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La fermeture des maternités en Basse-Normandie: état des lieux et causes des fermetures

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par Amélie Lamotte
Université de Caen Normandie  - Maîtrise de géographie 2017
  

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c. Les restructurations des maternités

En France, comme je l'ai souligné précédemment, le modèle dominant pour donner naissance à un enfant est l'accouchement en maternité. Cependant, le paysage de celles-ci s'est fortement modifié ces quarante dernières années.

Premièrement, en 1972, le décret Dietrich entraîne la fermeture des maternités tenues par des sages-femmes (la maternité de Bénouville dans Calvados, tenue par des sages-femmes ferme ses portes en 1973, après la mise en application de ce décret par exemple). Seules les maternités avec des médecins subsistent.

En 1998, deux décrets (les numéros 98-899 et 98-900) concernant les établissements de santé publics et privés qui pratiquent de l'obstétrique modifient le Code de la santé publique (Legifrance). Ces décrets prévoient que les établissements qui perdent leurs autorisations obstétriques deviennent des « Centres Périnataux de Proximité » (CPP), (ce sont des établissements où les parturientes peuvent venir effectuer des consultations pré et post-natales). Ils prévoient la présence de sages-femmes dans ces centres, et au moins un gynécologue-obstétricien, certains centres disposent même de pédiatre et de psychologue pour les futurs parents. .

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Dans ces décrets, un minimum de quinze lits par structure est requis afin de poursuivre l'activité. Progressivement, des « normes de plus en plus strictes d'encadrements » sont prises22. Ces prescriptions entraînent des changements à la fois internes et externes au niveau de l'organisation des établissements de santé, et la fermeture des petits établissements (avec moins de quinze lits).

D'autre part, ces décrets conduisent vers une nouvelle organisation des maternités en trois niveaux de soins :

- Le niveau 1 concerne les maternités avec uniquement une unité d'obstétrique et disposant au minimum de quinze lits. Elles s'adressent aux nouveau-nés sans complications majeures.

- Le niveau 2 correspond aux maternités composées d'une unité d'obstétrique et d'une unité de néonatalogie (pour les prématurés).

- Le niveau 3 est accordé aux maternités comportant : une unité d'obstétrique et une unité de néonatalogie, mais aussi une unité de réanimation néonatale qui permet d'assurer des actes spécialisés à un nourrisson qui présenterait une détresse sérieuse ou un risque vital.

L'offre de soins en maternité a donc était fortement restructurée : « la plus large recomposition conduite à ce jour dans le système hospitalier français »23. Ces règles plus strictes ont entraîné une diminution de 20% des maternités entre 2002 et 2012. Les fermetures ont concerné majoritairement les petites maternités. C'est cette restructuration qui a modifié le paysage des maternités en France et a entraîné leur diminution. L'objectif de ces mesures était de rendre l'acte de l'accouchement plus sûr, en

22 Despres P., Guerer A et Yon A ., « La santé observée en Basse-Normandie, Autour de la naissance », ORS, 2015

23 Rapport d'information du Sénat 2014-2015, La situation des maternités en France, 2015, Paris.

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privilégiant des maternités moins nombreuses, mais mieux équipées au niveau du plateau

technique.

Figure 6: Evolution du nombre d'établissement et de lits en France

Entre 1996 et 2012, (voir le tableau ci-dessus) un tiers des maternités ont fermé. Le nombre de lits a également diminué considérablement entre les années 1996 et 2002 (27%). Le nombre de maternités quant à lui, a particulièrement diminué entre 2002 et 2012 (-20%). Cela signifie que le nombre de lits a baissé dans un premier temps puis, celui des maternités dans un second temps. En effet, le recul des maternités et du nombre de lits atteint 33% en seize ans (1996-2012). Enfin, le nombre de lit par structure est en moyenne à trente-deux lits24 en 1996 contre trente-trois lits25 en 2012, peu de changements donc.

J'en conclus qu'une fermeture de maternité n'entraîne pas une augmentation de lit dans les autres maternités car la moyenne de lits par maternité reste stable. La suppression des petites maternités n'a pas contraint les plus grandes maternités à s'agrandir.

24 (26 159/815=32,1)

25 (17 733/544=32,6)

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Comme le souligne le rapport de la DREES26 (Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques), ce sont les maternités de type 1 qui sont les plus touchées par les fermetures. Ces petites maternités n'avaient pas assez de lits pour continuer d'exercer, tel que l'imposaient les décrets de 1998. Elles ont donc été les premières touchées.

En 2010, on dénombre cent-cinquante-deux maternités de type 1 en moins sur le territoire français qu'en 2001. Certaines de ces maternités se sont reconverties en centres périnataux de proximité (CPP) et sont destinés à l'offre locale. Ces centres ne réalisent pas d'accouchement, mais des consultations pré et postnatales, et des cours de préparation à la naissance. Ils entrent dans les « objectifs du Plan périnatalité 2005-2007, et permettent

Figure 7: Le nombre de maternités en France depuis 1972

26 Baillot A., Evain F., « Les maternités : un temps d'accès stable malgré les fermetures » in Etudes et résultats Drees, N°814, Octobre 2012.

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de maintenir une offre périnatale de proximité, en lien avec les services de protection maternelle et infantile (PMI) et les sages-femmes libérales ».27

Le graphique ci-dessus illustre le fait que malgré une courbe des naissances plutôt stable (environ 800 000 par an), le nombre de maternités en France a lui décliné considérablement : de 1747 maternités en 1972 à 545 en 2012. Soit une diminution de 68%, plus de la moitié des maternités ont donc fermé sur cette période. Entre 1972 et 1996, la diminution des maternités est de l'ordre de 53 % alors qu'entre 2000 et 2012, la diminution est de 22%. Certes, l'étendue des périodes est différente, mais elle permet d'évaluer la tendance. La fermeture des maternités n'est pas une tendance récente, elle est amorcée depuis plus de quarante-cinq ans. En effet, depuis la création des niveaux de maternité, on remarque que ce sont les structures les moins techniques, soit de niveau 1 qui sont touchées (avec une diminution de 42% entre 2000 et 2012).

Les fermetures des petites maternités sont également le résultat d'un manque de praticiens et/ou d'incidents nécessaires lors d'un accouchement, l'un pouvant entraîner l'autre. Le recrutement de médecins, particulièrement des anesthésistes (en raison de leur pénurie) apparaît comme la raison principale des nombreuses fermetures. L'ARS préconise qu'une maternité où les naissances sont inférieures à mille par an possède sur place, ou d'astreinte, au moins : une sage-femme, un pédiatre, un anesthésiste et un gynécologue-obstétricien. Et cela, 24/24h et toute l'année. Cette contrainte a fait fuir les médecins des petites structures car leurs gardes sont plus fréquentes étant donné qu'ils sont peu nombreux.

27 Baillot A., Evain F., « Les maternités : un temps d'accès stable malgré les fermetures » in Etudes et résultats Drees, N°814, Octobre 2012.

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Le développement de la médecine est aussi une cause de ces fermetures en France. L'accouchement est devenu un acte considérablement médicalisé pour la sécurité et le confort des parturientes. La péridurale est l'exemple même. « Cette anesthésie locale, qui réduit les douleurs de l'accouchement, est apparue au début des années 1980 de manière confidentielle (moins de 4 % des naissances) »28. Elle s'est développée très rapidement et a été remboursée par la Sécurité sociale en 1994. En 2012, la péridurale est utilisée pour 76 % des naissances. Sur le graphique (voir ci-dessous, figure 8), le remboursement de la péridurale par la Sécurité Sociale en 1994 se perçoit, elle gagne 42 points entre 1981 et 1994, le confort lors de l'accouchement est meilleur et moins douloureux pour les femmes.

Figure 8: Hausse de la médicalisation lors de l'accouchement

28 Durand A-A ., « Pourquoi le nombre de maternités a été divisé par trois en quarante ans ? », in Le Monde, les décodeurs, 1 avril 2016.

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La médicalisation de l'accouchement peut se voir par le nombre de césariennes réalisées. Selon une étude de l'Inserm, un quart des césariennes pourraient être évitées29. En effet, « 28% des césariennes avant travail étaient potentiellement évitables en 2010 » ce qui représente environ 24 000 interventions chaque année. Les déclenchements (injections d'hormones ou mécaniquement) ont doublé en trente ans. Bien que certaines césariennes soient réalisées pour des raisons médicales, d'autres seraient faites par « convenance ». Cette médicalisation n'est pas assez remise en cause selon la Haute Autorité de la Santé (HAS). D'après elle, les femmes ne seraient pas suffisamment au courant du fait qu'elles peuvent refuser un déclenchement, et même une péridurale30. Le terme de violence obstétricale est souvent retenu pour parler de ces divers abus.

Dans un article du journal Le Monde31, Franka Cadée, responsable des échanges internationaux à l'Association royale des sages-femmes néerlandaises (KNOV), explique qu'aux Pays-Bas, même « à l'hôpital, le recours à l'anesthésie péridurale reste marginal » (18 %, contre 76 % en France). En France, l'objectif est de créer des grands plateaux techniques performants comme la Suède. Cependant, en Suède32, la part de césarienne est inférieure à la France avec 17,5% en 2015, alors que les accouchements sont réalisés dans de grandes structures. La médicalisation de l'accouchement est donc encore très présente en France.

L'offre hospitalière a connu des recompositions importantes dans sa globalité, celles-ci se sont traduites par des regroupements, des transferts, voire des fermetures de services.

29 www.epopé-inserm.fr

30 Durand A-A ., « Pourquoi le nombre de maternités a été divisé par trois en quarante ans ? », in Le Monde, les décodeurs, 1 avril 2016.

31 Durand A-A ., « Aux Pays-Bas, accoucher à domicile n'est pas un projet alternatif, c'est juste normal », in Le Monde, Société, 22 août 2016.

32 http://swedishhospital.com

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Cependant, malgré la concentration de l'offre de soins, les femmes ne mettent pas plus de temps pour se rendre à la maternité : en 2001, la moitié des femmes accèdent à une maternité en moins de dix-sept minutes. La part des accouchements réalisés à plus de trente minutes du domicile est stable (23 %). En effet, le seuil « jugé souhaitable » dans le Schéma régional d'organisation des soins (SROS) est de trente minutes. Il conviendrait de mettre à jour ces chiffres, afin d'analyser l'état actuel de l'accessibilité de l'offre de soins depuis 2010, car de nombreuses fermetures ont eu lieu depuis. En 2008, un sondage révèle que « 17% des Français avaient été contraints de renoncer à des soins en raison de motifs liés à l'éloignement géographique », des inégalités d'accessibilité géographique persistent.

De plus, l'hôpital est souvent le premier employeur de la ville (de l'agent d'entretien au chirurgien par exemple), il fait « rayonner une ville de la même façon que l'université ». Selon S. Fleuret33 , « le secteur hospitalier n'échappe pas au mouvement global de concentration des entreprises et de recherche d'économie d'échelle, [c'est-à-dire qu'on] a cherché à supprimer les activités faisant doublon, ou à regrouper les structures qui les proposaient. Les maternités ont connu ces restructurations tout autant ». En effet, certaines ont vu leurs activités se transformer en centre périnatal de proximité (CPP), alors que d'autres ont fermé définitivement et ont cédé la place à une activité différente de celle de l'obstétrique, telle que des soins ambulatoires ou du long séjour gériatrique. La comparaison peut être faite avec les écoles qui ferment en France sous le terme de la démographie ou des politiques publiques.

33 Fleuret S., « Spécialisations hospitalières et centralité », Données urbaines, vol 4., 2003, Anthropos, Cnrs, Insee, p. 367-375.

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Ainsi, le système de santé en France et sa sécurité sociale sont mis en place afin de se rapprocher au plus près de l'équité voulue, au niveau du financement des soins réalisés sur tout le territoire français. Malgré tous, des inégalités au niveau de l'accès aux soins subsistent : le relief, l'étendue du territoire français et les restructurations réalisées qui font que des services ont fermé peuvent en être la raison.

De plus, les moeurs et les doctrines des médecins, mais également des citoyens sont différents d'un pays à un autre. En France, l'acceptation de l'accouchement à domicile (AAD) n'est pas encore à l'ordre du jour dans tous les départements, c'est plutôt l'accouchement médicalisé en hôpital qui est le plus souvent pratiqué, pour la sécurité des patientes et de leurs enfants.

Les restructurations des maternités sont le résultat de décrets, celui de Dietrich en 1972 et ceux de 1998 notamment. Enfin, l'ex-région Basse-Normandie est l'une des dernières régions à avoir mis en place cette réorganisation agencée depuis plusieurs années dans les autres régions. Cela pourrait expliquer les fermetures nombreuses et récentes.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille