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Auguste Sérieyw (1865-1949) biographie et approche de son œuvre.

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par Chantal BIGOT-TESTAZ
Lyon II - Maîtrise 1985
  

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B. INCERTITUDE (1885 à 1897)

Pour le jeune bachelier de vingt ans, sonne l'heure d'un choix grave et l'évocation des années qui viennent mettront en évidence que celui-ci ne s'est fait ni en un jour, ni en un an.

En janvier 1888, les deux frères Sérieyx s'inscrivent ensemble à la Faculté de droit de Toulouse. Camille est à ce moment là receveur-rédacteur à Cahors et Auguste y commence un stage dans les bureaux de l'Enregistrement en vue de l'examen de surnuméraire. Malgré leur différence d'âge, tous deux se réjouissent de cette perspective d'étudier ensemble. " C'est la seule fois de notre vie que nous étudions les mêmes matières en même temps et cette considération a beaucoup contribué à me décider"8(*). Qui s'imaginait que la formation continue était issue de mai 1968 ?

Mais on lit aussi à la même page : " Entretien avec le Docteur Lanteires sur la carrière musicale (relaté en détail dans mes notes) ", première allusion aussi précise à l'alternative musicien ou juriste9(*) (1). Ses études de droit sont cependant conduites avec sérieux puisqu'il obtient sa licence, en été 1888.

Début novembre, il s'inscrit à l'École des Sciences Politiques, à Paris, où il prête serment d'avocat le 14 du même mois.

Onze ans plus tôt, le 7 mai 1877, Ernest Chausson était lui aussi « reçu au Serment d'avocat à la Cour d'Appel de Paris »10(*), il était alors en pleine crise de conscience concernant son avenir mais, âgé d'à peine vingt-trois ans, il renonça au stage auquel il était admis pour se consacrer entièrement à la musique.

Sérieyx, lui, dix années durant, essayera d'équilibrer une vie professionnelle de juriste avec une vraie passion pour la recherche musicale et un grand désir d'étudier à fond les techniques de l'écriture.

Comment va-t-il concilier les deux, loin des structures officielles parisiennes ? Nous allons tenter de décrire sa démarche de travailleur acharné, profitant de chaque rencontre pour en savoir davantage, de chaque occasion pour faire de la musique ou pour en susciter autour de lui. Afin de cerner davantage son cheminement musical, nous laisserons de côté nombre de faits intéressants, reflets d'une vie intense, très ouverte, nous l'avons déjà dit, sur les événements contemporains.

Nous renoncerons à le suivre dans ses multiples déplacements facilités par sa situation de célibataire indépendant, très attaché aux amis pour la plupart fonctionnaires ou militaires, donc soumis à de fréquentes mutations (quand ils n'étaient pas musiciens !). I1 avait la chance, à cette époque là, de bénéficier d'une « couverture de voyage », carte de libre circulation sur les chemins de fer français.

Évoquons juste encore le souvenir de leçons de bicyclette, et en vue d'un voyage d'affaires, de cours d'espagnol, pour traiter une faillite en Espagne, avant de revenir à la musique pour écouter Sérieyx parler de ses premières impressions d'études systématiques de l'harmonie. C'était à l'occasion d'une série d'entretiens qu'il accorda en 1946 à Freddy Ruillier11(*), ancienne secrétaire d'André Gide et de Jacques Copeau, alors en séjour à Montreux

Un vieux maître de chapelle, parent par alliance de mon frère, Emmanuel de Lascazes, s'était intéressé à mes essais musicaux et tenta de m'initier à l'enseignement traditionnel de l'harmonie sans succès notoire. J'étais déjà décidé à m'évader d'une foule de règles qui me paraissaient surannées, opinion qui n'a jamais varié dans mon esprit. J'avais notamment composé une pièce pour piano singulièrement modulante pour l'époque, qui faisait autour de moi tantôt le scandale, tantôt l'admiration de mes amis. Il s'agit d'Incertitude12(*). Après un demi-siècle, je considère cette composition comme tout à fait représentative de mes tendances musicales...

C'était en 1887. Les années suivantes, soit par correspondance, soit lors de séjours parisiens, il prend une série de cours avec Lucien Grandjany13(*) qui seront interrompues par la mort de ce dernier.

Le vieux maître de chapelle Lascazes mettra alors Sérieyx en contact avec Adrien Barthe. professeur d'harmonie au Conservatoire de Paris. Sérieyx, à cette époque, partage sa vie entre Paris et le Sud-Ouest, Bayonne surtout, où la famille de Camille s'est fixée, après y avoir acheté une étude de notaire. Adrien Barthe fait de fréquents séjours à Saint-Jean-de-Luz. Maître et élève peuvent se retrouver régulièrement jusqu'en 1894 où Barthe, considérant son enseignement comme terminé, confie Sérieyx à André Gédalge pour le contrepoint.*

Ces cours se poursuivront soit par correspondance, soit de façon traditionnelle jusqu'en 189614(*).

Au même moment, Albert Roussel étudie à Paris dans une solitude choisie, avec l'organiste Eugène Gigout de l'École Niedermayer. Sa démission d'officier de marine remonte à 189415(*), l'année de ses vingt-cinq ans. Sa route croisera bientôt celle de Sérieyx et sans doute, écoutent-ils déjà ensemble, mais sans se connaître, les improvisations de Gigout à l'orgue de Saint Augustin.

Sérieyx évoque, dans ses entretiens avec Freddy Ruillier, ce qu'il a reçu de Gédalge.

Je dois dire que, malgré certaines divergences extérieures à la musique, j'ai eu les meilleurs rapports avec Gédalge et qu'il me donnait l'enseignement élémentaire du contrepoint sur d'excellentes bases dont je ne me suis écarté depuis, qu'en croyant devoir expliquer des règles dont il ordonnait l'application sans les comprendre16(*).

Et il écrit dans Le Livre de Raison pour l'année 1895 : « En janvier, la pièce pour piano Incertitude est récrite entièrement et la prédiction de Barthe est réalisée ».17(*)

I1 ne reparlera plus, par contre, d'une opérette-bouffe détruite plus tard, appelée Collectivisme, écrite en 1895 sur un livret de son cher cousin, le capitaine William Sérieyx. Le projet de représentation dans un théâtre parisien faillit aboutir.

En parallèle avec ses études systématiques d'harmonie et de contrepoint, Sérieyx, dès 1888, consacre beaucoup de temps aux ouvrages de Durutte et de Barbereau, point de départ de sa longue élaboration mathématique pour le cycle des quintes.

Entre la théorie et la pratique de la musique, il n'y a pas de solution de continuité chez Sérieyx qui tient souvent l'orgue du couvent des Dominicains de Biarritz. Il participe aussi à des soirées de musique de chambre avec des amis, prend des leçons de chant et s'occupe activement, en tant que vice-président. de la réorganisation de la Société Philharmonique de Bayonne. Le pianiste Francis Planté et le violoniste Henri Marteau y donneront plusieurs récitals et c'est Planté qui, fin 1896, ménagera une rencontre déterminante pour l'avenir entre Sérieyx et Charles Bordes.

Ce dernier, maître de chapelle à l'église Saint-Gervais de Paris, alliait une compétence et un dynamisme exceptionnels à la tête d'une chorale qui allait faire parler d'elle, bien au-delà de sa paroisse, dans la France entière. Comme l'a dit Paul Dukas : « Bordes n'a découvert ni Palestrina, ni Bach, ni Rameau, ni tant d'autres. Mais c'est à lui que l'on doit leur retour effectif à la vie musicale. »18(*)

C'est au cours d'une des tournées des « Chanteurs de Saint-Gervais » dans le Sud-Ouest que Francis Planté misa sur Auguste Sérieyx pour organiser, à Bayonne, un concert supplémentaire destiné à combler un déficit compromettant le retour du choeur vers Paris.

Après quelques jours à Saint-Avit, pendant lesquels Bordes me témoigna la plus vive sympathie, je rentrai à Bayonne pour décider le Comité de la Philharmonique à organiser un concert avec les chanteurs de Saint-Gervais. Cela n'alla pas tout seul. On criait au scandale à l'idée d'un concert où il n'y aurait que du chant choral et il fallut transiger avec Bordes en intercalant entre les polyphonies et les madrigaux du XVIéme siècle, l'air Vision fugitive d'Hérodiade de Massenet chanté par un ténor des Chanteurs de Saint- Gervais. Cette adjonction permettait à Bordes d'élever à 850 francs le cachet de 800 francs que j'avais obtenu à grand peine de la Société Philharmonique.
Le concert eut lieu le 4 janvier 1897. Le matin du même jour, Bordes avait donné une conférence à l'Évêché sur la musique religieuse et le chant grégorien au cours de laquelle il osa cette boutade : " Prenons par exemple quelqu'un qui n'entend absolument rien à la musique d'église Un chantre...19(*)

L'été suivant, Charles Bordes reçoit Sérieyx à Saint-Jean-de-Luz et lui annonce la fondation de la " Schola Cantorum " où il attend sa visite. Le dimanche 17 octobre 1897, Sérieyx, de retour à Paris, après avoir assisté à la messe à Saint-Gervais, découvre pour la première fois le 15 de la rue Stanislas et il aimera un demi-siècle plus tard, se souvenir des détails de cette après-midi là :

L'immeuble de la Schola faisait l'angle du boulevard Montparnasse avec un seul étage au-dessus du rez-de-chaussée et contenait un magasin de vente des éditions publiées par Charles Bordes, des salles de classe, un orgue d'étude, un atelier de gravure et une salle pour une maîtrise d'enfants, sans oublier le « bureau » de Bordes. Naturellement, Bordes était sorti. Je lui laissai ma carte avec mon regret de l'avoir manqué et mon adresse à Paris. Le même soir, une carte-télégramme, à 30 centimes, parvenait chez moi, rue de Constantinople. Elle était libellée à peu près ainsi : " Cher Ami, vous tombez bien. D'Indy commence son cours demain à quatre heures et je lui ai annoncé que vous y seriez. Venez un peu avant. Je vous présenterai. Bien à vous. Charles Bordes20(*).

Cet automne là, Sérieyx a trente-deux ans. Malgré une santé qui restera toujours déficiente, il mène une vie extrêmement active, sillonnant la France plusieurs fois par an, à une époque où lire et écrire dans un train devait être plus difficile que de nos jours, dans un T.G.V. En quelques mois, on le retrouve à Brest pour raison de famille, dans le Jura en tant que commandite et agent de la Société de Saint-Claude où il a placé de l'argent. Puis le voilà de retour à Paris où spectacles, concerts, expositions et contacts nombreux avec l'élite intellectuelle lui permettent de participer d'autant plus efficacement à l'organisation de la vie culturelle lors de ses séjours à Bayonne. .

On peut relier ces nombreux déplacements, sans doute souhaités, à son enfance et à son adolescence itinérantes. A l'inverse d'un Bordes, d'un Ropartz, d'un Canteloube et de bien d'autres de ses contemporains, il n'a pas de racines régionales, celles qui permettent à un musicien d'être en harmonie avec les gens de son terroir.

En 1897, Sérieyx a une belle allure sportive (I1 a visité entre autres Bilbao et Loyola à bicyclette). L'oeil très vif, toujours élégant, il est l'hôte recherché des salons à la mode. S'il a très peu publié jusque là, il a été reçu par Carvalho, directeur de l'Opéra Comique, prêle à faire représenter l'Opérette Collectivisme montrée à Barthe et à Gédalge qui l'ont appréciée. Ses notes au jour le jour continuent de prouver son ouverture au monde contemporain, la variété de ses intérêts, son esprit généreux. Tel est l'homme que surprendra la carte-télégramme signée Charles Bordes, ce dimanche soir dix-sept octobre 1897. Est-il prêt à mettre fin à ces treize longues années d'incertitude ?

* 8 Ibidem p. 43

* 9 L.de R. I p. 43 (notes non retrouvées).

* 10 Gallois (Jean), Ernest Chausson, Paris, Seghers, 1967, 192 p. Coll. : Musiciens de tous les temps, p. 16.

* 11 Ces notes biographiques ont été prises en sténotypie par Freddy Ruillier qui n'en a traduit qu'une partie (1886 à 1900), l'ensemble constituant le F. A. S. 520

* 12 ) Incertitude, FONDS AUGUSTE SÉRIEYX 10 et FONDS AUGUSTE SÉRIEYX 11.

* 13 Lucien Grandjany (1862-1891), compositeur, organiste et professeur de solfège au conservatoire de Paris. Il est l'oncle de Marcel Grandjany, né en 1891, harpiste et compositeur.

* 14 Cf. Vol. Document n° 3 p.7

* 15 SURCHAMP (Dom Angélico), Albert Roussel, Paris, Seghers, 1967, 190 p. Collection Musiciens de tous les temps. pp. 22-23.

* 16 FONDS AUGUSTE SÉRIEYX 520 p. 4.

* 17 Livre de Raison I p.63

* 18 Dukas (Paul ) (11) Les écrits de Paul Dukas. . . Paris, Société d'éditions françaises et internationales, 1948, p. 676.

* 19 FONDS AUGUSTE SÉRIEYX 520 p. 5.

* 20 Ibidem p. 7

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote