WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La thématique de l'environnement dans la jurisprudence de la cour internationale de justice.

( Télécharger le fichier original )
par Serge ITOUROU SONGUE
Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Master II 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2 - La distinction entre construction et mise en service dommageables.

Cette distinction permet d'apporter une illustration pratique au principe de l'utilisation non dommageable du territoire. Elle a été retenue par la Cour dans le dispositif de son arrêt en l'affaire Gabcikovo - Nagymaros, même si elle continue à faire débat dans la doctrine.

- C'est lorsqu'elle examinait la question qui lui avait été posée par les parties aux termes de l'article 2 paragraphe, alinéa b du compromis que la Cour est arrivée à opérer cette distinction. En effet, la question qui était posée aux juges était celle de savoir « si la République Fédérative Tchèque et Slovaque était en droit de recourir (...) à la « solution provisoire » et de mettre en service ce système... (Construction d'un barrage sur le Danube au kilomètre 1851,7 du fleuve en territoire Tchécoslovaque, et conséquences en résultant pour l'écoulement des eaux et la navigation)144(*) ». La Cour affirme d'une part que la Tchécoslovaquie était en droit de recourir à la « solution provisoire » telle que décrite aux termes du compromis145(*), et d'autre part, que la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en service cette « solution provisoire146(*) ». La Cour justifie cette décision par le fait qu'en recourant à la variante C, la Tchécoslovaquie se bornait à entamer des travaux qui ne préjugeaient pas de la décision définitive qu'elle devait prendre. En revanche, la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en service cette variante C parce qu'il s'agissait là d'une violation des dispositions expresses du traité de 1977147(*).

La décision de la Cour dans cette affaire semble conforme au principe de l'utilisation non dommageable du territoire car en se limitant à la construction de la variante C, la Tchécoslovaquie exerce sa liberté d'action sur son territoire tout en évitant de porter atteinte aux droits de la Hongrie. Mais au regard des voix qui se sont exprimées lors de l'adoption par les juges du dispositif de l'arrêt148(*), on comprend bien que la distinction faite entre la construction et la mise en service dommageable n'a pas obtenu les faveurs d'une grande partie des membres de la Cour, comme en témoignent les opinions des juges jointes à l'arrêt.

- La distinction opérée par la Cour semble avoir fait l'objet de débats houleux en son sein. De l'avis d'une partie importante de la Cour, à l'instar du président Schwebel, la construction de la variante C ne doit pas être distinguée de sa mise en service. En effet, dans sa déclaration, le président Schwebel dit: «I have voted against operative paragraph 1b essentially because I view the construction of «Variant C», the «provisional solution», as inseparable from its being put into operation 149(*)». Dans le même sens, le juge Bedjaoui dit ne pas partager l'approche de la majorité de la Cour lorsqu'elle se livre à la distinction entre la construction proprement dite de cette «solution de rechange», qui serait licite, et le détournement effectif du fleuve, phase finale de la variante, qui serait illicite. Pour lui en effet, « une telle construction ne pouvait être ni innocente, ni neutre ; elle était marquée du sceau propre à la finalité de la variante C qui est le détournement des eaux du fleuve150(*) » (para. 46). Trois commentaires peuvent être faits de ces différents avis.

D'abord, il convient de réitérer la position de la Cour en ce qui concerne la portée des déclarations jointes aux décisions juridictionnelles internationales. En effet, la Cour a eu à affirmer la primauté de ses décisions sur les déclarations des juges151(*). C'est donc dire que les avis sus-évoqués ne représentent pas le droit positif tel que déterminé par la Cour.

Ensuite, il faut soulever l'importance et la pertinence de ces avis pour une meilleure protection de l'environnement. En effet, ces avis introduisent l'élément international dans la détermination du caractère dommageable de l'utilisation du territoire. Une utilisation du territoire est dommageable non pas seulement quant elle porte atteinte aux droits d'un Etat, mais aussi lorsqu'elle est faite dans l'intention d'atteindre un pareil résultat. Cette position convient mieux à l'objectif de protection efficace de l'environnement, car elle permet de prévenir un dommage dont la réalisation pourrait produire des effets irréversibles.

Enfin, on note que la décision de la Cour remet en cause l'affirmation du professeur Von Bar selon laquelle « tout Etat a le droit de faire lui-même ou de permettre sur son territoire toutes les constructions qui lui paraissent convenables, mais aucune construction n'est permise qui puisse porter dommage au territoire d'un autre Etat152(*) ». Pour J. Sohnle, à la lumière des acquis de la nouvelle jurisprudence, la citation du professeur Von Bar pourrait être paraphrasée comme suit : « Tout Etat a le droit de faire lui-même ou de permettre sur son territoire toutes les constructions qui lui paraissent convenables, mais, leur mise en oeuvre ne doit pas porter atteinte au droit d'usage équitable et raisonnable des eaux d'un cours d'eau international d'un autre Etat souverain153(*) ». Toujours est-il que le principe de l'utilisation non dommageable du territoire reste une obligation négative pour les Etats, au même titre que l'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement.

* 144 Projet Gabcikovo - Nagymaros. Op.cit Par. 2.

* 145 Par. 155.

* 146 Ibid.

* 147 Par. 78, Al. 3

* 148 Neuf voix contre six pour la première réponse et 10 voix contre 5 pour la seconde.

* 149 Déclaration du président Schwebel.

* 150 Opinion individuelle du juge Bedjaoui.

* 151 Sentence arbitrale du 31 juillet 1989(Guinée Bissau C., Sénégal) Cour International de Justice, arrêt 12 novembre 1991, Rec. 1991, P. 52.

* 152 Bar (V), « L'exploitation industrielle des cours d'eau internationaux », RGDIP, N°17, 1910, P. 281.

* 153 Sohnle (J), « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice : l'affaire Gabcikovo - Nagymaros », Op. Cit., P. 119.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard