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Les litiges entre parents à  propos de la circoncision de leur enfant

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par Ismahène Chamkhi
Université de Nantes - Master 2 Droit Privé Général 2013
  

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Partie I - La structure des conflits

22. La structure des conflits entre parents à propos de la circoncision de leur enfant, est composée de données juridiques et sociales, qu'il convient de présenter successivement. La jurisprudence a en effet imposé aux parents l'obligation de prendre conjointement la décision de faire ou de ne pas faire circoncire l'enfant (chapitre I). Cependant, les parents ne parviennent pas toujours à se mettre d'accord sur la question de la circoncision de leur enfant, à plus forte raison lorsqu'ils ont des cultures et des religions différentes (chapitre II). Structurellement, les conflits paraissent difficilement évitables.

Chapitre I - L'accord des parents légalement exigé pour la circoncision rituelle de l'enfant

23. L'impératif de concertation trouve son origine dans le cumul de deux autres règles dégagées simultanément par la jurisprudence. Bien qu'il ne soit pas possible de séparer chronologiquement la naissance de ces principes, il convient de les distinguer intellectuellement. En effet, le premier concerne le contenu de l'autorité parentale : celui-ci recouvre le droit et la liberté pour les parents de faire circoncire leur enfant (section I). Le second principe concerne l'exercice de l'autorité parentale : le droit de circoncire l'enfant doit être conjointement exercé par les deux parents (section II).

Section I - Une prérogative parentale exclusive

24. Le droit de circoncire l'enfant est un attribut de l'autorité parentale (I). En principe, ce droit s'exerce librement (II).

I - Une prérogative parentale

25. Plus qu'un simple attribut de l'autorité parentale, la circoncision de l'enfant, non justifiée médicalement, est perçue comme une forme d'éducation religieuse (B). Un tel raisonnement ne peut être admis que si l'on part du postulat selon lequel la circoncision est un acte religieux, ce qui n'est pas sans susciter quelques objections (A).

A - Un acte religieux

26. Le contentieux, dans sa totalité, montre que les juges ne distinguent qu'entre deux types de circoncisions. Cette distinction repose sur le seul critère de la nécessité médicale. Ainsi, l'intervention médicalement justifiée est qualifiée par les juges de « circoncision médicalement nécessaire », parfois encore de « circoncision thérapeu-

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tique ». A défaut, elle sera qualifiée de « circoncision rituelle » (ou « religieuse »)27.

27. Or la circoncision peut être motivée par des raisons bien plus nombreuses : religieuses, culturelles, esthétiques...mais aussi dans un souci de prévention de certaines affections (circoncision prophylactique). Il semble donc réducteur d'affirmer que toute circoncision qui ne serait pas médicalement justifiée, doit être automatiquement classée dans la catégorie des actes rituels ou religieux28.

28. Pour les juges, la circoncision rituelle va englober toutes les autres qui ne seraient pas médicalement justifiées. Ainsi, les juges ne distinguent pas le motif religieux du motif coutumier. Par exemple, en 2009, une mère a justifié sa volonté de faire procéder à la circoncision de l'enfant « plus par tradition familiale que par conviction religieuse ». Elle a par ailleurs attesté être athée et ne pratiquer aucune religion. La Cour d'appel de Nancy a répondu que « néanmoins ladite tradition repose sur la religion » 29.

29. La confusion du motif religieux avec le motif traditionnel, conduisant à les classer indistinctement dans la catégorie des motivations « rituelles », peut trouver une explication dans la définition même de l'adjectif « rituel ». Celui-ci peut regrouper diverses acceptions, notamment celle d'un ensemble de comportements codifiés, fondés sur la croyance en l'efficacité constamment accrue de leurs effets, grâce à leur répétition30. Ce qui ne justifie pas pour autant le raisonnement jurisprudentiel conduisant à la dissolution de la circoncision prophylactique dans le groupe des circoncision rituelles. En effet, en tant que remède préventif, l'intervention prophylactique (contrairement à la circoncision thérapeutique qui est un remède curatif) ne peut être justifiée par la nécessité médicale. Si la preuve de cette nécessité n'est pas rapportée, les juges rejetteront le motif médical31. Certains auteurs proposent la qualification d' « acte de confort » par opposition à l'acte médicalement justifié32.

30. Il ne serait pas pour autant utile de distinguer en jurisprudence toutes les

27 La distinction entre circoncision thérapeutique et circoncision rituelle se retrouve aussi en droit de la Sécurité sociale. La jurisprudence a ainsi considéré que la circoncision rituelle, dépourvue de toute visée thérapeutique, ne saurait faire l'objet d'un remboursement par la Sécurité sociale (CA, Grenoble, 22 septembre 1988, Mutuelles d'assurances du corps sanitaire français). Par ailleurs, le Ministre de la Santé a récemment eu l'occasion de rappeler que « la circoncision pour motif religieux n'entrait pas dans le cadre de soins nécessaires au maintient ou au rétablissement de l'état de santé des personnes », couverts par l'assurance maladie (Rép.min. n°30856 : JOAN Q, 30 juin 2009,p. 6716).

28 La qualification de l'acte de circoncision pose aussi problème en droit de la responsabilité médicale (par exemple sur la question de savoir s'il s'agit d'une intervention chirurgicale simple ou nécessitant d'avantage de précautions) et en matière de garantie due au médecin au titre de son contrat d'assu-rance responsabilité civile, lorsque l'activité de circoncision rituelle n'a pas été déclarée.

29CA Nancy 5 octobre 2009*.

30 Définition tirée du Dictionnaire « Le Petit Larousse », édition 2007.

31 CA Grenoble 23 octobre 2012*.

32S. Alloiteau, « l'extension de la jurisprudence Bianchi aux anesthésies dépourvues de fin thérapeutique », Petites affiches, 1998, n°4, p. 20.

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catégories sociologiques de la circoncision (prophylactique, thérapeutique, coutumière, religieuse, esthétique...). Il est simplement recommandé d'admettre une troisième catégorie, qui serait « coutumière », ou « culturelle ». Celle-ci correspondrait davantage à la réalité d'une majeure partie des familles en France concernées par la circoncision (d'origine Maghrébine pour la plupart). Celle-ci se distinguerait de la circoncision religieuse, en ce qu'elle marque la volonté d'intégrer l'enfant dans une culture, sans signifier son adhésion à une quelconque communauté religieuse. Les circoncisions prophylactiques et thérapeutiques seraient, quant à elles, fusionnées dans l'ensemble des actes « médicaux ». En l'absence de preuve suffisante, le juge pourra appliquer le régime qui lui paraîtra le plus sévère et le plus protecteur des différents consentements requis.

31. Malgré les objections qu'elle suscite, la classification, en jurisprudence, de toute circoncision non thérapeutique dans la catégorie des actes religieux, a le mérite d'en simplifier le régime juridique. En ce sens, cette classification paraît admissible. Tous les développements à suivre partiront donc du postulat selon lequel la circoncision rituelle (ou la circoncision non médicalement nécessaire) est un acte religieux.

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