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Musiques actuelles en milieu rural - le cas du gà¢tinais sud seine-et-marnais


par Bilitis DELALANDRE
Université Paris-Est Marne-la-vallée - Département histoire - Master 2 Professionnel « Développement Culturel Territorial » 2016
  

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2.1. L'interdisciplinarité comme spécificité.

Nous avons établi que la plupart des projets musiques actuelles en milieu rural sont nés d'une volonté de répondre aux attentes des populations du territoire, ressenties ou pressenties. Au fur à mesure de leur développement, le souci d'être ancré sur son territoire et d'y amener une plus value en direction des populations est une caractéristique forte des projets musiques actuelles qui se développent ainsi pas à pas, en interaction plus ou moins évidente avec leur environnement et avec les agents présents. Il faut remarquer que pour ces acteurs, il n'y a pas de référent reconnu sur un champ précis, mais une diversité d'acteurs et d'interlocuteurs institutionnels (collectivités, communautés de communes, parcs régionaux, etc.), sans véritable chef de file. Petit à petit, via les évolutions des équipes, l'ancrage du lieu, leur professionnalisation, les projets se sont inscrits dans une autre dimension, une responsabilité culturelle différente, qui a conduit progressivement à sortir du champ strictement musical, en répondant aux sollicitations de partenaires ou d'acteurs de différents secteurs sur le même territoire.

Un constat partagé par Véra Bezsonoff : « Une spécificité que je vois en milieu rural, c'est l'interdisciplinarité. Le fait de dépasser ton cadre sectoriel pour faire d'autres formes artistiques ou en tout cas travailler avec d'autres assos, qui ont d'autres formes artistiques qu'eux. Tu te retrouves souvent le seul acteur du secteur musiques actuelles, du coup quand tu veux faire du partenariat, tu vas développer des partenariats avec d'autres acteurs culturels, d'autres structures culturelles, qui seront justement dans le théâtre de rue, dans le cirque, etc., des formes hybrides. ». Si pour les MJC, l'interdisciplinarité est bien souvent l'essence même du projet, les autres acteurs n'ont pas initialement investi d'autres domaines culturels. C'est progressivement que se sont pensés des projets qui ne répondraient pas seulement aux attentes des amateurs de musique et des formations musicales. Dès lors qu'une structure s'investie dans le développement culturel de son territoire, qu'elle devient un espace de ressources en tant que seul acteur culturel, ses fonctions s'étendent à mesure que son implication croît. Le projet musiques actuelles restant sa première entrée, en revanche la nécessité d'élargir ses activités au-delà de la diffusion musicale s'impose.

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D'une part, La Tête des Trains a progressivement investi d'autres champs culturels, consciente de la nécessité de s'ouvrir à d'autres besoins devant la pauvreté des propositions culturelles sur le territoire. Son directeur conçoit d'ailleurs qu'il tend, à travers sa programmation, à être un « mini centre culturel ». L'entrée de la Tête des Trains à la fédération des foyers ruraux résulte de l'implication du lieu dans une diversité d'initiatives : « Les concerts c'était moteur, c'est ce qui fait venir les gens, mais â côté de ça on a des cours de gym, un ciné-club, pleins d'activités pour les enfants (...) donc il est évident qu'on adhère â la fédération d'éducation populaire ». L'engagement du directeur dans le mouvement d'éducation populaire est aussi révélateur d'une conception élargie de la culture et du rôle à jouer en tant que lieu culturel de proximité. Celui-ci défend l'intérêt éthique et social de la culture, entrevue comme un outil d'émancipation et d'ouverture, auprès notamment des jeunes : « La grande discussion c'est « les jeunes y choisissent, faut les laisser faire » et moi je dis non on est lâ pour leur ouvrir l'esprit, aussi bien pour la musique que pour les films, leurs montrer des choses qu'ils n'iront pas voir d'eux-mêmes et c'est vrai dans la mesure où dans les conditionnements familiaux et les conditionnements de la télé ils n'iront voir que certains trucs, et ils n'auront aucune envie de reproduire ce qu'ils ont vu lâ quoi. On a un boulot de fond â faire quoi. » Aussi, plus qu'un café-musiques ou d'un lieu de diffusion, la structure s'est peu à peu transformée en multiservice culturel rural. La polyvalence devenant une nécessité, le projet de l'association s'est naturellement ouvert à une dimension plus sociale, répondant désormais à être un Espace de Vie Sociale, soutenu par la Caisse d'Allocation Familiale de Seine-et-Marne. Le projet, intitulé « La Marmite des Rencontres », a pour objectif de concourir à l'animation de la vie sociale locale, conçu comme un support aux habitants, un outil de socialisation et de développement de la citoyenneté, favorisant les échanges, les temps de rencontres et d'implication des populations.

D'autre part, l'association Musiqafon répond également à cet élargissement au-delà de la dimension purement artistique. La portée éducative des projets de l'association est clairement revendiquée. Son déploiement au sein des établissements spécialisés et scolaires du territoire vise non seulement à favoriser l'expression des pratiques amateurs des jeunes, qu'elles soient musicales mais également plastiques, photographiques ou encore cinématographiques. Les élèves sont invités à participer à des ateliers, à créer leur propre exposition, à s'impliquer dans le montage collectif d'un projet, à travailler, sur la durée, autour d'un thème qui associe le travail d'un professeur. L'association développe ainsi des actions que l'on caractériserait de culturelles, au sens d'un processus de médiation et de transmission de certaines dispositions culturelles, qui

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respectent une série d'objectifs partagés entre l'association et l'établissement. S'il s'agit de développer d'une certaine manière le sens critique et l'expérimentation artistique des élèves, l'association tend également à diriger ses actions en matière de sensibilisation à la santé. Elle développe depuis plusieurs années des actions en partenariat avec des structures impliquées dans la prévention des risques et conduites addictives, notamment en milieu festif (Réseau Ville Hôpital Sud 77, Centre d'Accompagnement des Risques liés à l'Usage de Drogue, etc.).

En matière d'offres, il s'agit également pour la plupart des festivals, d'élargir leurs propositions artistiques à d'autres domaines, ce qui induit l'implication de partenaires issus de champs disciplinaires multiples. C'est le cas notamment du Au Bon Coin festival, dont la vocation ne s'arrête pas qu'à la diffusion musicale. L'intervention de plusieurs compagnies théâtrales, d'une troupe de cirque, de plasticiens ou encore de compagnie de danse caractérisent manifestement la volonté de proposer d'autres expériences culturelles. Le festival s'élargit à d'autres associations engagées, notamment dans le développement durable, en proposant des ateliers de pratique ou de découverte (initiation à l'hydroponie, compréhension de la chaîne de recyclage, etc.). Le festival est alors entrevu comme un temps privilégié, l'occasion de donner la possibilité aux participants d'expérimenter et de découvrir d'autres pratiques dans le souci d'élargir la simple perspective de consommation culturelle. Plus qu'une volonté de s'ouvrir à d'autres acteurs associatifs et culturels, il s'agit à la fois de valoriser une diversité d'actions locales en la centralisant sur un lieu, sur un temps et de multiplier les possibilités de rencontres entre les festivaliers et d'autres domaines. L'exemple des Gâtifolies insiste davantage sur la possibilité des populations à créer leur propre parcours artistique à travers une diversité de propositions. Un projet qui s'inscrit davantage dans une démarche de démocratisation culturelle, en suscitant l'appropriation de plusieurs formes artistiques, peut-être peu ou mal connues, via l'expérience sensible. L'apport de la culture est d'ailleurs vue par Christine Amara, l'organisatrice du festival, comme un vecteur d'enrichissement personnel et de conscientisation, comme un obstacle au repli individuel et à l'ignorance: « Dans tout être humain moi je crois enfin y'a ça, y'a ce regard de gosse, y'a cette possibilité d'être ému, d'être touché par quelque chose et c'est ça qu'il faut apporter quoi, et â l'heure actuelle c'est plus qu'indispensable, moi j'ai beaucoup insisté sur ça auprès des politiques, alors c'est pas que les attentats c'est pas ça, c'est surtout la montée du Front National, de l'obscurantisme, de la peur du voisin, de la porte fermée... »

Ainsi, cette démarche d'élargissement des activités au-delà de la diffusion, qui n'est le plus souvent pas présupposée par les structures, a permis de faire ressortir les besoins et envies

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d'acteurs locaux et de développer des projets en partenariat, et dans la co-construction. Et par effet induit, cela a permis d'impliquer d'autres personnes (enfants, publics spécifiques etc.) et de mettre en oeuvres d'autres type de projets (action culturelle, sensibilisation, jeune public, hors les murs, etc.). Les structures remplissent plusieurs rôles : pallier le manque d'équipement, permettre le développement des pratiques amateurs, contribuer à la diffusion, mais également être un vecteur de lien social et d'émancipation des individus.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille