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La résolution juridique du conflit au Darfour : mise en perspective de l'état de la justice pénale internationale

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par Mohamed HAMDANI
Université Panthéon-Assas Paris 2 - Master 1 de science politique 2010
  

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CHAPITRE 2 : Le champ de compétence de la CPI, entre collusion libérale et rupture avec le pouvoir juridique régalien des Etats

Après avoir démontré le positionnement libéral de la CPI, on pourrait plus radicalement corréler celui-ci avec le courant transnational des Relations Internationales. Le transnationalisme accorde un rôle aux individus tel, qu'ils sont considérés comme des acteurs à part entière du système international, dans un ordre international interconnecté à l'image « d'une toile d'araignée »35. Mireille Delmas-Marty va même jusqu'à constater l'influence de la mondialisation culturelle (par la diffusion des idées) et de la mondialisation économique (par la diffusion des biens et services) sur « la mondialisation du droit »36. Dans le cas du conflit au Darfour et de sa résolution, ce lien serait imprécis en ce que la CPI est un organe juridique supranational certes, mais composé d'Etats membres qui acceptent sa compétence par la voie d'une signature et subséquemment d'une ratification. La CPI s'inscrit donc dans le courant libéral en ce qu'elle est mandatée par les Etats afin de protéger juridiquement la société civile internationale (un chapitre subséquent montrera également que la saisine de la CPI n'est pas sans lien avec la théorie du choix rationnel du champ économique). Il convient dès lors d'étudier le champ de compétence de la CPI afin de rendre compte du positionnement paradigmatique de cette Cour.

A l'instar d'une organisation internationale à vocation coopérative ou intégrationniste, la CPI est une personnalité juridique internationale régie par un texte. Le statut de Rome du 12 juillet 1998, entré en vigueur après que 60 Etats l'aient ratifié37, détermine la compétence de la CPI. La Cour, elle, est devenue opérationnelle qu'à partir du 1er Juillet 2002.

L'article 1er du Statut précise que la Cour a une compétence complémentaire des Etats38. Cela signifie que la Cour a compétence seulement si les Etats ne veulent pas (unwilling) ou ne peuvent pas (unable) exercer leur compétence juridique

35 Batistella, p214. Roche, « Théorie des Relations Internationales », à propos de la « Cobweb » de John Burton, qui s'inscrit plus radicalement dans le mondialisme.

36 Mireille Delmas-Marty, « La Charte des Nations Unies et la mondialisation du droit », in « La Charte des Nations Unies, constitution mondiale ? » de Régis Chemain et Alain Pellet, Cahiers Internationaux n°20, (date).

37 Becheraoui, p344.

38 Article 1er du Statut de Rome : «Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales ».

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nationale pour punir d'éventuelles atteintes au Statut39. Les modalités de la compétence de la Cour sont également précisées à l'article 17, alinéa 2 et 3 du Statut.

Quid des crimes relevant de la compétence de la Cour ? La Cour est compétente pour juger du crime contre l'humanité, du crime de génocide, du crime de guerre, et du crime d'agression en vertu de l'article 5 du Statut.

Le Président soudanais, Omar El Bachir, a fait l'objet d'un mandat d'arrêt dans lequel il est accusé de 3 crimes sur les quatre cités respectivement, le crime d'agression n'étant encore symbolique et n'entrera en vigueur qu'en 2017 au regard du résultat de la Conférence de Kampala sur le crime d'agression40.

L'article 12 prévoit les conditions de saisine de la CPI. Conformément à la condition sine qua non d'avoir accepté la compétence de la Cour, l'Etat partie pourra arrêter l'individu si celui-ci est sur son territoire, ou inversement si l'individu est citoyen d'un Etat ayant ratifié le Statut (Article 12 a) et b) respectivement). La procédure concernant le cas soudanais déroge à la règle, le Conseil de sécurité des Nations Unies ayant référé à la CPI l'autorisation de poursuivre le gouvernement soudanais, bien que celui-ci n'ait pas ratifié le Statut. On constate ici une supériorité entre les dispositions du Statut. L'article 13 prévoit les conditions d'exercice de la compétence de la Cour. En l'espèce, c'est sous cet article que la situation a pu être déférée à la CPI, l'article 13 prévoyant trois cas où « la Cour a compétence à l'égard d'un crime ». L'Etat peut se saisir lui-même (a), le Conseil de sécurité peut déférer au procureur s'il constate une violation grave d'un crime énoncé à l'article 5 (b), ou alors le Procureur peut décider de sa propre initiative « d'ouvrir une enquête en vertu de l'article 15 ». Le cas soudanais repose donc sur les articles 13.b) et 5 du Statut. Bien qu'il puisse être conclu que la Cour est dépendante en l'espèce du Conseil de Sécurité, nous verrons dans le chapitre suivant que les conditions précises du vote de la résolution permettent de rendre compte de l'aspect libéral du « référentiel global » (terminologie empruntée à l'analyse des politiques publiques).

Cet exposé est nécessaire dans la mesure qu'il permet d'évaluer dans le cas du conflit au Darfour les conditions et les raisons de la saisine de la CPI, et non

39 Frank Meyer, « Completing Complementarity », International Criminal Law Review, Vol.N°6, p549-583, 2006.

40 Claus Kreb, Leonie Van Holzendorff, « The Kampala Compromise on the Crime of aggression», Journal of International Criminal Justice, p1179-1217, 2010.

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pas par exemple la mise en oeuvre d'une commission de réconciliation ou d'une juridiction ad hoc à l'instar de l'ex-Yougoslavie, du Rwanda, ou hybride à l'instar du Sierra Leone.

Celui-ci permet de nous interroger sur le principe de complémentarité prévue à l'article 1er et 17 du Statut. Le cas du Darfour constitue l'exemple le plus significatif en matière d'universalisation de la justice pénale internationale. Si le principe de complémentarité et le respect du droit interne est la règle, les atteintes graves aux droits de l'Homme, comme en l'espèce par les gouvernements, viennent balayer ce principe. En règle générale, la primauté du droit interne des Etats parties au Statut est la norme. Comme le reconnait Mireille Delmas-Marty, « le principe de complémentarité, tel qu'il est posé par la Convention de Rome sur la Cour pénale internationale, implique en effet une répartition des compétences qui privilégie le droit interne sur le droit international »41. Cependant, il constitue une sorte de «concept régulateur comme le principe de subsidiarité » ajoute Delmas-Marty. C'est la raison pour laquelle les Etats « faillis » sont les plus ciblés par la Cour, les systèmes judiciaires nationaux étant soit en déliquescence, soit corrompus par les gouvernements de nature autoritaire. Dès lors, le principe de complémentarité, « pierre angulaire du Statut de Rome » 42, serait une sorte de responsabilité juridique de protéger. L'intervention supranationale est donc de facto « une responsabilité de juger », de la même manière que la Communauté Internationale doit agir en vertu du principe récent de « la responsabilité de protéger » (R2P) en cas d'incapacité du gouvernement en question de protéger sa propre population43.

De cet élan analytique, une analyse de nature philosophique du préambule du Statut nous conduirait indubitablement à conclure que les objectifs des Etats ayant négociés le Statut se sont inscrits dans des « idéaux » libéraux, universalistes, et furent soucieux de sanctionner non plus des Etats mais des individus. Ici s'opère un parallèle entre le libéralisme politique et un éventuel libéralisme juridique du Statut. Les terminologies comme « Bien-être du

41 Delmas-Marty, p212.

42 Omer Yousif El Galab, «Indicting the Sudanese President by the ICC : Resolution 1593 revisited», The International Journal of Human Rights, 2009, p.658.

43 Report of the International Commission on Intervention and State Sovereignty, «The Responsibility to protect», ICISS, 2001.

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Monde », « conscience humaine », ou « mosaïque délicate» sont symptomatiques d'une volonté d'un dépassement des Etats souverains.

Ces analyses de la disposition du Statut la plus interprétatrice du degré d'émancipation de la CPI des Etats concernant la complémentarité, des dispositions concernant les conditions d'exercice de la compétence de la CPI, et du préambule, nous amènent à évaluer comment ces considérations pratiques se manifestèrent en pratique. Plus précisément, en quoi, de manière empirique et au regard du déroulé politico-juridique factuel de la « tentative » de résolution du conflit soudanais au Darfour, ce cas constitue-t-il une avancée majeure en termes d'incrimination future d'auteurs desdits crimes figurant à l'article 5 du Statut ? Par la même occasion, assistons-nous à une résolution juridique supranationale du conflit qui s'inscrirait absolument dans le courant libéral ? Si l'on peut constater une émancipation notable, l'individualisation est d'autant plus vérifiable au regard de l'ébranlement de l'immunité présidentielle d'Omar El Bachir.

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