WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La problématique du politique dans " Démocratie et totalitarisme " de Raymond Aron

( Télécharger le fichier original )
par Théodore Temwa
Université de Yaoundé I - Diplôme d'études approfondies en philosophie 2008
  

précédent sommaire suivant

CONCLUSION GENERALE

Au sortir de ce travail portant sur la problématique du politique chez Raymond Aron, les leçons tirées sont nombreuses. D'abord, cette recherche nous a permis de découvrir la triple dimension de la philosophie politique et de saisir les rapports complexes entre ces différentes dimensions que sont la philosophie politique du gouvernement, la philosophie de l'économie et la philosophie des relations internationales. L'unité de ces trois orientations s'exprime à travers l'apologie aronienne du capitalisme. R. Aron a eu le mérite de saisir, comme on ne l'avait jamais fait auparavant, les relations complexes qu'il y a entre la politique, l'économie politique et les relations internationales. Cette saisie rationnelle s'est traduite dans une philosophie politique multidimensionnelle qui, analysant un de ces éléments, examine du même coup les autres. On gagnerait aujourd'hui, à l'heure de la pluridisciplinarité, à s'engager dans cette voie. L'économie ne doit plus être analysée pour elle-même et par les seuls économistes. Il en va de même pour la politique intérieure et les relations extérieures où les diplomates et les hommes politiques n'ont pas toujours le meilleur jugement. Désormais, l'étude politique s'étend à ses autres composantes où les philosophes ont beaucoup à dire pour l'organisation la meilleure de la société en général.

Cette nouveauté introduite par Aron par la simple étude de la démocratie nous a amené à nous demander si celle-ci est un moyen ou une fin. Présentement, loin des considérations marxistes, nous pouvons affirmer qu'elle est un moyen en vue de la réalisation d'une fin, celle de la liberté et du bien-être de l'homme. Mais Marx en pensait justement le contraire. Critiquant à outrance le capitalisme, noyau du régime démocratique, il voyait dans le communisme, aboutissement du socialisme, le régime économico-politique à même de réaliser le bonheur de l'humanité. Mais la solution s'est révélée pire que le mal, ainsi que nous les ont montré les tentatives d'application manquées ou réussies de la doctrine marxiste.

Nous sommes partis du caractère industriel de nos sociétés pour convenir avec Aron qu'un régime constitutionnel-pluraliste est préférable, tant il garantit l'initiative privée et donc la liberté, tant il permet aux gouvernés de discuter des affaires de la cité et donc de considérer la lutte de classes comme une donnée normale (Tocqueville). Or, dans les régimes anti-1789 comme il convient de les appeler, les libertés fondamentales et les droits de l'homme sont sacrifiés au profit d'une idéologie (Arendt). Le régime de parti monopolistique ou totalitaire constitue en effet l'antithèse du régime démocratique mais, à travers cette recherche, nous avons découvert que sa disparition apparente ne garantissait pas la réussite démocratique. C'est ce qui nous a conduit à adopter comme solution aux imperfections du modèle libéral le scepticisme politique (Aron), car la démocratie n'est pas un acquis comme le penseraient Gilles Lipovetsky ou Francis Fukuyama, mais un pari perpétuel, une quête inachevée comme, diraient Aron et Bruckner. Ce n'est que par pratique permanente de la démocratie qu'on peut espérer éradiquer le totalitarisme qui glisse subrepticement dans ses principes les plus chers. En reprenant la formule de Descartes, nous pouvons dire que le tout n'est pas d'avoir l'esprit démocratique, mais l'essentiel c'est de l'appliquer bien.

Malgré les accusations d'imperfection qui pèsent sur la démocratie, Aron nous invite à la maintenir et à la considérer comme une chance de vie en société. Car, au bout du compte, si elle est imparfaite, c'est parce que tous les régimes politiques sont imparfaits et elle est de surcroît le moins imparfait. Si elle est oligarchique, c'est parce que tous les régimes les sont et elle est le moins oligarchique de tous. On ne saurait donc faire preuve de pessimisme machiavélien ou marxiste pour la condamner. Il faut au contraire la sauver. Mais comment ?

Tout d'abord, il faut éviter de comparer un régime réel avec un régime de rêve. La démocratie est une utopie réalisable, mais sa réalisation n'est pas complète ou parfaite. Dire que les démocraties contemporaines ne peuvent pas fonctionner est démenti par le fait qu'elles fonctionnent ; dire qu'à un certain moment elles ne le pourront plus est une prédiction qui ne s'appuie sur rien. R. Aron y a cru et nous à légué une panoplie de solutions qui nous aideront à bâtir solidement notre démocratie. Démocratie et totalitarisme qui nous a servi de guide dans ce travail n'est évidemment pas un ouvrage complet, parce que des solutions ne sont jamais complètes et définitives mais grosso modo, ce livre est une réalisation dans laquelle l'auteur se livre, avec un recul impressionnant, vu l'ancienneté de l'ouvrage, à une analyse comparative et objective de la démocratie libérale et du communisme soviétique. Système partisan, corruption, oligarchie, constitution, idéologie, terreur, toutes ces questions sont abordées avec une grande richesse d'analyse.

La disparition apparente du totalitarisme provenait de la disparation même de son idéal, à savoir le soviétisme et dans une commune mesure le nazisme. Ces régimes tortionnaires sous couverts du marxisme se sont désagrégés l'un pendant la Deuxième guerre mondiale et l'autre pendant la Guerre froide qui s'en est suivie. La philosophie aronienne des relations internationales nous a permis de comprendre que cette guerre de dissuasion mettait aux prises deux Géants aux systèmes économique et politique opposés. Cette opposition se transformait en guerre et se transposait dans des territoires tiers tant chaque superpuissance tenait à agrandir sa zone d'influence. La dissuasion par l'arme atomique a porté ses fruits, l'ascension aux extrêmes n'a pas eu lieu. Mais la fin de cette guerre a donné naissance à un nouvel ordre politique mondial où les Etats-Unis ne sont plus assurés d'être les plus forts. Le club atomique s'est élargi et continue encore de s'élargir ; on ne raisonne plus qu'en termes de violence. Reprenons la prière de R. Aron et espérons qu'elle sera exaucée :

Fasse le ciel qu'il ne se trouve jamais d'Etat pour imaginer que les armes nucléaires peuvent être non pas seulement des armes de dissuasion, c'est-à-dire des instruments utilisables en un dialogue humain, mais aussi des armes d'extermination !151(*)

Ce qui est frappant dans la conception politique de R. Aron c'est surtout sa méthode prudente, celle qui lui a permis d'avoir une vue plus juste que les autres sur l'histoire contemporaine. Cette histoire n'a pas connu l'autodestruction du capitalisme comme l'a pensé Marx et comme continuent à le penser ses disciples qui tentent de sauver la théorie contre la vérité douloureuse. Cette histoire n'est pas non plus celle de Hegel, ou partant, celle de Fukuyama car l'optimisme seul ne suffit plus. Nous avons vu à travers des exemples précis l'illusion du passé communiste (Furet), la nature criminogène d'un régime (Revel) qui entend par la propagande résoudre le problème des inégalités humaines. On nous objectera peut-être que nous avons pris des exemples favorables à notre thèse mais l'Histoire n'est pas un exemple, elle est une leçon.

Et l'Afrique dans tout ça, nous nous sommes demandés ? Préoccupée par l'épineux problème de développement, elle ne sait quelle recette appliquer. On peut redouter la standardisation de l'imaginaire démocratique mais peut-on trouver un équivalent qui vaille ? Non pas qu'il n'en existe pas dans l'abstrait - il y a plus de choses sous le ciel que dans notre philosophie - mais qu'il y en a pas encore alors qu'il faut choisir entre un système qu'on dit insouciant des valeurs humaines et un système voué à l'échec. Une troisième voie s'impose peut-être mais laquelle, quand on n'a pas de summa potestas industriel. Le raccourci technologique est un leurre pour certains mais la technophobie n'est pas une attitude cohérente dans une logique de développement, avant même d'être une solution impropre. A ce titre, nous convenons avec Maurice Kamto que la solution consisterait à démanteler les mentalités de résignation qui font obstacle à la démocratie et donc au développement. Ce qui désespère décidément c'est l'inconsistance de nos convictions démocratiques, la légèreté de notre engagement pour la cause démocratique.152(*) Il est donc temps de militer pour l'enracinement démocratique qu'Aron a tant souhaité.

Aron nous a légué des solutions pour l'enracinement démocratique. Elles consistent en le respect des lois, de la règle constitutionnelle qui est la charte des conflits et de l'unité des citoyens ; la formulation des revendications, des opinions propres, des passions partisanes pour animer le régime et empêcher le sommeil de l'uniformité ; et le contrôle des passions partisanes ou le sens du compromis. Un bon respect de ces trois qualités permettra, à notre sens, aux pays africains en particulier, de faire le deuil des coups d'Etats et goûter ainsi aux délices d'une démocratie réellement appliquée.

Puisque l'heure est à une refondation du modèle libéral, nous estimons que l'Afrique peut s'en créer un, plutôt que de voir le « diable » capitaliste partout, plutôt que de voir la « main invisible » du capitalisme marchand dans toutes ses souffrances. Ce n'est donc pas du capitalisme qu'il faut sortir mais de l'économisme. D'ailleurs Aron nous prévient, les libertés démocratiques paraissent méprisables à ceux qui en jouissent et qui supportent impatiemment la domination totalitaire. Ces libertés reprennent leur valeur dans un système de jouissance collective où elles auraient disparu. Dialectique éternelle : l'homme ne découvre la valeur des biens qu'il possède que le jour où il les a perdus.

* 151 Raymond Aron, Les désillusions du progrès, Calmann-Lévy, Press Pocket, Paris, 1969, p. 260.

* 152 Maurice Kamto, L'urgence de la pensée. Réflexions sur une précondition du développement en Afrique, Ed. Mandara, Yaoundé, 1997, p. 148.

précédent sommaire suivant







Cactus Bungalow - Bar Restaurant on the beach @ Koh Samui