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Existe-t-il une stratégie géopolitique de l'aide publique au développement de la France au Sahel ?


par François De Block
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Ecole Normale Supérieure - Master 2 Géopolitique 2019
  

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2.3 L'aide publique au développement de la France est devenue inadaptée à l'assistance aux Etats sahéliens

Ce décalage peut s'expliquer selon plusieurs facteurs qui tiennent à la fois à l'organisation de l'aide française et à sa structure. Comme pour l'ensemble des bailleurs du Comité d'aide au développement de l' OCDE, les montants affichés par la France en matière d'aide publique au développement sont trompeurs : si elle est bien le cinquième donateur mondial en 2017 avec 10,3 milliards d'euros, l'effort budgétaire effectif de la France en matière d'aide au développement en 2017 est de l'ordre de 3 milliards d'euros. Cela provient du fait que la comptabilisation des flux d'aide par le Comité d'aide au développement comprend de nombreuses opérations financières qui ne sont pas effectivement allouables géographiquement (frais d'écolages, couts des réfugiés, frais administratifs). Le budget effectif que la France alloue à la politique d'assistance économique et financière pour le développement est donc bien moindre que les montants affichés, qui respectent les critères du CAD, mais qui autorisent également des subtilités statistiques qui viennent augmenter les chiffres de l'aide au développement.

Dans cet effort budgétaire, la France se distingue des autres grands bailleurs par un recours plus important aux canaux multilatéraux pour distribuer son aide publique au développement. A titre d'exemple, sur un effort budgétaire de 2,8 milliards d'euros en 201840(*), les institutions onusiennes, l'Union européenne et les banques multilatérales de développement recevaient ainsi 1,6 milliards d'euros de crédits de la France en 2018. Budgétairement parlant, l'aide multilatérale compose ainsi 57% des crédits de la mission « aide au développement » en 2018. Ce choix remonte aux années 1980-1990, au moment où la politique africaine de la France amorce une sortie du « pacte colonial » et se désengage financièrement de l'Afrique subsaharienne au profit de la coopération avec l'Union européenne et des institutions internationales telles que le FMI et la Banque mondiale.

Dans le même temps, la France a réaligné ses secteurs d'interventions sur les priorités de l'Union européenne et le financement des biens publics mondiaux (environnement, gouvernance, démocratie, respect des droits de l'Homme). Cette réorientation de la coopération vers le multilatéralisme se traduit politiquement par le discours prononcé par François Mitterrand à la Baule en 1990, qui conditionne l'aide publique au développement de la France aux pays africains à la démocratisation des régimes politiques du continent, et par la « doctrine Balladur » de 1994, par laquelle la France soumet l'allocation de son aide au développement au respect des conditionnalités du FMI et l'entreprise de programmes d'ajustements structurels. L'aide multilatérale a dès lors pris une part croissante dans les flux d'APD de la France. Alors qu'elle représentait 13% de l'aide totale en 1990, elle en représente près de 40% en 2017. Celle-ci a contribué en partie à réorienter l'aide au développement de la France vers d'autres géographies comme l'Asie orientale et l'espace méditerranéen, qui apparaissent dans les orientations géographiques du CICID de 1998, ainsi que les pays d'Europe de l'Est et la CEI qui ont fait l'objet d'une attention particulière de la politique de coopération des institutions européennes dans le cadre de la politique de voisinage en vue leur intégration au marché commun.

Figure 26 - Evolution de l'aide multilatérale dans l'APD totale de la France sur 1990-2017 (en millions de dollars)

Source : données de l'OCDE

Mais la multilatéralisation accrue de l'aide au développement de la France, a eu pour conséquence d'affaiblir la capacité de piloter et d'orienter les fonds vers les régions et les secteurs stratégiques pour la France. L'aide multilatérale présente des faiblesses importantes qui sont de nature, d'après Serge Michailof, ancien directeur des opérations à l'AFD et spécialiste de l'aide au développement passé par la Banque mondiale, à remettre en cause le bien fondé d'une allocation multilatérale aussi importante pour l'aide française : les institutions internationales souffrent d'après lui d'une expertise inadaptée dans beaucoup de pays francophones, d'un éloignement du terrain et d'une approche techno-administrative du développement41(*). La barrière de la langue est également un handicap pour certaines institutions qui ne peuvent s'appuyer que sur un petit nombre d'experts francophones pour mener des missions dans les Etats sahéliens. Le désintérêt historique et le manque d'expertise de ces institutions sur l'un des enjeux critiques pour les Etats subsahariens que sont les questions de développement agricole et rural, rend leurs interventions inadaptées aux attentes et besoins urgents des populations sahéliennes. Alors que l'Union européenne est le principal canal multilatéral par lequel transite l'aide française, elle sous-traite souvent certaines missions dans le domaine agricole, éducatif et sanitaire à l'AFD, qui dispose d'une expertise historique sur ces questions et d'une meilleure connaissances des enjeux et des territoires africains que l'UE. L'aide multilatérale est par ailleurs fortement dispersée et n'est pas en lien avec les priorités géopolitiques de la France au Sahel, conséquence de la multiplication des fonds et des initiatives multilatérales auxquels concourent la France, de la complexité de leurs interactions de leurs articulations, les priorités géographiques concurrentes ainsi de la lourdeur administrative des institutions internationales. En outre, la France utilise très peu le canal extra-budgétaire (« non-core financing »), qui permet de flécher des contributions multilatérales vers des zones ou pays particuliers. L'aide multilatérale fléchée vers les pays du Sahel ne représentait ainsi que 14 millions d'euros en 2014. En 2017, l'aide multilatérale de la France, d'un montant de 4,6 milliards d'euros, se répartissait selon la figure ci-dessous :

* 40Site du Sénat - Rapport annuel de performance 2018 - Mission « Aide publique au développement » https://www.senat.fr/rap/a18-149-4/a18-149-43.html

* 41 Michailof, S. (2015). Africanistan: l'Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues?. Fayard.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery