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Mémoire, identité et dynamique des générations au sein et autour de la communauté harkie. Une analyse des logiques sociales et politiques de la stigmatisation.

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par Emmanuel BRILLET
Université Paris IX Dauphine - Doctorat de sciences politiques 2007
  

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B. Combien étaient-ils ? Effectifs comparés avec ceux du FLN/ALN et importance relative des musulmans pro-français dans la population musulmane algérienne

Les musulmans pro-français, toutes catégories confondues (personnels civils et militaires), pouvaient-ils être comparés à une "nomenklatura" ou à un "réduit collaborationniste", vivant en marge ou au ban de la société algérienne ? Cette question est importante car l'unanimisme était (et reste) un élément fort du récit algérien, du moins tel que porté par le FLN au cours et à la suite du conflit. Or, sur un plan strictement comptable, si l'on compare les effectifs des musulmans pro-français à ceux des militants et combattants du FLN/ALN (auxiliaires, maquisards mais aussi djounouds de l'armée des frontières), la réponse est clairement négative : les effectifs des premiers ont été continûment supérieurs à ceux des seconds (voir ci-dessous), même s'il faut tenir compte, pour ceux-ci, des difficultés particulières d'engagement dans l'organisation civile et militaire du FLN/ALN (et pas seulement dans les maquis) et du taux de renouvellement plus important des effectifs de l'ALN (en raison de pertes infiniment supérieures à celles des supplétifs). Inversement, les risques encourus par ceux des musulmans qui acceptaient une charge élective ou administrative d'une part, la limitation des crédits impartis aux formations supplétives - limitation qui, localement, a pu interdire de faire droit à l'ensemble des disponibilités et demandes d'engagement227(*) - d'autre part, ont pu également contribuer à contenir les effectifs des musulmans pro-français en deçà des potentialités réelles.

- Les effectifs maximums pour l'ensemble des unités supplétives

Selon Maurice Faivre, les effectifs maximums des troupes supplétives - toutes catégories confondues - sont atteints en janvier 1961 : à cette date, on dénombre 153.470 supplétifs aux côtés des troupes régulières de l'armée française, dont 119.470 sont effectivement armés (a contrario, 34.000 membres des GAD sont dépourvus de tout armement individuel)228(*). Pour sa part, Charles-Robert Ageron, rapportant les estimations du 2ème bureau et de l'EMI, indique des pics d'effectifs de supplétifs armés compris entre 120.000 et 125.000 hommes fin 1960229(*).

- Les effectifs maximums pour l'ensemble des combattants musulmans de l'armée française (formations supplétives et troupes régulières)

Si l'on ajoute aux supplétifs, les musulmans engagés (26.199) ou appelés (39.216) dans les troupes régulières, l'on atteint - toujours en janvier 1961 - un maximum historique de 218.685 combattants musulmans, dont 184.685 sont effectivement armés (34.000 membres des GAD non armés). À quoi s'ajoutent 1.515 engagés et 21.416 appelés affectés en Europe230(*).

Encore ces pics d'effectifs ne donnent-ils qu'une idée partielle de l'importance des enrôlements tout au long des sept années et demi de guerre. Jean Monneret évoque ainsi, en termes non plus d'effectifs maximums mais bien d'effectifs cumulés, « l'engagement massif de plusieurs centaines de milliers de Musulmans, échelonné sur plusieurs années »231(*). La décroissance des effectifs intervient à partir de 1961 avec l'amorce de la politique dite de « dégagement ». En 1961, les effectifs des harkis sont réduits de 25%, ceux des autodéfenses de 50%. Au moment de la conclusion du cessez-le-feu, en mars 1962, il demeure tout de même 146.449 combattants musulmans (87.600 supplétifs, 24.548 engagés et 33.301 appelés), dont 138.449 sont armés (8.000 membres des GAD non armés). À quoi s'ajoutent 6.382 engagés et 209 appelés affectés en Europe232(*).

- Les effectifs globaux des musulmans acquis à la France, toutes catégories de personnels confondues, civiles et militaires

Si, donnant à la notion de musulmans pro-français son extension maximale, l'on ajoute les petits et grands commis de l'État aux membres des formations supplétives et des troupes régulières, l'on compte au moins 250.000 Algériens engagés à un titre ou à un autre dans le camp français, soit environ 1.000.000 (un million) de personnes en comptant la (très) proche famille (sur un total de 8 millions de musulmans vivant en Algérie à cette époque)233(*).

- Les effectifs des militants et combattants du Front de libération nationale/Armée de libération nationale (auxiliaires, maquisards et djounouds de l'armée des frontières)

Selon le 2ème Bureau, les effectifs maximums de l'ALN/FLN, atteints à la charnière de 1957 et 1958, n'auraient jamais dépassé les 50.000 hommes armés, dont 32.000 au Maroc et en Tunisie (auxiliaires non armés non compris)234(*). En termes d'effectifs cumulés, le recensement de 1974 du ministère algérien des Anciens combattants fait état d'un total de 336.748 combattants sur l'ensemble de la période de guerre, se répartissant comme suit235(*) :

COMBATTANTS

VIVANTS

TUES

TOTAL

Organisation civile du FLN

Armée de libération nationale

122.990

60.895

81.468

71.395

204.458

132.290

TOTAL

183.885

152.863

336.748

Au final, deux constats s'imposent : 1. les effectifs maximums des combattants musulmans de l'armée française à une époque donnée ont été continûment supérieurs à ceux des membres actifs du FLN et de l'ALN ; 2. le taux de renouvellement des effectifs du FLN et de l'ALN, malgré une décroissance continue à partir de 1957-58, a été infiniment plus rapide que celui des troupes musulmanes loyalistes. Qu'en conclure ? Selon Guy Pervillé, « malgré la part d'incertitude des évaluations proposées des deux côtés, une conclusion vraisemblable s'en dégage : le nombre des Algériens musulmans engagés dans l'un et l'autre camp a été du même ordre de grandeur [en termes d'effectifs cumulés] »236(*). Il faut le souligner sans attendre : ces chiffres témoignent d'une réalité autrement plus labile que celle portée par le récit unanimiste du FLN. Ils témoignent en effet, pour le moins, de la fragilité de l'accusation de "trahison" véhiculée à l'encontre des musulmans pro-français, et, pour cette raison même, de son impérieuse nécessité sur un plan stratégique pour une organisation qui se voulait politiquement hégémonique.

* 227 Selon le bachaga Boualam, citant un général, à la fin de 1956 et au début de 1957, « les demandes d'armes par les autodéfenses affluèrent, mais les volontaires pour s'engager dans les harkas afin de participer de façon active à la lutte étaient en si grand nombre qu'il fallut contingenter chaque mois et par zone le nombre d'engagements à accepter en fonction des crédits et des armes disponibles » (Saïd Boualam, Les harkis au service de la France, Paris, France-Empire, 1963, p.154).

* 228 Maurice Faivre, « Les supplétifs dans la guerre d'Algérie », Guerre d'Algérie magazine, « Harkis et pieds-noirs : le souvenir et la douleur. Numéro spécial été 62 », n°4, juillet-août 2002, p.21-22

* 229 Charles-Robert Ageron, « Les supplétifs algériens dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la F.N.S.P., n° 48, octobre-décembre 1995, p.10-11.

* 230 Maurice Faivre, « Les supplétifs dans la guerre d'Algérie », Guerre d'Algérie magazine, « Harkis et pieds-noirs : le souvenir et la douleur. Numéro spécial été 62 », n°4, juillet-août 2002, p.21-22. Charles-Robert Ageron, relayant les estimations du 2ème bureau (établies au 1er novembre 1960) aboutit à des chiffres équivalents à ceux de Maurice Faivre, à savoir : un maximum historique de 214.000 combattants musulmans, dont 178.160 sont effectivement armés (« Les supplétifs algériens dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la F.N.S.P., n° 48, octobre-décembre 1995, p.10-11) ; voir aussi Guy Pervillé, Pour une histoire de la guerre d'Algérie, Paris, Picard, 2002, p.136-137.

* 231 Jean Monneret, La phase finale de la guerre d'Algérie, Paris, L'Harmattan, 2001, p.322.

* 232 Maurice Faivre, « Les supplétifs dans la guerre d'Algérie », Guerre d'Algérie magazine, « Harkis et pieds-noirs : le souvenir et la douleur. Numéro spécial été 62 », n°4, juillet-août 2002, p.21 à 23.

* 233 Cf. Guy Pervillé, Pour une histoire de la guerre d'Algérie, Paris, Picard, 2002, p.136.

* 234 Cf. Maurice Faivre, Les combattants musulmans de la guerre d'Algérie. Des soldats sacrifiés, Paris, L'Harmattan, 1995, p.125, 258 et 266-268. Voir aussi Jean Monneret, La phase finale de la guerre d'Algérie, Paris, L'Harmattan, 2001, p.322-323.

* 235 Cf. Djamila Amrane, Les femmes algériennes dans la guerre, Paris, Plon, 1991, p.232. Voir aussi Jean Monneret, La phase finale de la guerre d'Algérie, Paris, L'Harmattan, 2001, p.322-323.

* 236 Guy Pervillé, Pour une histoire de la guerre d'Algérie, Paris, Picard, 2002, p.136-137.

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