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La résolution juridique du conflit au Darfour : mise en perspective de l'état de la justice pénale internationale

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par Mohamed HAMDANI
Université Panthéon-Assas Paris 2 - Master 1 de science politique 2010
  

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TITRE 2 : Solutions politico-institutionnelles nécessaires à la continuation de l'exercice des compétences de la Cour

Une intervention passe indubitablement par une légitimation. Deux logiques centrales pourraient justifier une intervention et ainsi contrebalancer le statu quo actuel. Le principe de la « responsabilité de protéger » apparait comme un instrument de légitimation de la Cour d'une part et de mise en application de ses décisions d'autre part. Néanmoins, cette logique n'est pas sans lien avec le

91 Article du Global Brief, « La primauté du droit et la realpolitik », Entretien avec Philippe Kirsch, 19 février 2010.

poids majeur des Etats-Unis dans la « gouvernance » des résolutions des différends. La reconnaissance par les Etats-Unis de la nécessité d'un organe supranational contribuerait à une accentuation du rôle de la Cour sur la scène internationale.

CHAPITRE 1 : L'hypothèse de la responsabilité de protéger comme principe complémentaire de la Cour pénale internationale

Une notion récente vit le jour concernant l'intervention militaire, qui se distingue de celle du maintien de la paix : la « responsabilité de protéger ». Ce principe fut évoqué pour la première fois par l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros Ghali à la fin des années 1990. Un rapport de décembre 2001 de la Commission Internationale sur l'Intervention et la Souveraineté (« Commission on International and State Sovereignty ») intitulé « La responsabilité de protéger » constitue également un des soubassements de ce principe. Cependant, il fut véritablement « conceptualisé» par le document final du Sommet mondial de 2005, lors de la 60e session de l'Assemblée générale des Nations Unies92, document qui suivit le rapport Brahimi sur les opérations de maintien de la paix de 2002.

La responsabilité de protéger peut être définie comme la justification d'une intervention de la communauté internationale en cas d'incapacité de l'Etat en question de protéger sa propre population du génocide et autres crimes de masse. Cette notion vient prolonger le respect de la souveraineté des Etats, mais sur le plan interne. En effet, il existe une responsabilité externe de respect des souverainetés par les Etats entre eux mais également « une responsabilité interne de respect de la dignité et des droits fondamentaux des populations vivant sur le territoire de l'Etat, à laquelle la Communauté internationale ne peut rester étrangère »93.

Le document final de 2005 définit précisément la responsabilité de protéger dans la section « Devoir de protéger des populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité ». En

92 Document final du Sommet Mondial de l'Assemblée générale des Nations Unies, 60e session, 15 septembre 2005.

93 Site web du « Réseaux francophone de recherche sur les opérations de paix », (Université de Montréal) : http://www.operationspaix.net/Responsabilite-de-proteger,2513

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effet, à la note n°138, il est prévu que « C'est à chaque État qu'il incombe de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. Ce devoir comporte la prévention de ces crimes, notamment l'incitation à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés »94.

Au regard de l'échec politique décrit précédemment et de l'incapacité des forces de maintien de la paix à se déployer au Darfour, en raison du contexte de la guerre civile opposant le Nord et le Sud Soudan, la responsabilité de protéger constitue l'une des dernière solutions à « l'enforcement » des décisions de la Cour. Aussi, ce principe pourrait être directement corrélé en tant que prolongation opérationnelle de l'exercice des compétences de la Cour.

Selon Emmanuel Decaux95, une force de police propre à la Cour pénale internationale pourrait être une solution au manque de volonté des Etats à intervenir96. Si cet aspect opérationnel pourrait effectivement être envisageable à l'image des contributions des Etats aux forces de maintien de la paix de l'ONU ou des forces militaires de l'OTAN, il n'en demeure pas moins que la CPI reste un organe international juridique et non politique. Néanmoins, la spécialisation de la Cour dans les crimes « les plus graves » pourrait justifier la création d'une force d'interposition différente des casques bleus (ONU) et verts (UA).

Barbara Delcourt s'est interrogée quand à la possibilité d'ériger la responsabilité de protéger (R2P) comme une nouvelle norme juridique97. Elle estime que les Etats lors de la conclusion du sommet mondial de 2005 se sont

94 Dans la Note n°138 du Document final du Sommet de 2005, une indication quant à l'intervention de la « Communauté internationale » est mentionné tacitement, intervention qui revêt moins un caractère coercitif que d'assistance : « Nous acceptons cette responsabilité et agirons de manière à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager et aider les États à s'acquitter de cette responsabilité et aider l'Organisation des Nations Unies à mettre en place un dispositif d'alerte rapide ».

95 Emmanuel Decaux, professeur à l'Université Panthéon-Assas Paris 2 et spécialiste des droits de l'Homme.

96 Conférence du 27 avril 2011 organisé par l'UEJF sur le thème « Enjeux géopolitiques au Darfour » avec la participation d'Emmanuel Decaux et du président du collectif « Urgence Darfour ». Réponse formulée par le professeur Decaux, suite à la question suivante : «Au regard du frein politique que représentent les Etats et de la forte dépendance de la Cour au Conseil de Sécurité de l'ONU, pensez-vous qu'on puisse assister dans les prochaines années à une justice pénale internationale, en l'occurrence la CPI, capable d'agir de manière autonome et apte à incriminer les « criminels aux pouvoirs » tels qu'Omar El Bachir ? Parallèlement, que pensez-vous d'une force opérationnelle propre à la CPI ? ».

97 Barbara Delcourt, « La responsabilité de protéger comme nouvelle norme juridique ? » in « La responsabilité de protéger », Colloque de Nanterre, Société française pour le droit international, Editions A.Pedone, 2006.

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montrés réticents voire « hostiles à l'introduction d'un tel droit ou à des interprétations plus souples des exceptions permettant l'usage de la force dans les relations internationales ». De plus, elle ajoute que « considérée souvent comme un test de la volonté des Etats à mettre en oeuvre la responsabilité de protéger, la situation au Darfour n'a pas conduit ceux-ci à exiger ou à lancer une intervention militaire pour mettre fin aux massacres ». En effet, le contexte de la conceptualisation de ce nouveau concept coïncidait avec la période durant laquelle ont été commises les attaques pro-gouvernementales.

Face à cette incapacité d'ériger la R2P en une norme juridique, il est difficile de soutenir la thèse selon laquelle la CPI puisse intégrer par la voie d'une révision du Statut de Rome la notion de R2P pour mettre en application elle-même ses décisions.

La R2P est au champ politique, ce qu'est le principe de complémentarité au champ juridique. En effet, l'intervention en vertu de la R2P ne peut être invoquée que lorsque l'Etat a failli à protéger sa propre population. De la même manière, le principe de complémentarité de la Cour signifie que la CPI ne peut être saisi que si les Etats ne veulent ou ne peuvent utiliser leurs systèmes juridictionnels nationaux pour incriminer les auteurs de « mass atrocities ».

Ainsi, il convient d'envisager que l'éventuelle force de police internationale propre à la CPI n'interviendrait qu'en cas d'incapacité ou de manque de volonté des Etats à intervenir dans une situation où l'Etat en question n'a lui-même pas été en mesure de protéger sa propre population. Dès lors, un principe de complémentarité s'appliquerait dès lors que la communauté des Etats constitués en coalition, ou sous l'égide d'un mandat d'une organisation internationale aurait failli à agir en cas de constat de violations des droits de l'Homme.

Subséquemment, ce raisonnement nous amène à dévaluer le rôle du Conseil de Sécurité, ce dernier n'ayant pas assuré sa fonction de maintenir la paix et la sécurité internationales au Soudan, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

En l'occurrence, le cas du Darfour nous amène à la mise en pratique de ce raisonnement hypothétique. Le Conseil de Sécurité a failli à sa mission de mettre fin aux atrocités, étant le continuateur de facto des décisions de la Cour pénale

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internationale. Dès lors, cette « failure »98vient redorer le rôle de la CPI (qui fait l'objet de plus en plus d'attention quant aux auteurs de crimes de masses à l'instar de Bachar El Assad, Mouammar Khadafi, Laurent Gbagbo, etc...). L'influence du Conseil de Sécurité est le dernier rempart à l'émancipation de la Cour, comme le montre les enquêtes d'opinion à propos d'éventuelles interventions en cas de « non protection de sa propre population »99. L'idée que « la légitimité prévaut sur la légalité » comme il fut invoqué lors de la guerre au Kosovo tend peu à peu à être contrebalancer. De la légalité découle la légitimité et non l'inverse. Alors que le Conseil de Sécurité est divisé par des intérêts politico-économiques, le droit pourrait constituer un instrument alternatif de mise en oeuvre de la paix et sécurité internationales.

Le risque inhérent à la Cour est qu'elle soit instrumentalisée à des fins de contourner la rigidité du Conseil de sécurité, risque qui, de manière originale, ne peut indubitablement se manifester en raison de la traditionnelle implication des Etats-Unis.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard