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Etudes littéraires sur l’Erotika Biblion. Quand l’ironie sème le doute.


par Sylvain Haure
UNIVERSITE PAUL VALERY, Montpellier III - MASTER II Littérature française et comparée 2019
  

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Le Mensonge des mots

Comme nous l'avons indiqué précédemment, « L'Anoscopie » contient la dernière occurrence d'une intervention directe de la Compagnie de Jésus dans la démonstration. Cette anecdote, qui prend la forme d'un poème en vers, est introduite par le bref exposé des charlatans rapportés par la Bible, qui se serviraient de la superstition pour tromper le peuple et faire en sorte que leur parole soit assimilée à celle de Dieu. Mirabeau rapproche donc les jésuites des charlatans par le fait qu'ils croient tous sincèrement être des élus de Dieu qu'une foi aveugle protège du mauvais sort par des miracles et que leurs mensonges, qu'ils en soient conscients ou non, ne sont pas condamnables s'ils servent l'oeuvre de Dieu. On aurait aussi l'impression que ce n'est plus l'opinion commune, les bonnes moeurs, que Mirabeau cherche ici à atteindre. Ce chapitre ridiculise les jésuites par deux anecdotes : l'étrange baromètre jésuite, et l'élévation d'un novice jésuite pour avoir forniqué avec un Juif dans le but de le convertir. Il faut donc que Mirabeau estime que ces histoires ont un rapport avec la correction des bonnes moeurs ; et c'est dans l'influence dont dispose la Compagnie de Jésus que se trouve l'articulation philosophique permettant de lier les deux.

1 Erotika Biblion, édition critique par Jean-Pierre Dubost, éd. cit, note 131, page 139. Nous proposons aussi au lecteur de regarder à l'article « ARUSPICE » à titre purement informatif.

Une Spiritualité indéterminée - 87

effectivement déroulés. Il faut noter que Mirabeau a dû s'inspirer en grande partie sur l'article « CLYSTERE » de l'Encyclopédie, comme l'a souligné J-P Dubost dans un rapide commentaire1. Cette affaire tournait autour du choix du mot qu'il fallait employer pour désigner le traitement contre les problèmes intestinaux, et notamment les hémorroïdes. On désignait en général ces maladies sous le nom de cristalline dont nous avons déjà dit un mot précédemment.

Les Jésuites qui voyaient que le mot ignoble de lavement avait succédé à celui de clystère, gagnèrent l'abbé de S. Cyran, et employèrent leur crédit auprès de Louis XIV, pour obtenir que le mot lavement soit mis au nombre des expressions déshonnêtes [...]. On substitua donc le mot remède à celui de lavement. Remède comme équivoque parut plus honnête, et c'est bien là notre genre de chasteté. [« L'Anoscopie » ; page 167]

Par la consistance du mot remède, Mirabeau analyse la chasteté de la langue comme autant d'écarts à la réalité pouvant tromper le peuple. L'équivoque qui permettrait de voiler la réalité, apparaît comme la ressource de ceux qui cherchent à tromper les autres et eux-mêmes pour renforcer la foi. Plus le mot est équivoque et obscur, plus la tromperie serait grande. Et les bonnes moeurs en seraient affectées parce que l'habitude de se tromper et de tromper serait contenue dans le langage utilisé de tous. Là aussi Mirabeau guérirait le mal par le mal. Que ce soit par le dispositif éditorial - que nous avons déjà étudié - qui prête faussement l'édition de l'ouvrage à l'Imprimerie du Vatican, le titre des chapitres entretenant un jeu herméneutique sur les langues anciennes, ou tout simplement, ses inventions qui cherchent la tonalité de la véracité sans pouvoir prétendre être crédibles, l'équivoque est entretenue tout au long du texte. Seulement, Mirabeau utilise des codes littéraires bien connus des lecteurs d'alors pour masquer la fictionnalité : les fausses références d'édition étaient une pratique très répandue et les topoi du manuscrit trouvé sont tous présents dans le chapitre « Anagogie », etc... Sa tromperie est donc elle-même prise en dérision, et ce, juste pour montrer qu'il y a eu tromperie ; ce paradoxe renforce ses réflexions sur la clarté et la transparence du langage jusqu'à rendre l'Erotika Biblion plus honnête que les paroles des jésuites. Il n'y a plus qu'un pas pour ajouter l'exigence de clarté à une bonne interprétation de la Bible : plus l'interprétation serait simple et honnête, et plus elle serait dans la vérité.

Dans « le Mensonge des mots », nous avons soulevé brièvement la réflexion de Mirabeau sur l'articulation de l'équivocité du langage avec la corruption des moeurs. Or, il n'existe que deux chapitres de l'Erotika Biblion où le langage est étudié ; l'étude du langage des Saturniens dans le premier chapitre « Anagogie », et l'étude du langage en tant que témoin du dérèglement des moeurs

88 - Inspirations et ressources

dans le dernier chapitre « La Linguanmanie ». Jean Pierre Dubost considère que le premier chapitre constitue une utopie dont la réflexion sémiologique permet de révéler une cohérence philosophique dans l'Erotika Biblion avec les thèses métamorphistes. Nous proposons donc à la suite de notre étude sur la spiritualité, une réflexion sur l'importance que Mirabeau accorde au langage dans sa réflexion sur les moeurs.

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