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Dynamique des réseaux et des systèmes de communication des migrants sénégalais en France

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par Moda GUEYE
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 - Doctorat de géographie 2010
  

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1.3 Les étudiants

Les flux migratoires d'étudiants en quête de savoir constituent une dimension essentielle de la présence sénégalaise en France. La mobilité géographique des Sénégalais

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vers la France, dans le but d'y poursuivre des études supérieures (universitaires et non universitaires) est un phénomène relativement ancien. La France est le pays étranger qui accueille la plus forte communauté d'étudiants sénégalais. Les données fournies par le ministère français de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche révèlent que près de 60.767 étudiants sénégalais se sont inscrits dans les universités françaises de 1998 à 2007. Selon la Direction de la Programmation et du Développement (D.P.D.) du ministère de l'éducation nationale française, 68% des étudiants sénégalais expatriés ont choisi de se rendre en France en 2001-2002, représentant ainsi la deuxième communauté de l'Afrique francophone en nombre d'étudiants derrière les Gabonais 75% et devant les Camerounais 55% et les Marocains et Tunisiens 60%. Les chiffres officiels du ministère de la coopération française estimaient en 2002 à près de 95.000 le nombre d'étudiants africains, soit plus de la moitié des 180.400 étudiants étrangers dans les universités françaises. L'Afrique sub-saharienne fournissait le plus gros du contingent avec 69.671 étudiants tandis que l'on dénombrait 25.000 ressortissants du Maghreb. Comme on peut le voir sur le tableau de la page suivante, le nombre des étudiants sénégalais dans les universités françaises a régulièrement augmenté au cours de la période 1998-2006.

Jusqu'au début des années 1980, le fait d'obtenir un diplôme d'une université française était la garantie de l'accès à un emploi stable prestigieux et bien rémunéré au Sénégal, le plus souvent dans l'administration, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Toutefois, dans l'imaginaire de nombreuses familles sénégalaises, les diplômes acquis dans les écoles et universités françaises restent encore pour leurs enfants le gage d'une insertion professionnelle sécurisante notamment, à leur retour. La renommée et l'attrait de l'enseignement dans les écoles et universités françaises ont été considérablement rehaussés au cours de ces dernières années par la dégradation et la faillite du système éducatif sénégalais. Depuis quelques années, l'enseignement supérieur au Sénégal se trouve dans une véritable impasse. Les manquements sont, de manière générale, criants à tous les niveaux. Le principal écueil est l'effectif pléthorique de la population estudiantine. Les capacités d'accueil, notamment de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) sont largement insuffisantes et dérisoires pour assurer de bonnes conditions d'études aux étudiants. La situation est encore plus alarmante quant aux possibilités d'hébergement. Le Sénégal a connu une année blanche en 1988 et une année invalide en 1994. Les grèves cycliques et répétitives ont fini de saper le moral des étudiants les plus endurants et les plus aguerris. Dans de telles conditions, beaucoup de

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jeunes restent persuadés que les formations et les enseignements dispensés en France sont sans commune mesure avec ce qu'ils peuvent recevoir dans leur propre pays. Guilaine Thébault (2008) a constaté pendant ses enquêtes menées au Sénégal sur des étudiants suivant une formation à distance cet intérêt prononcé des étudiants sénégalais dans l'acquisition de diplômes étrangers. Elle ajoute que « ces universités de renom qui délivrent leurs diplômes à distance sont mieux réputées que l'université sénégalaise, au sein de laquelle sévissent crise et perturbations, amputant les perspectives d'insertion sur la marché du travail ». Même si les coûts de formation dans les instituts d'enseignement supérieur privé ou à l'étranger sont beaucoup plus élevés que les coûts de l'enseignement dans les universités sénégalaises, la plupart des étudiants considèrent l'investissement plus sûr pour trouver ensuite des débouchés, « contrairement à l'université d'Etat, dont on dit qu'elle est une fabrique de chômeurs maîtrisards. Il existe donc réellement une volonté d'extraversion, autrement appelée « désir d'ailleurs » extrêmement vivace, et notamment chez les étudiants sénégalais » (G. Thébault, 2008).

Le désir de poursuivre ses études en France est en outre motivé en partie par l'exemple de certaines élites rentrées au pays où elles ont acquis une position sociale et financière extrêmement confortable. Ainsi, chaque année, des centaines de jeunes étudiants sénégalais prennent d'assaut le site web de Campus France Sénégal avec un infime espoir de trouver une inscription dans une université française, et ensuite pour y effectuer les démarches de demande de visa.

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Tableau 1. Effectifs des étudiants sénégalais dans les universités françaises de 1998 à 2007

Années

Effectifs

1998-1999

3548

1999-2000

4078

2000-2001

5147

2001-2002

6166

2002-2003

7324

2003-2004

8020

2004-2005

8565

2005-2006

9019

2006-2007

8900

Total

60767

Source : SISE, ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

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Graphique 2. Effectifs des étudiants sénégalais dans les universités françaises de 1998 à 2007

Source : SISE, ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

1.3.1 Des conditions de vie et d'études généralement difficiles

Il faut préciser d'abord que la procédure pour trouver une inscription dans une université française est extrêmement compliquée. Les étudiants sénégalais sont présents dans presque tous les établissements universitaires de l'Hexagone. Une large majorité des étudiants sénégalais en France est inscrite dans les universités de la région parisienne. Ils sont également nombreux à Reims, à Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Lyon, Grenoble...

La plupart des étudiants ne sont pas boursiers. Seule une petite partie dispose d'une bourse ou d'une aide offertes par le gouvernement sénégalais. Les parents qui en ont les moyens envoient régulièrement de l'argent à leurs enfants. Cependant, la grande majorité doit chercher du travail en dehors des horaires de cours pour financer ses études.

L'observation des données statistiques fournies par la D.P.D. en 2001-2002 nous fait constater que les étudiants sénégalais s'inscrivaient principalement en premier cycle et s'orientaient d'abord dans les disciplines comme les sciences économiques, juridiques et de gestion. Les étudiants poursuivant des études supérieures dans les filières sciences humaines et sociales étaient également très nombreux, de même que ceux qui sont dans

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les disciplines techniques (A. Coulon et S. Paivandi, 2003). Pour bon nombre d'étudiants, l'arrivée dans ce nouvel environnement géographique et social a été un véritable choc. Passer l'euphorie du départ et l'angoisse des premiers jours d'arrivée, le mythe de la France comme eldorado commence peu à peu à s'effondrer. En effet, les différences culturelles sont tellement énormes que beaucoup se retrouvent un peu déboussolés dans les premiers instants. Tout au long de leur parcours scolaire, ils sont confrontés à des procédures administratives et scolaires multiples et particulièrement complexes.

Les difficultés pour trouver un logement constituent une préoccupation permanente et un problème majeur. Les étudiants qui sont dans les villes de province sont parfois obligés de recourir à toutes sortes de subterfuges avec les services des Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) afin de pouvoir obtenir une chambre de petite taille, ne dépassant pas 9 m2, en résidence universitaire à Bordeaux. Ceux qui sont à Paris ont généralement beaucoup plus de difficultés pour obtenir un logement, notamment en cité universitaire. Le mode de logement le plus fréquent en région parisienne semble être la cohabitation, le partage d'un appartement (loué dans le logement privé) avec des amis ou proches. Souvent peu spacieux, ils (ces chambres et ces appartements) n'en constituent pas moins de véritables lieux de vie et de sociabilité. Les étudiants s'y retrouvent souvent pour préparer les repas et le thé, mais surtout pour discuter (de politique ou de sport la plupart du temps), partager leurs peines, leurs angoisses et leurs déceptions ainsi que leurs rares moments de bonheur et leurs espérances en des lendemains meilleurs. Ces logements ont pu servir de cadre à la naissance de solides liens d'amitié. C'est là aussi que certains couples se sont rencontrés. La religion occupe également une place importante dans ces espaces. Les résidences universitaires servent de temps en temps à accueillir les activités des dahiras des étudiants mourides en particulier. Les restaurants universitaires sont aussi des espaces collectifs où les étudiants peuvent se rencontrer de temps en temps pour discuter et échanger. Tous les espaces collectifs aménagés dans les cités universitaires (salles de télé, salles de travail, salles de jeux...) sont utilisés comme des lieux de rencontre. Ces espaces ont aussi permis parfois d'entretenir des échanges interculturels assez enrichissants avec des étudiants français et européens (étudiants séjournant en France dans le cadre du programme Erasmus), ou encore soit avec d'autres étudiants africains ou soit avec des étudiants venus d'autres continents avec des cultures complètement différentes.

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Les jobs pour étudiants se faisant de plus en plus rares, certains sont prêts à accepter tout ce qui leur tombe entre les mains, des emplois parfois très mal rémunérés, à des heures pénibles. Bon nombre d'entre eux sont presque contraints d'être manutentionnaires, agents d'entretien ou de surveillance. Certains sont obligés de travailler en tant que saisonniers dans les vignobles champenois et bordelais. D'autres sont recrutés pour aller faire la récolte des myrtilles, des fraises, des pommes, des melons dans l'Aviron, d'aller castrer les maïs à Mont de Marsan dans les Landes.

Soumis à des obligations de réussite de la part des services de la préfecture ou de la sous-préfecture, selon les régions, les étudiants préfèrent se consacrer corps et âme à leurs études et nettement moins à des activités culturelles, sociales, ludiques ou sportives. Le redoublement, un changement d'orientation ou un manque de cohérence dans les études peuvent être considérés par les services administratifs habilités comme des prétextes suffisants pour refuser le renouvellement de la carte de séjour de l'étudiant qui, s'il n'y prend garde, risque ainsi d'aller grossir le contingent des « sans-papiers ». Dans ce contexte de difficultés, réussir son insertion et ses études relève naturellement d'un véritable exploit pour beaucoup d'étudiants.

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