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Le graffiti à  Beyrouth : trajectoires et enjeux dà¢â‚¬â„¢un art urbain émergent

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par Joséphine Parenthou
Sciences Po Aix-en-Provence - Diplôme de Sciences Politiques 2015
  

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B. Se réapproprier la ville et en faire le « musée du peuple »

Outre l'exploitation de cette opportunité, les graffeurs développent un véritable discours de réappropriation de la ville par l'art, par opposition aux formes violentes des conquêtes territoriales ou de dépossession de cet espace qui ont marqué le passé de Beyrouth. Cette volonté de reconstruire, de proposer un message positif permet aussi de comprendre, pour une infime part, comment la critique

169 Ibidem.

170 En particulier la Quarantaine, où tous les ans des milliers de bovins sont acheminés pour pourvoir aux besoins en viande de la ville de Beyrouth.

141

négative de l'État est limitée et laisse une place plus importante à cette dynamique que les graffeurs pensent indispensable. En fait, la critique n'est jamais très loin, mais elle revêt un aspect moins fataliste et défaitiste que celle présentée auparavant : plus diffuse, elle vise à remettre en cause ce constat d'une ville qui se ferait sans ses habitants, dépourvus de moyens d'expression dans l'espace même où ils habitent et évoluent. Cette critique s'amplifie d'autant plus pour les graffeurs qu'elle ne se contente pas de dénoncer mais propose une alternative : ils s'efforcent d'embellir la ville par la couleur et, aussi, ils souhaitent donner une signification positive à ces couleurs.

1. La critique d'une ville qui se ferait sans ses habitants

Tag d'Exist, Mar Mikhail Beyrouth
(c) Nour Ai

La critique la plus fréquente concerne l'urbanisation sauvage et la spéculation immobilière qui viendraient déposséder les habitants du bâti et de la façon dont se construit la ville. Cette critique, lorsqu'elle se déploie de manière négative et revendicative, s'accompagne toutefois de son versant positif par la symbolique qui émanerait de l'action des graffeurs. Réaliser une pièce ou un tag critiquant ce « paysage urbain déplaisant »171 devient une action positive parce qu'elle met en forme cette critique, et apparaît comme un signal visant à déclarer, à l'instar d'Ashekman, « the street is ours ». Certains des graffeurs ont pu interpréter cela comme une déclaration de prise de territoire ; il apparaît plus exactement dans les discours des jumeaux Kabbani que cela s'adresse à ceux désignés comme responsables de la perte du contrôle populaire sur cet espace urbain. Cette critique se formule sous le prisme de l'humour, voire de l'ironie, en particulier chez Exist et Kabrit : « stop your buildy buildy shit » ou « building tagging in a responsible way » sur les panneaux de bois reprennent cet outil visant à fermer les chantiers et à se les réapproprier. Ces pièces renvoient aux constructions d'immeubles modernes, qui contribuent à la hausse des prix du loyer, délogent certaines populations (comme c'est le cas d'une enclave arménienne à Geitawi), et précarisent l'accès au logement. À cela s'ajoute la modification du mobilier urbain (poteaux, feux, panneaux de signalisation), perçu comme

171 Ibidem.

142

désagréable : « si le mobilier urbain était beau j'arrêterais sûrement, ou pas (rires) de taguer. Mais tant que c'est laid, que ça ruine les rues des gens, je continue » (Meuh).

Nous avions également abordé la manière dont les graffeurs visent à refuser l'identification communautaire, personnellement, mais aussi dans l'espace. Beyrouth a cristallisé les divergences et conflits entre communautés, durant la guerre civile, au sein même de cet espace. Cela a créé une homologie entre divisions urbaines et divisions communautaires. Par opposition à l'affichage milicien, les graffeurs ne marquent pas une emprise particulière sur un territoire particulier. La présence de graffitis dans l'ensemble de la ville, sans limitation à un quartier dont ils seraient issus et de sa communauté majoritaire, suit un cheminement exactement inverse à celui des milices. Paradoxalement, là où le graffiti viendrait dégrader l'espace urbain il vise plutôt (du point de vue des graffeurs) à fournir de nouveau un espace public déconfessionnalisé par sa présence indifférenciée entre quartiers.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery