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La problématique du politique dans " Démocratie et totalitarisme " de Raymond Aron

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par Théodore Temwa
Université de Yaoundé I - Diplôme d'études approfondies en philosophie 2008
  

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2- De la guerre des systèmes politiques à la guerre des systèmes économiques : les racines de la Guerre froide

D'une manière générale, les historiens situent l'origine de la Guerre froide dans l'échec de l'application des accords de paix de la Conférence de Yalta, tenue le 3 février 1945 entre Roosevelt, le président des USA, Churchill, le Chancelier d'Angleterre et Staline, le président de l'URSS. Ce qui n'est peut-être pas faux mais la raison décisive est à chercher ailleurs.

Considérons la thèse historienne. En plus d'être factuelle, elle correspond à l'affirmation kantienne selon laquelle « aucun traité de paix ne doit valoir comme tel, si on l'a conclu en se réservant tacitement matière future. »48(*)

Dans ce cas en effet, ce serait un simple armistice, et une suspension d'armes, mais non une paix marquant la fin de toutes les hostilités. L'armistice est une simple convention par laquelle des belligérants suspendent les hostilités sans mettre fin à l'état de guerre. Aussi, la fin de la Deuxième Guerre mondiale n'était-elle qu'un armistice et non une capitulation effective et une reddition de la part des adversaires vaincus ? La Guerre froide tire ses origines de la fin mal négociée du second conflit mondial. Les causes existantes d'une guerre future, nous enseigne Kant, bien que souvent ignorées par les parties contractantes, doivent être anéanties par le traité. Or, dans le cas de la guerre de 1939, on s'est contenté de discuter du partage du butin de guerre sans projeter qu'un éventuel partage inégal pourrait créer une tension que la présence massive d'armes raviverait et appellerait à l'exhibitionnisme. C'est dire donc qu'il y avait plus à faire.

Essayons à présent de percer le mystère d'une guerre non classique, une guerre larvée, latente, une guerre non déclarée mais dont les dimensions dépassent une guerre ouverte.

En fait, avec la défaite ou le déclin de la plupart des Etats européens, le vieux système international s'effondrait, le pouvoir appartenait désormais à deux puissances, les Etats-Unis et l'Union Soviétique. Mais les vainqueurs de la guerre ne trouveront jamais le lien susceptible de maintenir leur unité. La Grande Alliance accouchera d'un antagonisme global entre deux coalitions hostiles dirigées l'une par les Etats-Unis, l'autre par l'Union Soviétique, deux pays que tout opposait : leur structure d'Etats-nations, leur idéologie, leur système économique et politique. L'après-guerre connaîtra donc une mobilisation générale de part et d'autre, qui ne débouchera pas sur une troisième guerre mondiale, mais sur un nouveau conflit, la Guerre froide, une trêve armée, précaire et dangereuse qui, jusqu'à sa fin en 1989, va reconfigurer le monde.

Il s'est donc agi d'une guerre des systèmes politico-économiques : soviétisation ou « totalitarisation » à l'Est, américanisation ou démocratisation à l'Ouest de l'Europe. Les Américains étaient convaincus que l'URSS, Etat totalitaire à l'intérieur, ne peut mener qu'une politique étrangère totalitaire, et présente donc une menace militaire immédiate pour le monde occidental et, a fortiori, pour les USA qui s'en veulent les gardiens. Le continent européen se trouva ainsi divisé, division directement perceptible en Allemagne avec le Mur de Berlin. Avec l'idéologie américaine de l'internationalisme libéral d'un côté et l'idéologie soviétique à forte coloration totalitaire et donc expansionniste de l'autre, le choc s'annonçait explosif, d'où la nécessité de procéder par pays interposés, à l'exception des pays africains, asiatiques et sud-américains qui avaient décidé de ne pas s'aligner et de constituer ainsi une troisième voie appelée Tiers-monde. Pour les Américains, il s'agissait de constituer un contrepoids contre le projet idéologique totalitaire soviétique. Du coup, on s'interroge sur le contenu de la diplomatie d'après-guerre. Cette question nous permet d'évaluer les objectifs soviétiques et la nouvelle doctrine de sécurité internationale.

Pour Daniel Yergin, « L'origine de la guerre froide, il faut la chercher dans les intérêts et la position des Etats-nations, ces unités de base de politique internationale. »49(*)

R. Aron est de cet avis mais son analyse a un parti pris pour la politique américaine dont l'intérêt est selon lui un désintérêt qui vise à libérer l'Europe de sa soviétisation croissante.

En effet, au moment où il engage sa réflexion en matière de relations internationales, il existe une menace globale, à la fois intérieure et extérieure, provenant d'un système idéologique mondial, le communisme soviétique. Pour lui, l'opposition Est - Ouest, même si elle pouvait connaître des accalmies et des périodes de négociations qu'il va d'ailleurs recommander, était permanente. Dans un article paru dans Le Figaro du 15 septembre 1948 et intitulé « Le grand dessein de Staline », Raymond Aron présentait une vision d'ensemble de la politique stalinienne : « soviétisation accrue de l'Europe orientale pouvant conduire à terme à une véritable fusion avec l'URSS, effort d'expansion révolutionnaire en Asie »50(*). Consolidation du glacis, progression en Asie par la guerre civile, affaiblissement de l'intérieur des démocraties occidentales, tels étaient, selon lui, les objectifs soviétiques. Cela est d'autant plus redoutable que le stalinisme qui est au pouvoir est à la fois une idéologie, un mode d'action et un système. Sorti du marxisme-léninisme, le stalinisme est aussi la marque d'une volonté farouche de domination et d'un esprit capable d'une suspicion sans borne. Il se maintient grâce à une police secrète et aux camps de concentration. Il exerce un pouvoir arbitraire et capricieux. D'après lui, une telle pratique n'est vraiment pas la bienvenue en Europe.

D'un autre côté, les Américains ont toujours pensé qu'une communauté juridique internationale, fonctionnant selon les règles justes et attachée à des valeurs communes, pourrait remplacer un système international marqué par une anarchie souvent brutale et par l'équilibre des puissances. Les USA n'accepteraient d'entrer dans ce vieux système que pour le réformer. La réforme consiste en une ligue des nations, la fin des empires établis, la non reconnaissance des révolutions, les libertés démocratiques et les droits de l'homme, la réduction des armements, la foi dans une « opinion publique éclairée », et, en matière économique, une politique de la porte ouverte étendue au monde entier. L'objectif économique constitue un élément du tableau, un élément seulement. En plus, les Etats-Unis se considèrent eux-mêmes comme une puissance désintéressée, innocente, dont les désirs et les buts sont censés exprimer les souhaits de tous les peuples, et qui ne pourrait échapper à ses responsabilités. Le projet de la démocratie américaine, c'est l'Amérique elle-même, son rayonnement, sa grandeur et sa vitalité. Terre d'exception autant que d'élection, elle se croit investie d'une mission universelle : propager la liberté.

Voilà qui les opposait point par point à l'Union Soviétique dont l'influence s'étendait de plus en plus en Europe et menaçait la sécurité de celle-ci, surtout en sa partie occidentale.

En outre, une Europe dévastée par la guerre et en pleine reconstruction avait besoin dune aide plutôt que d'un communisme à caractère dominant. C'est ainsi que R. Aron défendra le Plan Marshall contre ceux qui prétendaient qu'il réduirait l'indépendance des pays européens : l'Amérique au contraire ne poussait-elle pas ceux-ci à s'unir pour recevoir son aide ? Ne serait-ce pas la meilleure garantie de leur indépendance ?

Mais, le vrai problème était celui de la sécurité. La Guerre froide, laissant présager une guerre terrible et fatale, il fallait, par prévention, créer une Alliance Atlantique susceptible de répondre violemment au Pacte de Varsovie et assurer ainsi la sécurité de l'Europe qui se retrouvera malheureusement prise entre deux fers et deux feux. De l'avis de Pascal Bruckner,

l'existence aux frontières de l'Europe d'une puissance militaire gigantesque [...], la supériorité en armes des troupes du pacte de Varsovie donnait aux défenseurs de la liberté l'ambition et l'énergie d'un grand dessein ; il s'agissait à la fois de contrer le péril rouge et de souligner par contrecoup les beautés de la noblesse de la démocratie.51(*)

Pris dans cette tourmente, les acteurs de cette guerre par procuration vont s'engager à la recherche de solution faite d'un mélange de menaces et de négociations. Dans ce duopole, personne ne veut frapper en premier, mais personne ne veut non plus abandonner le premier, pour faire place à l'hégémonie de l'autre. C'est ainsi que vont se multiplier en même temps les doctrines de pacification et les technologies de fabrication de fusées encore plus redoutables.

* 48 Emmanuel Kant, Traité de paix perpétuelle, trad. J. Gibelin, 2e éd. Librairie J. Vrin, Paris, 1970, p. 4.

* 49 Daniel Yergin, La paix saccagée. Les origines de la guerre froide et la division de l'Europe, Ed. Complexe,

Bruxelles, 1990, p. 9.

* 50 R Aron, Les Articles du Figaro, t. 1 : La guerre froide, Ed. De Fallois, Paris, 1990, p. 20.

* 51 Pascal Bruckner, op.cit, p. 29.

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