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La fermeture des maternités en Basse-Normandie: état des lieux et causes des fermetures

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par Amélie Lamotte
Université de Caen Normandie  - Maîtrise de géographie 2017
  

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b. Des politiques territoriales nationales

J'ai abordé le thème des politiques territoriales mises en place par l'Agence Régionale de Santé. En effet depuis sa création en 2010, les politiques territoriales de santé ont été modifiées. Le maire de Falaise, Eric Macé, évoque « une rationalisation et une réorganisation de l'offre de soins en termes hospitaliers, sur l'ensemble du territoire ». Les principaux mots clés sont « réorganisation » et « politique ». Certains acteurs parlent en effet de « projet de réorganisation de la santé en Normandie par l'ARS » (P. Lecoq, Falaise). D'autre du fait que l'ARS applique « une politique nationale, sous le coût de la santé nationale, c'est la même politique qui est partout en France » (E. Labbé, Vire). Et de « plan, le fameux SROS, vous connaissez bien cette petite bête-là, et voilà c'est cette politique-là qui a été établie et qui à termes voudrait que tous les niveaux 1 disparaissent » (A. Lefebvre, Falaise).

Le SROS (Schémas Régionaux d'Organisation des Soins) est un volet du PSR (Projets Régionaux de Santé). Ce plan de santé est élaboré pour une durée de cinq ans. Le PSR et ses différents schémas (Schéma régional d'organisation médico-sociale (SROMS), Schéma régional de prévention (SRP) et le SROS) dessinent « l'organisation des services, les actions, les autorisations et les coopérations dans les champs de compétences de l'Agence Régionale de Santé »50. Un PSR est établit dans chaque région de France en concertant les acteurs de la santé (le corps soignant et les élus, mais également les usagers).

50 www.solidarites-sante.gouv.fr

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En effet, le bilan 2015 du SROS note dans son volet périnatalité, l'importance de « souligner que la restructuration des maternités de l'ex Basse-Normandie est le fruit de la volonté de maintenir la qualité des soins, malgré une diminution de la démographie médicale dans les établissements sanitaires »51. Le problème des recrutements de praticiens est donc réel, l'ARS tente de relativiser les fermetures en prenant comme justification la pénurie de médecins. Ce bilan évoque également qu'en « tout point du territoire les femmes ont accès à une maternité dans un délai suivant les recommandations nationales (45 minutes) ». Cependant, la carte de l'ORS et celle que j'ai réalisée (Figures 16 et 18) démontrent le contraire, les populations du Nord-Cotentin (entre Valognes et Carentan), du Sud-Bocager (entre Vire et Saint-Hilaire-Du-Harcouët) et du Sud-Perche-Ornais (Nogent-le-Rotrou), se situent à plus de quarante-cinq minutes d'une maternité. En 2015, année de réalisation du bilan, les maternités de Vire (fermée en 2013) et de Cricqueboeuf (fermée en 2014) sont déjà fermées, les cartes précédentes démontrent que ces territoires sont dépourvus de maternités à moins de quarante-cinq minutes.

Les acteurs rencontrés évoquent une « volonté de concentrer » l'offre de soins de la part des politiques. Par exemple, Antoine Leveneur, président de l'Union régionale de médecins libéraux, cite dans une interview du journal Ouest-France : « Le nouvel hôpital de la Côte Fleurie n'a rien à voir avec un enjeu sanitaire. C'était un enjeu d'élus »52. Ce « Pôle santé » tel que l'indique les différents panneaux de la ville, regroupe au même endroit : l'hôpital et la polyclinique de Deauville (voir la photo ci-dessous) et se situe à Cricqueboeuf (entre Deauville et Honfleur). Le site est à l'extérieur de la ville et l'accès se

51 www.normandie.ars.sante.fr

52 J-J. Lerosier, « Santé en Normandie », in Ouest France, 1 septembre 2015.

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fait par la route, un véhicule est donc nécessaire. La ligne de bus vert (Caen-Deauville-Honfleur-Le Havre) dessert également le Centre Hospitalier cinq fois par jour. Ce pôle santé ouvre en 2009, et cinq ans plus tard, la maternité ferme ses portes. C'est pourquoi, certains y voient un enjeu d'élus et non un enjeu sanitaire. L'établissement et le site semblent aujourd'hui disproportionnés. Ce Centre Hospitalier est désormais spécialisé en cardiologie et gériatrie essentiellement.

A.LAMOTTE, 08/2017

Figure 21: Centre Hospitalier de la Côte-Fleurie

Le rôle de l'ARS est vu comme très politique, leur but est de faire « l'intermédiaire entre la population et les choses qui se passent dans les hôpitaux, et d'essayer de faire mieux passer la pilule quand il y a des choses difficiles à dire » selon E. Labbé. De nombreux reproches sont faits à l'ARS, sur la façon d'annoncer la fermeture, les conditions de celle-ci et ses décisions jugées très administratives. Par exemple, la sage-femme de Vire

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aurait préféré que l'ARS lui dise « franchement les choses » ce qui lui « paraissait beaucoup plus juste ». Elle dit qu'il « y aurait eu moins de séquelles nous concernant ». En effet, le personnel s'est senti fautif car la maternité de Vire a officiellement fermé pour cause d'incident, alors que la cause est plutôt le résultat de la démographie. A Falaise, Monsieur le maire dénonce « une brutalité dans l'annonce de la fermeture : quand vous n'avez que 48h pour signer ! ». Le maire de Cricqueboeuf rappelle que L'ARS « a profité » de l'incident pour fermer l'établissement alors que c'était « le joyau » de leur canton. Enfin, à Vire, Madame Anfray signale « qu'un directeur a été recruté ici, il avait une mission, sa mission c'était de fermer la maternité ». Les acteurs rencontrés lors de mes entretiens blâment l'ARS pour sa violence dans l'annonce et l'organisation des fermetures.

En outre, les maternités fermées devaient obtenir une « compensation » de la part de l'ARS. Ce qui a été dit n'a pas toujours était suivi. En effet à l'hôpital de Vire : « au départ, le projet était de belles urgences. C'est ce que nous avait promis le directeur de l'époque, Monsieur Tsuji, un grand regretté, qui doit être au CHU maintenant d'ailleurs. Il avait dit de belles urgences, et en fait les urgences se sont construites à la Clinique de Vire » explique Madame Leverrier, présidente du collectif de Vire « Touche pas à ma santé, à mon hosto ». Le discours est identique à Falaise, le maire est contrarié par rapport à « l'ARS en général qui n'a pas pris part suffisamment aux respects des engagements, contrairement à un courrier que j'avais reçu ». En effet, le maire de Falaise avait accepté de prendre ses responsabilités d'élu afin de trouver un compromis sans violence, quitte à être vu comme le responsable de la fermeture par ses habitants. Au final, il dit ne pas avoir était suivi comme il s'attendait à l'être par l'ARS, « il devait y avoir un net renforcement du pôle orthopédique sur Falaise et le retour, n'a pas été suivi des faits et j'ai vraiment une bonne dent contre les personnes de l'ARS elles-mêmes ». Ces individus sont contrariées des promesses non tenues par l'ARS après la fermeture effective de leurs maternités.

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Selon Monsieur Labbé, le gynécologue de Vire, l'ARS a « essayé de maîtriser, et puis en médiatisant les problèmes qu'il y a eu sur la maternité, les désaccords, les mésententes entre les médecins, et tout ça, ça fait que finalement ça a pu fermer sans faire de vagues ». Il précise néanmoins que l'ARS n'a rien inventé, elle a seulement exploité ce qui se passait dans la ville et l'hôpital. Cependant, il ajoute que l'Agence Régional de Santé a publié un article inexact dans la presse ; cet article disait qu'un nourrisson était mort à la maternité de Vire. En réalité, le gynécologue explique que c'était un enfant né très prématurément et pour lequel « on ne pouvait pas faire grand-chose », ce bébé avait été transféré vivant à Caen et il est décédé à Caen. Il dit que l'ARS a « un peu transformé le truc et ils ont balancé ça en plein moment où le Tour de France passait à Vire : « un bébé décédé à la maternité de Vire ». Il a demandé de faire un correctif, mais celui-ci a été mis « page 10, un petit truc comme ça ». Il ajoute : « avec ce correctif, j'ai eu des sanctions de la direction qui m'a dit que je n'avais pas à faire ça ». Ainsi, ce qu'il reproche à l'ARS, c'est cet article et le contexte dans lequel il a été publié. Car selon lui, cela a renforcé l'idée qu'il était nécessaire de fermer la maternité par sécurité. Il reproche à la direction de l'hôpital de ne pas avoir empêché la diffusion de fausses informations.

Madame Anfray, sage-femme de Vire réplique que des stratégies ont été mises en place pour fermer la maternité. Par exemple, ils ont eu un gynécologue qui était radié de l'Ordre et « qui a été parachuté ici, et pourtant, administrativement, il n'aurait jamais dû exercer ses fonctions ». Selon elle, c'était « dans les missions du directeur, il y avait une stratégie chez ce directeur de faire venir des gynécologues incompétents, ce qui pouvait nous discréditer en termes de qualité de soins » et donc faire fermer la maternité. Elle ajoute qu'après l'arrivée de ce médecin, de nombreuses fautes professionnelles ont eu lieu, et « évidemment ont été médiatisées ». Toute cette orchestration aurait était voulue selon cette sage-femme. Elle émet l'hypothèse comme quoi, avec le recrutement

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de médecins dangereux et le fait de faire fuir les nouveaux gynécologues, la maternité a dû fermer ces portes.

L'ARS est critiquée car elle est perçue comme un système administratif et non de terrain dans les fermetures de maternités. C'est le reproche qui lui a était fait par Monsieur Macé, le maire de Falaise : « l'ARS a fonctionné sur un plan administratif, et en plus sans même avoir prévenu ». L'ARS applique une politique de l'Etat, mais celle-ci est vue comme étant un désengagement de l'Etat par rapport aux services de soins. (S. Anfray, sage-femme à Vire). Le sentiment est identique à Falaise : « L'ARS communique très très peu, c'est hyper fermé. On ne les a jamais vu venir sur le terrain, ni même venir à des réunions ». (P. Lecoq, journaliste à Falaise). Il est reproché à l'ARS de ne pas être suffisamment proche des individus et de leurs besoins, mais au contraire d'être proche des dépenses de santé, notamment pour la prescription de péridurale : « C'est difficile pour un anesthésiste de refuser, il a une patiente qui souffre, il sait faire une péridurale, il l'a fait, il ne se pose pas des questions de stratégies derrière comme l'ARS peut le voir, mais voilà ». (E. Labbé, gynécologue à Vire). Ainsi, l'ARS endosserait le rôle de bouc émissaire de l'Etat dans les politiques territoriales de santé, et ce rôle est d'autant plus intense que cette organisation ne se déplace pas suffisamment sur les territoires d'après les acteurs que j'ai rencontrés.

La place des maires face aux fermetures de maternité est importante. Ils doivent être à la fois médiateurs entre l'ARS, l'hôpital et la population. C'est pour cela qu'ils sont aussi des boucs émissaires, la population pense qu'ils sont majoritairement les responsables des fermetures. De plus, ils doivent être diplomates avec l'ARS afin de compenser la perte d'un service de proximité.

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La façon d'organiser les soins périnatals au niveau des politiques territoriales de santé est différente d'un pays à un autre, voire d'une région à une autre en France, au niveau de l'organisation des soins. Actuellement, avec la mise en place des GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire) de nouveaux découpages des territoires s'organisent.

GHT (Groupements Hospitaliers de Territoires) : Créés avec la loi du 26 juillet 2016 nommée « modernisation de notre système de santés ». Il vise à ce que les différentes structures publiques de soins coopèrent entre elles pour organiser les soins sur un territoire donné. Chaque GHT se compose de deux à vingt établissements. C'est un dispositif obligatoire depuis juillet 2016. Chaque GHT constitue un territoire où l'accès aux établissements de soins doit être « acceptable » mais le seuil n'est pas définit. La spécialisation de chaque établissement de santé est prise en compte. Ce travail en réseau a comme objectif de « soigner mieux et à moindre coût » en regroupant les moyens financiers et humains53.

En France, le choix est au regroupement des hôpitaux de proximités, les consultations post-natales se répartissent selon le maillage territorial mis en oeuvre dans la région. Les consultations ont lieu dans les CPP, les PMI, les maternités ou en villes comme je l'ai expliqué précédemment dans mon mémoire. Les accouchements sont donc réalisés à la maternité située dans ce maillage, sauf cas particuliers. L'organisation et les politiques de territoires sont différentes selon les pays, par exemple aux Pays-Bas : « les accouchements à domicile se font beaucoup plus, ils ont un SAMU obstétrique » tel que l'explique Monsieur Labbé, gynécologue à Vire. Selon lui, cela est possible dans ce pays

53 www.ars.sante.fr

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car « ils acceptent l'aléa thérapeutique et ils acceptent le handicap des enfants, c'est pas du tout la même mentalité. Ici en France, le handicap doit être jugé financièrement, c'est très compliqué car il y a peu de structures et d'aides au handicap, on a plus de pressions médico-légale puisque c'est ça qui fait peur à tous les praticiens ». L'aléa thérapeutique est un accident médical où la responsabilité du professionnel et de l'établissement de santé n'est pas en faute, c'est le risque du hasard. Dans les pays nordiques, ils dissocient « l'indemnité de la responsabilité de la faute. C'est une caisse de solidarité qui règle la facture, et le cas du médecin est analysé par la suite »54. En France, un gynécologue-obstétricien doit payer une prime d'assurance de 25 000€ par an en moyenne, et de nombreuses compagnies d'assurances refusent de les assurer. En effet, en France, ce sont les dommages observés à vie qui sont retenus et non pas la possible erreur du médecin, les compagnies d'assurances ont la crainte de devoir payer à vie un individu.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand