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Existe-t-il une stratégie géopolitique de l'aide publique au développement de la France au Sahel ?


par François De Block
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Ecole Normale Supérieure - Master 2 Géopolitique 2019
  

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Figure 11 - Répartition géographique de l'APD de l'EU a destination de l'Afrique sur 2013-2017 et ses dix pays les plus aidés (en millions de dollars)

Réalisé avec QGIS : source des données : OCDE

Mais en dépit de cette assistance financière massive, l'aide européenne n'a pas permis d'inverser la tendance générale d'accroissement des inégalités, d'appauvrissement et de dégradation des conditions alimentaires et sanitaires des Etats de la bande sahélo-sahariennes.

Plusieurs facteurs expliquent l'inefficacité de l'aide publique au développement de l'Union européenne dans la bande sahélo-saharienne. En premier lieu, l'aide européenne est soumise à des clauses de conditionnalité en matière de respect des principes démocratiques et de l'Etat de droit, qui sont souvent difficiles à satisfaire pour les Etats en développement.Des conditionnalités de nature économique sont également édictées pat l'UE, Malgré la volonté affichée par les Européens de réduire leur influence, suite aux vives critiques dont elles ont fait l'objet durant les années 1990, ces conditionnalités pèsent encore sous une forme indirecte. Il en va ainsi des mesures préconisées en matière de « bonne gouvernance » et de réformes institutionnelles qui orientent les choix de politiques attendus de la part des bénéficiaires : (libéralisation, transparence des marchés, soutien au secteur privé, etc.). Les modalités de mise en oeuvre de l'aide au développement définies par les institutions européennes au sortir de la guerre froide s'inscrivent dans une perspective administrative et technocratique plus que politique. A titre d'exemple, les institutions européennes ont souvent eu recours aux appuis budgétaires globaux au Sahel, qui limitent la définition d'objectifs précis et d'indicateurs suffisamment détaillés pour mener des projets sectoriels ciblés sur les priorités des Etats sahéliens19(*). Aussi, l'UE semble faire primer dans ses politiques d'aide ses propres priorités sur celles des Etats récipiendaires (bonne gouvernance, genre, droits humains) et a cessé de prioriser les secteurs sociaux dans sa politique d'assistance en Afrique20(*). L'architecture de la coopération européenne, qui est un emboitement complexe de programmes et de lignes budgétaires, tend à formater une approche européenne bureaucratique de l'aide au développement, qui se traduit par des lenteurs dans les délais de décaissement et de mise en oeuvre des projets incompatibles avec la situation d'urgence dans laquelle se trouvent les Etats du Sahel.

Enfin, la fourniture de l'aide européenne se caractérise par l'inadéquation entre l'ampleur des moyens mobilisés et l'efficacité des résultats sur le terrain, en particulier parce que, faute de moyens, la Commission externalise une part de la gestion de l'aide à des ONG ou des bureaux d'études, ce qui entraine un manque de transparence et des irrégularités dans les projets mis en oeuvre. Enfin, reflet du primat sécuritaire et migratoire récemment adopté par l'UE dans ses relations avec le Sahel, les européens externalisent le contrôle de leurs frontières extérieures en utilisant l'aide au développement : les fonds des instruments d'aide au développement européens comme le fonds européen de développement, le fonds de stabilité et le fonds fiduciaire d'urgence sont alloués aux Etats sahéliens qui acceptent de gérer les flux migratoires sur leur sol et de les empêcher d'atteindre les rivages européens21(*). A cet égard, le Niger fait office de partenaire principal des européens pour verrouiller les routes migratoires vers l'Europe. Cette utilisation circonstanciée des fonds de développement ne concourt pas au soutien des Etats sahéliens dans les secteurs prioritaires et sert avant tout les intérêts de court-terme de l'UE et de ses Etats membres22(*).

En définitive, ce qui est reproché à l'action européenne au Sahel, c'est d'avoir en premier lieu privilégié des politiques d'urgence et fragmentaires qui se sont avéré un cache-misère n'ayant pas permis de percevoir la dégradation avancée de la situation sécuritaire et humanitaire dans la zone. Ensuite, c'est bien l'absence d'un véritable système d'alerte au Sahel qui s'est fait ressentir, en dépit de la présence d'un réseau important de délégations de l'UE et de forces spéciales stationnées dans les pays de la région. Les modalités d'administration et de délivrance de l'aide au développement européenne, jusqu'ici principal bailleur de la région, se sont révélées inadaptées aux fragilités des pays sahéliens et n'ont pas permis d'enrayer la pauvreté et l'insécurité alimentaire de la zone. Enfin, au moment de l'élaboration de sa stratégie sahélienne, l'UE n'utilisait pas d'outil exhaustif d'analyse des risques et des conflits, tels que ceux développés et employés depuis plus de dix ans par d'autres acteurs. Par conséquent, il existait dès l'origine un décalage manifeste entre les perceptions européennes des racines crisogènes du Sahel et les attentes des pays de la région. On constate par ailleurs, à la charge de l'UE, que la crise en Lybie n'a pas servi de leçon aux européens : autant ceux-ci n'ont pas fait bloc au moment de la décomposition de l'Etat lybien, autant la crise malienne a révélé une mise en place tardive du volet « sécuritaire » de la stratégie sahélienne. Celle-ci ne s'est finalement traduite que par la mise en place de modestes missions de coopération pour l'essentiel soutenues par la France, preuve des limites de la politique de sécurité et de défense commune de l'UE.L'Union européenne ne saurait ainsi être un acteur de substitution à la présence française au Sahel, que cela soit sur le volet militaire, où sa présence reste élusive et fortement dépendante de la présence française, ni sur le plan du développement, où en dépit des montants mobilisés, sa vision bureaucratique est déconnectée des enjeux et des besoins réels des Etats et des populations de la région.

* 19 https://www.diploweb.com/UE-APD-Aide-au-developpement-Entre.html

* 20 https://www.cetri.be/Aide-au-developpement-de-l-Union

* 21Kervyn, E., & Shilhav, R. (2017). An Emergency for Whom? The EU Emergency Trust Fund for Africa-Migratory Routes and Development Aid in Africa.

* 22Boyer, F., & Chappart, P. (2018). Les frontières européennes au Niger. Vacarme, (2), 92-98.

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