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La problématique du politique dans " Démocratie et totalitarisme " de Raymond Aron

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par Théodore Temwa
Université de Yaoundé I - Diplôme d'études approfondies en philosophie 2008
  

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CHAPITRE III

LA PHILOSOPHIE DES RELATIONS INTERNATIONALES

Dans le précédent chapitre, nous avons déterminé deux types de régime politique : les régimes constitutionnels-pluralistes et les régimes de parti monopolistique, à l'intérieur desquels se rangent les nombreuses espèces. Ces régimes nous sont apparus diamétralement opposés quant à leur politique interne.  Il nous faut à présent examiner la nature de leur politique extérieure et montrer qu'il y a des relations complexes entre la politique, l'économie et les relations extérieures. En effet, comme nous l'annoncions dans l'introduction, la politique extérieure d'un Etat n'est rien d'autre que l'expression de la nature du régime politique instauré à l'intérieur de cet Etat. De même, le système économique est tributaire du système politique et non l'inverse comme s'est trompé à le dire Marx. On établit finalement que la guerre entre les types de société industrielle n'est que la guerre des systèmes politiques et, corrélativement, la guerre des systèmes économiques : le totalitarisme contre la démocratie, le socialisme et le communisme contre le capitalisme ou le libéralisme.

1- La complexité des relations internationales

Ici encore le problème du primat se pose. Les relations internationales comprennent les relations transnationales, les relations supranationales, le marché mondial et les relations interétatiques. Qu'est-ce qui est primordial parmi ces éléments ? Comme d'habitude, les marxistes, mettent en avant les phénomènes économiques. Mais il en va autrement pour R. Aron qui s'étonne qu'

à l'heure actuelle, la représentation du système économique mondial tient la place du système interétatique dans les instituts qui se vouent à la peace research et qui préfèrent ce terme à celui des relations internationales ou de système interétatique.43(*) 

Cela est d'autant plus contestable que si on veut comprendre la problématique de la paix, il faut directement s'intéresser aux relations politiques qui sont généralement conflictuelles, avant d'en venir aux relations économiques qui relèvent en deuxième ressort des systèmes politiques.

Jean-Jacques Rousseau nous permet d'y voir plus clair, même s'il ne saisit pas, selon Aron, la complexité des relations internationales. Pour Rousseau, explique-t-il, il y a avant tout entre les Etats un état de nature ou de guerre potentielle et cet état diffère en essence de l'état civil à l'intérieur de ces Etats. C'est donc le système interétatique qui est premier : système dans lequel s'intègrent les Etats, chacun d'eux surveillant l'autre afin d'assurer sa sécurité, étatique puisque la guerre constitue non pas un rapport entre individus mais un rapport entre Etats. Il le cite à cet effet :

 La guerre n'est point une relation d'homme à homme, mais une relation d'Etat à Etat dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu'accidentellement non point comme hommes ni même comme citoyens, mais comme soldats ; non point comme membres de la patrie, mais comme ses défenseurs.44(*)

Ainsi, ni les assassinats, ni le terrorisme, ni la compétition économique ne constituent une guerre. Et la guerre est première parce que si, l'homme est liberté aussi bien dans la solitude que dans la collectivité, il doit tout d'abord chercher à se préserver. Mais ce n'est pas pour autant dire comme les marxistes que l'histoire de l'humanité jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des classes. La liberté n'est donc pas prioritairement économique. L'homme cherche tout d'abord à s'affranchir de l'asservissement de l'autre avant de viser le positionnement économique.

Il n'est pas besoin d'être économiste pour voir comme Samir Amin que le système économique se divise entre centre et périphérie. Le centre, constitué des pays industrialisés « exploite » la périphérie, constituée de l'ensemble des pays sous-développés ou en voie de développement. Cette dualité est aussi perceptible à l'intérieur même des Etats où un centre des privilégiés et des bourgeois « exploite » les masses défavorisées de la périphérie.

Mais cette représentation marxiste ne démontre pas une fois de plus, aux yeux d'Aron, la primauté du système économique quant à la détermination des relations belliqueuses entre les Etats ; elle dit tout au plus et avec raison que toute fortune se crée et se nourrit de la plus-value. Les guerres présentes, pense-t-il, ne sont pas, au premier plan, le fait du capitalisme, elles n'ont jamais été dans les sociétés anciennes le fait des relations commerciales. Ainsi,

la priorité du système économique, fondé sur l'inégalité du centre et de la périphérie, ne se justifierait que par la prédominance causale des rapports sociaux sur les rapports interétatiques. Mais il n'en est pas ainsi.45(*)

Ainsi pour R. Aron, système interétatique et système intraétatique se rattachent certes, mais ne se déterminent pas mutuellement. L'Union Soviétique, République impériale, n'appartenait ni au centre, ni à la périphérie. Les grands événements de l'après-guerre, notamment la division de l'Europe en deux zones, décolonisation, sont peut-être une expression du système économique en évolution ; mais ils lui apparaissent aux premiers abords comme des péripéties des luttes entre les Etats organisés et des Etats et des populations soumises à un pouvoir étranger. De ce point de vue, Lénine, dit Aron, avait tort de titrer son ouvrage : L'impérialisme, stade suprême du capitalisme. C'est L'impérialisme de H. Arendt qui décrit mieux la situation où l'impérialisme est naturel au régime soviétique, comme volonté d'expansion, alors qu'il se justifie en pays capitaliste par les besoins économiques. C'est peut-être bien la raison pour laquelle les concessions faites à l' « Empire moscovite » - détente, transferts de technologie -, loin de calmer son appétit impérialiste, encourageaient son agressivité puisque le soviétisme est tout une machine à conquérir le monde. « Une politique mondiale est à la nation ce que la mégalomanie est à l'individu », disait Eugène Richter, leader du parti progressiste allemand sous Bismarck. C'est là une idée qui corrobore celle d'Aron.

Même si les guerres ordinaires ont été aussi nombreuses que les guerres interétatiques à travers l'histoire, la distinction entre conflits à l'intérieur de l'unité politique et conflits entre des unités est manifeste. Mais ce type idéal rousseauiste de relations internationales ne reflète pas, selon Aron, la réalité actuelle. Aujourd'hui, dit-il, il faut compter avec les phénomènes transnationaux, supranationaux aux côtés des phénomènes internationaux.

Les réalités transnationales concernent surtout les multinationales et leurs filiales. Elles constituent un réseau international contrôlé par la société mère. Les dirigeants de celle-ci influencent souvent directement les décisions économiques et politiques des gouvernants des pays affiliés. On se rappelle encore le rôle politique de la société pétrolière Elf en Afrique.

Pour Aron, les phénomènes transnationaux comprennent aussi les idéologies, les croyances, la science. Le catholicisme par exemple, explique-t-il, est une organisation hiérarchique supranationale qui ne doit rien au système économique mais essaye sans trop de réussite de conquérir idéologiquement le monde46(*). L'Internationale socialiste aussi se veut à la fois interétatique et transnationale. Le mouvement marxiste-léniniste tient à la fois d'une religion transnationale soumise à un pouvoir central, d'une idéologie supranationale diffusée à travers le monde, incarnée en chaque pays par un parti national, d'une société internationale, créée et entretenue par les rapports entre les individus ou des groupes, appartenant à différents pays.

Quant aux phénomènes supranationaux, ils englobent les Cours et Tribunaux internationaux, ainsi que l'ONU, sauf qu'à une différence près, il existe dans cette dernière un droit de veto pour les membres permanents du Conseil de sécurité.

Tous ces phénomènes constituent ce qu'on peut appeler, faute de moyen terme, société internationale. Cela soulève l'épineux problème de la citoyenneté mondiale mais nous n'en traitons pas ici. Nous nous bornons à constater avec Aron que les relations internationales constituent un système. Les Etats entretiennent, les uns avec les autres, des rapports plus ou moins réguliers. L'instinct de conservation les amène, malgré eux, à s'insérer à l'intérieur d'un système. Tous les Etats d'aujourd'hui appartiennent de quelque manière au système interétatique, ne serait-ce que par leur appartenance à l'ONU, et par la présence à l'échelle mondiale des superpuissances qui les enrôlent.

Suivant cette logique aronienne, le système interétatique du XVIIIe siècle est dépassé, mais le système économique ne l'emporte pas. Dans l'alternative actuelle de paix et guerre, une étude des relations internationales se doit de mettre au premier rang le système interétatique car il y a aussi des guerres entre les Etats capitalistes et ces guerres ne sont pas des guerres systémiques. La distinction de deux économies mondiales, l'une capitaliste, l'autre socialiste, centrées l'une sur les Etats-Unis, l'autre sur la Russie n'a pas moins alimenté la Guerre froide que ces deux « Grands » ont dirigée. « Mais, conclut Aron, jusqu'à présent, l'hostilité de bloc à bloc, de régime à régime l'emporte sur les rivalités économiques ».47(*)

* 43 R. Aron, Les dernières années du siècle, Julliard, Paris, 1984, p. 19. 

* 44 Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, Gallimard, Paris, 1970, p. 357.

* 45 R. Aron, op.cit, p. 21.

* 46 Ibid., p. 24.

* 47 Ibid, p. 27.

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