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Les enfants dans les attentats suicides: étude comparative de trois cas: Sri Lanka, Palestine, zone Afghanistan/Pakistan

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par Mélanie JOANNES
Institut catholique de Paris - Master 2 sciences politique, mention géopolitique et sécurité internationale 2011
  

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Conclusion

Avant de tirer les conclusions de cette étude et de répondre à la problématique posée dans l'introduction, nous allons qualifier les enfants martyrs. Les informations, que nous avons exposé plus haut, nous permettent désormais de déterminer si les enfants martyrs sont une catégorie bien à part ou s'il s'agit d'une sous-catégorie d'enfants soldats. Rappelons la définition fixée lors de la Conférence donnée à Paris par l'UNICEF en 2007 que nous avons cité dans l'introduction : « Un enfant associé à une force armée ou à un groupe armé est toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou employée par une force ou une armée, quelle que soit la fonction qu'elle y exerce. Il peut s'agir, notamment mais pas exclusivement d'enfants, filles ou garçons, utilisés comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fins sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou a participé directement à des hostilités. » Les enfants martyrs sont des personnes âgées de moins de 18 ans qui sont recrutés par une force armée. Si nous nous en tenons à cette définition, les enfants martyrs sont donc des enfants-soldats.

Dans l'introduction, nous nous sommes d'abord demandés dans quel(s) contexte(s) ce phénomène pouvait-il apparaitre. C'est donc à cette question que nous allons répondre en premier. Nous allons alors confronter les données de chacun des cas étudiés pour en dégager les grandes tendances.

Il s'agit, dans tous les cas, de conflits de longue durée qui opposent des acteurs armés gouvernementaux à des acteurs armés non gouvernementaux. Le cas du Pakistan est un peu à part, cependant, le groupe utilisant les enfants dans les missions suicides est intrinsèquement lié au conflit afghan. Mais, ce phénomène est également observable en Irak. Aussi, la durée du conflit ne peut pas être prise ici comme un facteur fondamental pour l'existence de ce phénomène.

Ces groupes, qui utilisent les enfants dans les attentats suicides, sont bien organisés et bénéficient de soutiens financiers extérieurs importants. Ils sont inscrits sur de nombreuses listes d'organisations terroristes, délégitimant, de facto, leurs actions et les rendant illégaux aux yeux du Droit International Humanitaire (DIH), appelé aussi Droit de la Guerre. Contrairement aux autres catégories d'enfants soldats, qu'ils soient combattants, porteurs, cuisiniers, ou encore espion, l'enfant martyr ne trouve sa place qu'au sein d'un groupe non gouvernemental. Cela tient à la nature même du type d'attaque. L'attentat suicide, en effet, est considéré comme illégal par le DIH car il ne fait pas la distinction entre les civils et les militaires (GPI art.48) et le but principal est souvent de répandre la terreur parmi la population.

Leurs revendications sont territoriales et politiques. Il ressort systématiquement la volonté de contrôler l'intégralité ou une partie d'un territoire. L'idée d'occupation illégale du territoire est très présente et l'ennemi représente un danger pour l'intégrité physique et culturelle de la communauté. Aussi, il faut à tout prix l'éliminer pour la survie de cette communauté.

Nous avons également pu observer que tous ces groupes utilisent l'attentat suicide comme moyen de violence contre l'ennemi. Dans les cas de la Palestine et de la zone Afghanistan/Pakistan, le phénomène a été précédé de l'utilisation d'adultes dans des attentats suicides. Pour le LTTE, il est difficile de se positionner en vue du manque d'informations claires à ce sujet. Cependant, de nombreux indices nous laissent penser que des enfants étaient utilisés dans des missions suicides dès 1987, date à laquelle les Tigres ont incorporé cette tactique dans leur stratégie. L'emploi de cette tactique semble tout de même être un préalable important dans l'apparition du phénomène, dans la mesure où il permet de faire accepter auprès de la communauté concernée l'idée du sacrifice pour la cause soutenue et également de le banaliser.

Chacune de ces organisations s'appuie sur une idéologie spécifique. Les talibans et les organisations palestiniennes étudiées se sont construits sur une idéologie religieuse, tandis que le LTTE s'est appuyé sur le passé et la mythologie tamoule. Dans tous les cas, l'idéologie mise en place par les différentes organisations n'exclut pas la participation des enfants dans les attentats suicides. Il est vrai que le code de conduite des talibans précise que toutes personnes prétendant entrer dans l'organisation doit être pubère. Cependant, un garçon est pubère179(*) bien avant sa majorité, fixée à 18 ans.

Pour atteindre leurs objectifs, ils utilisent tous des méthodes terroristes, dont l'attentat suicide. L'utilisation de cette tactique ne s'inscrit pas dans la même logique pour chacun des groupes. Dans le cas de la Palestine, il s'agit essentiellement d'un moyen de se venger contre les exactions commises par les forces israéliennes. Dire que l'emploi de cette tactique résulte d'un processus émotionnel serait probablement simplifier son usage. Cependant, nous pouvons affirmer que cette dimension est importante. Tandis que pour le LTTE, l'usage de l'attentat suicide s'inscrit dans une stratégie militaire globale. Il est un moyen et non une fin en soi. Au Pakistan et en Afghanistan, l'usage de cette tactique s'inscrit avant tout, je pense, dans une stratégie militaire. Mais, une dimension émotionnelle, de moindre niveau, existe.

Cet élément permet, en partie, d'expliquer le choix des modes de recrutement de ces groupes et l'engagement volontaire de nombreux enfants dans cette voie.

De manière plus pratique, l'utilisation des enfants dans les attentats suicides répond à des préoccupations tactiques de la part de ces groupes, notamment dans le domaine de la sécurité. Les enfants étant moins soumis aux contrôles que les hommes, l'attentat a plus de chances d'aboutir.

Il permet également d'élargir la base de recrutement. Nous avons remarqué que dans les cas du Pakistan, de la Palestine et de l'Afghanistan, l'apparition du phénomène concorde avec l'intensification des combats ; soit l'année 2007 pour les pays d'Asie Mineure et 2000 pour la Palestine. Cependant, ce lien n'a pu être démontré. Le Sri Lanka fait figure d'exception concernant ce sujet. Il semble que, dans ce cas, les enfants aient été utilisés de manière continue depuis l'année 1987. Ce qui nous permet d'émettre l'hypothèse que ce phénomène s'inscrit pleinement dans leur stratégie militaire globale, au même titre que les opérations classiques. En d'autres termes, les enfants ne sont pas là pour renforcer les capacités militaires mais en font intégralement partie.

Les cibles attribuées aux enfants sont souvent militaires et proches de leur lieu d'origine, surtout dans le cas de la Palestine. Ils sont utilisés pour des cibles dites simples, comme les checkpoints, qui ne demandent pas une formation très lourde (comme l'apprentissage du maniement d'un avion de ligne pour les attentats du 11 septembre). Les groupes leur demandent généralement de se rendre là où il y a du monde et d'appuyer sur le détonateur. Il y a donc tout à parier qu'en vue de leur jeune âge, les enfants martyrs restent cantonnés à des conflits locaux. Il s'agit d'un phénomène de proximité qui ne pourra pas s'inscrire dans le terrorisme international.

En ce qui concerne les étapes entre le moment du recrutement et l'accomplissement de l'action, nous avons remarqué que les groupes utilisent globalement le même schéma. Chacune de ces organisations s'appuie fortement sur le système éducatif comme moyen de recrutement. L'école permet aux groupes d'endoctriner les enfants afin qu'ils viennent vers eux. Rappelons que le LTTE et les talibans utilisent également des méthodes coercitives pour recruter. Puis, il existe des camps d'entrainements pour ces jeunes recrues, plus ou moins importants selon les groupes avec un programme invariable d'une « promotion » à l'autre mais différent dans chacun des cas. Dans le cas de la Palestine, le terme de camp n'est pas approprié. Il s'agit plus exactement de cellules. Dans tous les cas, le contenu de la formation dispensée ressemble beaucoup à celui des adultes. Cependant, ils sont toujours séparés (fait non certain dans le cas de la Palestine), marquant ainsi la différence entre les adultes et les enfants. Il y a donc une véritable rationalisation de leur utilisation qui exclue la désignation de marginalité de ce phénomène. Dans tous les cas, l'utilisation des enfants s'inscrit pleinement dans la stratégie du groupe.

L'étude a permis de mettre en avant le fait que des facteurs combinés ont rendu possibles ce phénomène.

Tout d'abord, notons que l'attentat suicide nécessite une exacerbation du comportement sacrificiel. Le culte du martyr, crée par les groupes et largement soutenu par l'opinion publique dans le cas de la Palestine, donne une place de choix au sacrifice de certains membres de la communauté. La valorisation de l'image sacrificielle du héros mort pour la cause est relayée par une propagande mise en place par les groupes eux-mêmes. Le cas de la Palestine à ce sujet est particulièrement notable. Le Hamas a mis en place une propagande ciblée à destination des enfants, par le biais notamment des médias, pour les conduire dans la volonté de mourir pour la cause palestinienne. Cependant, nous remarquons que cette propagande a été mise en place bien après l'apparition du phénomène. Aussi, nous pouvons nous demander, et c'est la question centrale du phénomène des enfants dans les attentats suicides en Palestine, si le groupe n'a pas repris une tendance mise en place par les enfants eux-mêmes dans les premiers temps de l'Intifada al-Asa. Depuis les années 1980, nous pouvons observer une politisation progressive des enfants palestiniens. Cette conscience a, sans doutes, éveillé le désir des enfants de participer activement au conflit. Cette politisation a été renforcée, ou créée ?, par le contrôle du Hamas essentiellement et d'autres groupes palestiniens, du système éducatif (organisation de camps d'été ou programmes scolaires très orientés vers la haine de l'ennemi juif).

La main mise sur l'institution éducative est un élément que l'on retrouve dans les trois cas. L'école représente un média d'endoctrinement. Il offre l'avantage de réunir les enfants dans un même endroit et d'être une tribune d'endoctrinement pour ce jeune public. Cet élément met encore en avant une réelle volonté de la part des groupes concernés d'optimiser leur tactique en élargissant la base de recrutement, puisqu'ils ont mis en place un véritable système permettant le recrutement des enfants à cet effet.

Le culte du martyr et la propagande mis en place par ces organisations permettent à la fois de recruter des enfants mais également de rendre acceptable ce phénomène par la communauté. Ce dernier point a également été rendu possible par l'utilisation préalable d'enfants-soldats dans le conflit. Ainsi, ils participaient déjà activement aux combats et ont donc pu se tourner plus facilement vers un autre moyen de violence. Nous pouvons dire, en quelque sorte, que l'implication des enfants dans les différentes formes de conflit a été graduelle. Il faut également noter que les méthodes de recrutement sont les mêmes. Ils n'ont pas changé leurs méthodes.

Ces enfants ont grandi dans la guerre et sont imprégnés d'idéologie sacrificielle. L'attentat suicide devient donc une option envisageable, surtout s'ils peuvent en tirer profit Dans un environnement où leur vulnérabilité est très forte et leurs droits sont sans cesse bafoués, l'accomplissement de ce type de mission peut avoir un sens pour eux. Il peut tout d'abord permettre à l'enfant et à sa famille de changer de statut. De plus, dans les cas de la zone Pakistan/Afghanistan et de la Palestine, mourir dans une mission suicide donne l'opportunité d'améliorer sa condition dans la mort. L'attrait pour ce type d'attaques est également renforcé par la récompense financière et/ou matérielle versée à la famille par le groupe concerné. La mort n'est plus seulement un acte altruiste tourné vers la communauté, et on peut même se demander s'il l'est vraiment d'ailleurs, mais devient également un moyen d'améliorer le sort de ses proches et d'accéder au Paradis

Il est essentiel de se poser la question de l'avenir de ce phénomène pour penser au plus vite aux solutions que la communauté internationale et les gouvernements concernés devront proposer.

En vue des éléments dont nous disposons, nous pouvons émettre l'hypothèse que ce phénomène restera cantonné à des conflits locaux dont les groupes armés se serviront des attentats suicides comme tactique dans leur stratégie militaire. L'avenir de ce phénomène est donc intimement lié à l'utilisation de l'attentat suicide. En vue du format de cette étude, cette question n'a pas pu être soulevée.

L'utilisation des enfants dans les attentats suicides est le résultat de la volonté de ces organisations de maximiser les moyens dont ils ont à leur disposition. Tout comme ce fut le cas pour les enfants-soldats armés d'AK-47. A partir du moment où des groupes ont eu les moyens, grâce à des armes légères, d'augmenter leur base de recrutement et leurs possibilités d'actions grâce aux avantages que leur fournissent les enfants, ils en ont saisi l'opportunité.

L'attentat suicide s'inscrit pleinement dans le nouveau type de guerre connu sous le nom de guerre asymétrique. De nombreux analystes s'accordent aujourd'hui pour dire qu'il a un bel avenir devant lui. Aussi, je pense que ce phénomène est voué à se développer.

Si ce phénomène se poursuit, le risque est que les droits de l'enfant ne soient pas respectés d'une part par les groupes les utilisant et d'autre part par les armés qui y seront confrontés. Israël fait figure d'exemple notable à ce sujet puisque ils détiennent les enfants ayant raté leur mission dans des geôles mixtes (avec des adultes). De plus, la multiplication des contrôles que devront subir les enfants deviendra un obstacle pour accéder à l'école. C'est pourquoi des solutions devront être envisagées, quelles soient juridiques ou humanitaires.

* 179 L'âge de la puberté chez un garçon peut varier entre 12 et 15 ans

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo