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Les litiges entre parents à  propos de la circoncision de leur enfant

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par Ismahène Chamkhi
Université de Nantes - Master 2 Droit Privé Général 2013
  

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II - L'interdiction de sortie du territoire national avec l'enfant

163. Ici le demandeur, opposé à la circoncision, craint que l'autre parent n'emmène l'enfant à l'étranger (dans son pays d'origine) pour le faire circoncire. Il saisit le juge en vue de faire inscrire sur le passeport de l'enfant une interdiction de sortie du territoire national sans l'accord exprès des deux parents. Il est intéressant de voir que les arguments utilisés par les demandeurs sont souvent les mêmes (notamment celui des « mauvaises conditions d'hygiène » dans le pays en question).

164. L'article 373-2-6 du Code civil, dans son troisième alinéa, permet au juge aux affaires familiales de prononcer une mesure d'interdiction de sortie du territoire d'un mineur sans l'autorisation de ses deux parents et prévoit l'inscription de cette mesure au fichier des personnes recherchées105. Cette mesure permet de prévenir un éventuel enlèvement international d'enfants. Ainsi, le parent craignant que son enfant soit emmené à l'étranger par l'autre parent pour le soustraire à son autorité parentale, peut recourir à une procédure d'opposition (OST) ou d'interdiction de sortie du territoire (IST). Ces procédures sont règlementées par l'article 1180-4 du Code de procédure civile et par la circulaire du 20 novembre 2012 relative à l'opposition et à l'interdiction de sortie de territoire des mineurs.

165. A la lecture du contentieux, il apparaît qu'une crainte de circoncision ne permet pas à elle seule de prononcer une mesure d'interdiction de sortie du territoire avec l'enfant. Cette crainte doit être appuyée par d'autres éléments permettant de conclure à la mauvaise foi du parent subissant la mesure, ou à son mépris pour les règles de l'autorité parentale.

104 Pour reprendre l'expression de Petr Muzny, préc., page 427.

105D. n° 2010-569, 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées : Journal Officiel 30 Mai 2010.

166.

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Ainsi dans plusieurs décisions, les cours d'appel, ont rejeté de telles demandes (CA Toulouse 16 juillet 2008* ; CA Poitiers 17 décembre 2008* ; CA Amiens 20 mai 2009* ; CA Nancy 5 octobre 2009* ; CA Versailles 10 février 2011*). Dans le même sens, une Cour d'appel a prononcé la levée de l'interdiction faite à la mère, de sortir l'enfant du territoire national, malgré la crainte de circoncision évoquée par le père en première instance (CA Paris 12 juin 2008*).

167. Quelques motivations intéressantes méritent d'être relevées. La Cour d'appel d'Amiens, le 20 mai 2009* a énoncé que « Mme ne rapporte pas la preuve que le père aurait le projet de s'établir durablement à l'étranger en emmenant les enfants avec lui au mépris tant des droits des enfants que de ceux de la mère ». Dans une autre affaire, une mère s'appuie sur le fait que le père est d'origine marocaine, et qu'une propriété familiale existe au Maroc. La Cour d'appel de Versailles, le 10 février 2011*, juge que « le risque d'enlèvement de l'enfant et par suite, de non représentation de celui-ci n'est pas avéré. Considérant par ailleurs, que le prononcé d'une telle mesure ne peut être ordonné aux motifs que l'un des parents aurait des liens avec un pays étranger, ce qui, par principe, constitue un élément connu de l'autre

parent depuis le début de leurs relations (...) »

168. Cependant, trois autres décisions ont été rendues en sens contraire. Dans un arrêt rendu en date du 23 avril 2008*, la Cour d'appel de Grenoble a eu à se prononcer sur les droits parentaux d'un père alcoolique et drogué, qualifié d'incapable de s'occuper de son enfant. La requérante craignait l'enlèvement de l'enfant en Algérie et sa circoncision là-bas. Elle a par ailleurs apportée la preuve de nombreuses menaces émanant du père (menaces d'emmener l'enfant en Algérie pour le faire circoncire). Au vu du comportement général du père, la décision de la Cour, lui interdisant de sortir l'enfant du territoire national sans l'accord préalable de la mère, paraît justifiée.

169. Une réserve doit cependant être émise quant à la motivation énoncée par la Cour : « Si l'on peut effectivement admettre qu'un enfant connaisse le pays d'origine de son père, il n'en est pas en revanche acceptable de le livrer à une pratique aussi dangereuse pour sa santé que la circoncision effectuée hors de toute précaution médicale, selon des méthodes non autorisées en France » . Il paraît difficilement justifiable qu'un juge puisse qualifier ainsi une circoncision qui n'a encore jamais eu lieu, en se basant sur le simple fait que celle-ci aurait été effectuée en Algérie. Comment le juge peut-il présumer que la technique opératoire d'une circoncision effectuée en Algérie serait faite selon « des méthodes non autorisées en France »? Le juge fait-il référence aux interventions pratiquées par des circonciseurs coutumiers, qui (parait-il), n'administreraient pas toujours d'anesthésiants efficaces pour prévenir la douleur de l'enfant ?

170. Dans la deuxième affaire, il s'agissait d'un père absent du quotidien de son fils. La mère avait une « peur obsessionnelle » que son fils ne soit circoncis par le père et enlevé au Soudan. L'enquête a par ailleurs démontré que « l'enfant a intégré les craintes de la mère ». La Cour d'appel de Rennes, dans un arrêt du 3 juillet 2008*, accueille la demande de la mère tendant à prononcer l'interdiction de sortie du territoire. La motiva-

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tion de cette deuxième décision est plus nuancée que la précédente : « Monsieur a la double nationalité (soudanaise et française) (...) mais Madame n'ignorait pas les origines et la religion de son ex-époux, elle n'ignorait pas davantage qu'il avait encore de la famille au Soudan et que les racines de son fils sont pour partie dans ce pays. Et même le conflit qui l'oppose au père ne peut faire interdire à celui-ci des rencontres entre ses parents et l'enfant ; enfin et de plus le fait que Monsieur K. vive en France depuis maintenant 18 ans établit qu'il y a ses centres d'intérêt majeurs. Par ailleurs et pour d'une part rassurer la mère, bien que l'objectif premier ne soit pas là, et pour d'autre part permettre à l'enfant de renouer avec lui des relations exemptes d'inquiétude, il y a lieu d'organiser précisément et progressivement les droits de visite de Monsieur (...). Fait interdiction à Monsieur de sortir du territoire français avec l'enfant sans l'autorisation préalable et expresse de la mère et en ordonne l'inscription sur son passeport. »

171. La Troisième décision est un arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles le 6 décembre 2012*. En première instance, il avait été fait interdiction à chacun des parents de sortir les enfants du territoire français et de faire procéder à la circoncision des enfants sans l'accord de l'autre. Le père, appelant incidemment, demande la levée de l'interdiction de sortie des enfants du territoire français sans l'accord de l'autre. Sa demande est rejetée : « Considérant qu'en l'état d'un droit de visite à la journée, il n'y a pas lieu de lever l'interdiction de sortie du territoire national ; que celle-ci apparaît de plus de nature à rasséréner les enfants, et à tranquilliser la mère, qui indique craindre qu'à l'occasion d'un séjour dans son pays, M. El Y., très religieux, fasse circoncire les enfants sans son accord ; qu'elle mentionne par ailleurs, sans en apporter la preuve, mais sans être démentie par le père, que ce dernier a engagé à son insu des démarches pour l'acquisition de la nationalité marocaine par ses fils, ce qui rendrait impossible tout retour forcé sur le territoire national ; »

172. Enfin, même si de telles mesures sont justifiées, d'une part, par la mauvaise attitude du parent concerné (tant envers l'enfant qu'envers l'autorité parentale de l'autre parent) et, d'autre part, par l'appréciation souveraine des juges du fond, la lourdeur de leurs conséquences ne doit tout de même pas être perdue de vue. L'inscription sur le passeport de l'enfant de l'interdiction de sortie du territoire sans l'accord des deux parents ainsi que l'intensité du conflit parental, auront pour conséquence l'impossibilité pour l'enfant (jusqu'à ses 18 ans) de connaître son pays d'origine. De même, le juge doit garder à l'esprit la portée d'une telle rupture: elle arrache l'enfant à son pays d'origine, à sa famille vivant à l'étranger, à une part de sa culture, de son éducation... à une part de lui-même.

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