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Le trafic international de faux documents d'identité


par Jean-Michel HAZIZA
Université de Pau et des Pays de l'Adour - M2 Police et sécurité intérieure  2019
  

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2. L'ouverture d'une enquête policière à partir du signalement d'un faux document intercepté aux frontières extérieures de l'espace Schengen

400. Exercice d'un droit de poursuite et réseau de liaison. Une enquête policière peut être ouverte à partir du signalement d'un faux document d'identité intercepté aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Une fois que les services de la douane, situés dans un Etat Schengen, dont ses frontières sont limitrophes à celles d'un Etat non Schengen, ont intercepté un faux document d'identité, l'Etat sur le territoire duquel a été signalée l'infraction d'usage de faux document d'identité sera en mesure d'exercer son droit de poursuite à partir de la « mise en place d'un réseau de liaison, composé de fonctionnaires détachés chargés d'améliorer l'assistance et l'échange d'informations entre les services répressifs des différents Etats concernés »456.

401. Recours à des officiers de liaison. Ce sont des officiers de liaison faisant partie d'autorités répressives qui se transmettent mutuellement des renseignements. En ce sens, la Convention Schengen de 1990 prévoit l'instauration d'un droit d'observation à l'article 40 et d'un droit de poursuite à l'article 41. Le premier droit nécessite une autorisation préalable par l'autre Etat Schengen impliqué dans la procédure alors que le second droit n'en nécessite point.

455 GAZIN (F.), « Accords Schengen », préc. n° 37.

456 Ibid., n° 31.

402.

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Droit d'observation sur le détenteur d'un faux document d'identité. Le droit d'observation permet aux agents douaniers de poursuivre leur observation sur le territoire d'une autre Etat Schengen sur « une personne présumée avoir participé à un fait punissable »457 lorsque cet Etat « a autorisé l'observation transfrontalière sur la base d'une demande d'entraide judiciaire présentée au préalable »458. Ce peut être le cas lorsque le détenteur d'un faux document d'identité a refusé d'obtempérer, ou si les autorités douanières n'ont pas réussi à l'appréhender au moment de la réalisation de l'infraction d'usage de faux.

403. Ecoutes téléphoniques. Les juges de cassation, le 9 juillet 2003, ont affirmé que les dispositions de l'article 39 de la Convention Schengen du 19 juin 1990 « autorisent la communication d'informations relatives à des investigations, telles des écoutes téléphoniques, effectuées dans des procédures suivies sur le territoire de l'Etat concerné »459. Lorsqu' un ou plusieurs individus détenteurs de faux documents ont réussi à traverser plusieurs Etats Schengen, en sachant que les faux documents ont été signalés et fichés sur le SIS, les policiers d'un Etat Schengen peuvent avoir été sommés par le procureur de la République, ou par toute autre autorité judiciaire, de mettre en place des écoutes téléphoniques, régies, en France, aux articles 100 et suivant du CPP, sans porter préjudice aux investigations entreprises par la suite par une autre équipe de police compétente sur le ressort territorial autre Etat Schengen.

404. Droit de poursuite transfrontalière en cas d'infraction flagrante. Le droit de poursuite transfrontalière permet la recherche par les agents de la douane, ou autre équipe de police d'un Etat Schengen sur le territoire d'un autre Etat Schengen sans autorisation préalable notamment « si le suspect vient de commettre une infraction flagrante sur son territoire. Ce droit de poursuite ne peut se faire qu'avec la collaboration des autorités locales. Il ne permet pas aux poursuivants de procéder eux-mêmes à l'arrestation ni même, en principe, à l'interpellation, sauf si les autorités locales ne peuvent agir avec une célérité suffisante »460.

457 Ibid., n° 33.

458 Article 39 de la CAAS.

459 Cass. Crim., 9 juillet 2003, bull. n° 134; Dalloz 2003. IR 2285.

460 GAZIN (F.), « Accords Schengen », préc., n° 33.

405.

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Application du droit de poursuite transfrontalière au détenteur d'un ou de plusieurs faux documents d'identité. Lorsque l'individu détenant un ou plusieurs faux documents d'identité, document(s) signalé(s) sur le SIS, a été aperçu au moment de la réalisation de l'infraction ou dans un temps très proche, et que celui-ci a franchi la frontière d'un autre Etat Schengen B, les équipes de police situées sur l'Etat Schengen A, où l'individu a commis l'infraction initiale, pourront se transporter au-delà de leur ressort de compétence territoriale du fait de l'existence de la flagrance, du fait de la nécessité de l'urgence de rechercher des indices matériels sur le territoire de l'Etat voisin B, pour éviter leurs dépérissements. Les policiers pourront agir de leur propre initiative à condition d'avoir informé une autorité judiciaire habilitée à ouvrir une enquête de flagrance, ou sous la direction de l'autorité judiciaire directement. Seul bémol au droit de poursuite des autorités françaises : l'interpellation du suspect détenteur de faux documents d'identité sera de la compétence exclusive des autorités locales, en vertu des principes de la territorialité et de la souveraineté nationale, principes directeurs en droit international depuis l'arrêt Lotus rendu par la Cour Internationale de justice le 7septembre 1927.

406. Intervention d'Europol. Dernier intervenant dans l'ouverture d'une enquête après le signalement d'un document invalidé aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne : Europol ou « Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs »461, depuis 2016, qui a compétence pour regarder les objets signalés dans le SIS.

407. Europol : facilitateur d'enquêtes. « Le but d'Europol est d'améliorer la lutte contre la criminalité organisée lorsqu'au moins deux de ses pays membres sont concernés par un phénomène »462. L'Agence « assume des missions avant tout centrées sur l'échange d'informations. Europol favorise l'échange d'informations entre pays membres, procède à l'analyse de ces informations, communique sans délai aux services compétents les informations qui les concernent, facilite les enquêtes dans les différents

461 Règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016relatif à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI.

462 GAUDIN (V.), ROUX (E.), « Coopération policière internationale », Rép. pén., octobre 2010 (actualisation : octobre 2017), n° 119.

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États membres en transmettant les informations utiles, et enfin gère des recueils d'informations automatisés »463.

408. Europol : compétence informative et pouvoirs opérationnels. L'appui de l'Agence ne concernait donc que des actes non opérationnels, à titre de renseignements policiers. A l'origine, Europol était « uniquement doté d'une compétence informative, c'est-à-dire que ses fonctions se limitaient au Système d'information Europol, alimenté par les Etats de renseignements entrant dans son champ de compétence, et l'analyse criminelle stratégique et opérationnelle. Mais les protocoles du 30 novembre 2000, du 28 novembre2002 et du 27 novembre 2007, entrés en vigueur le 29 mars 2007, en plus d'élargir le mandat de l'Office, lui ont confié des pouvoirs opérationnels lui permettant de participer à des équipes communes d'enquêtes (ECE) et de demander à un Etat membre d'ouvrir une enquête »464.

409. Rayonnement étendu de la compétence d'Europol. Europol possède un rayonnement dépassant les frontières extérieures de l'Union européenne au sens strict puisque cette structure a compétence sur le territoire des Etats Schengen. En clair, Europol a compétence sur le territoire de la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie quoique ce sont des Etats membres de l'Union européenne qui n'appliquent pas la libre circulation spécifique à l'espace Schengen, et ils conservent ainsi leurs contrôles aux frontières. D'autres Etats, comme la Suisse, la Norvège et l'Islande, ne sont pas des Etats membres de l'Union européenne, mais sont signataires des accords Schengen et les appliquent. Sur ces territoires, Europol a aussi compétence. Enfin, le Royaume-Uni et l'Irlande sont des Etats membres de l'Union européenne mais non signataires des accords Schengen465, ce qui n'empêche pas Europol d'intervenir sur ces territoires.

463 Ibid.

464 HERRAN (T.), Essai d'une entraide policière internationale, Thèse, Université de Pau et de l'Adour, 2012, n° 22, p. 24.

465 https://www.touteleurope.eu/les-pays-membres-de-l-espace-schengen.html. V. Ann., n°6 : « Les pays membres de l'espace Schengen ».

410.

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Modalités d'accès au SIS pour Europol et hypothèses d'assistances apportées par Europol. Selon l'article 100 Bis de la Convention de Schengen de 1990, l'Agence Europol peut avoir accès au SIS, et notamment aux faux documents d'identité signalés comme invalidés aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Europol peut apporter une assistance aux Etats Schengen de trois manières.

411. Soit Europol détache ses membres aux ECE au niveau de l'espace Schengen466. Les ECE intéressent plusieurs Etats membres de l'Union européenne selon l'article 13 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale du 29 mai 2000, et de la décision-cadre du 13 juin 2002, uniquement pour les enquêtes complexes recouvrant le domaine de la criminalité transfrontalière467. Or, des ECE peuvent très bien être mises en place pour retrouver la trace d'un ou de plusieurs faux documents d'identité circulant au sein de l'espace Schengen, par exemple grâce à un protocole d'accord entre l'Espagne, la France, et le Royaume-Uni, ou grâce à un protocole d'accord entre la Grèce, l'Italie et la France.

412. Soit les personnels de police d'Europol vont participer aux ECE exclusivement entre les Etats membres de l'Union, en vertu du Règlement Agence Europol du 11 mai 2016, directement applicable dans la législation interne des Etats membres. Selon l'article 4 du Règlement, l'Agence Europol a pour mission de coordonner, organiser et réaliser des enquêtes et des actions opérationnelles pour soutenir et renforcer les actions des autorités compétentes des Etats membres, qui sont menées conjointement avec les autorités compétentes des Etats membres, ou dans le cadre d'ECE, ou de participer à des ECE, ainsi que proposer leur constitution conformément à l'article 5 du Règlement. Ainsi, « pour faciliter les investigations entre les autorités coopératives, le personnel d'Europol pourrait alors communiquer directement aux membres de l'équipe les informations provenant de tout élément des

466 Point n° 10 du Préambule du Règlement UE 2016/794 relatif à l'Agence Europol : « Lors de la création d'une équipe commune d'enquête, l'accord concerné devrait fixer les conditions relatives à la participation du personnel d'Europol à l'équipe. Europol devrait cosigner par procès-verbal sa participation aux équipes communes d'enquête qui portent sur les activités criminelles relevant de ses objectifs. En pratique, « il s'agit de créer une équipe dans un État de l'Union européenne en y adjoignant des professionnels étrangers dénommés membres détachés. Ces derniers participeront ainsi à une procédure hors de leur territoire et pourront, si besoin est, demander à leurs propres autorités de répondre aux nécessités de l'enquête. L'objectif affiché est la simplification et la rapidité des procédures et de l'entraide. En droit interne, cette modalité de l'entraide est prévue aux articles 695-2 et 695-3 du CPP »., V. en ce sens AUBERT (B.), « Entraide judiciaire : matière pénale », Rép. intern., 2005, n° 176.

467 GAUDIN (V.), ROUX (E.), « Coopération policière internationale », préc., n° 123.

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systèmes de traitement de l'information »468, dont le signalement d'objets - supports d'identité - lus comme invalidés par les douaniers.

413. Soit les personnels de police d'Europol prennent l'initiative de l'ouverture d'une enquête pénale sur le territoire d'un des Etats membres469. En vertu de l'article 6.1 du Règlement du 11 mai 2016, « dans les cas particuliers où Europol considère qu'une enquête pénale devrait être ouverte au sujet d'une forme de criminalité relevant de ses objectifs, elle demande aux autorités compétentes des États membres concernés, par l'intermédiaire des unités nationales, d'ouvrir, de mener ou de coordonner cette enquête pénale ». Dans cette hypothèse, « les unités nationales470 informent sans retard Europol de la décision des autorités compétentes des États membres concernant toute demande introduite en application du paragraphe 1 » selon l'article 6.3. Si Europol souhaite l'ouverture d'une enquête, elle doit en informer Eurojust et transmettre sa demande aux États membres. Ces derniers traitent toute demande émanant de l'Agence visant à ouvrir, mener ou coordonner des enquêtes dans des affaires précises et font savoir à Europol si l'enquête demandée sera ouverte471.

414. En l'occurrence, l'Agence Europol peut juger qu'une affaire grave concernant la circulation de faux documents d'identité, documents signalés au SIS, nécessite l'ouverture d'une enquête policière européenne. Pour cela, l'Agence Europol va essayer de mobiliser des unités nationales de liaison de transfert d'informations sur la circulation du faux document d'identité présentes sur les territoires des Etats membres concernés, tout en respectant la souveraineté et les compétences territoriales de chacun d'eux. Il est indéniable que pour que l'assistance policière soit de qualité, les Etats membres avertis de signalements au sein du SIS, vont suivre à la lettre la recommandation du 28 septembre 2000. L'Agence Europol agit donc, sur une plus grande échelle, comme un OPJ français, de sa propre initiative du fait de la flagrance du délit à caractère transfrontalier, avant d'avertir toutes les autorités étatiques concernées par l'infraction commise.

468 Ibid.

469 Ibid., n° 124.

470 Selon l'article 7.2 du Règlement Europol, « chaque État membre met en place ou désigne une unité nationale, qui constitue l'organe de liaison entre Europol et les autorités compétentes de cet État membre. Chaque État membre désigne un fonctionnaire comme chef de son unité nationale ».

471 GAUDIN (V.), ROUX (E.), « Coopération policière internationale », préc., n° 124.

415.

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Transition. A partir de tous ces pouvoirs d'enquête qui existent entre les Etats membres de l'Union européenne, les Etats Schengen, et l'Agence Europol relevant d'un signalement d'un faux document d'identité invalidé aux frontières, la question est de savoir s'il est possible de retracer les voies de distribution et de fabrication du document intercepté aux frontières extérieures de l'Union européenne par la douane.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein