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La règle du double degré de l'instruction dans le droit répressif camerounais

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par Rodrigue TCHATCHOUANG TCHEJIP
Université de Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit privé 2011
  

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§-II Les pouvoirs du juge d'instruction

L'époque de la confusion entre l'autorité de poursuite et celle de l'instruction est aujourd'hui révolue. La loi de 2005/007 loin de constituer un ``petit séisme''71(*) aura été un véritable raz de marée, du moins en ce qui concerne la distribution des fonctions répressives. Elle consacre de nouveau le vieux principe déjà applicable dans le CIC de 1808. Il s'agit du principe de la séparation des autorités répressives que certains sont même allés jusqu'à comparer à la séparation des pouvoirs consacrée en droit constitutionnel72(*). La consécration de ce principe par le législateur de 2005 fait renaître un «ancien nouveau» ou mieux un revenant considérée même comme un messie73(*). Celui-ci tenant la phase la plus délicate de la procédure, nous pouvons aisément s'interroger sur l'entendue des attributs dont il est dépositaire. Cependant quelques inquiétudes demeurent quant au professionnalisme des juges aujourd'hui chargés de l'instruction, car restés longtemps écartés de celle-ci. La formation des juges au Cameroun étant une formation générale, nous pouvons estimer que les juges qui seront choisis pour l'information judiciaire sauront mettre en oeuvre les multiples fonctions qui accompagnent cette phase procédurale. Il s'agit de la fonction d'instruction (A) et de la fonction de juridiction (B).

A- Les pouvoirs d'information du juge d'instruction

Une large opinion du public fait du juge d'instruction un homme en quête systématique de charges pour confondre la personne inculpée. On a souvent tendance à oublier que ce dernier doit instruire objectivement en recherchant au besoin tous les faits de nature à établir l'absence d'infraction. C'est pour dire que le juge instruit ``à charge et à décharge''. Cette mission du juge d'instruction, d'une délicatesse avérée nécessite l'accomplissement d'une multiplicité d'actes. Ces actes peuvent à la fois être accomplis personnellement par le juge d'instruction, mais aussi par d'autres personnes commises à cet effet. Le pouvoir d'information du juge d'instruction se résume donc comme l'ensemble des actes que celui-ci effectue dans le cadre et dans les limites de ses fonctions pour traquer ou innocenter les personnes mises en cause. Dans tous les cas, le juge d'instruction conduira sa mission soit seul soit avec l'aide des autres acteurs de la procédure pénale. Ceci dépendra de la nature de l'affaire74(*). Dès lors, il est évident que le pouvoir d'information du juge d'instruction se répartit entre les actes accomplis personnellement par ce dernier (i) et les actes délégués (ii).

i- Les compétences personnelles du juge d'instruction.

Le principe veut que le juge d'instruction soit saisi in rem c'est-à-dire uniquement des faits. Ceci laisse la latitude à ce juge d'avoir une liberté d'action sur quiconque sera suspecté d'être auteur ou complice d'une infraction. Il faut déduire logiquement de ce qui précède et à la lecture de la loi de 2005 que le juge d'instruction est compétent pour accomplir des actes qui porte tant sur la personne (a) que sur les biens de celle-ci (b).

a- La compétence du juge d'instruction sur les personnes

Saisie d'un réquisitoire nominatif ou non, le juge d'instruction a l'obligation de rendre une ordonnance à fin d'informer ou de refus d'informer75(*). Lorsqu'il opte pour l'ouverture de l'instruction, il peut agir contre des personnes identifiées ou non. Lorsque la personne est nommée, le juge procède à son inculpation s'il existe contre lui des indices graves concordant à sa culpabilité. A ce moment précis de la procédure, le juge est doté de prérogatives pouvant aller jusqu'à atteindre la liberté de l'individu. Toutefois, le juge d'instruction doit aussi bien mettre en oeuvre ses pouvoirs qu'il respecte ses devoirs. Le juge d'instruction peut ainsi par divers mandats obliger une personne à participer à l'information. Il s'agit des mandats de comparution, d'amener, d'arrêt et de dépôt et même de détention provisoire.

Le mandat de comparution met la personne en demeure de se présenter devant son signataire, aux dates et heures y indiquées76(*). Quant au mandant d'amener, il est l'ordre donné aux officiers de police judiciaire de conduire immédiatement devant son auteur la personne y désignée77(*). Le mandat d'arrêt consiste à donner l'ordre pour la recherche de l'inculpé, le mandat de détention provisoire est l'ordre donné par le Procureur de la République au juge d'instruction d'autoriser la réception d'un individu dans une maison d'arrêt.

Dès que le juge d'instruction reçoit un individu en vertu d'un mandat ci-haut cité, il l'entend sans délai. Lors de l'interrogatoire de première comparution, il identifie l'inculpé par un procédé souvent dit «interrogatoire d'identité »78(*). Après l'inculpation, il pèse sur le juge plusieurs obligations79(*). En dehors des actes accomplis par le juge sur les personnes expressément mises en examen, celui-ci peut aussi auditionner les témoins. Il le fait par convocation ou par citation. Le juge procède à l'identification des témoins. Après audition, il fait lire à ce dernier sa déposition. Tous les actes accomplis par le juge sur les personnes sont à peine de nullité consignés dans le procès verbal qui est paraphé par le juge, le greffier, le témoin et l'interprète s'il en existe80(*).

b- La compétence du juge d'instruction sur les biens

On a coutume d'entendre parler des pièces à conviction durant la procédure. Il peut s'agir de toute chose qui, placée sous la main du juge peut servir de preuve. Ces pièces peuvent se constituer de documents écrits, de tout autre objet ayant permis la commission du crime ou appartenant à la victime. Ceux-ci pouvant être dissimulés, la loi accorde au juge d'instruction comme à la police judicaire tout un arsenal pour retrouver ces pièces. Il s'agit entre autres des perquisitions et des saisies.

Selon l'article 177, « le juge d'instruction peut se transporter sur toute l'étendue du ressort territorial de sa juridiction pour effectuer tous les actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, et notamment procéder à des perquisitions et à des saisies ».

Les perquisitions s'imposent aux intéressés et peuvent se faire dans tous les lieux81(*). Elles sont avec les saisies les moyens d'action sur les biens d'autrui par le juge d'instruction, il faut cependant remarquer que dans le but de protéger les libertés et les droits fondamentaux des individus, elles sont strictement encadrées. On aurait pu néanmoins se dire que l'erreur sur le lieu, le bien fondé et l'opportunité de la perquisition ne pouvant fonder une action en dommages intérêts consacre une liberté totale du juge d'instruction. Il en est rien. Le juge d'instruction est soumis au respect de la règlementation selon qu'il se trouve chez l'inculpé, le tiers ou chez un professionnel.

S'agissant de l'inculpé, la perquisition et la saisie ne sont valables que si les dispositions des articles 92 à 99 sont respectées. En ce qui concerne les professionnels, les perquisitions ne peuvent être valables que dans les conditions prévues par les articles 106 et 107. Le juge d'instruction ne peut retenir que les objets pouvant contribuer à la manifestation de la vérité. Dans le cas contraire, ils seront restitués et mentionnés au procès verbal. Les objets saisis doivent faire l'objet d'un inventaire. Le juge est lié par le secret professionnel. Dans le cas contraire, il s'expose aux sanctions de l'article 310 du code pénal. Toutefois Le juge d'instruction peut tout de même déléguer certains de ses actes.

ii- Les compétences déléguées du juge d'instruction

Transport sur les lieux, perquisitions, saisies et audition des personnes, voilà répertoriées les techniques qui permettent au juge d'instruction de rassembler le maximum d'indices qui pourront contribuer à culpabiliser ou non l'inculpé. Toutes ces techniques nécessitent un ensemble de mouvement de « va et vient » qui peuvent parfois égarer le juge dans sa quête et contribuer par là au prolongement de la procédure. Fort heureusement, le législateur pour pallier cet imbroglio a prévu des commissions rogatoires. Elles consistent en une délégation écrite par laquelle le juge d'instruction, pour des raisons d'ordre technique, pratique ou de bonne administration de la justice, charge un autre juge d'instruction ou un officier de police judiciaire, de procéder en ses lieux et places un ou plusieurs actes d'instruction82(*). Elles peuvent s'étendre sur le sol national comme dans l'espace international. Les commissions rogatoires présentent des avantages et des inconvénients. Tout d'abord, elles permettent d'élargir la compétence rationae loci du juge d'instruction. Ensuite, elles désengorgent aussi l'éventuel encombrement du cabinet du juge et décharge même ce dernier de l'accomplissement de certains actes.

Cependant, elles présentent un danger dans la mesure où le juge d'instruction peut avoir tendance à se décharger de ses obligations au profit des auxiliaires. À côté de ces commissions rogatoires (a) qui constituent la charnière des actes d'instruction délégués, on peut citer une autre forme de délégation qui cette fois s'impose au juge d'instruction car ne pouvant s'accomplir que par un professionnel. Il s'agit de l'expertise (b).

a- Les commissions rogatoires

« Le juge d'instruction peut donner commission rogatoire à tout autre juge d'instruction et sous réserve des dispositions de l'article 152, à tout officier de police judiciaire à l'effet de procéder à tous les actes d'information.

Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis exerce dans les limites de la commission rogatoire, tous les pouvoirs du juge d'instruction mandant(...) »83(*).

Cette pratique est souvent courante en raison des nécessités de service pour la rapidité de la procédure répressive. Cependant, le texte est clair en ce qui concerne la portée de cette institution. Il limite autant les personnes destinataires des commissions que l'objet même de ces commissions.

1- La limitation des personnes habilitées à recevoir les commissions rogatoires

La loi prévoit expressément deux bénéficiaires des commissions rogatoires. Il s'agit d'un juge d'instruction et d'un officier de police judiciaire. Nous pouvons estimer qu'il était de bon augure que plusieurs juges d'instruction soient nommés dans un même tribunal. La délégation des pouvoirs à l'un par l'autre ne pouvant poser de véritable problème, même si les juges sont des ressorts territoriaux différents84(*).

Ces bénéficiaires dit principaux des commissions rogatoires peuvent dans l'exercice de leur mission donner aussi commissions rogatoires à d'autres officiers de police judiciaire. Cette prérogative n'est permise qu'aux magistrats à l'exclusion des officiers préalablement commis. Qu'il soit juge ou officier de police judiciaire, le bénéficiaire de la commission rogatoire doit accomplir sa mission dans les limites dictées par le juge mandant dans son acte.

2- La limitation de l'objet des commissions rogatoires

Les commissions rogatoires ne doivent pas être un moyen pour le juge d'instruction de se dévêtir de sa mission régalienne. Pour cette raison, la doctrine interdit les commissions rogatoires générales, et la loi de 2005 l'a bien intégré quand elle précise, « la commission rogatoire doit indiquer la nature de l'infraction objet des poursuites (...). Elle ne peut prescrire que des actes d'information se rattachant à l'infraction objet des poursuites »85(*).

Cette disposition pourrait prêter à confusion lorsque plus haut la loi précise que le commissionnaire peut procéder à tous les actes d'instruction (Art 191 alinéa 1). Mais la lettre de l'alinéa 2 de cet article précise, « le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis exerce dans les limites de la commission rogatoire, tous les pouvoirs du juge d'instruction mandant ».

Ceci permet de comprendre que la commission rogatoire ne doit pas simplement prescrire les « actes se rattachant directement à l'infraction objet des poursuites », mais ces actes doivent émaner aussi de la volonté du juge mandant. Cela s'explique par le fait que certains actes ne peuvent être exécutés par les officiers de police. A ce titre, on peut citer en exemple les mandats86(*), l'interrogatoire de première comparution, les confrontations etc.

S'agissant de l'exécution des commissions rogatoires, elle se fait dans les limites et les délais prescrits par le juge d'instruction mandant. Il faut dire qu'à peine de nullité, l'acte de commission doit revêtir son sceau, être daté et signé par lui87(*). Les bénéficiaires de la commission disposent des mêmes pouvoirs que le juge d'instruction sur les actes délégués. Ils peuvent découvrir de nouveaux faits, les personnes assujetties sont tenues de comparaître. Ils peuvent mettre les individus en garde à vue88(*). Ils sont toutefois tenus d'agir dans les délais prescrits par le juge mandant. Les actes accomplis par les bénéficiaires sont consignés dans des procès verbaux. La régularité de ceux-ci sera vérifiée par le juge mandant qui peut ordonner leur reprise ou personnellement les accomplir. Cependant, d'autres actes plus techniques ne peuvent être accomplis par le juge d'instruction et ne demandent que la présence d'un professionnel.

b- La commission d'expert

« Lorsqu'une question d'ordre technique se pose au cours de l'information, le juge d'instruction peut, soit d'office, soit à la demande des parties y compris éventuellement l'assureur de responsabilité, ordonner une expertise et commettre un ou plusieurs experts »89(*).

De ce qui précède, il ressort que la commission de l'expert n'est possible que pour des questions techniques, étrangères au juge d'instruction. L'expert ne peut pas être la partie, même si elle s'y connaissait dans le domaine. La loi précise que celui-ci peut être commis d'office, c'est-à-dire à l'initiative du juge d'instruction.

Commis d'office, à la demande des parties ou de l'assureur de responsabilité, l'expert doit avant l'exercice de sa mission prêter serment soit oralement ou par écrit. En fonction de la complexité de l'affaire, il peut être commis plusieurs experts. La loi précise simplement que ceux-ci doivent être inscrits sur une liste nationale. Ce choix que l'on peut qualifier de restreint cohabite tout de même avec la possibilité d'un choix dit large. Il consiste à choisir tout expert ne figurant pas sur ladite liste, ce dernier devant simplement se conformer aux mêmes règles que les autres. Il est cependant important de rappeler que « toute décision de rejet d'une demande d'expert doit être motivée ». Elle est susceptible d'appel.

Lorsqu'il est commis, l'expert doit limiter sa mission sur les questions techniques qui ont commandé son intervention. Il doit remplir sa mission dans les délais impartis. Ceux-ci sont susceptibles de prorogation. L'expert doit consigner ses résultats dans un rapport qui sera notifié aux parties. L'expert qui ne le fait pas dans les délais pourra être à la diligence du ministère public poursuivi sur le chef de requis défaillant90(*). Il est important de noter qu'au cours de sa mission, l'expert, sous le contrôle du juge d'instruction dispose de prérogatives diverses. Il peut entendre l'inculpé s'il l'estime utile 91(*). Il ne pourra le faire qu'en présence de son conseil et du juge d'instruction. Cette nouvelle vision contraste avec une vielle jurisprudence qui jadis frappait cette pratique de nullité.

Doit-on cependant reconnaitre avec certains auteurs92(*) le doute qui peut peser sur la fiabilité des résultats de l'expertise au Cameroun, en raison de l'insuffisance technologique dans certains domaines ? Le juge d'instruction étant lié par les résultats, il est fort probable que ceux-ci influencent l'orientation de ce dernier. On serait alors appelé pour résoudre ce problème à consacrer une « expertise contradictoire », ou libre et contrôlée. Ce qui évitera dans tous les cas l'arbitraire de l'expert. Nous pouvons aussi sur cette question déplorer l'insuffisance des textes en droit camerounais.

Après avoir accompli par lui-même ou par personne interposée tous ces actes d'information, le juge d'instruction fait usage de son pouvoir de juridiction.

* 71 L'expression est du professeur Pougoue (P.G), utilisé pour qualifier la réforme du Code du Travail camerounais par la loi du 14 août 1992.

* 72 Pradel (J), op.cit. P.25.

* 73 Ohanda Eloundou, op.cit. P. 91.

* 74 Certaines affaires sont souvent complexes que le juge d'instruction seul ne peut les conduire. La complexité peut être due à la connexité avec d'autres faits, commis hors du domaine de compétence d'un juge d'instruction.

* 75 Article 147, 148 et 149 Cpp.

* 76 Article 13

* 77 Article 14

* 78 Larguier (J), op.cit. P.135.

* 79 Cf. article 170 Cpp.

* 80 Article 185 Cpp.

* 81 Article 178

* 82 Ohanda Eloundou, op.cit. P.95.

* 83 Article 191 CPP.

* 84 Ceci peut s'expliquer par le fait que les juges étant tous de l'instruction mèneront leur activité dans le strict respect des règles de l'art. Cette éventualité aura pour conséquence la consolidation de l'indépendance du juge d'instruction.

* 85 Article 193

* 86 Article 195

* 87 Article 193

* 88 Article 196

* 89 Article 103

* 90 Article 174

* 91Crim. 27 février 1978, JCP ; 1979, II 19193, note Chambon.

* 92 Spener Yawaga, op.cit. P.129.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein