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Accord cadre d'Addis-Abeba : analyse de l'incidence sur la RDC six ans après.


par Modeste Keta Ibutshi
Université Nationale Pédagogique - Licence en relations internationales  2018
  

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III.1.4 Réconciliation, respect des Droits humains et démocratisation

1.Réconciliation

La reprise des combats dans le Nord-Kivu et la persistance de l'insécurité dans le Sud-Kivu et en Ituri continuent d'exacerber aujourd'hui les tensions entre les communautés de ces régions ; paradoxalement, aucun processus de réconciliation ne fonctionne depuis 2006 pour en atténuer les effets et tenter de résoudre les conflits.

Depuis l'adoption de la nouvelle Constitution, il n'existe plus d'instance nationale de réconciliation. En 2006, les constituants ont, en effet, décidé de ne pas reconduire, dans le nouveau texte constitutionnel, la « Commission vérité et réconciliation » qui avait fonctionné, avec plus ou moins de bonheur, pendant la Transition (2003-2006). Ils se fondaient sur l'analyse selon laquelle la longue période de déstabilisation que le pays venait de traverser n'était pas due à un antagonisme entre communautés congolaises, mais bien à une agression des pays voisins, du Rwanda principalement. Dès lors, puisque les troupes étrangères avaient quitté le pays et qu'un accord de paix avait été signé avec les rebellions, personne ne pensait qu'il fut utile de mettre en place une nouvelle commission chargée de réexaminer ces années de troubles, d'établir la vérité des faits et de rechercher les responsables des horreurs commises. La proposition de certains experts internationaux en faveur de la création d'une telle institution ne trouva pas de majorité au sein des comités parlementaires chargés de rédiger la constitution de la nouvelle République et le projet fut donc abandonné.

Au niveau provincial, la Conférence de paix des Kivu, organisée à Goma en janvier 2008, avec l'aide de la MONUC, qui avait réuni 1400 représentants de toutes les parties en conflit dans les deux provinces, avait eu l'avantage d'identifier les problèmes et d'amorcer un processus de réconciliation. La multiplicité des causes de la crise avait correctement été mise en lumière : problème d'identité communautaire et difficulté de cohabitation, notamment avec les populations Rwandophones d'origine Tutsi, litiges fonciers dus aux guerres et aux mouvements de population, difficultés liées au retour des réfugiés, question du contrôle des trafics transfrontaliers et de l'exploitation illicite des ressources minières, conflits liés a l'administration locale, impunité des auteurs de crimes, etc. Des procédures de suivi étaient prévues par le document final et les plaçaient sous la supervision de deux « commissions techniques » chargées de l'application des engagements pris. La communauté internationale était associée à ce suivi.

Ces procédures n'ont malheureusement pas fonctionné. En effet, au lendemain de cette Conférence, l'accent a surtout été mis sur le volet militaire (intégration des combattants du CNDP et opérations militaires conjointes contre le FDLR) ainsi que sur les programmes de stabilisation/développement (ISSS et STAREC) qui ont mobilisé d'importantes ressources sans généralement se traduire par des dividendes réels au profit des populations.

La mobilisation des moyens « politiques » indispensables pour faire avancer concrètement la réconciliation et diminuer les tensions n'a pas eu lieu, pour trois raisons principales : d'abord, le désintérêt affiché du gouvernement congolais pour la réconciliation ; une fois réglé le problème de la rébellion du CNDP, il s'est, en effet, surtout préoccupé de la réélection de Joseph Kabila et de la « préparation » des élections. Le désengagement politique de la

MONUC qui avait commencé dès la prise de fonctions de Kabila, en décembre 2006 et qui s'est accentué sous les mandats des Représentants spéciaux Alan Doss (2007-2010) et Roger Meece (2010-2013) concourt fortement à l'échec du processus. Enfin, le fait que les procédures de suivi ne prévoyaient l'implication ni des élus provinciaux, pourtant mobilisables, ni des élus locaux qui n'existaient pas puisque les élections locales, n'avaient pas été organisées privait la réconciliation de l'intervention d'acteurs de terrain légitimes et indispensables. La faillite électorale de 2011 a donné le grâce à l'ensemble de l'édifice.

Les combats qui se sont déroulés pendant plus d'une année entre FARDC et M-23, dans le Nord-Kivu, ont à l'évidence accrue les tensions entre communautés. Le M-23, encadré majoritairement par des officiers d'origine Tutsi et soutenu par Kigali, est perçu par les autres communautés (Nande, Hunde, Shi, Nyanga, Hutu, etc.) comme l'instrument d'un complot plus vaste, ourdi par le gouvernement rwandais, pour s'emparer de la province et en chasser les « autochtones » au profit des populations rwandophones, Tutsi et Hutu.

A la périphérie de cet antagonisme majeur, se déroulent des affrontements qui sont quelquefois plus meurtriers que les premiers, même s'ils ne sont pas aussi médiatisés. Il s'agit généralement d'affrontements directs de groupes armés entre eux, pour le contrôle de zones d'exploitation minière (Walikale, Pinga), d'itinéraires utilisés pour l'évacuation des minerais vers le Rwanda (Axe Walikale - Masisi) ou de routes menant à des postes frontaliers importants (Walikale-Kalehe et Walikale-Bukavu). Toutefois, les milices étant toujours constituées sur des bases ethniques, les raids meurtriers contre les villages et les populations font partie de l'arsenal des moyens d'intimidation et de domination largement utilisés.

Les principaux groupes77(*) concernés par ces constantes agressions sont : le NDC (Nduma Defense of Congo) aussi appelé Maï-Maï Sheka du nom de son chef, Ntabo Ntaberi Sheka, essentiellement constitué de jeunes de l'ethnie Nyanga ; l'APCLS (Alliance pour un Congo Libre et Souverain) dirigé par le « général » Janvier Karahiri qui rassemble des combattants Hunde ; cette milice aurait participé aux récents combats contre le M-23 aux cotés des FARDC ; le groupe Maï-Maï Nyatura souvent allié aux rebelles Hutus des FDLR qui est actifs sur les deux provinces, entre Kalehe et Masisi ; le groupe Maï-Maï Raïa Mutomboki, né en 2005, dans le Territoire de Shabunda, au Sud-Kivu, il a étendu ses exactions au Nord-Kivu et cible en priorité la communauté Hutu. Selon Human Rights Watch78(*), ces attaques auraient fait plus de 1000 morts depuis le début de l'année 2013.

La principale conséquence de l'absence de processus de réconciliation efficaces et de la poursuite de ces attaques et affrontements, c'est le déplacement des populations qui reste le problème humanitaire le plus sérieux à l'Est de la RDC, dans les deux Kivu en particulier. OCHA79(*) enregistrait au 25 octobre 2013, plus d'un million de personnes déplacées internes (PDI) au Nord-Kivu, les Territoires de Masisi et Walikale comptant à eux seuls plus de la moitié des déplacés (respectivement 32% et 24%). Au Sud-Kivu, malgré un certain nombre de retours, le chiffre était de 591 000, à la même date, avec une situation très mauvaise dans les Territoires de Shabunda et Kalehe.

2. Répression politique

Selon le rapport 2013 d'Amnesty International, « les arrestations et détentions arbitraires demeuraient généralisées dans tout le pays. Les services de sécurité, en particulier la police nationale, le renseignement, l'armée et la police de l'immigration, procédaient à des arrestations arbitraires et extorquaient fréquemment de l'argent ou des effets de valeur à des civils lors d'opérations de maintien de l'ordre ou sur les lieux des postes de contrôle ».

Pendant la période qui a suivi les élections de 2011, de nombreux opposants politiques ont été arrêtés arbitrairement et la liberté politique sévèrement restreinte ; alors que le M-23 gagnait du terrain à l'Est, la répression politique a plus particulièrement visé les journalistes. Des stations de radio, des chaînes de télévision et des journaux ont été suspendus arbitrairement par les autorités. Des locaux d'organes de presse ont étéla cible d'incendies volontaires, entre autres dégradations. Les auteurs de ces attaques n'ont jamais été identiiés. Le 30 novembre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication a interrompu le signal de transmission de Radio Okapi80(*) à Kinshasa, sans avertissement préalable, à la suite de la diffusion d'une émission où un porte-parole du M23 était interviewé. Human Rights Watch cite dans son dernier communiqué 84 cas d'emprisonnement pour motifs politiques et continue de réclamer une véritable enquête sur les évènements survenus entre décembre 2011 et janvier 2012 à l'occasion des élections présidentielles et législatives. Selon un nouveau décompte, 57 personnes seraient mortes à Kinshasa et 150 environ portées disparues pendant cette période.

Trois députés sont actuellement détenus, sans qu'aucun vote demandant la levée de leur immunité n'ait eu lieu à l'Assemblée nationale. Il s'agit de Messieurs Diomi Ndongala (DC81(*)), Adolphe Onusumba (ex-RCDG82(*) ayant rallié la Majorité Présidentielle) et Muhindo Nzangi (MSR83(*)). Les deux premiers sont accusés de viol et le troisième d'atteinte à la sécurité de l'Etat à la suite d'une interview donnée à une radio de Goma. Apparemment, tous trois ont fait l'objet d'une procédure de « lagrant délit » qui autorise l'inculpation et l'emprisonnement sans levée de l'immunité parlementaire.

M. Diomi est un opposant de longue date du Président Kabila et un soutien d'Etienne Tshisekedi dont il continue d'afirmer qu'il a gagné l'élection présidentielle de 2011 ; M. Onusumba, originaire de Lodja au Kasaï oriental, est, depuis la Transition, en compétition pour le poste de députe de cette circonscription avec le porte-parole du gouvernement,

Lambert Mende qui serait à l'origine de son arrestation ; M. Nzangi est un Nande qui, quoique député de la Majorité, conteste le pouvoir du gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, lui-même Nande et protégé du Chef de l'Etat.

Pierre-Jacques Chalupa, ancien député, proche de la Majorité Présidentielle, a, quant à lui écopé de 36 mois d'emprisonnement pour « usurpation de la nationalité congolaise », après qu'il se soit présenté, en novembre 2011, a la députation sur la liste d'un parti soutenant l'opposant Etienne Tshisekedi.

Le 24 novembre 2013, Lajos Bidiu, président provincial du MLC pour la province du Bas-Congo, a été abattu par trois hommes armés à Kinshasa. C'est le troisième haut responsable du Mouvement fondé par JP Bemba qui est assassiné au cours des dernières années. Marius Gangale, député provincial de Kinshasa, avait été tué en novembre 2011 et Daniel Botethi, vice-président de l'Assemblée provinciale de Kinshasa, en juillet 2008.

* 77On trouvera en annexe une liste des groupes armés actifs à l'Est de la RDC, réalisée par IRIN (Integrated Regional Information Network).

* 78Interview de Mme Ida Sawyer, représentante de HRW en RDC, 4 septembre 2013.

* 79Bureau des Affaires humanitaires des Nations-Unies.

* 80Projet commun de l'ONU et de la Fondation suisse « Hirondelle », Radio Okapi diffuse, depuis 2001, des programmes pour la paix et peut être considérée comme la radio oficielle de la MONUSCO.

* 81Démocratie Chrétienne.

* 82Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma, mouvement politico-militaire soutenu par le Rwanda et a l'origine de la rébellion de 1998 contre le régime de L.D. Kabila.

* 83Mouvement Social pour la République, dirigé par Pierre Lumbi qui est un proche du Chef de l'Etat ; le MSR fait partie de la Majorité Présidentielle.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe