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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à  N'Djaména au Tchad

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par Emmanuel Ngueyanouba
Université catholique d'Afrique Centrale - Maà®trise en sciences sociales- socio- anthropologie 2005
  

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2.2. Où finit le « chez soi » et où commence l'espace public ?

Le « chez soi » déborde ce cadre du fait de son prolongement dans les espaces publics par appropriation des espaces publics avoisinant ou morcellement regrettés par un responsable du service d'hygiène et de santé publique de la voirie. Les devantures des concessions qui sont en fait des veines qui desservent les quartiers perdent leur statut public ou se dédoublent. La considération de la devanture des concessions (qui coïncident avec les rues et ruelles des quartiers) comme prolongement naturel de l'espace privé est défendu comme un fait naturel.

Du point de vue éthologique, c'est un territoire fortement marqué comme pour dire au monde « ici également c'est chez moi ». Cette appropriation de l'espace public est la résultante d'un processus qui s'inscrit dans le temps et qui d'ailleurs est socialement construit et reconnu au moins tacitement. En effet, « la fixité de l'habitat des usagers, l'accoutumance réciproque du fait du voisinage, le processus de reconnaissance - d'identification - qui se mettent en place grâce à la proximité, à la coexistence concrète sur un même territoire urbain » (de Certeau, 1994 : 18) notamment celui qui appartient à la catégorie du public, tous ces éléments rendent bien compte des conditions de possibilité d'appropriation de l'espace public. Mayol relève que « c'est dans la tension [entre] le dedans et le dehors qui devient peu à peu le prolongement d'un dedans, que s'effectue l'appropriation de l'espace » (1994 : 21). Ce qui permet d'assurer la « continuité entre ce qui est le plus intime (l'espace privé du logement) et ce qui est le plus inconnu (l'ensemble de la ville ou même, par extension le reste du monde.» (1994 : 21). De ce qui précède, on peut conclure avec Mayol que « le public est le privé ne sont pas renvoyés dos à dos comme deux éléments exogènes, quoique coexistants ; il sont bien plus, sans cesse interdépendants. L'un et l'autre puisque dans le quartier, l'un n'a

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aucune signification sans l'autre » (1994 : 21). Antoine Prost (1987 : 16 ) notait déjà, et plus largement, que la vie privée n'a de sens que par rapport à la vie publique. »

L'appropriation du territoire public se traduit concrètement à N'Djaména par une transformation de ces espaces en parking d'engins, en lieux de commerce et de prière. Au quartier Amrigébé, une section de rue barrée retient notre attention et très rapidement, notre traducteur31 engage une conversation en ces termes avec les personnes qui vraisemblablement habitaient dans la concession dont la devanture était ainsi barrée ; deux femmes et deux jeunes filles. En désignant les pneus de voiture qui obstruaient le passage, Abba demande :

« S'il vous plaît ! Pourquoi placez-vous ces pneus au travers de la route ? »

Une femme : « Et alors ? Ce n'est pas la bouche de notre maison32 ? »

Abba : « Non ! C'est la route. C'est pour tous les usagers, la route. Attendez, je vais appeler la police »

Toutes les femmes à la fois : « Oui ! C'est ça, va vite les appeler ! Nous t'attendons. »

Une autre femme : « Tu penses que la police viendra nous chasser de chez nous ? Et puis tu imagines que la police n'est jamais passée par ici pour constater ? Pourtant c'est là ! »

La devanture est considérée ici comme une partie du « chez » à en comprendre ces femmes qui sont convaincues que la police ne les renverra pas de chez elles ; le chez nous ici désigne la devanture de la concession. Ce discours également permet de réaliser le laisser - aller qui caractérise la gestion par les populations des espaces publics. La police a vu que les rues sont barrées pour éviter que les usagers passent très près d'une concession mais elle ne réagit pas ; de même qu'elle ne réprime pas le rejet dans les rues, les caniveaux et les espaces vides des ordures ménagères, eaux usées...

D'un autre côté, l'expression « chez nous » est régulièrement convoquée pour justifier le nettoyage des rues attenantes aux espaces privés des individus. L'espace privé, au regard du discours qui précède, apparaît comme un espace particulièrement défendu par ses occupants. Il est défendu jusqu'au-delà de ses frontières les plus immédiates. Il est même concrètement surveillé par un chien méchant comme l'indiquent les plaques affichées aux portails :

31 Nous nous servons d'un interprète pour réaliser des entretiens avec les informateurs d'expression arabe tchadien.

32 Littéralement la sortie, la porte, et par extension la devanture de la maison ou de la concession. La concession tout comme la maison est un intérieur, un dedans ou analogiquement c'est un ventre dont l'accession est possible par une bouche. En langue Sara, ta ndogue ou la bouche du secco est la porte d'entrer et de sortie du kem ndogue, le ventre du secco soit l'intérieur de la concession qui n'est rien d'autre que la cour.

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« Attention aux chiens méchants ! »Il faut noter qu'aujourd'hui, les chiens sont remplacés ou complétés par des vigiles qui renforcent la sécurité des espaces privés.

En dernière analyse, nous noterons à la suite des sociologues de l'école de Chicago que « l'action de chacun sur l'environnement est déterminée par le sens donné à cet environnement. Autrement dit, les humains agissent à l'égard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux » (Alain Cerclé et Alain Somat, 2002). Il n'est pas sûr en effet que n'importe qui devinerait que les femmes dont nous venons de rapporter les propos justifient leurs usages de l'espace public par ce qu'elles le définissent comme faisant partie de leurs espaces privés.

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CHAPITRE IV : LES FACTEURS STRUCTURANT DES REPRESENTATIONS DES ESPACES ET RAPPORTS AUX ORDURES MENAGERES

Les facteurs structurant les représentations des espaces urbains et rapports aux ordures

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Les représentations des espaces urbains n'existent pas ex-nihilo. Quelques facteurs président à leur élaboration. Nous identifions des facteurs qui tiennent à l'aménagement et à l'organisation des espaces urbains et des facteurs qui tiennent aux habitudes et aux rapports que les individus ont quotidiennement avec les espaces.

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