'opportunité pour Aldi et Lidl de s'installer à proximité des centres commerciaux existants. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

Par contre, Aldi et Lidl seront des concurrents sérieux surtout pour Denner, même s'il est vrai que Denner propose sur une petite surface un plus grand nombre de références que les Allemands ainsi que des produits de marque. Bien qu'ayant un assortiment différent de celui de Lidl et Aldi, Denner se rapproche tout de même de ses deux concurrents allemands sur certains points : Denner mise aussi prioritairement sur les prix bas et possède des magasins de petite taille avec une offre restreinte (p.ex. peu ou pas de produits frais/légumes) qui ne peut couvrir l'ensemble de la demande alimentaire des consommateurs. Point positif pour Denner : ses magasins sont souvent situés près d'un centre commercial Migros et constituent donc une offre complémentaire par excellence. Ceci s'est avéré d'autant plus évident après le rachat de la chaîne Pick-Pay par Denner. Denner serait donc à priori plus fortement menacé par les discounters allemands, d'autant plus que ceux-ci ont financièrement les épaules assez larges. Bien qu'après le rachat de Denner par Migros la situation ait changé, Denner ayant désormais ses arrières assurés.

Un autre obstacle dans la conquête du marché suisse par Aldi et Lidl pourrait être le manque de produits Bio et de produits éthiques. Le consommateur suisse a été depuis longtemps habitué par Coop et Migros à ce type de produits, les deux leaders ne laissant, dans certains cas, même pas le choix aux clients, puisque certains produits ne sont disponibles que sous forme de produits équitables27. Or, les discounters allemands ne disposent pas ou très peu de ce type de produits dans leur assortiment, cela ne faisant pas partie de leur stratégie de ne

26 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de St-Gall. P.32

27 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane, économiste à la Fédération Romande des Consommateurs (FRC)

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proposer par référence qu'un seul produit au prix le plus bas. Reste à savoir si le consommateur acceptera le manque de produits équitables et biologiques. A noter qu'Aldi vend, en Allemagne uniquement, des produits Bio depuis peu. Sur ce point, notons que leur principal concurrent Denner n'est pas non plus riche en produits de ce type, mais qu'il a malgré tout défendu sa place sur le marché.

Comportement des consommateurs et notoriété de marque

Le succès ou la non-réussite de Lidl et Aldi dépendront grandement du comportement des consommateurs. En effet, la réussite du hard discount dans d'autres pays est souvent due au fait que les distributeurs ont su répondre aux besoins des consommateurs. Or, la clientèle suisse est différente de celle des pays voisins. Les hard discounters devront donc répondre à l'intérêt des consommateurs pour les bas prix tout en s'adaptant aux particularités locales. L'intérêt pour les bas prix étant déjà démontré par le succès des lignes entrée de gamme créées par Migros et Coop. Ils ont su ainsi précéder Aldi et Lidl sur leur propre terrain en leur « coupant l'herbe sous les pieds » ce que confirme leur succès considérable avec ces gammes de produits28, que le consommateur apprécie et qu'il trouvera à l'avenir aussi chez Aldi et Lidl. Le succès que rencontrent ces produits est tel, qu'ils sont non seulement acceptés et achetés quotidiennement par les consommateurs, mais sont même devenus « culte », en tout cas en ce qui concerne la gamme M-Budget. Il est intéressant de constater que la marque Aldi est devenue « culte » il y a quelques années déjà en Allemagne, « culte » assez proche de celui généré par Migros pour les produits M-Budget29. Il ressort de ce que nous venons d'expliquer qu'il n'est plus nécessaire pour Aldi et Lidl de créer le besoin pour des produits entrée de gamme, Migros et Coop s'en étant déjà chargés.

Cependant, ce succès de Migros et Coop est à double tranchant : d'un côté ils ont su imposer leurs lignes à bas prix, qui bénéficient d'une bonne acceptation auprès des consommateurs, ce qui n'est pas encore le cas pour les produits Lidl et Aldi ; d'un autre côté, les consommateurs habitués à ce genre de produits, ne se gêneront pas d'acheter les mêmes chez Aldi et Lidl.

28 LE TEMPS. (24 février 2005). « M-Budget, ou l'art d'acheter « cool et simple ». » Le Temps du 24 février 2005.

29 STERN. (27 novembre 2002). « Warum ist Aldi so erfolgreich? » Stern du 27 novembre 2002. Consulté le 4 octobre 2007 sur le site http://www.stern.de/wirtschaft/geld/index.html?id=350859&nv=cb&eid=501055

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L'avenir montrera si Aldi et Lidl seront assez forts en Suisse pour transférer l'intérêt des clients pour les produits d'entrée de gamme Migros et Coop sur leurs propres produits. A priori, Aldi et Lidl ont de bonnes chances d'y parvenir, pour diverses raisons : d'abord la comparaison avec l'étranger montre qu'Aldi et Lidl savent attirer les clients chez eux, grâce notamment à des offres attractives, deux fois par semaine, telles que des ordinateurs, des vélos ou des portables (dont le stock est d'ailleurs très vite épuisé30) et qui servent surtout à capter la clientèle.

Ensuite, il faut savoir qu'Aldi et Lidl misent beaucoup sur la qualité de leurs produits. Cela peut surprendre à première vue, mais en Allemagne ces produits sont souvent très bien placés dans les tests de qualité des organismes de consommateurs tels que la Stiftung Warentest. Il leur arrive même assez fréquemment de surpasser les produits de marque31. Ceci constitue par ailleurs une des raisons pour lesquelles Aldi et Lidl ont su aussi bien s'imposer en Allemagne. Les clients suisses, friands de produits de bonne qualité, y trouveront donc leur compte. De plus, Aldi et Lidl ne sont pas vraiment inconnus pour les Suisses. La Suisse étant un petit pays entouré d'autres pays où Aldi et Lidl sont déjà bien implantés. Bon nombre de Suisses domiciliés près de la frontière, font déjà leurs achats chez Aldi et Lidl32. Comme nous le voyons, Aldi et Lidl jouissent déjà d'une bonne notoriété en Suisse, ce qui constitue un autre avantage pour les deux discounters.

Néanmoins, il reste encore une inconnue pour Aldi et Lidl, le consommateur suisse étant assez différent des consommateurs allemands et français. Comme nous l'avons déjà mentionné dans le paragraphe précédent, les dernières études montrent que le consommateur suisse n'est pas à ranger dans une seule catégorie : il achète aussi bien des produits d'entrée de gamme que des produits de luxe, il est convaincu également par les produits régionaux, Bio et éthiques33. Nous avons vu que Coop et Migros disposent de l'assortiment idéal pour ce type de consommateur, car ils offrent toutes ces possibilités. Par contre, les chaînes Aldi et Lidl disposent surtout de produits premier prix, ce qui est un moins par rapport aux distributeurs suisses. Mais ces deux chaînes pourraient s'adapter en proposant également des

30 Expérience personnelle des auteurs

31 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de St-Gall. P.26

32 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007

33 LE TEMPS. (24 février 2005). « M-Budget, ou l'art d'acheter « cool et simple ». » Le Temps du 24 février 2005.

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produits « de luxe », qui pour l'instant font défaut dans leurs magasins34. Ils pourraient ainsi s'approcher du consommateur suisse.

La stratégie anglaise de Migros et de Coop

Comme nous venons de l'expliquer, Migros et Coop ont su anticiper l'arrivée des hard discounters en créant leur propre ligne de bas prix permanents. Migros a de plus réussi un grand coup en rachetant le seul discounter suisse existant, Denner. Avec sa ligne M-Budget et ses succursales Denner, Migros a de beaux atouts à jouer pour lutter contre l'arrivée des discounters allemands. En effet, rien n'empêche Migros de « hard-discountiser » les succursales Denner d'après les conditions requises par la Comco35. En faisant ainsi passer Denner du soft-discount au hard-discount, ils auraient un concurrent direct d'Aldi et Lidl, de plus bien positionné, car bon nombre de Denner sont actuellement situés dans ou à proximité de centres commerciaux Migros, tandis que les emplacements acquis par Aldi et Lidl seront la plupart du temps nettement moins favorables.

Cette stratégie d'anticipation n'a d'ailleurs pas été inventée par Migros ou par Coop. Les deux distributeurs ne font en fait que suivre le modèle anglais. Car le marché anglais est le marché européen qui a le mieux résisté à l'arrivée de Lidl et d'Aldi. Et ce, justement en créant des lignes bas prix avant l'arrivée des deux allemands et en lançant leurs propres chaînes hard discount. Cette stratégie a été couronnée de succès, car Aldi et Lidl ont bien pu s'implanter sur le marché anglais, mais ils n'ont cependant pas plus de 5% de part de marché36. Migros et Coop essayent donc d'adapter cette stratégie à la Suisse, une stratégie qui pourrait bien porter ses fruits.

34 FACTS. (22 mars 2007). « Den Geizkragen lockern. » Facts du 22 mars 2007

35 WEKO. (3 septembre 2007). « Auflagen zum Zusammenschluss Migros/Denner. » Consulté le 5 octobre 2007 sur le site http://www.weko.admin.ch/publikationen/pressemitteilungen/00294/index.html?lang=de&PHPSESSID=130168 dd4cd205a38bc01060d852910d

36 AWBI, A. (3 avril 2006). « UK supermarkets chase discount pound. » Consulté le 29 septembre 2007 sur le site http://www.foodanddrinkeurope.com/news/ng.asp?n=66812-lidl-asda-netto

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Trouver des emplacements

Il faut aussi prendre en compte le fait qu'il existe un autre obstacle à franchir pour les discounters allemands : il s'agit de la difficulté pour trouver un emplacement en Suisse.

Il s'avère en effet que la recherche d'emplacements pose quelques problèmes à Aldi et Lidl. Les plans ambitieux qu'Aldi affichait en 2005 encore37 n'ont pas pu être tenus. L'entrée s'est bien faite, mais nettement plus lente qu'espérée. De son côté, Lidl a fermé il y a peu son bureau d'expansion de Lausanne ; ceci semble être un signe négatif quant à l'implantation rapide de Lidl en Suisse Romande. Aldi n'est pas le seul détaillant étranger à avoir été surpris par les spécificités helvétiques. Carrefour, qui pensait également s'installer et se développer facilement sur le territoire suisse a vu ses espoirs déçus et constaté qu'il devait abandonner ses plans initiaux. La faute revient donc à une grande difficulté pour trouver des emplacements. Ces difficultés résultent de plusieurs facteurs :

Les premiers facteurs sont les nombreuses possibilités juridiques pour empêcher ou du moins ralentir la construction de supermarchés38. La construction prévue d'un centre Ikea à Meyrin39 dans la banlieue genevoise montre à quel point l'opposition de la part de la population (ou du moins d'une certaine frange de la population) peut retarder une construction. Allant presque jusqu'à dissuader l'entreprise de s'installer et la faire opter plutôt pour la construction facilitée de l'autre coté de la frontière en France. Est-ce que Lidl aura les nerfs assez solides pour supporter ces contraintes ?

Car aux ralentissements juridiques s'ajoute un manque évident de volonté politique dans certaines communes dans lesquelles Lidl et Aldi désireraient s'installer. Ainsi l'installation sur leur sol des hard discounters allemands semble avant tout poser des problèmes aux communes gouvernées par un conseil administratif à majorité de gauche, comme le montre l'exemple de la commune bernoise de Bolligen. L'accusation des syndicats allemands, portée contre Lidl, lui reprochant d'exercer une « pression impitoyable » sur ses employés est

37 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane, économiste à la Fédération Romande des Consommateurs (FRC)

38 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004

39 POYETTON, V. (20 février 2004). « Le PDC veut sauver les meubles... d'IKEA. » Le Courrier du 20 février 2004. Consulté le 7 octobre 2007 sur le site

http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=3551

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parvenue aux oreilles des élus municipaux de gauche et en a refroidi d'aucuns40. D'autres communes craignent une augmentation trop forte du trafic routier et exigent une diminution du nombre de parkings de la part des hard discounters pour éviter d'attirer trop d'automobilistes, à l'image de la commune de Pfäffikon ZH41. Enfin, il paraît, que la pression qui serait éventuellement exercée par les deux hard discounters sur le commerce de détail local ne les rend pas attractifs aux yeux de certaines municipalités42.

En outre, il faut aussi tenir compte du fait que les nouveaux arrivés doivent faire face à un réseau déjà bien établi et très dense de supermarchés qui est en grande partie dans la main des deux grands que sont Migros et Coop. Il sera très difficile pour Aldi et Lidl de trouver des bons emplacements. Or, le choix de l'emplacement est bien entendu primordial dans la grande distribution, le supermarché devant être facilement atteignable par les clients. Migros et Coop sont remarquablement bien positionnés en matière de réseau, d'abord parce qu'ils ont un réseau historiquement construit et après parce qu'ils ont pu considérablement l'enrichir grâce aux rachats de ces dernières années. Les deux leaders ont donc par conséquent déjà occupé tous les bons emplacements. Si l'on observe d'ailleurs les emplacements des filiales Aldi déjà existantes en Suisse allemande, il n'y en a qu'une seule qui soit située au centre ville, il s'agit de celle de Bâle. En ce qui concerne les autres grandes villes suisses, les magasins Aldi se sont établis en banlieue et sont par conséquent avant tout accessibles en voiture. Cela montre bien la difficulté pour Aldi et Lidl de trouver des emplacements au centre ville où tout est déjà occupé par Migros, Coop et Denner. De plus, les exigences en terme d'uniformisation de la taille des magasins, est en autre obstacle important pour trouver des emplacements en ville43. Il faut tout de même un peu nuancer cela, car la tâche sera relativement plus facile pour les succursales se situant dans les petites villes du pays, où les emplacements sont plus près du centre, les distances moins grandes et où les gens acceptent plus facilement de se déplacer en voiture pour effectuer leurs achats. L'exemple type d'une telle succursale est celle d'Aldi à Viège en Valais.

40 KOWALSKY, M. et GUENTERT, A. (12 octobre 2006). « Aldi lockt Schweiz aus der Konserve. » Facts du 12 octobre 2006

41 SCHLETTI, B. (28 janvier 2005). « In der Schweiz rollt Aldi das Feld von der Provinz her auf. » Tages-Anzeiger du 28 janvier 2005

42 KAEGI, M. (4 octobre 2006). « Aldis langer Atem. » SDA - Basisdienst Deutsch du 4 octobre 2006

43 SCHLETTI, B. (28 janvier 2005). « In der Schweiz rollt Aldi das Feld von der Provinz her auf. » Tages-Anzeiger du 28 janvier 2005

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Ce problème de localisation auquel sont confrontés les discounters allemands laisse planer un doute sur leur capacité à attirer les gens, du moins en ce qui concerne les grands centres urbains. Les distributeurs qui entrent sur un nouveau marché doivent en effet faire face à une certaine culture d'achats propre à chaque pays. Cette culture d'achats requiert en Suisse la proximité des magasins par rapport aux habitations, car les consommateurs ont une forte propension à faire leurs achats à pied ou par le moyen des transports publics (ceci surtout en Suisse alémanique)44. L'enjeu pour Aldi et Lidl sera par conséquent de convaincre les clients potentiels de prendre leur voiture pour faire leurs achats dans leurs succursales qui seront situées en banlieue. Avec leurs grands et vastes parkings, les discounters allemands offrent, il est vrai, une approche assez facile pour les voitures ; cependant, il reste incertain si cela suffira à faire changer les habitudes des habitants des villes. Toutefois, le fait que Denner ait déjà testé le concept, originalement créé par Aldi et Lidl, de magasins « sur le pré », avec l'ouverture de quelques succursales, démontre que les distributeurs suisses ont prévu une possible acceptation de ce type d'emplacement de la part de la clientèle45.

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Mauvais moment ?

Le moment qu'ont choisi Aldi et Lidl pour entrer sur le marché helvétique ne va pas nécessairement favoriser un succès rapide de ces deux nouveaux concurrents. Leur réussite en Allemagne, par exemple, a été grandement favorisée par un changement de mentalité auprès de la population qui rendait soudainement populaire la recherche des plus petits prix. C'est

44 UVEK. (6 mars 2003). « Zu Fuss einkaufen: Das Gute liegt so nah. » Consulté le 7 octobre 2007 sur le site http://www.uvek.admin.ch/dokumentation/00474/00492/index.html?lang=de&msg-id=1467

45 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004

46 Extérieur d'un magasin Denner « sur le pré ». Téléchargé sur le site www.denner.ch

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l'apparition du consommateur malin qui recherche la meilleure qualité possible mais au prix le plus bas. Or, il est évident qu'une situation conjoncturelle plutôt mauvaise comme l'a connue l'Allemagne dans les années 1990 incitera davantage les acheteurs à se muer en « consommateurs intelligents »47. La Suisse étant actuellement en phase de haute conjoncture48, cela ne va pas favoriser le changement de mentalité. Les gens auront tendance à dépenser plus facilement et garderont donc leurs vieilles habitudes d'achats. La haute conjoncture ne va en tout cas pas inciter les gens à rechercher à tout prix des petits prix. Notons toutefois qu'il y a toujours un certain pourcentage de la population en situation précaire qui est bien obligé de chercher les produits bas prix.

Aldi et Lidl ne trouvent donc pas les conditions conjoncturelles idéales pour l'entrée sur le marché suisse. Cela ne va sans doute pas empêcher leur expansion sur le marché, mais pourrait du moins la retarder.

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