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Gestion foncière et mutation urbaine. Le cas de Ziguinchor du Sénégal.

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par Assane DIALLO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 2 2015
  

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CONTEXTE

« La ville de Ziguinchor est l'une des plus anciennes cités du Sénégal. Elle est passée successivement de la domination coloniale Portugaise (1645-1888) à celle Française (18881960) pour enfin devenir ville Sénégalaise en 1960 ». Site portuaire, sa situation privilégiée au coeur de la Casamance explique son origine et l'intensité de son trafic commercial à l'époque coloniale favorisant ainsi l'arrivée massive de nouvelles populations, contribuant à l'extension de son périmètre communal. Mais sa période de véritable expansion ou mutation de Ziguinchor se situe après la seconde guerre mondiale. En 1945, Ziguinchor comptait 10.000 habitants, la ville s'est dotée d'un véritable aéroport en 1953. Un ouvrage de quai est construit en 1955, pour permettre l'accostage facile des navires de mer, en lieu et place des wharfs, et la route Trans gambienne est tracée. En 1956, Ziguinchor accède au statut de commune de plein exercice qui abroge le système du double collège électoral. Le recensement de 1951 donne 15.600 habitants autochtones et 530 « Européens et assimilés ». La première mission de photographie aérienne date de 1954 et fait apparaitre à l'ouest la croissance de Boucotte qui donne les quartiers de Peyrissac et Niéfouléne. La ville atteint la route d'Oussouye et la dépasse avec l'embryon du futur quartier de Colobane.

Après l'indépendance, l'explosion démographique causée par le développement commercial insufflé par la colonisation Française qui fut à l'origine d'une très forte immigration de ruraux venus des villages de Casamance, de commerçants et commis nord-Sénégalais et de populations Guinéennes. Dès la fin de la conquête, le colonisateur s'octroya le droit éminent de propriété sur les terres en s'érigeant comme héritier des ancêtres maitres de la terre. Ainsi il mettre en oeuvre successivement plusieurs modes de gestion foncière qui évolueront. Les transactions entre particuliers en application du code civile ; la concession en pleine propriété de terres domaniales ; la vente par adjudication aux enchères publiques ; l'occupation temporaire par le biais du permis d'habiter ou de permis d'occuper.

Ainsi, la mission aérienne de 1960 confirme la croissance en éventail de l'agglomération Ziguinchoroise avec ses 30.000 habiatants. La ville continue de grandir au plan spatial et la consommation des terres s'accentue. A l'ouest les quartiers de Colobane, Soucoupapaye, Grand-Dakar et Lyndiane sont constitués ; Néma fait la jonction avec Boucotte. Tilène s'élargit au sud-est et la jonction est faite entre Santhiaba et Kandé. Le quartier de Lyndiane, déjà embryonnaire, sera confirmé et personnalisé avec les missions aériennes de 1966, puis celle de 1969. Cette période voit également naitre le quartier d'Alwar

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et son extension vers le village rural de Kandialang. Officiellement Ziguinchor est passé de 5 quartiers à 16 quartiers entre 951 et 1987. Aujourd'hui, la ville compte 38 quartiers avec une extension qui se fait en direction de Kénia et Diabir, et le secteur de Kandialang et Kanténe. Sur la photographie aérienne la forme de l'organisme urbain de Ziguinchor rappelle une abeille aux ailes à demi repliées. « La tête constituée par le damier de l'escale et annexes, ville coloniale épousant la direction du fleuve »10. Le corps rassemble les « quartiers africains », successivement lotis. Les deux ailes, soulignés par les deux routes nationales (route d'Oussoye et route du sud-est), cette zone correspond à la croissance urbaine spontanée dans les deux directions du sud-ouest et du sud-est et dont le lotissement se fera que tardivement dans les années 70-80.Actuellement, on constate que, du fait du fort accroissement de la population urbaine, l'insécurité qui ne cesse de perdurer en Casamance, accompagnée par la crise du monde rural, les ressources foncières de la commune de Ziguinchor se raréfient et sont de plus en plus convoitées, ce qui a fait aussi grimper la valeur des terrains, notamment dans les zones périurbaines et durcit la gestion foncière. La prise en compte de tout l'éventail des modes d'occupation foncière, formels, religieux, coutumiers et non formels, est donc indispensable.

L'urbanisation est un phénomène qui se déroule dans le temps long. En apprécier la dynamique, les tenants et les aboutissants, les logiques et les déterminants sous-jacents nécessite donc que l'on adopte une perspective qui tienne compte de cette longue durée chère à F. BRAUDEL. Le Sénégal indépendant s'est doté en 1964 d'un régime foncier, les terres sont réparties entre trois ensembles d'inégale importance chacun doté d'un régime propre:

1) La propriété privée : est maintenue, mais pour l'essentiel, elle n'existe qu'en milieu urbain. Elle connait une croissance exponentielle du fait de l'extension des villes et des activités économiques modernes ;

2) La propriété publique : a été essentiellement conçu comme un instrument de régulation permettant, à titre exceptionnel et pour des raisons d'utilité publique, de substituer le pouvoir foncier à l'état à l'Etat et celui des conseils ruraux.

3) Les terres rurales sont dans leur quasi-totalité soumises au régime de la domanialité nationale.

10Source : Ville de Ziguinchor

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Historiquement et ce jusqu'à l'indépendance, il existait deux régimes juridiques en matière de gestion foncière au Sénégal, celui du code civile Français et celui de la coutume

Après 1960, la loi n° 64-46 du 17 juin 1964, relative au domaine national, tout en réformant la situation antérieure, laisse coexister à son tour deux régimes : celui de l'immatriculation et celui du domaine national. Mais, si officiellement l'administration de la terre est régie par l'un des premiers et prend sa substance du décret du 26 juillet 1932, elle n'a pas fait totalement disparaitre le régime coutumier qui continue de prévaloir comme règle de gestion en particulier pour l'accès à la terre. En 2011, le dispositif prévu pour le décret du 26 juillet 1932 pour ce qui concerne l'immatriculation foncière et repris dans la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 et son décret d'application n°64-573 du 30 juillet 1964, a été modifié.

JUSTIFICATION

Le géographe, homme de terrain et d'observation, spécialiste de l'étude d'un territoire en tant que morceau d'espace inséparable de l'action humaine, formé par sa discipline à l'analyse des mécanismes, des combinaisons complexes spécialisées, est par ailleurs tout désigner pour collaborer à la conception et à l'application d'une politique régionale globale et ceci à quatre niveaux : informer, analyser, critiquer et proposer. Dans l'approche des sciences humaines et sociales sur les questions relatives au processus d'urbanisation, le thème de gestion foncière et mutation urbaine est primordial. Le cas de Ziguinchor illustre ce phénomène. Ziguinchor devient de plus en plus une ville rayonnante en basse Casamance, voire au-delà de cet espace. Elle offre des biens et des services plus ou moins spécialisés non seulement pour sa population locale, mais aussi pour celle de son vaste espace régional d'influence : son port, ses universités, ses hôpitaux etc. Son plan en damier et le système parcellaire de Ziguinchor, continuent à accepter les transformations urbaines successives en préservant la forme initiale. Ainsi, l'étude de la gestion foncière et mutations urbaines s'avère importante, dans la mesure où elles occupent une place cruciale parmi les problèmes que rencontrent les villes d'aujourd'hui surtout, depuis l'ère industrielle. Car la gestion foncière et mutations urbaines sont deux ensembles homogènes et inter liés les unes des autres. Le choix de ce sujet s'est porté sur l'importance qu'occupe le foncier dans cette région de la basse Casamance, ainsi que la place qu'occupe la ville de Ziguinchor dans sa région et à la sous-région. L'accélération du rythme urbain de Ziguinchor influence fermement la gestion foncière, d'où résultera une mutation urbaine en raison de l'augmentation des demandeurs de terrains à bâtir. En effet la ville de Ziguinchor est constamment envahie par un nombre

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important de population surtout depuis le déclenchement de la crise du monde rural causée par la sécheresse des années 70-80, la baisse des cours mondiaux des prix de l'arachide, par la crise politico-armée qui sévit depuis une trentaine d'années en Casamance, les coups d'état récurrents en guinée Bissau et les guinéens exercent une pression foncière galopante. En plus Ziguinchor est une capitale sous régionale, sans oublier l'implantation des universités : celle de Assane Seck et celle des catholiques qui est une université privée.

Dans toutes les villes du monde, les enjeux fonciers sont énormes, et sont à l'origine de conflits entre populations. La vile de Ziguinchor ne fait pas exception, à cette boulimie foncière, tout en tant sachant que le conflit Casamançais tire ses origines dans les problèmes fonciers. L'intérêt de ce sujet, est la compréhension du processus d'urbanisation de la ville depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours, la complexité de la gestion foncière ainsi que la mutation urbaine qui s'en suive. C'est dans ce contexte que la ville de Ziguinchor suscite un nombre important de travaux, qui n'épargnent pas les géographes. Etant donné que, la formation du géographe lui permet pourtant de visualiser et de conceptualiser une problématique puis d'en définir une interprétation globale, permettant ainsi d'établir et de planifier les mécanismes d'intervention en matière de gestion des ressources du territoire. Le cadre micro local d'intervention du géographe pourrait à certain égard, être la gestion foncière et mutations urbaine. Par conséquent, les résultats obtenus pourraient servir de base ou de repère pour mieux comprendre la problématique de la gestion foncière et mutations urbaine dans la ville de Ziguinchor.

REVUE DOCUMENTAIRE

Cette recherche s'appuie sur une démarche visant à reconstruire l'évolution récente de Ziguinchor et son territoire d'influence, et à décrire ses principales phases de développement. Nous avons privilégié plusieurs aspects afin de couvrir la Gestion Foncière et Mutation Urbaine de la ville de Ziguinchor. Voici les dimensions du territoire que nous avons considérées à partir des documents :

-L'évolution du cadre bâti ;

-L'évolution du foncier urbain et sa gestion ainsi que sa mutation ; -L'évolution de la population et son impact sur la pression foncière.

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De par la collaboration avec les responsables des services de l'urbanisme de Ziguinchor, du cadastre, des impôts et domaines et de la mairie ainsi que les ONG comme APRAN-SDP, de nombreux documents ont été exploités. Ces services ont constitué des dossiers qui sont des sources importantes pour comprendre les modes de gestion foncière et mutation urbaine du territoire de Ziguinchor. En plus nous avons pu faire des lectures complémentaires pour bien cerner ce sujet ; nous avons consulté des documents à la bibliothèque centrale de l'UCAD, à celle du département de géographie, du GERAD et celle de Enda-tiers monde, sans oublier les sources internet. Pour compléter toutes ces sources, nous avons mené des enquêtes quantitatives auprès des populations et des enquêtes qualitatives en guise d'entretiens réalisés auprès de la population de Ziguinchor.

En Afrique les régimes fonciers sont pluriels et se superposent, allant du formel ou statuaire à l'informel en passant par le coutumier, le religieux, l'informel et bien d'autre systèmes hybrides, Durand-Lasserve et Le direction de l'urbanisme de Ziguinchor, du cadastre, des impôts et domaines et à la mairie. Roy, 2012, a montré dans leurs travaux la nébulosité de la gestion foncière en Afrique, qui contribue à son tour à une mutation urbaine car les plus pauvres n'ayant pas les moyens d'acheter des terrains dans le centre-ville se rabattent à la périphérie et par conséquent, l'étalement urbain s'ensuit. Hesseling en (1980), a montré la relation existant entre la gestion foncière et mutation urbaine, car les ruées de populations vers la ville de Ziguinchor ont eu des conséquences. Dans cette même directive, il affirme : « cette période correspond avec l'essor de la ville et l'arrivée massive de populations venant des campagnes Casamançaises et la Guinée Bissau. Cette étape est déterminante dans la conquête des terres à la périphérie sud »11. S. Jaglin, ces travaux nous ont permis de mieux comprendre que la bonne gestion foncière contribue parfois à la mutation urbaine par la mise en place des lotissements. « Le lotissement est un processus de légalisation foncière et de restructuration des quartiers d'habitat spontané ». Les anciens résidents du lieu sont « recaser » sur des parcelles légales ainsi dégagées, où ils doivent eux-mêmes reconstruire leur logement. Ils obtiennent un droit de jouissance qui leur permet seulement d'être propriétaire immobiliers mais pas foncier »12. Il définit la périphérie comme un « espace de conquête foncière où s'affirment des réussites familiales, les périphéries sont

11 Hesseling Gerti : Le droit foncier dans une situation sémi-urbaine : le cas de Ziguinchor 20 pages.

12 Demba J., 2006 : Gestion déléguée de l'eau au Sénégal : outil de recomposition urbaine ou facteur de fragmentation spatiale dans la ville de Ziguinchor, 27 pages.

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progressivement citadinisées ... l'acquisition en périphérie n'est plus une pratique résiduelle dans les parcours urbains, elle est devenue une composante essentielle des logiques foncières citadines »13. Dans cette même logique, l'ouvrage de LOMBY et GERBER, nous montre la complexité de la gestion foncière en évoquant les faiblesses du système cadastral, sont nombreuses : le temps qu'il faut prendre pour enregistrer un titre de propriété, le cout de l'opération d'obtention de titre foncier, le faible sentiment de confiance des acquéreurs de terrains vis-à-vis des notaires ou intermédiaires administratifs et légaux, le faible nombre de citadins maitrisant et utilisant la procédure formelle d'enregistrement, la proportion des terrains titrés et enregistrés, la fréquence de mise à jour des données cadastrales, la proportion de la population urbaine en Afrique détentrice de titre foncier, l'inadéquation d'enregistrer d'autres actes et d'autres « propriétés sans cadastre ni borne ». En résumé, nous pouvons dire que toutes ces populations pauvres, n'ayant pas les moyens de suivre la procédure normale et formelle s'orienteront vers la périphérie qui contribuera à un étalement urbain rapide et fulgurant.

Oumar Sy et Papa Sakho dans leur ouvrage collectif sur la ville de Ziguinchor relatif aux Dynamiques des paysages périurbains, met en évidence la disponibilité foncière qui à son tour contribue à une mutation urbaine démesurée. La ville de Ziguinchor a connu une évolution radioconcentrique, à partir des quartiers escale et Santhiaba, centre des activités administratives et politiques, commerciales et industrielles. Ils poursuivent, grâce à la production foncière la ville se densifie et grandit, ce qui est à l'origine d'une mutation urbaine croissante. Car ils montrent qu'en « 1973, la population de Ziguinchor s'élevait à 70.000 habitants », mais après les lotissements de plusieurs quartiers pour faciliter une bonne gestion foncière par la sécurisation de ce dernière, les responsables de la commune ont « intégré dans la commune des villages de Colobane à l'ouest, et Kandé Alassane et Kandé Sibink à l'est, ainsi que Kandialang, Néma2, Kénya et tous les quartiers du sud de l'agglomération comme Diabir. Aux quartiers populaires viennent s'ajouter des quartiers émergeants (les Boucottes : centre, est, ouest, nord et sud), plus Diéringho et Néma »14. Tous ces facteurs ont contribué à une mutation urbaine rapide et ainsi compliquant la gestion foncière voire même donnant une place aux coutumiers. C'est pourquoi Pare L. explique que « les symboles et les symbolismes

13 Jacob Jean-Pierre, 2005 « Sécurité foncière, bien commun citoyenneté : quelques réflexions à partir du cas Burkinabé », Ouagadougou, Etude Récit n°6, Avril, 26 pages.

14 Sy oumar et Sakho Papa : Dynamiques des paysages périurbains de la ville de Ziguinchor au Sénégal, 30 pages.

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qui caractérisaient les principes coutumiers de gestion foncière ont évolué pour aujourd'hui laisser la place à de véritables redevances »15, il souligne que le dolo (le vin) et le poulet ont largement fait place à l'argent, à des désintéressements en nature (céréales). C'est à croire que les Dieux au nom desquels la terre est affectée ou attribuée ont changé ou ont transformé les règles de gestion foncière. La fin du symbolisme qui concerne l'émergence d'une forte marchandisation monétaire des rapports fonciers ». Il nous fait comprendre que, la libéralisation du marché foncier, plus la forte pression foncière ont pris le dessus sur les anciens modes d'acquisition des terres où le système lamana dominait, comme le montre A. BARA DIOP, en évoquant que les « régimes fonciers coutumiers au Sénégal ne font pas exception à la règle. Dans une grande partie du pays le Lamaan était (le descendant) du premier occupant du lieu ». Il poursuit que « le Lamaan était aussi un chef de communauté ou plus précisément de familles ou de lignages. Mais il n'était pas un propriétaire éminent du sol, il était le doyen et le représentant d'un groupe dont il était chargé d'administrer les biens fonciers avec les obligations et les avantages que cette fonction comportait. Le Lamaan était également le prêtre du culte des génies terriens », où il devient maitre de ces terres et qu'il donnera aux nouveaux arrivants sans compensation ni paiement, mais depuis l'introduction des régimes fonciers par les colonisateurs, ces systèmes lamana ont disparu. Avant cette suppression du système lamana, le chef des terres contrôlait donc la répartition des droits d'usage et est seul à pouvoir aliéner les terres, l'aliénation n'est tolérée qu'en cas d'urgence et que dans le lignage. Cette gestion garantit un accès pour tous aux fonciers et une adaptation aux besoins et capacité de chacun. Mais depuis l'avènement du régime foncier occidental, il existe une hétérogénéité de la gestion foncière qui résulte à des conflits ou litiges fonciers. Pour étayer cette thèse, Lavigne-Delville, explique que « c'est là où des acteurs hétérogènes sont en interaction qu'on observe un double jeu entre coutume et, législation, et que leur décalage crée des conflits et de l'insécurité ». Car il existe une corrélation forte entre l'évolution démographique et l'évolution du système foncier et des instances de gestion. De ce fait, elle pose la problématique de la sécurité foncière des migrants aussi bien que celle des populations autochtones. Pour Le Roy, « dans les sociétés caractérisées par l'animisme et le communautarisme, l'espace est organisé à partir des lieux particuliers sièges des divers pouvoirs sur les génies, les eaux, les terres, les arbres ou les hommes, les animaux ou les minéraux, selon les distinctions fonctionnelles qui permettent à chaque groupe d'exercer selon

15 Pare Lacinan, 2001, Les droits délégués dans l'aire cotonnière au Burkina Faso,

GRET/IIED, 85 pages.

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l'ordre d'arrivée et selon son activité des attributs particuliers »16. C'est dans ce contexte, que le code civile Français fut introduit au Sénégal en 1830, l'article 544 de ce code qui traite la propriété, s'appliquait uniquement lorsque les Français participaient à la transaction. Le régime du code civile fondé sur la transcription des actes juridiques transmissifs de droits personnels, introduit en 1830, le régime de l'immatriculation foncière introduit par un décret du 30 avril 1900, suivi du décret du 24 juillet 1906 abrogé et remplacé par le décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du régime de constations des droits coutumiers institués par les décrets n°55-580 du 20 mai 1955 et n°56-704 du 10 juillet 1956, qui avaient abrogé et remplacé les textes antérieurs datant de 1925 et 1933. Dans ce cas, il s'agissait d'une tentative de transformation des droits traditionnels en droits de propriété publiés et matérialisés par les livrets fonciers susceptibles d'être transformés en titres fonciers définitifs et inattaquables, assurant stabilité, garantie et sécurité à leurs titulaires. Pour le colonisateur, seule cette pratique est garant d'une bonne gestion foncière ainsi que sa sécurisation.

La pression de ville est définitive, l'élément catalyseur des mutations foncières rurales et de son corollaire le morcellement et la vente des champs sous forme de parcelles à usage résidentiel. Comme l'exemple des quartiers de Diabir, Kénia, Kandialang, Goumel, Lyndiane, Diéfaye montre un processus de mutation à grande échelle. Cela fait élargir le périmètre communal fixé officiellement en 1972 est de 3400ha, or actuellement la commune s'étend sur 4450ha17. Suite à cette question épineuse et perplexe qu'est la gestion foncière, elle aboutit souvent à des affrontements entre populations. En effet, si la question foncière a été reconnue par tous comme l'une des bases du conflit Casamançais ; selon un membre du collectif des cadres Casamançais, « les manifestations les plus fréquentes de ce frémissement social étaient perceptibles (...) surtout à travers les remous provoqués par les opérations de lotissement très mal gérées à Ziguinchor et des spéculations de terre ici et là en Casamance »18. Dans un autre document intitulé « la vérité sur la Casamance », l'auteur va plus loin en disant que l'Etat du Sénégal, lui-même, indique que « l'appropriation par les autorités locales des terres dans la région » et « l'imposion des lois, singulièrement sur le domine national (...), ne tenant pas des us et coutume des populations de la Casamance », sont des « raisons évoquées par le MFDC

16 Le Roye Etienne : La sécurité Foncière dans un contexte Africaine de Marchandisation imparfaite de la terre, 18 pages.

17 ADM, services techniques de la commune de Ziguinchor.

18 Nelly Robin (IRD) et Babacar Ndione (Handicap International) : L'accès au foncier en Casamance : L'enjeu d'une paix durable ? Dakar, Avril 2006, 15 pages.

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pour justifier sa démarche »19. Cela résulte de la complexité de la gestion foncière en Casamance, causant des déplacements massifs de populations vers la ville de Ziguinchor plus de sécurité, et ces populations démunies s'installent aux quartiers périphériques par défaut de moyens financiers. Ce qui est à l'origine de la mutation urbaine démesurée et fulgurant. De manière générale, nous pouvons conclure que la Gestion foncière et la mutation urbaine sont deux choses compatibles, homogènes et que nulle ne peut se développer sans sa conjointe.

DEFINITION DES CONCEPTS

Le sujet sur la Gestion Foncière et Mutation urbaine dans la commune de Ziguinchor s'articule autour des concepts suivants : Gestion Foncière, le Foncier, propriété foncière et mutation urbaine.

Le foncier : étymologiquement, le mot foncier vient du latin fundus qui désigne « fonds de terre ». En général, le mot est relatif aux fonds de terre, selon les experts, il y a plusieurs compréhensions du foncier. Il est d'abord une matière première : c'est le socle et le support de toutes les activités humaines. Pour les juristes, le foncier se mesure en propriété, statut du sol, règlement, contrainte et servitude. Pour l'écologiste, le foncier c'est le sol, l'écosystème complexe, support de vie participant au maintien des équilibres naturels. Pour l'urbaniste, il s'aborde en termes d'occupation du sol, de projet de vie. Pour le géographe, il est le support d'un usage, caractérisé par le relief, un bâti, une forme, une densité. Pour l'économiste le foncier s'analyse en valeur, en rendement (locatif, agricoles) ; c'est une assiette fiscale, un objet d'équilibre pour que sa valorisation soit rendue possible.

Pour les géographes et les sociologues, le foncier est compris comme le mode d'organisation de l'espace et des populations humaines qui le composent. Il est au carrefour entre l'environnement et l'homme, avec une propriété pour la société : d'après Vincent-Alloké (1989) dans le lexique foncier de maliça cubrilo, le foncier est l' « ensemble des éléments ayant trait à la terre ou plus précisément à la propriété de la terre », où on parle des « ayant-droit pour désigner toute personne ou entité titulaire des droits fonciers coutumiers ». Ainsi le foncier est l'ensemble des rapports entre les hommes concernant la terre et les ressources

19 Mané Y : Eléments de réflexion sur la crise Casamançaise. Forum du collectif des cadres Casamançais, Novembre 2000, Ziguinchor 11 p pages.

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naturelles. Il n'est pas seulement un bien économique ou une marchandise, il a également d'importances dimensions sociales, politiques et culturelles qui fondent son accès, son exploitation et son contrôle.

Gestion : d'après le dictionnaire le nouveau Robert (2008), la gestion vient du verbe « gérer » qui signifie administrer les intérêts, les affaires d'un autre ; c'est également organiser, utiliser au mieux, conduire, diriger, gouverner, régir. Dans le domaine foncier, la gestion se définit comme l'ensemble des politiques et stratégies destinées à organiser au mieux l'utilisation de la terre d'une part, les législations foncières d'autre part c'est-à-dire « définir ou organiser la façon dont les règles et les arbitrages seront réalisés à chaque niveau par les instances locales administratives de façon à prendre en compte la diversité des situations » Lavigne-Delville, 2002). La gestion foncière peut aussi se comprendre par des actions pour répondre aux enjeux importants qui conduiront parfois à des mutations urbaines.

Elle peut prendre en compte trois dimensions :

? Réagir en amont à travers les études d'analyse foncière nécessaire permettant de connaitre les dynamiques foncières, base des politiques adéquates ;

? Elaborer des stratégies foncières permettant la reconnaissance des droits locaux de propriété existants, que ce soit le droit positif et les normes coutumières pour permettre à la paysannerie de sortir de la précarité juridique ;

? Proposer et faire mettre en oeuvre des gammes de stratégies de réglementation relative à l'accès foncier.

La propriété foncière : son sens premier est « ce qui appartient en propre, ce qui ne se partage pas », au sens didactique, la propriété fait appel à « l'action d'approprier » qui signifie « rendre propre à un usage, transmettre dans une lignée ou selon des modalités particulières. Lorsqu'on est propriétaire, ce titre donne un certain nombre de droit. La propriété sur le bien foncier porte sur le dessus et le dessous. En plus sur un terrain titré s'exerce un droit de jouissance absolue synthétisé par le trip type : usus, abusus et fructus.

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La situation urbaine actuelle est issue d'une transformation de la ville traditionnelle opérée depuis le milieu du XIXème. La ville « traditionnelle » est sortie de ses limites, s'est étalée pour devenir « l'urbain généralisé » (Paquot, 2000)20.

La ville est un espace, qui s'est considérablement transformé, les changements qu'elle a subis notamment au cours du dernier siècle, ont introduit des modifications profondes. Ces modifications plus récentes entrainent les auteurs à parler de `mutation urbaine'

Mutation urbaine : le terme de mutation suppose nombre de mots et mots associés : le changement, la transformation, l'évolution pour ne citer que ceux-là. Dans quel sens l'entendre ? De quel ordre seront ces mutations ? Le terme `mutation' implique donc un changement, en l'occurrence celui de l'espace urbain. Le principal changement actuel de l'espace urbain est son extension. On assiste ainsi au développement de zones que l'on qualifie aujourd'hui de périurbains, qui composent les banlieues, les villes nouvelles et tous les axes de circulation qui les lient. L'espace urbain se fait ainsi composite : la ville-centre perd en quelque sorte de son pouvoir.

Un regard historique nous montre qu'une ville ne cesse d'évoluer en se transformant au gré des pratiques citadines, des cultures, des usages etc. Les évolutions sociodémographiques semblent également conditionner les évolutions plus spontanées de la ville (par exemple par des actions individuelles d'extension des logements, des divisions par parcelle, par héritage ou lotissement, « lorsque les urbanistiques conçoivent un nouveau morceau de ville, les choix concernant la trame urbaine, c'est-à-dire les tracés des voies, les découpages en ilots puis en lots.

Enjeux de la mutation urbaine : l'utilisation du sol, la mobilité et les aspects institutionnels apparaissent comme les enjeux posés par la mutation spatiale. La fonction résidentielle implique une emprise croissante sur le territoire et une urbanisation de nature extensive. Du point de vue de la gestion foncière, cette évolution se répercute à plusieurs niveaux : consommation d'une ressource non renouvelable, atteintes au régime hybride. Nous identifions deux grands types d'évolution :

? Les mutations progressives : l'évolution se fait parcelle par parcelle, selon les

disponibilités foncières et les décisions individuelles d'investisseurs publics ou privés.

20 Paquot, 2000.

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Le système viaire et le parcellaire en reste globalement inchangé. Des pavillons cèdent la place à au petit collectif, des ateliers ferment et sont remplacés par des immeubles.

? Les mutations par `bond' : c'est des mutations qui concernent tout un secteur d'urbanisme lâche qui peut muter en centre secondaire dense ou un quartier résidentiel qui se transforme en un lieu d'activités plus intenses, ou par exemple complètement l'inverse, changements d'usages, de destinations immobilière et de trame urbaine, le parcellaire et la voirie.

Question de recherche

Cette étude est fondée sur la question principale formulée comme suite : quelles sont les conséquentes de la gestion foncière sur la mutation urbaine de la ville de Ziguinchor ? Ainsi, nous avons formulé des questions secondaires pour parvenir à répondre à l'interrogation principale. Ces questions sont :

Comment la gestion foncière impacte-t-elle la mutation urbaine de Ziguinchor ? Quelle est l'influence de la croissance urbaine sur les mécanismes fonciers de la ville de Ziguinchor ?

OBJECTIF GENERAL

Cette recherche a pour objectif général d'avoir une connaissance plus fine de la gestion foncière et mutation urbaine, en plus de montrer que l'étalement urbain et le renouvellement urbain sont deux composantes complémentaires d'une même stratégie d'aménagement dans une ville. Ainsi d'analyser le processus d'urbanisation accélérée, avec ses conséquences sur la gestion et pression foncière favorables à la mutation urbaine dans une ville Sénégalaise comme Ziguinchor.

OBJECTIFS SPECIFIQUES

Les objectifs visent à comprendre :

Montrer les conséquences de non maitrise de la gestion foncière sur la mutation urbaine de Ziguinchor.

Montrer l'implication de l'urbanisation sur le foncier à Ziguinchor ainsi que le rôle que peuvent et doivent jouer les régimes fonciers.

Comprendre la qualité de la gestion foncière sur l'impact de la mutation urbaine de la ville de Ziguinchor.

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HYPOTHESE

1) L'urbanisation galopante et démesurée entraine une augmentation de la population vivante dans la ville de Ziguinchor ;

2) La question foncière, c'est-à-dire sa production est la base de la mutation urbaine ;

3) Le foncier urbain est un enjeu important sur tout le territoire de la ville de Ziguinchor du fait de l'hyper croissance due à l'exode rural et à l'insécurité ;

METHODOLOGIE L'enquête quantitative

L'enquête quantitative est réalisée à l'aide d'un questionnaire à une population tirée au sort par échantillonnage afin de collecter des données, avec une marge d'erreurs de 5%. 150 questionnaires ont été destinés de façon aléatoire à la population de Ziguinchor. L'enquête s'est déroulée au cours du mois de septembre 2015.

Tableau 1 : Répartition des questionnaires selon les quartiers.

Quartiers

Nombre de questionnaire

Fréquence

Lyndiane

20

13,33

Goumel

15

10

Kandialang

15

10

Djibock

14

9,33

Kandé

14

9,33

Kénya

13

8,66

Coboda

13

8,66

Diéfaye

12

8

Colobane

12

8

Cobitène

12

8

Diabir

10

6,66

TOTAL

150

100

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L'enquête qualitative :

L'enquête qualitative consiste à interroger des personnes susceptibles de nous fournir des informations supplémentaires par rapport à notre thématique. Elle est élaborée et destinée au maire de la commune de Ziguinchor et à son équipe technique dénommée voirie, au directeur du service régional d'urbanisme de Ziguinchor, au directeur du cadastre et au directeur des impôts et domaines, ainsi que certaines ONG comme APRAN-SDP.

Traitement et Analyse des données :

La recherche s'articule autour des points suivants : la recherche documentaire, la prise de photographies, l'acquisition des informations quantitatives auprès de la population et qualitatives auprès des directions chargées de (l'urbanisme, du cadastre, des impôts et domaines, la mairie et son épique technique), des images de google earth, le traitement et l'analyse des données.

Après la collecte des données, nous avons procédé au traitement, au dépouillement et à l'analyse des données recueillies. Nous avons utilisé des logiciels application comme Word pour le traitement des textes, Excel et sphinx pour la réalisation des tableaux et graphiques pour illustrer ces propos, le QGis 2.8 pour la confection des cartes utilisées et sphinx tout court pour l'élaboration et le dépouillement des questionnaires. Et power point pour la superposition des cartes.

Les contraintes rencontrées

Au cours de la rédaction de ce mémoire, nous avons été confrontés à certains problèmes majeurs. D'abord, les contraintes d'obtention des données et des cartes numériques relatives à notre recherche. La question foncière étant une complexe et épineuse, beaucoup sont restés réticents, ne voulant pas répondre, parfois même, certains nous considéraient comme des non étudiants. En plus, le problème de communication s'est remarqué dans certains quartiers

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King