3 : Limites du Rex pour le
pilotage des risques
Les méthodologies de construction des estimations de
risques sont fondées trop souvent sur une exploitation statistique ;
l'exploitation des bases de données est fondée sur  le  travail 
des  hommes  dont  les  raisonnements  ne  peuvent  être  si  facilement
reproduits en dépit de l'illusion que la « magie des grands nombres
» selon Paries et Meritt devrait permettre d'identifier les faiblesses et
donner les moyens de les corriger. 
Mais, on peut questionner l'impact du manque de données
(dans la mesure où les accidents sont rares) : 
 La statistique descriptive est basée sur le postulat
qu'en présence de nombreux tirages, on peut déduire la loi (ici,
a priori, on est à la recherche de la loi de dégradation du
système). Or, dans notre cas, comme nous n'avons ni assez de tirages ni
assez de données, il n'y a pas de valeur statistique. 
On accumule de la connaissance depuis une vingtaine
d'années sur des listes de dysfonctionnements  (déraillements, 
nez  à  nez...)  dont  les  causes  peuvent  être
différentes  dans  la  mesure  où  le  système  a 
beaucoup  changé  (technologies différentes, populations
différentes...). Ainsi, on augmente le risque de déformer les
conclusions sur les données agrégées. Enfin, la
validité est conditionnée par les modalités de recueil :
seule l'exhaustivité garantit la représentativité. 
Par ailleurs, ces données de statistiques sont pour la
plupart fondées sur le fonctionnement passé. Le manager a besoin
d'anticiper le futur et donc de se faire une image du fonctionnement futur.
Dans les systèmes complexes ultra-sûrs tels que l'est le
système ferroviaire, le risque qui va survenir demain sera probablement
différent de celui qui est survenu hier.   En utilisant le Rex comme
unique source d'informations pour  le  pilotage  des  risques,  on  tombe  dans
 le  travers  d'« entrer  dans  l'avenir  à reculons ». 
Enfin,  à  l'issue  de  l'analyse  globale  de  risques
 (donc  suivant  différentes dimensions) menée dans le cadre du
Rex, certaines difficultés subsistent, restreignant la capacité
du Rex à être une aide à la décision
complète. 
 D'une part, il est rare qu'une solution domine les autres
suivant tous les enjeux. Par exemple, sans que cela soit nécessairement
systématique, il peut arriver que les enjeux de sécurité
entrent en conflit avec d'autres intérêts ; à partir de ce
moment, les décideurs sont amenés à arbitrer entre
avantages et inconvénients des alternatives proposées selon une
grille de performance (sécurité, coûts,
régularité...). 
 D'autre  part,  les  décisions  impliquant  les 
pilotes  des  systèmes  impactés  et concernant plusieurs
métiers sont prises dans le cadre de comité les
réunissant. Il faut  alors  tenir  compte  et  traiter  les 
difficultés  des  décisions  collectives,  en particulier, des
perceptions des risques différentes voire divergentes (du fait de
fonctions, métiers et vécus différents). 
Ainsi, en dépit d'une description exhaustive et
pertinente des risques, il n'y a, dans ce type de situations de type multi
enjeux et multi acteurs, aucune évidence dans la décision et
objectivité a priori possible. Pour qu'un choix commun puisse
s'opérer, les managers doivent se concerter et s'accorder. Actuellement,
l'illusion de coordination est nourrie par le biais de réunions et
autres comités de décision où chaque membre se contente 
de  présenter  les  objectifs  visés  et  les  moyens  de  les 
atteindre,  sans  se confronter aux autres membres. La survenue d'un accident
et le renvoi de responsabilité témoigne d'un accord  qu'on
pourrait qualifier « de surface ». Alors qu'on pensait que les
évaluations étaient communes, elles se révèlent
différentes. 
  
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