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La problématique du politique dans " Démocratie et totalitarisme " de Raymond Aron

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par Théodore Temwa
Université de Yaoundé I - Diplôme d'études approfondies en philosophie 2008
  

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PREMIERE PARTIE :

LA TRIPLE DIMENSION DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE RAYMOND ARON

L'expression « philosophie politique » mérite d'être expliquée dans ce contexte où R. Aron déclare faire de la sociologie politique et non de la philosophie politique qu'il aurait dépassée et enterrée. Ce qu'il appelle sociologie politique tient lieu de méthode et non de discipline. C'est elle qui lui permet de classifier les régimes politiques non plus suivant la valeur. Une fois ceci compris, on peut facilement déterminer de façon objective les régimes politiques de notre temps. Et lorsque les régimes sont déterminés, il faut songer aux systèmes économiques qu'ils produisent et aux relations qu'ils entretiennent entre eux. Car, jusqu'ici on n'a pas toujours su que c'est le régime qui détermine de l'intérieur la politique extérieure, que c'est le même régime qui détermine le mode de fonctionnement de l'économie, et que la Guerre froide n'a été rien d'autre que la guerre du socialisme contre le libéralisme, les deux grands systèmes socio-politiques des temps contemporains.

CHAPITRE I

LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

Des théories politiques ont inspiré positivement et négativement R. Aron. Les théories positives comme celles d'Aristote et de Tocqueville lui ont servi de base pour penser la politique dans ses principes. Négativement, les théories comme celles de Machiavel et de Marx lui ont servi de sommet pour penser la politique dans sa pratique. Il s'agit donc d'une parfaite harmonie des contraires où l'un impulse l'action théorique et l'autre permet d'anticiper sur d'éventuels dérapages.

1- Les théories qui ont inspiré la pensée politique de Raymond Aron

A travers la pensée politique de R. Aron, transparaît une histoire critique de la philosophie politique depuis ses origines à nos jours : Aristote pour l'Antiquité, Machiavel pour la Renaissance, Marx pour la Modernité et Tocqueville pour les Temps contemporains. Quant au Moyen-âge dominé par le théocentrisme, il a connu une philosophie politique très censurée, la philosophie étant tout entièrement assujettie à la théologie, et le pouvoir étant théocratiquement orienté. Ces quatre auteurs ne donnent pas au terme « politique » le même contenu. Cependant, tous sont obsédés, à l'exception de Machiavel, par la question du meilleur régime.

D'Aristote, Aron tient ce qu'il appelle la sociologie politique. Il s'agit d'une étude basée sur les faits sociaux observables. C'est ce qui a permis à Aristote d'établir une classification célèbre des trois régimes fondamentaux : le régime monarchique où le pouvoir souverain appartient à un seul, le régime oligarchique où le pouvoir est détenu par une minorité de personnes à la fois, le régime démocratique où le pouvoir souverain appartient à tous les citoyens. A cette classification, il ajoutait l'antithèse des formes saines et corrompues, et enfin il étudiait les régimes mixtes.1(*)

Mais cette classification à caractère universel faite en fonction du nombre sera abandonnée au cours de l'histoire. Montesquieu introduira dans L'Esprit des lois une nouvelle variable. Il conserve l'idée d'Aristote que la nature d'un régime dépend de ceux qui détiennent le pouvoir souverain. Mais dans sa classification des régimes en république, monarchie et despotisme, il n'y a pas de différence en ce qui concerne le nombre de détenteurs du pouvoir souverain dans le monarchique et le despotique. La question classique était : qui commande ? Avec Montesquieu la question devient celle-ci: le pouvoir souverain est-il exercé conformément à des lois fixes ou bien sans règles et sans lois ? La réponse à cette question appelle un nouveau critère : la légalité. Bien plus, cette réponse indique que chacun de ces régimes caractérise un type social et démographique comme l'a aussi vu Rousseau. Ainsi, la république n'est réellement possible que dans de petites cités, la monarchie est le régime caractéristique des Etats de moyenne dimension. Avec des grands Etats, le despotisme est inévitable. Mais ce n'est pas pour autant dire que la Chine continentale a tort de se proclamer république ou que les Etats-Unis qui comptent cinquante Etats et se targuent d'être la vitrine de la démocratie ne sont qu'une exception.

Ce constat nous montre non seulement qu'il y a d'autres variables à introduire dans la classification des régimes politiques mais aussi qu'il faut s'écarter, dans l'optique de R. Aron, de la question morale qui consiste à rechercher le meilleur régime.

C'est surtout à Machiavel, dit Aron, qu'il faut attribuer la dissolution de la philosophie politique traditionnelle et classique, même si les philosophies de l'histoire y contribueront également. Ce qu'on appelle aujourd'hui philosophie machiavélienne, dit-il, rompt avec toute conception morale de la politique. Interprétant Machiavel, il dit à cet effet ceci :

 A l'intérieur d'une telle philosophie, il subsiste des idées et des justifications, mais elles sont au service de la volonté de puissance. Le mérite d'une formule politique ne tient pas à sa valeur ou à sa vérité, mais à son efficacité. Les idées ne sont que des armes, des moyens de combat employés par les hommes, par définition engagés dans la bataille ; or, dans une bataille, on ne peut avoir d'autre fin que de remporter la victoire.2(*)

Mais cette conception cynique de la politique, quoique objective, ne peut être tenue pour valable, car elle voit l'essence de la politique dans la seule lutte pour le pouvoir. Certes, il y a lutte pour le pouvoir, mais ce n'est pas une lutte acharnée, accrue. Et, celui qui ne voit pas l'aspect « lutte pour le pouvoir » est un naïf, celui qui ne voit rien que cet aspect est un faux réaliste. Ce qu'il faut rechercher, c'est la légitimité de l'autorité gouvernante.

En ce qui concerne les philosophies de l'histoire dont Marx est l'éminent représentant, elles subordonnent le problème politique au problème économico-social. Pour Marx, les questions fondamentales se ramènent à celles-ci : quelle est l'organisation de la production ? Quelles sont les relations entre les classes ? Quant au régime politique, l'analyse de la structure sociale l'expliquera du coup.

Cette autre conception affirme le primat de l'économie sur la politique. Or, comme nous le verrons plus tard, c'est plutôt le contraire. C'est du moins ce que pense Aron. Cette idée, il la tient de Tocqueville qui avait suivi les transformations de la société américaine au XIXe siècle.

De Tocqueville en effet, Aron tient son choix pour la démocratie, régime politique qui correspond, selon lui, le mieux aux exigences de la société industrielle. A l'intérieur d'un tel régime, la lutte des classes a une autre connotation, rien à voir avec la « lutte à mort » de Marx. Toutefois, Marx stimulera la pensée économique de R. Aron.

En résumé, s'il fallait répartir les thèmes de la pensée politique de R. Aron, on attribuerait, par anachronisme délibéré, l'origine de la classification des régimes politiques à Aristote, Montesquieu, Machiavel, la philosophie de l'économie ou corrélativement la lutte des classes à l'opposition entre Marx et Tocqueville. Quant aux relations internationales qui sont des relations inter-régimes, il les avait sous les yeux et pouvait d'ailleurs, à partir de là, compléter sa classification des régimes.

* 1 Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, Ed. Gallimard, Coll. « Folio Essais », Paris, 1965, p. 40.

* 2 Ibid., p. 51.

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