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La résolution juridique du conflit au Darfour : mise en perspective de l'état de la justice pénale internationale

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par Mohamed HAMDANI
Université Panthéon-Assas Paris 2 - Master 1 de science politique 2010
  

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CHAPITRE 2 : L'individualisation des sanctions à l'égard des auteurs de violations des droits de l'Homme : le dépassement des frontières étatiques

L'actuel président soudanais, Omar El Bachir, en cas d'arrestation, verrait-il sa position de Chef d'Etat et son immunité ébranlée ?

Le statut de Rome est un traité international qui lie les Etats, sujets de droit international, donc logiquement n'ayant aucun impact juridique sur les individus53. Néanmoins, certaines dispositions de ce statut consacre une responsabilité pénale individuelle, mais pour les chefs d'Etats en exercice. En effet, l'article 25 du statut prévoit que « quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable et peut être puni conformément au présent statut ». De plus, l'article 27 est directement en corrélation avec la responsabilité d'Omar El Bachir, prévoyant que « le présent statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un Etat, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut(...). Les immunités ou règles de procédure spéciale qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à

53 Marko Milanovic, « Is the Rome Statute binding on individuals (and why we should care)?», Journal of International Criminal Justice, Vol.9, p25-52, 2011.

l'égard de cette personne ». Au regard de cette disposition, toutes les conditions sont réunies pour arrêter légalement le Président Soudanais. Néanmoins, l'article 98 peut éventuellement faire obstacle à celle-ci54. L'article 98 prévoit que la Cour ne peut aucunement poursuivre un individu si l'Etat requis pour l'arrestation fait obstacle à cette dernière. Par conséquent, en l'espèce, Omar El Bachir, garant de la République islamique soudanaise, peut lui-même s'opposer à ce que la Cour entreprenne une quelconque mesure visant à l'arrêter, pourvu qu'il soit sur le territoire soudanais. Les tensions entre l'article 27 et l'article 98 sont donc un obstacle à la mise en application des décisions prises par la Cour. En effet, comme le pointe Allen, d'un côté, l'article 27 vient conférer à la Cour une émancipation notable des Etats, alors que l'article 98 est représentatif du souci de rester dans une logique stato-centrée concernant la mise en application des sanctions juridiques55.

Néanmoins, la portée du vote de la résolution 1593 vient conférer à la Cour la possibilité d'incriminer sans obstacles juridiques les auteurs de violations des droits de l'Homme au Darfour56. Dès lors, une hiérarchie entre les dispositions du Statut est à noter. En effet, l'article 13 (b) du statut de Rome vient balayer les exceptions relatives aux immunités. Et comme il fut conclu ci-dessus, la résolution 1593 s'inscrit non pas dans une logique stato-centrée mais plutôt dans une position supranationale. Cette résolution remet également à plat l'idée que le Soudan ne soit pas partie au statut de Rome.

Indépendamment de cette résolution, en vertu de la Convention de Vienne de 196957, le Soudan, pays n'ayant pas ratifié le statut de la CPI, est légitimement en droit d'invoquer que celui-ci ne lui est pas opposable. De plus, l'ordre juridique international est caractérisé par une absence de hiérarchie entre les normes internationales. La résolution du Conseil de Sécurité fut donc d'une nécessité majeure pour conférer à la Cour un poids important dans la résolution du conflit, les résolutions du Conseil de Sécurité rendant obligatoire leur portées à l'égard de tous les membres des Nations Unies58.

54 Jake Hirsh Allen,« Bashir's immunity », Thesis held on December 15th, 2008.

55 Allen, p4 : «While Article 27 represents the move away from traditional State sovereignty and Head of State immunity, Article 98 is evidence of the Statute's drafters' necessary concessions to power politics and a State-centric international system».

56 Allen, p7.

57 Pascale Martin-Bidou, « Fiches de Droit International Public », Ellipses Editions, 2009.

58 Allen, p17.

Néanmoins, étant dans le champ des droits de l'Homme, ceux-ci justifieraient l'intervention juridique de la CPI, ayant probablement une supériorité sur la souveraineté des Etats59. De la même manière que la R2P justifie une « ingérence » dans les affaires intérieures d'un Etat en cas de constat de crimes graves menaçant la paix et sécurité internationales, la gravité des crimes commis par le gouvernement soudanais justifierait une supériorité du Statut sur son immunité présidentielle.

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59 Idem, p17.

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L'autonomisation de la Cour pénale internationale est notable au regard des dispositions du Statut de Rome, Statut qui s'est vu conférer un rôle de premier plan au regard du vote historique de la Résolution 1593 du Conseil de Sécurité. Le passage progressif à un positionnement libéral de la CPI est du à la reconnaissance des Etats de la nécessité de poursuivre un mode opératoire transnational en matière de répression des auteurs de violations de droits de l'Homme.

La résolution du conflit au Darfour met également en lumière les carences de la CPI, et plus globalement, les carences de la justice pénale internationale. Cette tentative de résolution, malgré les efforts considérables de transnationalisation de la méthode employée, reste tributaire des Etats. De plus, plusieurs facteurs politiques font vaciller l'efficacité de la Cour. D'un côté, l'échec du politique sur le terrain pourrait redonner une marge de manoeuvre à la CPI. D'un autre côté, le caractère « africaniste » du conflit provoque une réticence de la part des Etats africains, au regard du positionnement de l'Union Africaine vis-à-vis de la politique de la CPI. Enfin, le pays clef qui pourrait contrebalancer la perception de la CPI et lui renforcer son rôle serait les Etats-Unis, pays qui peine à montrer une position claire concernant les violations des droits de l'Homme au Darfour.

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