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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à  N'Djaména au Tchad

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par Emmanuel Ngueyanouba
Université catholique d'Afrique Centrale - Maà®trise en sciences sociales- socio- anthropologie 2005
  

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II. REPRESENTATIONS DES ESPACES PRIVES ET CONDUITES SUBSEQUENTES

Il convient à présent d'analyser les données recueillies sur les représentations des espaces privés. Ici également nous nous sommes posé les mêmes questions que précédemment c'est-à-dire celles qui nous servent pour le recueil des données sur les représentations des espaces publics. Une première remarque mérite d'être faite ici : lorsque nous commencions les

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entretiens sur les espaces publics, les données que les informateurs nous fournissaient ensuite sur les espaces privés étaient, dans la plupart du temps opposées à celles relatives aux espaces publics. Ainsi à la question de savoir ce qu'est l'espace privé, les individus répondaient de façon sommaire tel qu'il suit : « Mais, c'est le contraire de l'espace public que voulez-vous savoir encore ?» ou autrement, les espaces privés étaient simplement définis comme « espace appartenant aux individus et non à l'Etat ». En revanche, les définitions les plus précises et que nous qualifions comme étant plus homogènes que celles des espaces publics sont les suivantes :

- le domicile ;

- la concession ;

- la propriété privée ;

- le « chez soi ».

2.1. Le « chez soi »

A part la propriété privée qui peut recouvrir d'autres réalités que les espaces physiques où habitent les personnes, le domicile, la concession, le « chez soi » sont des territoires qui appartiennent effectivement aux individus en tant qu'ils en sont propriétaires ou locataires. Il n'y a donc pas de difficulté majeure à désigner et à situer géographiquement les espaces privés. Mais pourquoi cet espace est si aisément circonscrit et pourquoi les individus réussissent-ils à en fournir des définitions qui renvoient toutes à une même réalité : « le Chez » ?

On peut identifier l'espace privé au Tchad du point de vu architectural. Il s'agit d'un territoire entouré de mur et parfois d'une clôture en paille tissée qu'on appelle secco, de 1,5 à 2 mètres de hauteur. C'est une règle à laquelle très peu de propriétaires de concession dérogent dans ce pays. Cela permet, à vue d'oeil de l'isoler des espaces publics. L'espace privé peut donc être défini comme un espace protégé. Il est protégé du voleur et plus généralement du regard d'autrui parce que, bien entendu, il abrite des valeurs d'intimité. Michel de Certeau et Luce Giard (1994, 205) observent que « ce territoire, il faut le protéger des regards indiscrets, car chacun sait que le moindre logement dévoile la personnalité de son occupant ». Pour paraphraser de Certeau, on dira que c'est le lieu de mis en oeuvre quotidienne des activités de la vie intime des individus. Selon la description offerte par cet auteur, il s'agit d'un lieu de la toilette, des activités sexuelles, de repos, de la paresse, de l'éducation de l'enfant, de la courtoisie, de diverses cérémonies familiales (naissances, mariages, décès) etc. En outre, la clôture (le mur ou le secco) cache ou met en exergue la richesse ou la pauvreté

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des individus. Elle abrite donc un « chez soi» qu'on veut montrer ou cacher. Indiscret, l'habitat avoue sans fard le niveau de revenu et les ambitions sociales de ses occupants. Tout en lui parle toujours et trop : sa situation dans la ville, l'architecture de l'immeuble, la disposition des pièces, l'équipement de confort, l'état d'entretien » (Michel de Certeau, 1994 : 206). Elle affiche prétendument aux voisins et aux passants, un « intérieur » qu'elle reflète mais également qu'elle cache. A N'Djaména on peut observer facilement des concessions dont les clôtures, construites en matériaux solides abritent des habitations traditionnelles c'est-à-dire construites en terre battue, des murs aux toits. Il y a également des concessions dont les façades et éventuellement les premières maisons c'est-à-dire celles qui sont les plus proches de la rue sont des constructions de type moderne mais qui cachent en arrière cour des maisons traditionnellement construites et plus modestes. La clôture n'abrite donc pas seulement et de manière innocente les valeurs d'intimité comme voudrait le faire croire C.Le Bris (1987 :21). Elle abrite de façon ostentatoire aussi bien la richesse que la misère des citadins. C'est le premier élément du « chez soi », de l'espace privé cela s'entend, qui participe à une logique de démonstration sociale mise en oeuvre par les agents.

Il se dégage de cette analyse que l'espace privé remplit deux fonctions au sens mertonien : une fonction manifeste et une fonction latente. Manifestement la clôture qui entoure la maison, la chambre, la véranda, la cour etc. et de façon générale le « chez soi », au risque de nous répéter, abrite les valeurs d'intimité, elle protège des agressions extérieures. Et, de façon latente, il est fortement utilisé par les individus dans la démonstration sociale : marque du prestige social, signe de réussite sociale, désir d'appartenance à une classe sociale située à une strate sociale donnée.

C'est cette argumentation qui justifie, ici comme ailleurs, dans notre méthode, le choix du fonctionnalisme, en particulier la variante mertonienne comme grille de lecture. C'est également l'argumentation précédente qui explique la circonscription géographique si aisée de l'espace privé.

Plus généralement, l'espace privé mobilise plus d'attention, d'émotion et finalement bénéficie de plus d'action gratifiante en termes d'assainissement parce que « le chez, c'est avant tout, un espace qui abrite les valeurs d'intimité, protégée, qui crée le sentiment de sécurité, de sûreté. On pense à l'essence de coquille, de refuge essentiel que Gaston Bachelard analyse de manière si originale dans sa poétique de l'espace. Là où l'environnement social de la ville introduit la dispersion, le chez joue comme protection » ( C. Le Bris et al. , 1987 :21) ; ce que nous appelions fonction manifeste de l'espace privé.

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Cet espace, on l'appelle couramment la concession au Tchad. Il s'agit d'une extrapolation de la concession de terrain faite par l'Etat aux individus pour leur habitation. Finalement le terme désigne aussi bien le terrain que les constructions qu'il porte au nom des individus auxquels il a été concédé. Le domicile par contre peut ne pas être une propriété privée de quelqu'un. Ceci est vrai pour des locataires de maisons d'habitation par exemple. Il reste à montrer que les frontières de cet espace quoique bien défini et construit ne s'arrêtent pas aux limites de la clôture du « chez », de la concession ou du domicile. En effet, où s'arrête le chez et où commence l'espace public ?

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