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La résolution juridique du conflit au Darfour : mise en perspective de l'état de la justice pénale internationale

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par Mohamed HAMDANI
Université Panthéon-Assas Paris 2 - Master 1 de science politique 2010
  

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CHAPITRE 2 : La relation entre la Cour Pénale Internationale et les Etats-Unis : l'impossible résistance étatique à l'idée d'une universalisation de la justice pénale internationale ?

Comme il a été étudié précédemment, les Etats-Unis, Etat non partie au statut de Rome de la CPI, ont décidés, concernant la situation au Darfour, d'accepter tacitement la compétence de ladite Cour. En effet, les Etats-Unis, lors du vote de la résolution 1593 du Conseil de Sécurité, se sont abstenus, bien qu'ils aient pu opposer leur veto. Les Etats-Unis seraient-ils donc dans une démarche de légitimation progressive de la compétence de la Cour en matière de violations des droits de l'Homme ? Afin d'évaluer ce questionnement, il convient d'étudier l'historique de la relation entre la Cour pénale internationale et les Etats-Unis.

La position historique des Etats-Unis à l'égard de la Cour peut être qualifiée d'ambigüe. Alors qu'ils ont soutenus la création du TPIY en 1993 et du TPIR en

98 De Waal Alex, Darfur and the failure of the responsibility to protect, International Affairs, Vol n°83:6, 2007.

99 Delcourt, p309.

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1995100, le positionnement vis-à-vis de la CPI est plus complexe. Théoriquement, « l'exceptionnalisme américain »101 s'oppose à l'exceptionnalisme que constitue la Cour. En effet, la superpuissance juridique que constitue la CPI, indépendante de l'influence d'un quelconque Etat, vient contrecarrer la superpuissance politique américaine, autoproclamée garante de « l'exportation d'un modèle philosophique et juridique nationale »102.

Néanmoins, les Etats-Unis viennent confirmer l'idée étudiée qui est que la Cour est ancrée dans le courant libéral des relations internationales. Cette émancipation théorique est notable au regard de la position qu'ont adoptés les présidents américains successifs, à partir de la création, en passant par la signature du Statut, jusqu'au manque de volonté de ratifier celui-ci103.

Les Etats-Unis sont effectivement passés par plusieurs phases. La phase « conceptuelle » est celle qui a précédé la création de la Cour entre 1993 et 1998. Durant celle-ci, les Etats-Unis, par la voie de leurs négociateurs, se sont consacrés à la mise en oeuvre d'une importante variable étudiée précédemment, qui n'est autre que le lien entre le Conseil de Sécurité et la Cour, jugé indispensable pour être en adéquation avec le maintien de la paix et la sécurité internationale104. Il convient de noter que les Etats-Unis ont eu de facto la prétention d'immuniser les membres du Conseil de Sécurité d'une éventuelle incrimination.

La phase de la « négociation » fut ponctuée par l'influence de pays-cadres, communément qualifiés de « like-minded » (à l'image du Canada) et qui ont rendus plus robuste la compétence de la Cour (avec la création d'un procureur indépendant). Cette phase vit le début de la baisse du soutien des Etats-Unis à la Cour, la volonté de renforcer les prérogatives de la Cour ayant été perçue comme une « volonté d'encadrement du politique »105. On retrouve ici l'opposition entre l'exceptionnalisme américain et l'émancipation de la Cour.

Le stage de « l'acceptation » constitue une avancée majeure. Alors qu'ils signèrent le Statut en 2000, sous l'administration Clinton, un refus aurait été

100 Forsythe, David, Human Rights in International Relations, Cambridge University Press, 2000.

101 Forsythe, p.169.

102 Fernandez Julian, la politique juridique extérieure des Etats-Unis à l'égard de la Cour pénale Internationale, Edition A.Pedone, 2010.

103 Mills Kurt, Lott Anthony, From Rome to Darfur: Norms and Interests in US Policy Toward the International Criminal Court, Journal of Human Rights, 6: 4, p.497-521, 2007.

104 Mills, p.504.

105 Mills, p.506.

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considéré comme paradoxal au regard du soutien précédent le processus de création de la Cour. A la date du 31 décembre 2000, date limite de la ratification du statut, les Etats-Unis ont marqués une rupture quant à leur vision unilatéraliste de la protection des droits de l'Homme (à l'instar des bombardements en Serbie de 1995 sans l'aval de l'ONU), s'inscrivant dans une volonté de promouvoir une juridiction pénale universelle. Comme l'a déclaré Bill Clinton, «nonetheless, signature is the right action to take at this point. I believe that a properly constituted and structured International Criminal Court would make a profound contribution in deterring egregious human rights abuses worldwide»106.

Néanmoins, le stage de la «renonciation» brise cette tendance positive, se caractérisant par le paradoxal retrait de la signature des Etats-Unis en Mai 2002107. En effet, l'arrivée de Georges W. Bush à la Maison Blanche marqua une rupture avec la volonté d'universalisation de la justice pénale internationale en matière de droits de l'Homme. Ce coup d'arrêt est notable par deux facteurs. Dans un premier temps, le Congrès américain a voté « l'American Servicemembers' Protection Act » un an après la présidentielle controversée de 2000. Cette loi, qualifiée par l'ONG Human Rights Watch de « The Hague Invasion Act »108, confère une protection de tous les citoyens américains d'une éventuelle incrimination devant la Cour109. A ce jour, 18 Etats ont signés une convention bilatérale avec les Etats-Unis, interdisant l'extradition d'Américains vers la Haye110.

Le fait le plus marquant, dans un second temps, est le retrait de la signature du statut de Rome en Mai 2002. Alors que la dynamique américaine en matière de protection des droits de l'Homme a tendu vers une supranationalisation, celle-ci s'est essoufflée avec l'arrivée du candidat républicain et la volonté de se désolidariser d'une juridiction qui pourrait porter atteinte aux soldats américains engagés sous le mandat de l'FIAS (Force internationale d'assistance et de sécurité) en Afghanistan. Selon l'administration Bush, cette vision sceptique vis-à-vis du droit international aurait affecté « la liberté d'action américaine »111.

106BBC News, Clinton's statement on war crimes court, 31 décembre 2000.

107 Mills, p.512.

108 Human Rights Watch, «U.S.: 'Hague Invasion Act' Becomes Law». 3 August 2002.

109 Forsythe, p169.

110 Idem, p.170.

111 Mills, p.512.

Qu'en est-il de l'avenir de la position des Etats-Unis vis-à-vis de la Cour ? La résolution 1593 permet d'affirmer que les Etats-Unis voudront toujours exercer un droit de regard, au cas par cas, concernant la mise en oeuvre de mesures juridiques à portée internationale, au sein du Conseil de Sécurité. Ce changement paradigmatique vers une vision pragmatique de la perception de la CPI ne marque pas pour autant l'idée d'un point de non retour. Au contraire, les Etats-Unis sont favorables à une coopération, même si l'ère Obama et tous les idéaux qu'elle a pu véhiculer n'a pas conduit à la ratification du statut de Rome.

Cette idée de coopération pourrait conduire à une réduction de l'héritage laissé par Georges W. Bush. Selon Mills, «the cooperation could reduce American exceptionalism, undermine the force of the May 2002 unsigning, and help shift the United States toward a new, more pragmatic long-term policy of cooperating with the court on a case-by-case basis. The Darfur referral may be the catalyst for such an eventual policy shift».

La coopération avec la CPI pourrait conduire les Etats-Unis sur la voie de la ratification du Statut. Cette ratification constituerait une avancée majeure pour la justice pénale internationale, justice qui désormais disposera de l'entière légitimation d'une superpuissance politique.

Dès lors, la Cour pourra pleinement exercer un « soft power »112 juridique, assisté par le « soft power » traditionnel des Etats-Unis concernant la pacification des relations internationales, une éventuelle intervention s'inscrivant hypothétiquement en vertu du principe de la responsabilité de protéger.

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112 Nye, Joseph S. (1991), Bound to Lead: The Changing Nature of American Power, New York: Basic Books.

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