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Existe-t-il une stratégie géopolitique de l'aide publique au développement de la France au Sahel ?


par François De Block
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Ecole Normale Supérieure - Master 2 Géopolitique 2019
  

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3.3.3 Un cadre de coopération ambitieux aux limites annoncées

La création de l'Alliance Sahel est considérée comme positive pour les partenaires de développement qui y voient une première tentative de conjuguer leurs efforts et d'éviter le saupoudrage et la fragmentation concurrentielle de leurs efforts pour le développement au Sahel. Si une coordination entre bailleurs au Sahel est censée progressivement voir le jour, l'Alliance ne demeure pour l'instant qu'une agrégation de projets labellisés « Alliance Sahel » avec une structure de pilotage encore balbutiante et confiée à la seule AFD. L'harmonisation et la convergence des interventions des bailleurs, qui est la finalité de l'Alliance, n'est pas encore d'actualité, dans la mesure où il s'agit surtout pour l'instant de valoriser les initiatives déjà mises en oeuvre par les bailleurs. Mais les mécanismes de délégations de crédits que l'Alliance veut généraliser, pour éviter les doublons entre différents projets de même nature, sont un premier pas vers la construction d'une action coordonnée des bailleurs au Sahel.

Il reste à savoir si tous les membres de l'Alliance se montreront enclins à synchroniser leurs efforts de développement avec l'opération Barkhane. A ce stade, les interactions entre les acteurs de la sécurité et les acteurs du développement sont encore limitées à quelques bailleurs, dont l'AFD. Au niveau des institutions européennes, le défi est de se dégager de l'ancien dogme de la politique européenne de développement, qui voulait que les budgets pour le développement ne financent pas des actions sécuritaires et militaires55(*), alors qu'il existe un fort besoin de coopération entre les bailleurs internationaux et les forces sécuritaires nationales et étrangères au Sahel. Pour le moment, l'Alliance Sahel s'appuie sur le couple moteur « AFD-Barkhane », mais il est nécessaire que le nexus « sécurité-développement » dépasse le statut de discours inséré dans autant de stratégies nationales éclatées et qu'il s'opérationnalise dans le cadre de l'Alliance et de son partenariat avec le G5 Sahel.

Les limites potentielles de l'efficacité de l'Alliance Sahel peuvent se trouver dans la définition de son étendue géographique. Celle-ci ne couvre en effet que les cinq pays francophones du Sahel, en adéquation avec le théâtre de l'opération Barkhane. Cependant, les besoins en développement et de lutte contre les groupes terroristes concernent l'ensemble du Sahel géographique, qui s'étend jusqu'aux confins du Darfour soudanais et de l'Erythrée. L'amplitude géographique de l'aide publique au développement de la France et celle de l'Alliance Sahel ne correspond ainsi pas à l'aire opérationnelle de forces djihadistes pourtant présentées comme interconnectées et interdépendantes. De plus, il n'est pas certain qu'un surcroît d'aide au développement permette d'améliorer l'image et la réputation des forces occidentales déployées sur le terrain56(*). En outre, le mandat stratégique de l'Alliance Sahel est fondé sur le postulat que les économies de contrebandes et les flux financiers illicites qui en découlent profitent uniquement aux groupes criminels, passeurs et aux réseaux islamistes qui opèrent au Sahel, sans réelle prise de conscience que ces flux peuvent parfois bénéficier aux représentants des régimes en place, soutenus par la France.

De même, l'efficacité supposée de l'utilisation de l'aide publique au développement à des fins contre-insurrectionnelles repose sur des idées discutables, selon lesquelles la misère et l'ignorance seraient la matrice du terrorisme islamiste. Cela n'est pas corroborépar les faits, si l'on en juge par le niveau d'éducation et de richesse des fondateurs de mouvements djihadistes57(*).Enfin, elle table sur le fait que l'assistance de la communauté internationale permet d'acheter la paix sociale. Ce dernier point doit faire l'objet d'une attention spécifique, car les ressources de l'aide constituent également un enjeu de compétition entre les Etats récipiendaires d'une part, et entre les différents groupes ciblés au sein d'un même territoire d'autre part. L'aide au développement peut par conséquent prolonger ou exacerber les conflictualités déjà existantes, voire en créer de nouvelles dans des zones déjà en proie à l'instabilité.

Aussi, la résolution de la crise sahélienne passera inévitablement par un règlement politique des conflits, par le soutien à la restauration de la fabrique de l'Etat et de ses pouvoirs régaliens. La projection de la diplomatie et des efforts de développement français au travers de l'Alliance Sahel devra prendre en compte ces enjeux et ses limites afin de ne pas réitérer la situation d'enlisement et d'implosion de l'Etat qui a prévalu en Afghanistan, du fait d'une insuffisante prise en compte des enjeux politiques et de la faiblesse des institutions afghanes par les acteurs extérieurs. Les échecs manifestes de la division un travail entre les efforts de développement assumés par des bailleurs internationaux éloignés des besoins des populations d'une part, et les efforts de pacification et de sécurité laissés à la seule armée américaine d'autre part, doivent servir de leçon à la France.Celle- celle-ci occupe actuellement une position prééminente au Sahel, semblable à celle assumée par les Etats-Unis en Afghanistan, sur un espace de la taille de l'Europe58(*). Les nouvelles orientations de la politique de développement de la France vont pour le moment dans le bon sens en mettant des moyens nouveaux pour articuler les enjeux sécuritaires, politico-diplomatiques et humanitaires dans la région.

* 55Fondation pour les Etudes stratégiques - Cinq ans après, une radioscopie du G5 Sahel et ses partenaires. (mars 2019)

* 56de Montclos, M. A. P. (2019). La politique de la France au Sahel: une vision militaire. Herodote, (1), 137-152.

* 57de Montclos, M. A. P. (2018). L'Afrique, nouvelle frontière du djihad?. La Découverte.

* 58Michailof, S. (2008). L'échec de l'aide internationale en Afghanistan. Commentaire, (2), 445-455.

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