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Les enjeux juridiques et institutionnels de la transformation en metropole de la communaute d'agglomeration de Grenoble-Alpes metropole

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par KOMI DODJI AKPATCHA
Université Pierre Mendes-France de Grenoble - Master en droit public 2014
  

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CHAPITRE 1er :

LA METROPOLE, OUTIL DE SIMPLIFICATION DE L'ACTION PUBLIQUE LOCALE DANS L'AGGLOMERATION GRENOBLOISE ?

« Simplicité » et « efficacité » sont les deux termes qui reviennent le plus souvent lorsque les acteurs parlent l'impact de l'institution des métropoles sur l'action publique locale. En effet, le système d'administration local français est souvent taxé d'illisible pour les citoyens du fait de sa complexité et coûteux pour les finances de l'Etat, en raison des frais de fonctionnement des institutions locales et de gestion des équipements et des services publics locaux. Dès lors, les voix s'élèvent chaque jour pour requérir une action publique locale plus simple, lisible pour le citoyen, qui doit être de plus en plus proche des lieux de décision, et une action publique rationalisée permettant la réalisation d'économies d'échelle dans un contexte de contraintes budgétaires, marqué par la baisse des dotations de. Pour réaliser ces objectifs, la loi a mis des outils à la disposition des collectivités locales et qui devront être utilisées par les métropoles pour rationaliser l'action publique locale. Ainsi, le recours à la mutualisation des services entre la métropole et les communes membres et la mise en place de services communs (Section 1ère) sont des procédés qui pourront permettre à la fois à la métropole d'être efficace à moindre coût, tout en se rapprochant des administrés (Section II)

SECTION 1ère: LE RECOURS A LA MUTUALISATION DES SERVICES PAR LA METROPOLE

La mutualisation des services est un procédé qui est aujourd'hui inscrite à l'agenda de tous les EPCI à fiscalité propre et devrait être également usitée par les métropoles pour atteindre l'objectif de rationalisation de l'action publique locale, cher aux pouvoirs publics. En effet, la mutualisation s'impose aujourd'hui comme une nécessité pour les administrations locales afin d'optimiser leur rendement et d'assurer un service efficace aux administrés. Cette efficacité de l'action publique locale est garantie par le fait que la mutualisation est « l'un des outils de l'intégration intercommunale permettant de conjuguer solidarité dans les moyens et proximité dans la mise en oeuvre233(*) ». Il en ressort donc que si la mutualisation au sein des EPCI est un vecteur de rationalisation de l'action publique locale (§ I), elle peut garantir en même temps l'efficacité de cette action publique locale en renforçant également l'intégration intercommunale (§ 2)

§ 1 : La mutualisation, vecteur de rationalisation de l'action publique locale

Le cadre juridique de la mutualisation des services a été renforcé par la loi du 16 décembre 2010 qui impose aux EPCI l'élaboration des schémas de mutualisation des services (A). La mutualisation apparaît donc aujourd'hui comme une contrainte législative, qui concilie les objectifs d'efficacité de l'action publique locale et de réduction des coûts de fonctionnement des services (B).

A. L'obligation législative d'élaboration des schémas de mutualisation des services

En instituant les métropoles, EPCI fortement intégrés, la loi a insisté sur la nécessité de mutualiser les services des communes au sein du bloc métropolitain dans un souci d'efficacité et de réduction des frais de fonctionnement. En effet, outil de rationalisation de l'action publique locale, la mutualisation des services est désormais une obligation pour les EPCI à fiscalité propre notamment les métropoles. Ils sont donc tenus de mettre en place un schéma de mutualisation des services conformément à la loi du 16 décembre 2010. Cette obligation issue de l'article 67 de la loi précitée, est inscrite à l'article L. 5211-39-1 CGCT234(*) qui est entré en vigueur à partir du 1er mars 2014.

Guillaume Dumas résume ainsi la situation : « la mutualisation constituera certainement l'axe majeur de la réflexion des élus du mandat 2014/2020. Les intercommunalités auront trois mois après le renouvellement des conseils municipaux pour présenter un schéma de mutualisation aux communes. Aucune sanction n'est prévue si ses prescriptions ne sont pas mises en oeuvre, mais les pénalités financières sont à prévoir. La loi mapam évoque un coefficient de mutualisation. La dotation globale de fonctionnement baissera certainement s'il n'est pas atteint 235(*)». De cette analyse, il ressort que la mutualisation des services sera à la fois source de rationalisation de l'action publique au niveau des EPCI mais aussi leur survie financière en dépend. Si dans sa rédaction, l'article L. 5211-39-1 CGCT ne présente pas un aspect contraignant pour les EPCI en ce qui concerne l'élaboration des schémas de mutualisation des services, parce que ne prévoyant pas de sanction en cas de non élaboration, l'incitation financière prévue à cet effet, constitue en soi une obligation implicite de la loi.

Il faut rappeler qu'à l'origine la question de la mutualisation des services n'était pas abordée par le projet de loi mapam. Les dispositions relatives à cet outil étaient plutôt contenues dans le volet n° 03236(*) des projets de loi sur la décentralisation, qui prévoyait en son article 39 la création d'une dotation de mutualisation équivalant à 10% de la dotation globale des communautés et qui aurait varié en fonction d'un « coefficient intercommunal de mutualisation ». Mais cette disposition a été remontée dans la loi mapam, avec quelques modifications, par le Sénat, lors de sa première lecture, notamment en rebaptisant le « coefficientintercommunal de mutualisation », « coefficient de mutualisation des services »237(*). L'intérêt de l'instauration de ce coefficient est bien évidemment d'inciter les EPCI à mutualiser plus de services afin de réduire les couts de fonctionnement, en maitrisant notamment la masse salariale.

L'enjeu immédiat pour La Métro est donc d'élaborer son schéma de mutualisation et devra pour cela s'appuyer sur le recensement des mutualisations déjà opérées par la communauté d'agglomération avant son érection en métropole. D'ailleurs, les élus métropolitains en ont pris conscience en incluant dans les travaux techniques préparatoires répertoriés dans la délibération-cadre du 04 juillet 2014, un groupe technique « ressources et mutualisation » parmi les sept groupes thématiques créés à cette occasion pour « préparer la réflexion des élu-es sur les principales questions posées par la transformation en métropole 238(*)». Il s'agira donc pour ce groupe technique de baliser le chemin à l'élaboration du schéma intercommunal de mutualisation dont les élus décideront librement du contenu.

Le renforcement de la mutualisation des services qui permettra de rationaliser l'action publique locale au niveau de l'agglomération grenobloise, pourra permettre également de renforcer l'intégration communautaire qui a fait défaut à La Métro jusqu'à la transformation en métropole. Ainsi donc, entre les objectifs d'efficacité et de réduction des coûts de fonctionnement, la mutualisation apparaît aussi comme un facteur d'intégration communautaire

B. La mutualisation : entre objectifs d'efficacité de l'action publique locale et de réduction des couts de fonctionnement et facteur d'intégration communautaire

L'obligation de mutualisation des services publics locaux imposée par la loi aux collectivités territoriales, notamment aux communes et EPCI est guidée par des soucis de rationalisation de l'action publique locale. Cet objectif de rationalisation se décline en deux perspectives que sont l'efficacité des services rendus aux administrés et la réduction des coûts de fonctionnement dans un contexte de crise économique et d'austérité budgétaire. En d'autres termes, et d'une manière plus banale mais évocatrice, on peut dire que le but de la mutualisation des services pour les collectivités territoriales est d'être plus efficace à moindre coût. La mutualisation est donc souvent présentée comme un levier d'économies d'échelle « dans un contexte budgétaire contraint (...) dès lors que l'on raisonne à moyen et long termes, de renforcer l'efficience des administrations publiques (...) en allouant au mieux les ressources humaines au sein du bloc communes/communautés239(*) ».

Coupler à la fois les objectifs d'efficacité et de réduction des couts de fonctionnement revient donc pour les EPCI à utiliser la mutualisation comme un outil de renforcement de l'intégration intercommunale tant souhaité dans le contexte actuel de réforme permanente des collectivités territoriale faisant des intercommunalités l'échelon d'avenir porteur de rationalisation de l'action publique. La mutualisation devra donc permettre de « conjuguer solidarité dans les moyens et proximité das la mise en oeuvre 240(*)».

La métropole qui concentrera désormais la majeure partie des compétences communales devra donc être porteuse de ce changement, en parfaite coordination avec les communes membres.

L'efficacité de l'action publique locale portée désormais par la métropole passe donc d'abord par la détermination de l'échelon pertinent de mise en oeuvre des politiques publiques, entre les communes et la métropole afin d'éviter des doublons. Il en va de la simplification de l'action publique et de la réduction des coûts de fonctionnement.

Parallèlement, dans un EPCI d'aussi grande envergure en termes de territoire couvert et de compétences comme une métropole, la mutualisation peut être un facteur de l'intégration communautaire tant recherchée sur le plan intercommunal. En effet, l'intégration communautaire recouvre plusieurs réalités qui vont de la définition de grands projets communautaires à la gestion en commun de politiques publiques « ou dans la définition d'un projet unique de territoire faisant la synthèse entre le projet communautaire et les projets communaux 241(*)». Le degré de mutualisation constitue donc l'un des indicateurs de mesure de l'intégration communautaire, qui d'ailleurs était de l'avis de presque tous les observateurs, moins forte au niveau de La Métro sous le statut de Communauté d'agglomération. Ceci peut être justifié par le nombre réduit de compétences qu'exerçait cette institution et qui sera relevé au 1er janvier 2015, nécessitant alors plus de mutualisation et favorisant ainsi l'intégration communautaire.

Pour être facteur d'intégration communautaire, la mutualisation doit d'abord être dépouillée des arrières-pensées qui constituent des obstacles à sa réussite. Il s'agit notamment des réticences des communes périphériques qui craignent plus souvent que la mutualisation ne favorise l'emprise de la ville-centre sur la structure intercommunale, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre. Un climat de confiance entre élus est donc indispensable pour la réussite de la mutualisation. Il faudra également dissiper les craintes des administrés relatives à l'éloignement par la mutualisation des centres de décision.

Toutes ces arrière-pensées et craintes sur la finalité de la mutualisation associées à la complexité de son régime démontrent que sa mise en oeuvre est loin d'être évidente.

§ 2 : La mise en oeuvre de la mutualisation des services dans les EPCI : entre complexité de régime et controverses sur la finalité

Dans sa mise en oeuvre, la mutualisation affecte à la fois les agents et les services concernés. En effet, l'ADCF définit la mutualisation comme « la situation d'un service et de ses agents placés sous une autorité hiérarchique partagée 242(*)». En réalité, les services et les agents suivent les compétences transférées. Et dans le cadre d'un EPCI aussi intégré que la métropole avec des compétences élargies au détriment des communes et peut-être ultérieurement des autres collectivités territoriales, les transferts de compétences auront des conséquences sur les services et les agents (A). Il s'agit d'un régime complexe dont la finalité est sujette à contestation par les communes périphériques qui se montrent méfiants vis-à-vis de la ville-centre (B)

A. Les conséquences des transferts de compétences à la métropole sur les services et les agents concernés

Pour explorer le régime de la mutualisation des services dans les EPCI, il convient de rappeler qu'initialement la mutualisation était dictée par des considérations politiques notamment la concordance de couleur politique entre majorités ou exécutifs de la ville-centre et de la structure intercommunale, comme ce fut le cas pendant une longue période dans l'agglomération grenobloise, les présidents de la communauté d'agglomération depuis sa création en 2000 et le maire de la ville de Grenoble étant issus du même bord politique, notamment la gauche. Progressivement, cette pratique (la mutualisation) s'est ancrée dans le dispositif intercommunal pour se développer entre les communes et la structure intercommunale jusqu'à son érection en principe directeur de l'intégration intercommunale par la loi.

En effet, le vocabulaire juridique ne connaissait pas le terme de « mutualisation ». Il n'a en tant que tel été appréhendé par le droit réellement qu'à partir de la loi du 16 décembre 2010 qui a induit la nouvelle version de des articles 5211-4-1243(*) et suivants du CGCT. Cette disposition définit en quelque sorte le régime de la mutualisation qui affecte à la fois les compétences, les services et les agents des collectivités concernées. La mutualisation peut donc aller dans les deux sens244(*), en savoir des communes vers l'EPCI et inversement. Mais nous nous intéresserons ici uniquement au régime de la mutualisation résultant des transferts de compétences des communes aux EPCI, notamment aux métropoles.

La création des métropoles par la loi et le transfert de bon nombre de compétences communales à cette dernière, entraine donc de jure, conformément aux dispositions des articles 5211-4-1 et suivants du CGCT, le transfert des services communaux chargés de l'exercice de ces compétences ainsi que les agents relevant de ces services à la métropole. Il est en de même pour les compétences de l'Etat, du département et de la région transférées à la métropole. Il en résultera une administration métropolitaine pléthorique mais adaptée à l'étendue des compétences que la métropole est appelée à exercer. La loi mapam intègre ces modalités en son article 34 dont les dispositions forment sont à l'origine de la création d'une « section 6 » au chapitre VII du titre Ier du Livre II de la VIe partie du CGCT. En effet, l'article L.5217-21 traite du sort des services et des agents concernés par les transferts de compétences selon trois modalités qui découlent du mode de transfert de compétence.

Lorsque la loi procède au transfert de compétences comme c'est le cas pour les compétences communales qui relèveront désormais de la métropole et qui sont mentionnées au I de l'article L.5217-2, le transfert de compétences entraine mutadis mutandis celui des services ou parties de services qui participent à son exercice.

En ce qui concerne les transferts conventionnels, le transfert des services est réglé par la convention opérant le transfert de la compétence concernée, en distinguant le cas des services de l'Etat qui sont « mis à disposition » et du département ou de la région qui sont « transférés » de la métropole. Parallèlement les agents de ces services sont transférés dans les mêmes conditions, d'où le renvoi opéré par l'article L.5217-21 aux modalités prévues à l'article L.5211-4-1. Cette disposition est fondée sur le principe de la protection des emplois qui veut que « les agents suivent les compétences et bénéficient d'une protection dans leur emploi, leur carrière, leur rémunération et leurs avantages, lorsqu'ils font mouvement d'une commune vers un EPCI... 245(*)».

Il faut également mentionner que les procédures de mutualisation affectant les agents, ces derniers ne sont pas en majorité favorable à la mise en oeuvre de ces procédures. L'ADCF estime que « cette réticence montre la nécessité d'associer au maximum les agents afin de démystifier la mutualisation246(*) ».

La Métro, ayant pris la mesure de l'importance des transferts de personnels qu'elle sera amenée à enregistrer, a inscrit dans ses priorités pour la phase de transition vers la métropole, de garantir une intégration dans les meilleurs conditions des personnels appelés à rejoindre la future métropole. L'enjeu est d'autant plus important du côté de La Metro dans la mesure où elle se trouve à la croisée des chemins de deux évolutions institutionnelles. En effet, à peine aura-t-elle le temps d'intégrer les agents des communautés de communes avec lesquelles elle a fusionnée le 1er janvier 2014, qu'il lui faudra gérer le cas des nouveaux personnels transférés par les communes. Tout en déplorant le télescopage de ces différents changements, Pierre-Yves Drogue y dégage quand même un intérêt pratique pour La Métro. Il considère en effet que « la fusion a quand même permis à La Métro de faire un exercice pratique sur l'intégration des personnels avec l'accueil des agents en provenance des communautés qui ont fusionné. Ça lui aura permis de travailler sur ces questions-là et elle se trouvera moins démunie quand il s'agira de gérer la question du nombre important d'agents qui vont être transférés au 1er janvier 2015247(*) ». Il est clair que dans cette situation, les transferts conventionnels tant attendus pour distinguer la métropole d'un EPCI ordinaire, et qui devront s'accompagner d'une autre vague de transferts de personnels, ne sont pas pour demain. Cela justifie d'ailleurs la volonté des élus de La Métro de se consacrer aux premières heures de la métropole aux compétences obligatoires en attendant les transferts conventionnels.

Tout compte fait, si elle constitue aujourd'hui une obligation pour les EPCI, la mutualisation est source de méfiance entre les communes périphériques et la ville-centre. Les communes périphériques voient notamment en la mutualisation, une technique utilisée par la ville-centre pour avoir une autre emprise sur mes autres communes, au grand dam du principe de la libre administration des communes.

B. La mutualisation sujette à la contestation de sa finalité et à la méfiance des communes périphériques vis-à-vis de la ville-centre

La mutualisation des services est aujourd'hui ancrée dans le dispositif intercommunal. Il est vrai que vouloir combiner l'efficacité de l'action publique et réduction des coûts de fonctionnement afin de subjuguer les effets de la crise paraît être a priori une gageure. Il en résulte que ce dispositif est de plus en plus contesté par les acteurs locaux par rapport à ses finalités.

Dans l'agglomération grenobloise, la critique la plus virulente à propos de la mutualisation des services émane du maire de la commune d'Echirolles, Renzo Sulli. Ce dernier dont nous avons cité la réaction dans la première partie248(*), s'est emporté contre les services d'enlèvement des déchets dont la compétence est exercée par La Métro sous le statut de communauté d'agglomération. Le Maire d'Echirolles estimait après le vote favorable, non sans mal, de sa commune pour la fusion des intercommunalités, que la mutualisation des services d'enlèvement des déchets entre la structure intercommunale et les communes est loin d'être source d'efficacité et de réduction des coûts. Pour lui, l'avènement de la métropole appelle à plus de vigilance des acteurs dans la gestion des services mutualisés.

Il est vrai que de façon générale, la mutualisation est considérée comme un vecteur de réduction des coûts par la réalisation d'économies d'échelle sur la gestion des services publics locaux, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires mais ses résultats n'ont pas toujours été à la hauteur des espérances comme l'évoque Renzo Sulli à propos de la gestion des déchets dans l'agglomération grenobloise. En effet, si on fait fi des considérations politiques d'hostilité à l'intégration communautaire qui peuvent motiver de telles affirmations, on peut objectivement considérer qu'il est souvent difficile de se faire une idée précise sur les économies réalisées par La Métro grâce à la mutualisation, donc nous n'entrerons pas dans les détails sur ce constat.

Sur un autre plan, on peut également évoquer le fait que la réussite de la mutualisation dans les communautés dépend en fait des relations entre la ville-centre, dont les moyens et les services sont plus importants, et les communes périphériques le plus souvent en manque de moyens et de services pour satisfaire les besoins de leurs administrés. Dans ces conditions la mutualisation apparaît comme une nécessité pour faire profiter aux administrés des communes périphériques les services mutualisés avec la ville-centre dans le cadre de la coopération intercommunale. On est dans ce cas, comme dans l'agglomération grenobloise, dans « une logique de solidarité territoriale 249(*)» permettant « d'optimiser les moyens publics disponibles et renforcer le service public de manière équitable sur le territoire en prenant en compte les fractures urbaines et sociales 250(*)». C'est cette logique qui guidera l'institution de la future métropole et il faudra pour cela compter sur le poids de la ville-centre, d'autant plus que le rapport d'études de l'Association des communautés de France (ADCF) sur la mutualisation des services a considéré que la ville de « Grenoble peine à jouer le rôle de locomotive qui incombe normalement à la ville-centre 251(*)» dans le cadre de l'intercommunalité du fait de son poids démographique insuffisant252(*) sur la population de l'agglomération. L'ADCF considère en effet qu'il y a une influence du poids démographique de la ville-centre sur le projet de de mutualisation, relevant de ce fait « qu'une ville-centre insuffisamment puissante peut constituer un obstacle au développement de l'intercommunalité 253(*)».

Cependant force est de constater de façon générale, une méfiance des communes périphériques envers la ville-centre. Il en va ainsi lorsque certaines communes périphériques marquent leur hostilité par rapport à l'intégration communautaire comme c'est le cas dans l'agglomération grenobloise avec les communes constituant « la couronne rouge » autour de la commune de Grenoble (Echirolles, Saint-Martin-d'Hères, Fontaine). Gilles Antier considère dans ce cas que l'ambigüité des relations entre la ville-centre et sa périphérie peut « finalement jouer contre l'homogénéité de la métropole254(*) ». C'est aussi le cas des communes rurales du Sud grenoblois et du balcon sud de la chartreuse qui s'étaient prononcées contre la fusion de leur intercommunalité avec La Métro. Cette méfiance est due à la volonté de ces communes périphériques de préserver pour les uns leur autonomie et pour les autres leur identité et leurs spécificités, dénonçant les machinations de la ville-centre, sous-couvert de La Métro pour avoir une mainmise sur la région.

Parallèlement au poids démographique de la ville-centre qui peut être considéré comme facteur d'influence de cette dernière dans la mise en oeuvre des projets de mutualisation, un autre facteur tient en la personne des exécutifs de la ville-centre et de la structure intercommunale. Pour l'ADCF, le « ticket » maire de la ville-centre - Président de l'EPCI est une condition favorable à la réussite de la mutualisation. S'appuyant sur l'exemple de La Métro, elle considère que « la dissociation semble presque toujours être un frein voire un obstacle à une mutualisation poussée 255(*)».

Cette affirmation est à nuancer toutefois, dans la mesure où dans un contexte local marqué par des conflits d'intérêts et de méfiance des communes périphériques par rapport à la toute-puissance de la ville-centre dans la structure intercommunale, la dissociation entre les deux exécutifs est souhaitable pour que les uns et les autres se sentent en confiance dans une telle structure. Le fait que le maire de la ville de Grenoble ne soit pas automatiquement Président la communauté d'agglomération depuis sa création en 2000, et ce sera toujours ainsi pour la future métropole, s'inscrit sans doute dans cette logique de ne pas marquer l'hégémonie de la ville-centre dans cette structure.

A la question relative au problème d'hégémonie de la ville-centre qui serait source de tension et un obstacle à la cohésion dans une structure aussi fortement intégrée que la Métropole, notre interlocuteur de La Métro, Cyril Dufresne s'est inscrit plutôt dans la généralité, en nous répondant qu'il ne s'agit pas d'un problème exclusif à La Métro mais que cela se passe ainsi dans toutes les intercommunalités. Il lie cela au fait qu' « il y a toujours une difficulté liée au fait que la ville-centre assure souvent des charges de centralité, c'est à dire qu'elle assure la prise en charge d'un certain nombre d'équipements qui profitent à l'ensemble de la population au-delà de ses habitants. Ce n'est pas un problème entre l'intercommunalité et la ville-centre mais plutôt un problème entre la ville-centre et l'ensemble des communes qui composent l'intercommunalité, ce n'est pas un problème d'institution entre la ville-centre et l'intercommunalité. La ville-centre considérant souvent qu'elle assume un certain nombre de charges qui normalement doivent être « intercommunalisées » ».

Au-delà de tous ces clivages, quant à la mutualisation des services, le principal enjeu réside dans l'efficacité des services rendus aux administrés, et ceci passe par la recherche de la proximité avec les administrés dans la mise en oeuvre de l'action publique métropolitaine.

SECTION II : UNE ACTION PUBLIQUE METROPOLITAINE EFFICACE GARANTIE PAR LA PROXIMITE DE SA MISE EN OEUVRE AVEC LES CITOYENS

Les attentes des uns et des autres envers la métropole tournent autour de l'efficacité de l'action publique. Si les communes ont jusqu'alors, tant bien que mal, pourvu aux besoins des citoyens en services de proximité, nous sommes arrivés aujourd'hui à « l'ère des métropoles 256(*)». L'enjeu de cette dernière est de mettre en oeuvre une action publique rationalisée dont l'efficacité sera basée la mise en commun des forces de toutes les communes. Il en résulte que la métropole constitue un pôle unique de décision et de coordination de l'action publique locale (§ 1). Toutefois, si la conception et l'élaboration des politiques publiques doivent se faire au centre, c'est-à-dire au niveau de la métropole, une déconcentration de l'administration, qui exécutera ces politiques publiques, paraît nécessaire pour assurer un service de proximité aux citoyens, d'où la réflexion sur la territorialisation qui s'impose (§ 2).

§ 1 : Une efficacité basée sur la constitution un pôle unique de décision et de coordination de l'action publique locale

En instituant les métropoles, l'Etat a voulu pallier le manque de coordination qui existe entre les communes dans la définition de leurs politiques publiques. En effet, dotée de la liberté d'administration, chaque commune, si elle a les moyens, peut se doter de ses propres équipements, parfois dans un contexte de concurrence avec ses voisines. Comme le souligne Jean-Claude Mairal, « chacun, maître de ses décisions, peut, s'il en a les capacités financières, mener les projets qu'il souhaite, sans tenir compte des autres strates institutionnelles et territoires 257(*)». Cette façon de faire a très tôt montré ses limites en France avec la mise en place d'équipements non productifs dont la gestion devenait de plus en plus onéreuse pour les communes sous le dos des contribuables. Avec les compétences et les institutions dont est dotée la métropole, elle pourra alors coordonner les politiques publiques et les projets communaux (A), sans toutefois remettre en cause la proximité des services avec les citoyens (B)

A. La métropole, espace de coordination des politiques publiques locales

Titulaire de plein droit d'une grande partie des compétences communales, la métropole devra répondre dans l'exercice de ces compétences aux enjeux d'efficacité du service et de proximité avec les administrés. En effet, si la décentralisation amorcée en 1983 et poursuivie jusqu'à ce jour en France s'est accompagnée d'un transfert massif de compétences aux collectivités locales, notamment aux communes, échelon à même d'assurer un service de proximité et plus efficace aux administrés, la pratique s'est avérée très tôt insupportable pour les communes, du fait de l'importance des charges et de l'inadaptation de leurs structures pour répondre efficacement aux besoins des administrés. Si l'objectif originaire n'a pas changé, il s'est avéré qu'il ne pourra être atteint que si les communes se regroupent en intercommunalités qui ont été très vite consacrées par la loi pour accompagner ce mouvement. Il en résulte donc une sorte de « recentralisation » des compétences décentralisées, accentuée par la loi mapam avec la création des métropoles. Dès lors il appartient à ces dernières de poursuivre les objectifs de proximité et d'efficacité de l'action publique en lieu et place des communes dont elles ont repris les compétences.

La métropole apparait donc comme un espace de coordination des politiques publiques communales, une sorte de « transformateur » destiné à refondre les projets communaux dans un même moule pour en sortir des projets communs viables économiquement et partagés par tous. Dans un contexte de contrainte budgétaire et de baisse des dotations, la métropole constitue l'échelon le plus pertinent de conception et de mise en oeuvre des politiques publiques. Il est opportun de rappeler que la métropole, bien qu'instituée par voie d'autorité par l'Etat, est bâtie sur les ruines des anciennes structures intercommunales issues de la volonté d'association des communes en vue d'élaborer et conduire ensemble des projets communs. L'autorité étatique n'a donc pas voulu faire de la métropole un échelon supra-communal, mais, en restant dans la dynamique de coopération amorcée par les communes depuis belle lurette, promouvoir l'association de communes « au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement (...) de leur territoire afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion à l'échelle nationale et européenne 258(*)». Les élus de La Métro veulent donc à cet effet, « mettre en résonnance le projet métropolitain avec les projets communaux et d'accompagner pleinement ces derniers 259(*)». Il s'agit là également du voeu de Dominique Escaron qui, tout en montrant son désaccord quant à l'inclusion de sa commune dans la métropole grenobloise, considère que cette métropole peut être « une opportunité (...) si elle supporte les projets de développement locaux des communes 260(*)».

Cette volonté du législateur de faire de la métropole un espace de discussion et de mise en commun des projets communaux, se révèle également à travers les institutions dont elle est dotée, et que nous avons analysées dans la première partie. Les deux institutions qui sont à même de mener à bien cet objectif de coordination des projets communaux sont sans nul doute le conseil de métropole et la conférence métropolitaine. Cette dernière incarne l'innovation en la matière, étant donné que le conseil de métropole n'est qu'une substitution du conseil communautaire existant avant la transformation en métropole. Le conseil de métropole constitue l'instance délibérative et décisionnelle de la métropole, à qui il revient d'entériner les compromis dégagés par les exécutifs communaux au sein de la conférence métropolitaine, qui est formellement désignée par la loi comme « une instance de coordination entre la métropole et les communes membres, au sein de laquelle il peut être débattu de tous sujets...relatifs à l'harmonisation de l'action de ces collectivités 261(*)».

Cette volonté du législateur d'instaurer un climat d'harmonisation et de concertation entre les différentes composantes de la métropole, s'est poursuivie dans la loi mapam par la possibilité donnée aux métropoles de se doter d'autres organes de concertation. Il s'agit notamment des conseils de territoire prévus aux articles L.5217-7 262(*)et suivants du CGCT. Ces entités, composées de conseillers de métropole d'une partie donnée du territoire métropolitain devront exercer des attributions purement consultatives263(*). Mais il ne s'agit là que d'une option pour la métropole pour mieux assurer son organisation et la mise en place de ces structures incombe à chaque métropole. Pour l'instant nous n'en sommes pas à ce stade d'autant plus que l'organigramme de la future métropole n'est pas encore dévoilé par La Métro.

Quoiqu'il en soit, si aujourd'hui la métropole constitue l'espace idéal pour concevoir et mettre en oeuvre des politiques publiques de façon efficiente, il est vrai que le quasi-dessaisissement de l'échelon communal pose le débat de la remise en cause du rapprochement des citoyens des centres de décision.

B. Vers une remise en cause de la proximité des citoyens des centres de décision par la métropole?

Avec la création des métropoles, s'instaure au niveau des citoyens, la crainte de leur éloignement des lieux de décision. Il s'agirait là d'une remise en cause par « l'Acte III » de la décentralisation des acquis des « Acte I » et « II » de la décentralisation, dont l'enjeu était justement de rapprocher le plus possible les centres de décision et la mise en oeuvre de l'action publique des citoyens. Si elle ne remet pas en cause le principe de la libre administration des communes, la métropole s'apparente aujourd'hui à une « monstruosité administrative 264(*)» créée de toutes pièces par l'Etat pour engloutir les communes, étant donné qu'il s'avère difficile, voire impossible d'amorcer un processus de fusion autoritaire des communes dont l'échec en 1971 à la suite de la Loi Marcellin est restée gravée dans les mémoires.

Certes, nous avons vu que l'institution des métropoles et le renforcement de l'intercommunalité sont dictés par des soucis de rationalisation des compétences et de mise en cohérence de l'action publique locale dans un contexte de contraintes budgétaire, mais quid de la proximité qu'entretenaient les communes avec leurs citoyens. En effet, l'échelon métropolitain, comme nous l'avions dit, se présente aujourd'hui comme l'échelon le plus pertinent de conception et de mise en oeuvre des politiques publiques, de par sa visibilité, son potentiel et son attractivité économiques ainsi que son territoire élargi.

La question métropolitaine et la proximité des centres de décision des citoyens suscitent vraiment débat par rapport au lien entre le citoyen et le service public au plan local. Il est clair que la France a longtemps été stigmatisée pour son manque de pôles métropolitains pouvant entrer dans la compétition que mènent les grandes villes aux plans européens et mondiaux. « La France ne dispose quasiment que d'une seule « ville-monde », ce qui est à la fois un handicap de compétitivité internationale et un élément de déséquilibre de notre territoire 265(*)», constatait avec regret Dominique Perben. En plus, la fragmentation communale, une spécialité française au sein de l'Union Européenne gonflerait les dépenses publiques, sans que l'efficacité de l'action publique tant voulue par les différentes lois de la décentralisation n'en soit renforcée. Il fallait donc trouver un instrument à même de pallier à la fois, le déficit urbain de la France pour créer des pôles d'attractivité et rationaliser l'action publique locale mais sans toutefois rompre le lien de proximité avec les citoyens. Si le premier objectif paraît réalisable du fait des atouts indéniables dont dispose un territoire métropolitain, à l'instar de la métropole grenobloise riche en diversité, le deuxième paraît plus problématique dans la mesure où les métropoles issues de la loi mapam s'étendent sur de grandes superficies englobant des territoires hétérogènes, comme nous l'avons développé dans la première partie.

Les craintes des administrés sont surtout dirigées vers les conséquences de la métropolisation, notamment les outils tels que la mutualisation qu'ils considèrent comme les éloignant des centres de décision. On estime même que pour les administrés des petites communes rurales de La Métro, « la métropole est perçue comme un danger 266(*)», justement pour des raisons liées à l'éloignement du pôle de décision. S'il est vrai que la mutualisation était déjà utilisée par les communautés d'agglomération et les communautés urbaines transformées, ce procédé sera encore plus renforcé par la métropole qui, forte de l'attribution des compétences communales, devra mutualiser plus de services avec les communes pour satisfaire les besoins des administrés. Les incidences de la métropolisation seront encore plus frappantes dans une métropole comme celle de Grenoble qui est née de de la transformation d'une communauté d'agglomération très faiblement intégrée. Le terme « mutualisation » revient donc chaque fois que les élus parlent de la métropole, étant donné que la métropole ne pourra pas réussir ses missions si elle ne procède pas par la mutualisation. Cela ne veut pas pour autant signifier que la mutualisation va à l'encontre de la proximité de l'action publique avec les administrés. D'ailleurs, la mutualisation qui sera mise en place par la métropole devra permettre, « aux citoyens de communes faiblement peuplées d'accéder à des équipements que leur municipalité n'aurait pas eu la possibilité de financer seule267(*) », contribuant ainsi au « renforcement du service public local 268(*)».

Pour préserver la proximité de l'action publique locale avec les citoyens, malgré la mutualisation des services, la métropole devra adopter une démarche de territorialisation de cette action publique par la mise en place d'une administration déconcentrée.

§ II : Vers une territorialisation de l'action publique métropolitaine ?

La question de la forme que prendra la future administration métropolitaine pour assurer un service de proximité aux citoyens est essentielle à l'heure de la transition vers la métropole et de la définition de l'organigramme métropolitain. Logiquement, nous nous sommes approchés de La Métro pour connaître ses intentions. A défaut de pouvoir s'entretenir avec le Directeur Général des Services, le poste étant vacant au jour de notre entretien, le chargé de mission-métropole nous a confié qu'il n'y avait pas encore de décision précise sur ce point par les élus, mais qu'il envisage personnellement deux alternatives : « Soit on met des services de proximité, c'est à dire qu'on déconcentre les services de la métro de manière à ce que les habitants puissent s'adresser assez rapidement à La Métro; soit une autre alternative qui à mon sens est la plus adéquate qui est de s'appuyer sur les communes puisque les communes, elles savent faire de la proximité. Même si les décisions politiques seront prises au niveau de la métropole, leur mise en oeuvre peut être faite au niveau des communes 269(*)». Il ressort de ces propos que l'action publique métropolitaine peut être mise en oeuvre à travers la constitution de pôles territoriaux (A) ou être relayée par les communes (B).

A. L'hypothèse de la constitution de pôles territoriaux de mise en oeuvre de l'action publique métropolitaine

On peut voir dans la création des métropoles, la reproduction du modèle de l'Etat français à l'échelle locale. Les métropoles, en effet, renvoient à l'image d'un centre chargé d'assurer un service de proximité à des citoyens des territoires qu'il administre. L'administration métropolitaine qui sera mise en place devra donc prendre la mesure de cette exigence de proximité qui nécessitera de répondre à temps réel aux préoccupations des administrés sans que ceux-ci aient à changer leurs habitudes. En effet, la commune constitue le premier interlocuteur des citoyens dès qu'ils ont besoin d'un service où pour faire des réclamations par rapport à l'exécution d'un service. Aujourd'hui, avec la remontée des compétences vers l'échelon métropolitain, qui induira donc le transfert de la plupart des services et des agents communaux à La Métro, il va s'en dire que c'est désormais à cette dernière que les administrés devront s'adresser, par exemple pour des questions liées à l'enlèvement de leurs ordures ménagères ou de logement social.

La mise en place d'une administration métropolitaine optimale pour faire comme les communes, voire mieux, en matière de proximité de l'action publique constitue donc l'un des premiers défis qui se présentent à la métropole, dans cette période de transition. Pour ce faire, lors de l'entretien qu'il nous a accordé, Cyril Dufresne a envisagé l'hypothèse pour La Métro d'assurer la proximité avec les administrés en créant « des pôles territoriaux à l'image du Conseil Général, qui a découpé le territoire du département de l'Isère en 13 territoires 270(*)». Cette hypothèse conduirait donc La Métro à mettre en place une administration concentrée à l'image de l'Etat. En même temps, le Conseil Général de l'Isère ayant expérimenté cette forme d'organisation, pour bien desservir ses territoires ruraux, il s'agirait pour La Métro de s'appuyer sur cet exemple, comme le suggérait Cyril Dufresne. En effet, le Conseil général de l'Isère a découpé le département en 13 territoires271(*) lui permettant de rendre des services de proximité aux administrés, surtout en milieu rural, qui sont éloignés du chef-lieu du département. Cela s'est traduit par l'implantation des « maisons du conseil général » dans chacun de ces territoires permettant aux administrés de s'y rendre pour faire leurs démarches administratives. Avec l'élargissement de son périmètre, La Métro englobe des territoires éloignés les uns des autres, et notamment de la ville-centre Grenoble qui va polariser la plupart des services métropolitains. L'option de déconcentrer les services métropolitains par la création des relais territoriaux de la métropole serait intéressante pour rapprocher des citoyens l'exercice de certaines compétences de proximité. Va-t-on vers la création des « maisons de la métropole » ?

Si le conseil général est cité sur le plan local comme pionnier sur le plan de la territorialisation de l'action publique, on peut mentionner aussi que cette expérience a été mise en oeuvre sur le plan national et dans le domaine intercommunal par la communauté urbaine de Toulouse. En effet, cette dernière a été découpée en « huit pôles de proximité, correspondant chacun à une population de 50.000 habitants environ 272(*)». Et dans la pratique, ces pôles, sont chargés de la mise en oeuvre des compétences d'urbanisme et de voirie, sous la houlette d'un directeur, ce qui permet aux citoyens de s'adresser directement à des interlocuteurs plus proches d'eux. Il s'agit d'un procédé qui « évite de donner un sentiment d'éloignement ou de complexité aux citoyens 273(*)» qui ne perdront donc pas leurs habitudes avec la métropole.

La territorialisation de l'action publique métropolitaine peut s'appuyer également sur le cadre légal des conseils de territoire274(*) prévus par la loi pour l'organe délibérant ne pourrait pas servir de cadre de référence à la délimitation des pôles territoriaux. Les territoires délimités pour installer les conseils de territoire, une sorte d'entités décentralisées de la métropole, peuvent dans ce cas, servir également de pôles territoriaux pertinents de mise en oeuvre de l'action publique métropolitaine, en tant qu'entités déconcentrées. On retrouverait là au niveau métropolitain, comme nous l'avions dit plus haut, la reproduction du modèle d'organisation de l'administration étatique, avec une superstructure (métropole) disposant des services déconcentrés (« maisons de la métropole ») implantés sur des territoires qui abritent des conseils d'élus (Conseils de territoire). Ce mimétisme entre le mode d'organisation de l'Etat et celui des métropoles permettrait de renforcer la gouvernance métropolitaine en France avec des métropoles organisées à l'image de l'Etat pour la mise en oeuvre des compétences qui leur sont dévolues. Sur le plan grenoblois, si certains estiment que la territorialisation doit être « l'un des grands enjeux275(*) » de la métropole, d'autres pensent que s'il s'agit de faire métropole pour après faire des « sous-métropole, on est reparti pour faire des morceaux 276(*)»,

Au-delà de la territorialisation qui est considérée comme « une approche privilégiée pour maintenir et renforcer la proximité avec les citoyens277(*) », les communes restent également des cadres privilégiés de mise en oeuvre de l'action publique pour la métropole afin que le changement de statut ne bouleverse pas les habitudes citoyens.

B. L'échelon communal, relai de l'action publique métropolitaine ?

Dans la pratique, il est clair que dans l'immédiat, les communes dont les compétences ont été transférés à la métropole, continueront de faire fonctionner au quotidien les services concernés, au nom de la continuité du service public, jusqu'à l'aboutissement de la procédure de leur intégration harmonieuse au sein de la métropole.

Pour Cyril Dufresne, « la Métro pourrait s'appuyer sur les communes en effectuant un transfert des agents qui soient administrativement rattachés à la métropole mais qui restent physiquement, pour certains d'entre eux, au sein des communes de manière à pouvoir assurer ce rôle de proximité. De toutes les façons les agents communaux qui exerçaient les compétences transférées à la Métro seront transférés à la Métro, donc soit on les déconcentre ensuite vers des pôles territoriaux, soit on les laisse dans leurs communes quand bien même juridiquement ils dépendent de la Métropole, pour que dans leurs tâches quotidiennes ils continuent à intervenir à un niveau relativement de proximité et sans trop bouleverser les habitudes des habitants, parce que les habitants ont l'habitude à chaque fois qu'ils sont un problème à s'adresser au Maire de leur commune 278(*)». Dans cette posture, on pourrait les communes joueraient pratiquement un rôle de circonscription administrative de la métropole. En effet, la loi mapam n'a pas complètement anéanti l'échelon communal. Même si elles sont vidées d'une grande partie de leurs substances, les communes demeurent ancrées dans le territoire et constituent l'échelon à même d'assurer la proximité avec les citoyens. Les communes restent donc un niveau pertinent de mise en oeuvre de l'action publique métropolitaine comme garantes de la proximité recherchée dans cette action avec les citoyens.

Cette hypothèse est d'ailleurs celle qui semble avoir l'assentiment des élus métropolitains qui, dans leur délibération cadre du 04 juillet 2014, ont affirmé qu'ils comptent sur la commune pour assurer la proximité avec les citoyens dans le sens de l'amélioration des services qui leur sont rendus. Les élus ont dans cette délibération, réaffirmé l'ambition de construire une métropole de proximité.

Si certains voyaient l'avènement de la métropole comme signant l'arrêt de mort de l'échelon communal, Pierre Tonneau, ex-Directeur Général des Services de La Métro déclarait à juste titre que « la métropole ne pourra pas tout faire toute seule. Et pour les habitants, le niveau de proximité est la commune. Il faudra donc coordonner l'action des deux structures et voir quel rôle la commune peut jouer demain 279(*)». L'avantage que présente le relai de l'action publique métropolitaine par les communes réside également dans le lien très fort qui existe entre les citoyens et leur commune et qui pousse ces derniers à se rendre immédiatement à leur commune pour des problèmes liés à l'exécution d'un service public. S'appuyer sur les communes pour faire de la proximité, permettrait donc à La Métro d'oeuvrer dans la continuité des actions déjà entreprises par les communes avec plus de rationalisation.

Cette perspective de faire des communes des relais de l'action publique métropolitaine a été notamment développée par Pierre-Yves Drogue, lors de l'entretien qu'il nous a accordé. Il considère qu'il « va falloir qu'il y ait une grande réflexion autour de la territorialisation 280(*)» et « c'est là la relation qui va s'instaurer entre les organes de décision de la métropole et les communes qui vont être pendant un temps les relais de la demande281(*) ».

***

En définitive, les outils mis à la disposition des métropoles pour simplifier l'action publique locale, malgré leur efficacité apparente, ne dissipent pas pour autant les craintes des élus et des citoyens ; craintes relatives notammentau soupçonde manouvres hégémoniques de la ville-centre et l'éloignement des centres de décision des citoyens. Mais la nécessité de rationalisation de l'action publique locale commande de faire de la métropole, un espace de coordination des politiques publiques locales afin d'optimiser le rendement et de fournir un service efficace aux administrés. Les perspectives de territorialisation de l'action publique métropolitaine de la métropole garantissent la proximité de la mise en oeuvre de l'action publique avec les citoyens. Ces derniers jouissent également du droit de participer aux choix métropolitains à travers un renouveau de la démocratie participative dans l'agglomération grenobloise.

* 233Rapport de l'ADCF/INET de Mai 2011, « La mutualisation des services : un enjeu d'intégration intercommunale. Etudes de cas », publié sur www.adcf.fr

* 234 Article L.5211-39-1 CGCT : « Afin d'assurer une meilleure organisation des services, dans l'année qui suit chaque renouvellement général des conseils municipaux, le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre établit un rapport relatif aux mutualisations de services (...) Ce rapport comporte un projet de schéma de mutualisation des services à mettre en oeuvre pendant la durée du mandat. Le projet de schéma prévoit notamment l'impact prévisionnel de la mutualisation sur les effectifs de l'EPCI à fiscalité propre et des communes concerne et sur leurs dépenses de fonctionnement ».

* 235 DUMAS (Guillaume), cité par BRAUN (Pascal) in, « Jusqu'où peut aller la mutualisation des services dans les intercos ? », publié le 01/04/2014 et mis à jour le 08/04/2014 sur www.lagazettedescommunes.com

* 236 Projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale

* 237 La détermination de ce coefficient est obtenue par le rapport de la rémunération de l'ensemble des personnels affectés au sein des services ou parties de services fonctionnels employés par la communauté/Rémunération de l'ensemble des personnels affectés au sein de services ou parties de services fonctionnels employés par les communes membres et la communauté

* 238 Les sept groupes thématiques sont créés autour des compétences de la future métropole : Aménagement et urbanisme ; économie et emploi ; eau et énergie ; politique de la ville, solidarité et logement ; territorialisation de l'action publique ; voirie, espaces publics, déplacement ; ressources et mutualisation

* 239 Rapport de l'ADCF/INET de Mai 2011, op.cit.

* 240Rapport de l'ADCF/INET op.cit

* 241 Ibid.

* 242 Rapport ADCF/INET, op.cit

* 243 Article 5211-4-1 CGCT : « I. Le transfert de compétences d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale entraîne le transfert du service ou de la partie du service chargé de sa mise en oeuvre (...)

al.2 : Les fonctionnaires territoriaux et agents territoriaux non titulaires qui remplissent en totalité leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré en application de l'alinéa précédent sont transférées dans l'EPCI ».

* 244 On parle notamment de « mutualisation ascendante » lorsqu'elle va des communes à l'EPCI, et de « mutualisation descendante » lorsqu'elle va de l'EPCI aux communes

* 245 Rapport de l'ADCF/INET, op.cit.

* 246 Ibid

* 247 DROGUE (Pierre-Yves), op.cit.

* 248 Cf supra

* 249Délibération-cadre du conseil communautaire du 04 juillet 2014

* 250 Ibid

* 251 Rapport ADCF/INET op. cit

* 252 40% de la population de La Métro, à 28 communes, avant son élargissement à 49 communes, selon le rapport de l'ADCF

* 253 Le même rapport considère que les craintes des communes périphériques sont plus vives lorsque le poids de la ville-centre est fort, donnant l'exemple de Reims qui représente 85% de la population de son agglomération.

* 254 ANTIER (Gilles), op.cit., P.39

* 255 Rapport ADCF/INET, op.cit.

* 256 Titre de l'article de Bernard PERRIN, AJDA 2013, P.433

* 257 MAIRAL (Jean-Claude), op.cit., P. 24

* 258 Article 31 de la loi mapam, in fine (définition de la métropole)

* 259 Délibération du 04 juillet 2014, op.cit.

* 260 ESCARON (Dominique), op.cit.

* 261 Article L.5217-8 CGCT, op.cit

* 262 Article L.5217-7 : « La métropole peut être divisée en territoires ... »

Article L.5217-8 : « Dans chaque territoire, il est créé un conseil de territoire »

Article L.5217-9 : « Le conseil de territoire est composé des conseillers de la métropole délégués des communes incluses dans le périmètre du territoire ».

* 263 Article L.5217-12 : « Préalablement à leur examen par le conseil de la métropole, le conseil de territoire est saisi pour avis des rapports de présentation et des projets de délibération... »

* 264 ESCARON (Dominique), op.cit.

* 265 PERBEN (Dominique), « Débat sur la décentralisation », op.cit.

* 266 ESCARON (Dominique), op.cit.

* 267 Rapport de l'ADCF, op.cit.

* 268 Ibid

* 269 DUFRESNE (Cyril), op.cit.

* 270 DUFRESNE (Cyril), op.cit

* 271 www.isère.fr/carte-intercative

* 272Rapport ADCF/INET, op.cit.

* 273 Ibid

* 274 Cf supra

* 275 DROGUE (Pierre-Yves), op.cit.

* 276 ESCARON (Dominique), op.cit.

* 277 Rapport ADCF/INET, op.cit

* 278 DUFRESNE (Cyril), op.cit.

* 279 www.placegrenet.fr/metro-puis-métropole-ce-qui-va-changer/

* 280 DROGUE (Pierre-Yves), op.cit.

* 281 Ibid

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius