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La fermeture des maternités en Basse-Normandie: état des lieux et causes des fermetures

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par Amélie Lamotte
Université de Caen Normandie  - Maîtrise de géographie 2017
  

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b. Le modèle dominant de l'accouchement en France : la maternité

En France, le modèle dominant pour l'accouchement est la maternité. Selon l'historienne Marie-France Morel, les femmes étaient « 53% en 1952 à accoucher à l'hôpital contre 85% en 1962 ». En 1962, 15% des accouchements se réalisaient donc à domicile. En 2005, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ne « les évaluaient plus qu'à 0,4% de l'ensemble des naissances. Ce chiffre incluant les accouchements inopinés, non-programmés à domicile ». Pour comprendre cette réduction des accouchements à domicile, Marie France Morel explique qu'au début du XXème siècle les femmes n'accouchaient pas dans un hôpital, étant donné les risques infectieux qui y étaient présents. En 1856, par exemple, « il était dix-neuf fois plus risqué d'accoucher à la maternité de Port Royal que dans le douzième arrondissement de Paris où celle-ci était située » 15. De nombreuses mères trouvaient la mort dans les hôpitaux, notamment due aux infections post-natales.

15 Kammerer B., « L'accouchement à domicile est-il une hérésie? », in Slate, Parents et Enfants, le 11 juillet 2017

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Aujourd'hui, la priorité des différents organismes de la santé est de regrouper les accouchements dans des grandes maternités par mesure de sécurité. Ainsi, cela éviterait les complications et les décès tragiques. Le problème des accouchements dans les hôpitaux « infectés » au début des années 1900 s'est interverti, désormais les accouchements à domicile (AAD) sont vus comme dangereux et insensés par certains. De plus, de nombreuses sages-femmes sont incriminées par les différents conseils de l'ordre départemental et voire, par leurs confrères gynécologues-obstétriciens lorsqu'elles pratiquent l'AAD. Elles sont également délaissées par les assureurs qui considèrent que le risque est trop élevé. Les assureurs estiment le risque de ces sages-femmes en comparaison avec un obstétricien s'occupant de grossesses très pathologiques, mais les sages-femmes qui pratiquent ces accouchements à domicile s'occupent exclusivement de grossesses à bas risques. En effet, le coût de l'assurance professionnelle se situe entre 19 000 euros et 25 000 euros par an lorsque l'on est sage-femme et que l'on réalise des accouchements à domicile. Une sage-femme gagne environ 23 000 euros par an de salaire, ce qui n'est pas assez pour couvrir une telle assurance. Selon Hélène Sautriau, (sage-femme pratiquant l'AAD dans le département des Alpes-de-Haute-Provence), c'est « une question politique, une histoire de pouvoir médical. Si la femme découvre le pouvoir qu'elle a en elle pour accoucher, elle prendra le pouvoir sur la naissance, et ça ne plaît pas à certains praticiens ». Elle ajoute toutefois que « la demande des parents et l'expérience de certains soignants » pourront faire changer les pratiques du monde médical. L'appellation de « Chasse aux sorcières » est utilisée par des militants de l'AAD, car bien que la pratique de l'accouchement à domicile soit légale, elle est exposée comme une infraction. En Basse-Normandie par exemple, il n'y a pas de sages-femmes pratiquant l'accouchement à domicile.

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Néanmoins, interdire les accouchements à domicile aux femmes le désirant revient à ce que les pouvoirs publics atteignent les libertés des futurs parents. Des sages-femmes continuent d'effectuer des accouchements à domicile sans assurance. D'après elles se sont des obligations qui depuis 2002 ont comme seul but de les entraver et de limiter le recours à ces accouchements. En effet, elles encourent 45 000 euros d'amendes et la radiation de l'ordre des sages-femmes en cas de problème16.

Pour compenser cette interdiction « dissimulée » de l'accouchement à domicile, des maisons de naissances ont vu le jour en France début 2016. Ce sont des structures gérées par les sages-femmes et qui privilégient les accouchements physiologiques (c'est-à-dire à bas risque, à l'inverse de pathologique qui désigne les grossesses à risques : diabète, jumeaux, hypertension, etc.). Seulement, ces « maisons » doivent être accolées à une maternité en cas de complications majeures. Ce qui limite le caractère « naturel » et autonome selon certains.

Le modèle choisit en France se caractérise par l'accouchement conventionnel en maternité. Dans d'autres pays tels que les Pays-Bas, il y a une coexistence de plusieurs modèles d'accouchements. En 2005, une femme sur six donnait naissance à son enfant à domicile17. Dans ce pays, la part des naissances à domicile a diminué de quatorze points entre 2005 et 2013, passant de 30% à 16%. L'obligation faite aux sages-femmes pour pouvoir réaliser des accouchements à domicile est qu'elles doivent « être sûr de pouvoir être en moins de quarante-cinq minutes dans la salle de naissance d'une maternité » (Franka Cadée, responsable des échanges internationaux à l'Organisation royale des sages-femmes néerlandaises (le KNOV)). De plus, Madame Cadée ajoute que les Pays-Bas sont un « petit pays, très plat, sans montagne et très bien organisé. Il est très facile de

16 www.ordre-sages-femmes.fr

17 Durand A-A., « Les Pays-Bas, le pays où les femmes accouchent encore chez elles », in Le Monde, Société, 22 août 2016.

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circuler comme on le souhaite ». J'ajoute que la France fait plus de 550 000 km2 de superficie contre 41 000 km2 pour les Pays-Bas, soit treize fois moins. Le climat, le relief et les infrastructures routières ne sont pas non plus semblables. J'ai tout de même choisi de comparer ces deux pays pour souligner que des alternatives à l'accouchement en maternité étaient possibles.

En France, l'accouchement à domicile par les sages-femmes peut sembler dépassé et n'est pas dans les moeurs de différents praticiens. Par exemple, des gynécologues se demandent comment peut-on se passer « d'instruments médicaux tels que le monitoring, qui mesure l'activité cardiaque du bébé ». Ils s'interrogent : « Comment les sages-femmes sauront si tout se passe bien ? Elles le feront avec leur stéthoscope, comme au XIXème siècle ? » (Bertrand de Rochambeau, Président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français). Ce médecin pense que c'est un « retour en arrière concernant la gestion de la douleur ». Selon lui, les femmes ne peuvent pas accoucher sans médicalisation, au risque de souffrir énormément : « avant la péridurale, les accouchements étaient des salles de pleurs. J'ai vu des femmes souffrir ». Deux systèmes de la médecine s'affrontent, le premier basé sur l'acceptation de la douleur et de l'accouchement physiologique : « laisser faire la nature » ; et le second basé sur la médicalisation et la limite de la douleur, plutôt artificiel.

Ces deux doctrines ne modifient pas pour autant le nombre de naissances en France. En 2013, près de 810 000 naissances domiciliées sont recensées en France métropolitaine selon l'INSEE. En 2016, elles sont de 785 000 naissances (Figure 4 ci-dessous).

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Auteur et source : A. LAMOTTE, 2017, INSEE

Figure 4: Le nombre de naissances en France Métropolitaine depuis 1990

Cette légère diminution peut s'expliquer par le fait que les Françaises ont leur premier enfant de plus en plus tard. En effet, l'âge moyen des mères est de trente ans et demi en 2016 alors qu'il était de vingt-huit ans en 1988. De plus, les femmes ont un intervalle de temps plus court pour avoir des enfants (entre trente ans et quarante-cinq ans aujourd'hui contre vingt ans et quarante-cinq ans en 1988). Le nombre d'enfants potentiel par femme diminue et la période pour concevoir un enfant n'est plus que de quinze ans contre vingt-cinq précédemment. À titre d'exemple, en 2013, plus de la moitié des nouveau-nés (52%) avaient des parents âgés d'au moins trente ans. Ainsi, le nombre de naissances en France stagne et le nombre d'enfants par femme a tendance à diminuer. L'indicateur conjoncturel de fécondité s'établit à 1,93 enfant par femme en 2016, contre 1,96 en 2015, et 2 en 2014. Cette baisse est particulièrement marquée chez les femmes âgées de vingt-cinq à vingt-neuf ans, et n'est plus compensée par une augmentation de la fécondité aux âges plus élevés comme les années précédentes. La diminution du nombre d'enfants par femme peut également provenir de la baisse du nombre de femmes en âge de procréer, les femmes nées lors du baby-boom (1945-1975) sortent progressivement de cette tranche d'âge de fécondité18. La tendance actuelle de la fécondité en France est que les femmes attendent environ trente ans avant d'avoir leur premier enfant et en ont généralement deux au total.

18 www.insee.fr

En outre, en France, la durée du séjour à la maternité lors d'un accouchement est de quatre à huit jours selon le département et le type d'accouchement. La durée moyenne est estimée à 4,2 jours. Ce chiffre est supérieur à de nombreux autres pays (voir la figure 5 ci-dessous).

Source : Statistiques de l'OCDE sur la santé 2013.

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Figure 5: Durée moyenne de séjour pour un accouchement sans complications

En effet, pour un accouchement sans complication, « le seuil minimum [du séjour] en France est de trois jours » selon la Haute Autorité de Santé (HAS). Cette dernière préconise que « la sortie standard de la maternité se fasse entre soixante-douze heures et quatre-vingt-seize heures (soit trois-quatre jours) après un accouchement par voie basse, et entre quatre-vingt-seize heures et cent-vingt heures (quatre à cinq jours) après un accouchement par césarienne, pour la naissance d'un nouveau-né unique et sans

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complications ». Les parturientes peuvent également choisir un retour rapide au domicile lorsque l'accouchement s'est bien déroulé, c'est ce que l'on nomme le PRADO (Programme d'Accompagnement du Retour à Domicile). Ce programme vise à « faire sortir plus tôt les jeunes mamans des maternités en contrepartie d'un accompagnement à domicile par des sages-femmes libérales19». Ce dernier permet de répondre à la demande de certaines mères qui souhaitent être accompagnées après la naissance à leur domicile plutôt qu'en structure hospitalière.

La durée du séjour diminue au fil des années grâce à l'amélioration et les progrès de la médecine, les dépistages préventifs sont plus nombreux et surtout, les techniques ont évolué. La durée de séjour varie selon les pays et l'organisation des soins sur leurs territoires. Les Néerlandaises ne restent à la maternité que deux jours, c'est deux fois moins que les Françaises (voir figure 5). Aux Pays-Bas, lors d'un accouchement normal, les femmes restent « seulement quatre heures à l'hôpital, et trois jours en moyenne pour une césarienne20 ». C'est peu comparé à la France (cinq jours en moyenne). Si les femmes restent peu de temps à la maternité, c'est parce qu'une alternative à la structure hospitalière est mise en place dans ce pays. Les femmes sont suivies à leurs domiciles par des aides-soignantes spécialisées nommées kraamzorg. À la différence de la France, « les bébés en bonne santé ne voient pas de pédiatre à la naissance » se sont exclusivement les kraamzorg qui s'en occupent. Ces dernières ne sont pas des sages-femmes, mais elles sont sous leur responsabilité en cas de problème.21

19 http://www.onssf.org

20 Durand A-A ., « Aux Pays-Bas, accoucher à domicile n'est pas un projet alternatif, c'est juste normal », in Le Monde, Société, 22 août 2016.

21 Durand A-A ., « Aux Pays-Bas, accoucher à domicile n'est pas un projet alternatif, c'est juste normal », in Le Monde, Société, 22 août 2016.

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En effet, lors de l'arrivée du nouveau-né, l'accouchement n'est pas le seul moment de satisfaction recherché par la mère ; la qualité de la prise en charge, la disponibilité et l'écoute du personnel, le sentiment de sécurité et le suivi postnatal sont tout autant des éléments qui participent au bien-être des femmes et aux parents en général. C'est ce qui est déploré dans les grandes structures : le manque de proximité avec les futurs parents. Les restructurations en cours dans toute la France par les politiques de santé tendent vers la réalisation de grands plateaux techniques au détriment des petites maternités.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore