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La problématique du politique dans " Démocratie et totalitarisme " de Raymond Aron

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par Théodore Temwa
Université de Yaoundé I - Diplôme d'études approfondies en philosophie 2008
  

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2- Etude comparée des régimes politiques

Le schéma habituel de la typologie des régimes politiques nous présente trois régimes : la monarchie, l'aristocratie (oligarchie)3(*) et la démocratie.

Mais un regard attentionné sur nos sociétés industrielles nous permet de réduire ce nombre. Tout d'abord parce que presque tous les régimes actuels se déclarent démocratiques, même le socialisme de type marxiste se réclame démocratique ; en plus parce qu'une classification des modèles politiques tient compte non plus de la fiction arithmétique4(*) mais désormais du rôle des partis politiques, variable principale de classification selon Aron, et élément essentiel de la légitimité d'un pouvoir. Le critère décisif serait donc celui de l'exercice constitutionnel de l'autorité. Et c'est pour cela qu'Aron affirme :

le principe de légitimité dont se réclament tous les régimes aujourd'hui est démocratique. On répète : c'est du peuple que vient le pouvoir, c'est dans le peuple que réside la souveraineté. Dès lors, ce qui importe avant tout, [...] c'est la modalité institutionnelle de la traduction du principe démocratique. Parti unique et partis multiples symbolisent deux modalités caractéristiques de la traduction institutionnelle de l'idée de la souveraineté populaire.5(*)

Avec la pluralité des partis ou l'unité du parti comme critère, nous avons d'un côté le régime de partis multiples et de l'autre, le régime de parti unique ou monopolistique. C'est à l'intérieur de ces deux types de régime que se rangent les espèces possibles et réelles. On distinguera donc diverses sortes de régimes de parti monopolistique qu'on classera selon la nature de leur doctrine, l'ambition de leurs projets, la violence de leurs moyens, bref, le degré de totalitarisme ; et diverses sortes de régimes de partis multiples qu'on classera selon la concurrence pacifique et organisée. L'étude comparée peut s'étendre jusqu'aux espèces mais notre intention n'est pas d'en faire une étude détaillée. Nous y reviendrons occasionnellement pour des besoins d'argumentation.

Le totalitarisme que nous évoquons ici n'est pas, à proprement parler un régime politique mais un vice qui gangrène tous les régimes politiques, aussi bien de partis multiples que de parti unique. Toutefois, il est un phénomène qui, nécessitant des conditions de production comme tout autre, sied bien au régime de parti monopolistique. Ce qui fait qu'on l'érige directement en un système ou régime opposé à la démocratie.

En effet, le régime de parti monopolistique dont le prototype était l'ex Union Soviétique, procède à une transformation totale de la société pour rendre celle-ci conforme à son idéologie. Suivant la description qu'en fait Aron, le parti unique nourrit des ambitions extrêmement vastes. La représentation de la société future comporte une confusion entre la société et l'Etat. La société idéale est une société sans classes. Il y a donc là une panoplie de phénomènes qui, ensemble, définissent le type totalitaire ; le monopole de la politique réservé à un parti, la volonté d'imprimer la marque de l'idéologie officielle sur l'ensemble de la collectivité et enfin l'effort pour renouveler radicalement la société, vers un aboutissement défini par l'unité de la société et de l'Etat. C'est dire que le régime totalitaire dont le noyau est le parti communiste est un régime essentiellement révolutionnaire. La révolution comme transformation de la société consistait, pour Marx, à renverser la bourgeoisie dominante par le prolétariat. Mais une fois cette dictature du prolétariat advenue, une nouvelle phase s'ouvrira. Les régimes socialistes sont pour ainsi dire des régimes provisoires. La déstalinisation de la Russie engagée par Khrouchtchev était une révolution interne à la grande Révolution lancée en octobre 1917, mais dont la fin n'était pas envisagée.

Pour Hannah Arendt qui a des vues presque identiques à celles d'Aron,

rien ne caractérise mieux les mouvements totalitaires en général, et la gloire de leurs chefs en particulier, que la rapidité surprenante avec laquelle on les oublie et la facilité surprenante avec laquelle on les remplace. 6(*)

La révolution est un virus spécifique du totalitarisme. Elle vise, selon H. Arendt, la transformation de la société en une société sans classes ou société de masses, la domination totale de l'ensemble de la société. Ses instruments sont : une idéologie et une police secrète chargée de maintenir la terreur, un arsenal de propagande chargé de voiler ou de justifier les atrocités des camps de concentration, mais aussi de donner l'illusion à l'individu « dompté » de s'identifier à tout ce qui se fait. Toute individualité est suspecte d'opposition à la cause sociale et est ainsi érigée en « ennemi objectif » ou, selon les termes de Staline en « ennemi du peuple » devant être traqué à mort. Aron ajoute à ces caractéristiques le contrôle de la totalité des moyens de communication et insiste sur l'absence d'une opposition légale, contrairement au régime pluraliste.

Dans une société soviétique, la lutte entre les groupes pour la maximisation du revenu est officiellement exclue. Ni les kolkhozes ni les ouvriers n'ont le droit de s'organiser et de revendiquer de meilleurs traitements, a fortiori, la revendication de l'augmentation du salaire et de lutte pour le changement du système social. Elle ne peut ni en théorie ni en pratique se produire tant en Union Soviétique, que dans l'Allemagne nazie dont Hitler, le Führer, est le guide suprême. Ce n'est pas non plus dans l'Italie fasciste où Mussolini invente justement le mot totalitarisme pour dire qu'il entend avoir la mainmise sur la totalité des secteurs d'activité de la société. Notons toutefois qu'il y a des différences entre ces trois types de régime totalitaire, surtout entre le prototype soviétique duquel se rapproche à quelques exceptions près le IIIe Reich, et le modèle italien qui est moins liberticide qu'eux.

Mais le parti communiste combine toujours soutien et opposition dans la mesure où il joue le jeu parlementaire tout en prétendant au monopole de l'action et de l'espérance révolutionnaires. Aron découvre qu'il s'agit là d'une tactique intelligible. Quand le parti participe au gouvernement, il n'en dénonce pas moins les ministres. Quand il n'y participe pas, son opposition ne dépasse pas certaines limites.

Les régimes totalitaires font un usage plus ou moins étendu de la terreur contre les opposants. Tous considèrent l'ennemi idéologique comme plus coupable que le criminel de droit commun. Relevant tantôt les similitudes négligeables et les différences fondamentales, tantôt les différences négligeables et les similitudes fondamentales entre nazisme, fascisme et bolchevisme, R. Aron trouve que dans ces sortes de régimes,

 l'exigence d'orthodoxie rend périlleux le désaccord avec les gouvernants. Certaines institutions, par exemple le rassemblement d'opposants, d'hérétiques et des criminels de droit commun dans des camps, ont été observés dans des régimes de parti monopolistique.7(*)

Les régimes totalitaires, explique-t-il davantage, se situent à l'extrême opposé des régimes démocratiques qu'il qualifie de « constitutionnels-pluralistes » parce qu'ils acceptent la lutte partisane pour l'exercice de l'autorité et que cette lutte est réglementée par une constitution. Un régime démocratique se distingue de prime abord par la rivalité entre des partis pour le recrutement du personnel politique, rivalité qui conduit nécessairement à l'organisation régulière d'élections libres et donc à l'alternance. Vient ensuite la séparation effective entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Ces éléments réunis, il s'ensuit le respect des droits et libertés des citoyens. Rien donc à voir avec un régime totalitaire où tout individualisme est non seulement prohibé mais puni. Le régime démocratique accepte l'absence d'unanimité, les rivalités économiques entre les groupes, la mise en question des fondements de son existence. Or, l'essence du régime de parti monopolistique est d'offrir une façade d'unanimité.

L'opposition entre la démocratie et le communisme implique aussi l'opposition entre le socialisme et le capitalisme. Et suivant leurs promoteurs, il s'agit de l'opposition entre Marx et Tocqueville qui défendent respectivement la théorie communiste et la théorie libérale.

* 3 L'aristocratie comme le gouvernement des meilleurs est aussi, comme l'oligarchie, le gouvernement de quelques-uns.

* 4 Le régime anglais est monarchique puisqu'il y a une reine, aristocratique puisqu'un grand nombre des gouvernants se recrutent dans une classe limitée, et démocratique puisque tout le monde vote.

* 5 Ibid., p. 97.

* 6 Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, IIe Partie, Le système totalitaire, Seuil, Paris, 1972, p. 27.

* 7 R. Aron, op.cit, p. 237.

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