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Musiques actuelles en milieu rural - le cas du gà¢tinais sud seine-et-marnais


par Bilitis DELALANDRE
Université Paris-Est Marne-la-vallée - Département histoire - Master 2 Professionnel « Développement Culturel Territorial » 2016
  

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II. La place des musiques actuelles dans les politiques locales

Les années 1980 et 1990 se caractérisent, nous l'avons vu, par un développement des initiatives locales et un rôle croissant des collectivités territoriales dans le champ des politiques culturelles et d'aménagement du territoire. Cette réalité, associée au processus de décentralisation administrative et politique, est aussi une conséquence des évolutions de représentations et de perceptions. Celles-ci sont centrales dans l'appréhension des problèmes publics ainsi que dans la définition des réponses apportées.

2.1. Le poids des représentations.

« Aborder le monde rural et la politique culturelle dans le monde rural, c'est se confronter au même dialogue de sourds, ou plutôt â cette même absence de dialogue, tant ceux qui parlent son pétris de certitudes, d'images toute faites, de pensées prêtes-â-l'emploi et d'une histoire que personne n'ose vraiment finir. » 117

La mise en place de politiques locales dépend des enjeux sociaux mais aussi des représentations et des valeurs sociales portées par les acteurs institutionnels, collectifs, et même individuels. En ce sens, l'espace est un produit concret et matériel, mais aussi symbolique et idéologique dans lequel les acteurs développent des stratégies qui dépendent de leurs idées et valeurs spécifiques. On peut suggérer que la définition de politiques et de choix d'action spécifiques soit aussi influencée par une certaine subjectivité de la part des acteurs publics, tous autonomes dans leur façon de penser et de réfléchir. Les représentations, les valeurs et les croyances qui dominent au sein de la société influent aussi dans le domaine des musiques actuelles et des politiques en sa faveur. Nous l'avons vu, ce champ a été investi par les pouvoirs publics, visant en grande partie, à prendre en compte des catégories de publics jusqu'alors peu représentées, et notamment la jeunesse. Il n'est pas rare de constater que l'inscription des musiques actuelles au sein des politiques locales soit intimement liée à un projet de politique en direction de la jeunesse118. En témoigne les deux Maisons de la Culture et de la Jeunesse sur notre territoire qui portent un projet musiques actuelles ainsi que les nouvelles orientations

117 Delisle Henry, Gauchée Marc, Cultures urbaines, culture rurale, Paris, Le Cherche Midi, coll. Terra, 2007, p. 25

118 La dernière étude réalisée par la FEDELIMA sur les lieux de musiques actuelles en milieu rural et en zone urbaine en environnement rural, démontre que plus de 65% des structures bénéficient de l'agrément Jeunesse et Éducation Populaire

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prises par l'association Musiqafon, davantage tournée vers le développement des projets « jeunes ».

Toutefois, comme le souligne Florence Lefresne et Patricia Loncle, il est « impossible de traiter le [la jeunesse] aujourd'hui sans se référer aux catégories de l'action publique dans le champ de la formation, de l'emploi, de l'action sociale, du logement, de la ville...qui, peu ou prou, forgent des représentations, voire des identités sociales : « jeunes en échec scolaire », « jeunes des quartiers », « jeunes en difficultés »... »119. Ces conceptions ont tendances à stigmatiser la jeunesse en ne l'entrevoyant qu'à travers ses problèmes. Ces représentations peuvent être conjuguées, à celles, tout aussi caricaturales, des musiques actuelles et du secteur lui-même. À un niveau idéologique, la construction forte du secteur des musiques actuelles sur des valeurs d'indépendance et sur la revendication d'une certaine forme de contre-culture, peut être mal perçue par certains acteurs publics et élus locaux, en témoigne les propos de Pierre Beltante de la Tête des Trains : « Bah les élus locaux ils ne s'intéressent pas â nous ! Pour eux c'est un lieu qui est rempli de...Le conseiller général B. dit qu'il était agressé par des « harpies gauchistes ». Je ne sais pas comment il peut imaginer un truc pareil. (...) C'est des mondes parallèles tu vois. » Par ailleurs, les acteurs des musiques actuelles, revendiquant également de travailler sur des esthétiques populaires, ne sont pas, à la différence d'autres domaines artistiques, comme le théâtre, complètement légitimés par les pouvoirs publics.

Les différents acteurs interrogés lors de cette étude, ont majoritairement souligné l'influence des représentations personnelles des élus sur le domaine, et leur manque, plus ou moins important, de connaissances du secteur. La question du décalage culturel, évoquée par Philippe Berthelot, interroge le fonctionnement d'une certaine génération d'élus, qui ne se sentent pas en accord avec les projets musiques actuelles. Un décalage accentué, selon lui, en milieu rural, où l'ancienneté de certains mandats se couple à une vision conservatrice de l'action publique. Champ d'intervention relativement jeune, les musiques actuelles sont entrées tardivement dans le champ d'intervention des politiques publiques. Aussi, sans faire de corrélations trop générales, on peut toutefois concevoir cet écart générationnel et culturel au vu du profil socioprofessionnel des maires de Seine-et-Marne, qui sont représentés en majorité par des agriculteurs et retraités agricoles (17.9%), suivi des retraités du secteur privé (14.20%) et des

119 Patricia Loncle, Les jeunes : questions de sociabilité, questions de politique, La Documentation Française, Coll. Études, 2007

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retraités de la fonction publique (5.25%). Une étude120 sur les caractéristiques des maires en milieu rural, a révélé que 66,5% des élus interrogés envisagent l'action municipale comme devant participer au « maintien de l'héritage et de la personnalité traditionnelle de la commune » et à « la sauvegarde d'un cadre vie traditionnelle ». Un objectif politique qui serait susceptible d'entrer en conflit avec l'image plus « moderne » et « innovante » des musiques actuelles.

Il serait pertinent d'approfondir ces analyses sur le profil culturel des élus et leur degré d'appétence pour la culture et ses domaines afin d'apporter une conclusion objective du niveau d'influence sur les actions publiques en faveur des musiques actuelles. C'est ce que suggère d'une certaine manière Véra Bezsonoff, actuelle chargée d'accompagnement et de structuration des adhérents de la Fédélima, qui nuance l'apparent désintérêt des élus pour la culture, tout en admettant la possible influence du goût individuel : « Je ne pense pas qu'on puisse dire du coup, en milieu rural, les élus sont moins sensibilisés aux problématiques culturelles qu'en milieu urbain (...) c'est des politiques, c'est gens là ont été élus, mais effectivement ils n'ont peut être pas beaucoup de considération pour les musiques actuelles, peut-être qu'ils préfèrent l'opéra et le théâtre... » C'est également ce qu'induit le directeur de la Tête des Trains, qui considère que le désintérêt du maire local pour sa structure, peut aussi s'expliquer par ses préférences esthétiques musicales : « Le maire de Tousson il ne s'intéresse à rien... Je veux dire on l'a jamais vu â un concert. Le tango argentin ça lui plaisait alors on a fait un jour une chanteuse, elle chante l'argentine, elle chante le tango, mais ce n'est pas le tango pour danser. Donc il est venu, mais il s'est fait chier parce que ce n'était pas ça qu'il attendait... ». Néanmoins, cette posture peut parfois s'inverser de la part de l'élu et témoigner au contraire d'une appréciation personnelle positive.

Au-delà d'un déficit d'image de la jeunesse et des musiques actuelles et d'une certaine prévalence du goût culturel de l'élu sur son appréhension des équipements, c'est la dimension politique qui interroge. Les compétences des élus et de ses conseillers en matière culturelle sont relativement limitées au sein des communes rurales. Les déficits budgétaires et certaines situations de crise contraignent les collectivités dans leur marge d'action. Aussi, il convient de s'interroger sur les relations qu'entretiennent les acteurs avec leurs collectivités locales.

120 Souchon Zahn Marie-Françoise. « Les maires en milieu rural ». In: Économie rurale. N°237, 1997, Représentation politique et sociologique du monde agricole et rural français. 1ère partie, sous la direction d'Isabel Boussard et Bernard Wolfer. pp. 19-21.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote