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Les transformations métropolitaines de Marseille

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par Grégoire Cizeron
Université Paris-Est Marne la vallée - Master Urbanisme, aménagement, transport spécialité stratégies métropolitaines 2013
  

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2. Euroméditerranée : un projet urbain pour une nouvelle centralité métropolitaine

Après avoir vu les similitudes et les points communs entre les projets urbains dits de « régénérence » urbaine des espaces arrière-portuaires des villes européennes méditerranéennes, intéressons nous au cas de Marseille.

La cité phocéenne dispose elle aussi d'une grande opération de renouvellement socio-économique et urbain de l'espace situé à proximité du port : Euroméditerranée. Né aux croisements des volontés de l'État et des pouvoirs locaux, ce projet urbain réinvente les relations entre la ville et son port, mais cherche aussi à faire basculer Marseille dans le rang des métropoles modernes.

Pensé comme une vitrine urbaine, le nouveau quartier poursuit divers buts et objectifs, parmi lesquels on compte des buts économiques, mais aussi des objectifs d'organisation territoriale. En effet Euroméditerranée doit permettre à Marseille de devenir une métropole méditerranéenne gouvernant une large aire urbaine. Je chercherai donc à savoir si Euroméditerranée est un projet de dimension métropolitaine et si celui-ci favorise la construction métropolitaine.

Avant de nous intéresser plus en détail à ceci, il convient cependant de rappeler les liens existant entre la ville et son port. L'histoire de la ville est très liée à son port ; nous verrons donc par la suite comment Euroméditerranée, à travers sa programmation, réinvente l'interface entre ces deux ensembles.

Par la suite nous analyserons le rôle du projet urbain pour la ville et le territoire métropolitain. Nous nous pencherons ensuite sur l'image que celui-ci produit et les effets qui en découlent. Enfin nous analyserons la gouvernance du projet et de la structure en charge de celui-ci : l'EPAEM.

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A. Une volonté de rapprocher la ville de sa mer et de son port

Marseille est une ville méditerranéenne, mais aussi portuaire. En effet les liens entre la ville et son port ont marqué le territoire et l'histoire de la cité phocéenne. Nous ferons donc dans un premier temps un rappel de l'histoire de la ville et du port. Nous verrons comment les liens entre eux ont été bénéfiques pour le territoire, et comment ceux-ci se sont détériorés au fil des années, entrainant une volonté de l'État de reconquérir les abords du port.

A. Histoire du port, de la ville de Marseille et des liens existant

Marseille est une ancienne cité phocéenne, chacun le sait et l'histoire est connue, mais il est bon de la rappeler pour mieux comprendre et analyser les liens avec la mer et le rôle du port dans le développement de la ville.

En 600 avant J.C, des colons venus de Phocée, ville grecque d'Asie mineure, débarquent dans la calanque du Lacydon. Au vu de la morphologie du site (le Lacydon est une darse naturelle de près d'un kilomètre de long et de 300 mètres de large), l'emplacement est idéal pour y implanter un comptoir. La cité phocéenne se développe alors sur les hauteurs à proximité ; Massalia est née.

Très vite le port va devenir une place stratégique pour le commerce entre Orient et Occident, une porte d'entrée sur la Gaule au niveau commercial, et un point de départ pour des expéditions maritimes en direction de l'Afrique et de la péninsule ibérique. Jusqu'à l'invasion romaine en l'an - 49 av. J.C, Massalia va se développer ; l'invasion romaine glorifiera la voisine Arles. La fin de l'empire romain et les invasions barbares qui ont suivi marqueront une période d'instabilité pour l'Europe, dont Marseille n'est pas épargnée.

Sous Charlemagne (768-814) et son successeur Louis Ier (814 -840) un calme relatif s'installe à Marseille ; celle-ci est incorporée au royaume de Provence. Au temps des Mérovingiens, Marseille redevient le principal port en liaison avec l'Italie, Byzance et le monde oriental. Les huiles, les vins, les épices et les céréales forment l'essentiel des marchandises échangées. La dimension commerciale de la ville s'affirme au fil des ans. Les activités du port retrouvent leur élan avec le développement des royaumes « francs ». Ceux-ci ont besoin du soutien de l'Occident, fourni le plus souvent par des villes marchandes. Le commerce est également très actif avec l'Afrique du Nord, l'Italie, la Sicile et l'Espagne. Ce développement est alimenté par l'extension du marché intérieur. Arles, Avignon, Lyon constituent des entrepôts et des relais vers les grandes foires. Cet essor remarquable s'étend jusqu'au XIV ème siècle. Marseille va alors se développer et rayonner sur la Méditerranée.

Au XV ème siècle, l'attaque des Aragon va décimer la ville, son port et sa flotte. Les relations avec l'Espagne et l'Afrique du Nord sont rompues, et la fin du siècle sera marquée par l'édification sous le règne du roi René de la tour St-Jean en l'an 1447. Le négoce maritime va par la suite reprendre de l'ampleur essentiellement grâce au développement de marchés intérieurs.

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Entre 1481 et 1494, Marseille et la Provence sont unies au royaume de France. Véritable fleuron économique du pays, rayonnant à nouveau sur la Méditerranée, le port devient également arsenal militaire et chantier naval des flottes royales. Le port connait alors un développement et des aménagements successifs sous les différents rois, lui conférant des avantages et renforçant son rôle de place commerciale. La création d'un Bureau du Commerce en 1599, chargé d'informer les autorités des améliorations jugées utiles, renforce la dimension commerciale de la ville. Ce bureau deviendra par la suite la première Chambre de Commerce et de l'Industrie.

Au début du règne de Louis XIV, la ville se développe dans une quasi-autonomie jusqu'en 1660, où une occupation militaire est décidée pour calmer ses velléités d'indépendance. Le pouvoir central impose alors une politique de sévérité. Une garnison permanente de 3 000 hommes est installée et la construction des forts Saint-Jean et Saint-Nicolas décidée. L'action de Louis XIV s'avère cependant efficace et bienfaisante pour la prospérité de Marseille. Il ordonne l'agrandissement de la ville qui voit sa superficie tripler.

En 1669, l'édit de Mars renforce le poids économique de la ville en taxant de 20% les marchandises « d'Orient et de Barbarie » venant d'autres ports du royaume. Marseille devient la porte d'entrée commerciale du royaume pour tout le pourtour de la Méditerranée. Ceci est accentué en 1703, avec une exonération totale pour certaines marchandises ; par ailleurs les aménagements du port sont poursuivis permettant d'accueillir des navires toujours plus grands. La peste et le transfert du port militaire à Toulon en 1748 ne ralentiront pas l'essor du port et de la ville. Au contraire, des disponibilités foncières sont abandonnées pour des constructions immobilières où se développent de nombreuses activités en lien avec la mer.

La révolution française et les guerres successives de l'empire vont mettre la ville en état de faillite ; émeutes et manifestations se succèdent, des disettes vont même menacer la ville suite au blocage maritime et continental de la ville.

A partir de 1825, l'activité économique reprend une fois encore ; les industries se développent ; le port connaît un nouvel élan. Sur décision de Napoléon III, un canal d'Arles à Bouc est creusé et concrétise la liaison Rhône-Mer. Durant le Second Empire, Marseille reste le grand port méditerranéen. L'aménagement de voies ferrées (Avignon-Marseille en 1849, Marseille-Toulon en 1859) constitue un élément de liaison efficace avec l'intérieur. Avec le développement de la navigation mécanique, le nombre et la régularité des bateaux augmentent, ainsi que le volume de leur cargaison. Commodités d'accostages et rapidité des opérations doivent être en place pour répondre aux besoins du commerce.

Après de nombreux projets tant au Nord qu'au fond du Lacydon, un port auxiliaire est creusé à la Joliette. Le port de Marseille trouve là son véritable levier d'extension. Les études prospectives se basant sur les futurs besoins étendent le port dans des proportions gigantesques pour l'époque. Sous le régime de Napoléon III, deux môles contigus, Lazaret et Arenc, vont être aménagés. D'autres travaux d'extension se poursuivent jusqu'à la fin du siècle. La révolution engagée avec le développement des échanges induit de véritables mutations des infrastructures. Les quais et les espaces de réception des marchandises s'étendent pour répondre à l'augmentation des tonnages et au progrès de la manutention. Le dépôt des cargaisons, à proximité des navires accostés, devient une nécessité.

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L'État concède la création et l'exploitation de vastes docks à une compagnie privée ; ceux-ci ouvrent en 1863 et vont prendre une part très importante dans la vie du port. Vaste lieu de stockage, les docks vont permettent de répondre à l'agrandissement des bassins, qui couvrent à l'époque une surface de 72 hectares. Ils sont aussi conçus pour améliorer la fluidité des marchandises et réduire le temps de rupture de charge. Ils permettent de rationaliser l'espace portuaire, mais ils rationalisent aussi l'espace urbain car ils se détachent du reste de la ville au niveau architectural : la création des Docks et entrepôts apparait comme un moment important de la dissociation entre ville et port.

Figure 7 : Évolution de la façade maritime marseillaise

1. Marseille, vue prise au dessus des Catalans, par Alfred Guesdon en 1848.

2. Vue perspective du port de Marseille, par Frédéric Hugo d'Alésé en 1888.

Source : Marseille Euroméditerranée, accélérateur de métropole.

La dynamique industrielle et l'ouverture de nouveaux marchés par les possessions d'outre-mer et les colonies viennent compléter le développement du port. L'ouverture du canal de Suez en 1869, facilite les échanges commerciaux et maritimes ; l'image d'une « porte de l'Orient » est alors attribuée à Marseille, qui est en 1872 le quatrième port mondial. Le mouvement maritime colonial représente, en 1896, plus du quart de la navigation totale. Le port de Marseille, même s'il emploie de nombreux habitants des quartiers voisins est moderne, il dispose de grues et d'ascenseurs à pression d'eau et à vapeur, ainsi que d'une grue flottante de 20 tonnes. La montée en puissance du chemin de fer est aussi un fait notable qui va fortement marquer le port : le rail va même jusqu'à imposer sa géométrie, comme en témoignent les môles et traverses obliques du bassin du Président Wilson, qu'adopteront beaucoup de ports. L'industrie de la réparation navale connaît un essor fulgurant et les ateliers se multiplient pour donner une nouvelle fonction au port.

Le port de Marseille s'afÞrme donc comme l'un des plus rapides d'Europe. Cependant l'essor des ports des villes nord européennes va rapidement venir réduire l'influence et l'importance de Marseille. La nécessité et l'urgence d'étendre les bassins se font à

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nouveau sentir pour que Marseille reste dans la compétition mondiale que les ports se livrent. La compression physique de la ville sur le port contraint celui-ci de se renouveler sur lui même pour se développer, contrairement à d'autres ports du Nord de l'Europe ou des États-Unis. Cependant ceci caractérise de nombreux ports Méditerranéens.

Au cours des premières décennies du XXème siècle, les bassins occupent le littoral marseillais jusqu'à la chaîne de l'Estaque. Ceux de la Pinède et de la Madrague sont construits, ainsi qu'un dépôt pétrolier marquant les débuts d'une nouvelle histoire industrielle. A partir de 1911, les études sur l'extension portuaire atteignent les limites géographiques de la commune. Une nouvelle génération de projets voit le jour : le pôle industrialo-portuaire extérieur au territoire de Marseille.

Figure 8 : Aménagement du littoral Nord de Marseille au XX° siècle

Source : Donzel, 1998

La première guerre mondiale va troubler le développement du port, mais à la sortie du conflit international les pouvoirs publics vont appuyer une politique de développement de l'industrie pétrochimique. L'étang de Berre offre alors les conditions idéales pour stocker et raffiner l'or noir et dès 1930 des raffineries vont s'installer à Berre. Différentes annexes seront créées et rattachées au port de Marseille dans les années qui vont suivre.

La deuxième guerre mondiale va aussi fortement marquer l'histoire du port et de la ville : jusqu'en 1942 Marseille est une ville où l'on embarque pour la liberté. Cependant le régime de Vichy va tout de même orchestrer la destruction d'une partie des quartiers jouxtant le vieux-port afin de nettoyer le sol urbain. En 1944 les Allemands détruisent quais, môles, grues, hangars et navires pour gêner l'arrivée des Alliés. La libération sera donc suivie d'une période de reconstruction du port. Un travail d'adaptation va accompagner cette reconstruction ; ceci permet à Marseille de rester une grande place maritime.

Mais les années 1960 et la fin de l'empire colonial français va porter un coup fatal au port de Marseille et à l'ensemble de la ville. Les échanges commerciaux avec les anciennes colonies sont alors fortement limités ce qui à pour effet de réduire l'importance du port ; les industries qui utilisaient les matières premières venant d'Afrique, Orient ou Extrême-Orient vont aussi être touchées et disparaissent peu à peu. Une reconversion industrielle tournée vers le pétrole et la métallurgie est envisagée par les pouvoirs publics ; celle-ci doit être localisée dans le golfe de Fos.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984