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Etudes littéraires sur l’Erotika Biblion. Quand l’ironie sème le doute.


par Sylvain Haure
UNIVERSITE PAUL VALERY, Montpellier III - MASTER II Littérature française et comparée 2019
  

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4 - Lumières sur l'Erotika Biblion de Mirabeau

La récente découverte de la mise à l'Index1 de l'ouvrage à côté des Romans et Contes de Voltaire, et Jacques le fataliste de Diderot, relativise son importance au sein de la littérature clandestine du XVIIIe siècle2. Même si la critique censoriale en pointe les erreurs théologiques, et construit sa réponse à partir des sources détournées qu'elle a identifiées, tout un travail génétique reste à faire pour en dresser l'inventaire. Avant cela, l'ouvrage était reçu comme une curiosité, tantôt blâmée, tantôt louée3, sans qu'aucune synthèse satisfaisante n'ait encore été écrite, tant la disparité, la diversité et l'importance des propos sont disparates ; à vrai dire, en proposer une synthèse - et ne serait-ce que l'ordonner - s'approche déjà plus d'une véritable lecture interprétative que d'un résumé objectif.

Deux ans après sa détention et l'écriture de l'Erotika Biblion, Mirabeau compose un sermon dans lequel est conceptualisée La nécessité d'une autre vie et les consolations dues à l'homme juste4. On peut considérer que ses lectures au donjon de Vincennes lui ont apporté matière à réflexion pour qu'il se sente apte à disserter sur la question de l'immortalité. En un sens, ce sermon serait une maturation de l'Erotika Biblion. Il y affirme des réflexions théologiques dont les premières traces se trouvent dans l'objet de notre étude : ses considérations politiques restent inchangées, ses rapports avec les interprétations exégétiques de même, tout comme son appréciation de la vertu et de la morale. Mais les teintes sensualistes présentes dans l'Erotika Biblion sont mises à mal, et avec elles, la consistance du bonheur, de la perfectibilité et de la justice connaît un subtil remaniement. Si l'on recherche un lien significatif dans toute sa production5 et ce sermon, il faudrait commencer par la religiosité ; Mirabeau n'est pas athée, et sa foi en la révélation constitue le ciment de ses constructions théologiques. La continuité de sa production littéraire est curieuse, mais sans doute serait-ce une mauvaise lecture que de comprendre l'Erotika Biblion comme la profession de foi d'un athée amoral.

L'ouvrage a suscité l'interrogation et l'intérêt de bon nombre de savants, il les même parfois inspirés, bien qu'il n'ait jamais connu la postérité6, sûrement à cause de la censure répétée jusqu'en 1890 et à la concupiscence de son objet. Parmi ceux-là se trouve le chevalier de Pierrugues. Les

1 Cf. « Errotika Biblion », par Amadieu Jean-Baptiste et Mace Laurence, Les Mises à l'Index des Lumières françaises au XVIIIe siècle dans La Lettre clandestine, n°25, dirigée par Pierre-François Moreau et Susana Maria Seguin, éd. cit, page 19.

2 N'allons pas dire que ces oeuvres partagent la même forme de clandestinité, l'objet de l'ouvrage de Mirabeau est clandestin de lui-même.

3 Seule la lettre du 17 novembre 1784, dans la Correspondance Littéraire Secrète, Paris, 1784, salue l'intention de l'ouvrage au sujet de sa visée politique.

4 Un sermon inédit de Mirabeau sur la nécessité de l'autre vie, tome 31, Revue des Deux mondes, 1916.

5 Nous n'inclurons dans sa création proprement littéraire que les ouvrages dont Mirabeau en assume la paternité dans sa correspondance ; soit, ses traductions latines, ses traités politiques, et surtout Ma Conversion, écrit en 1780, et l'Erotika Biblion, écrit la même année.

6 La collection de la Pléiade a bien publié une anthologie en 2005 où apparaît le roman Ma Conversion de Mirabeau ; mais rien en ce qui concerne l'Erotika Biblion, pourtant très édité depuis sa première parution jusqu'à nos jours. Voy. Romanciers libertins du XVIIIe siècle, T. II, éd établie par Patrick Wald Lasowski, Bibl. de la Pléiade, 2005.

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commentaires du chevalier, publiés en 18331, doublent le volume du texte original et manifestent apparemment le désir d'en poursuivre l'esprit. Tout en apportant des illustrations denses et pertinentes au propos de l'auteur, ils assombrissent toutefois l'intention générale de l'oeuvre dans un continuum au discours initial, comme une toile de fond savante qui s'amuse à subvertir sans relâche les magistères religieux. L'ouvrage n'en est que plus curieux finalement, et ces commentaires peuvent tromper l'intention de Mirabeau ; c'est pourquoi nous ne les prendrons pas en compte lors de notre travail, pour nous contenter de l'édition princeps2. Car il y a besoin d'éclaircir le nuage opaque autour du texte et de l'intérêt qu'il suscite, ce dont témoigne d'ailleurs la réception de l'oeuvre : L'Erotika Biblion apparaît dans beaucoup de travaux universitaires. Il est souvent glissé en note de bas de page, peu relié au propos général, lors d'une supputation hasardeuse d'une source ayant servie à sa conception3, et parfois il n'apparaît pas du tout pour n'être cantonné qu'aux pages dédiées à la bibliographie. On le retrouve aussi sur les grandes ondes, dans la bouche pleine d'assurance d'un chroniqueur radiophonique, s'aveuglant sur le maquillage des références de l'édition princeps (une coutume répandue à l'époque...), pour dévoiler les raisons obscures de sa publication par l'imprimerie du Vatican4 . Les exemples sont nombreux et chacun avance son commentaire par des interprétations parfois farfelues ; il est donc grand temps de l'appréhender. Mis à part les éditions critiques de Charles Hirsch5, de Jean-Pierre Dubost6 et de Guillaume Apollinaire7, il n'existe aucun travail universitaire portant sur l'ensemble de l'oeuvre. On peut trouver des références à l'ouvrage en note de bas de page, mais comme nous l'avons dit, elles ne questionnent que l'intention et les sources de Mirabeau. C'est pourquoi il nous a semblé utile de dédier notre travail à des études littéraires sur l'Erotika Biblion.

1 Erotika Biblion de Mirabeau, nouvelle édition revue et corrigée sur un exemplaire de l'an IX et augmentée d'une préface et de notes pour l'intelligence du texte, Paris, chez les frères Girodet, 1833.

2 Ouvrage de référence pour notre travail ; les références données en corps de texte renverront à cette édition afin d'alléger l'appareil de note. Errotika Biblion, `Åí ?áéñ? ??ÜôÞñïí, Abstrusum excudit, À Rome, de l'imprimerie du Vatican, MDCCLXXXIII. Cote Enfer 1286 de la Bibliothèque Nationale de France.

3 Selon Marie Jo-Bonnet, Mirabeau aurait inventé le terme anandryne tout droit venu du grec ?íáíäñïò (sans époux, sans virilité), veuve, tribade ; cf. Les Relations amoureuses entre les femmes, Marie-Jo Bonnet, édition Odile Jacob, 1995, page 194. Elle appuie son hypothèse sur le fait que Mirabeau est le premier à employer le terme publiquement ; mais c'est sans compter sur sa probable ignorance du grec. De plus, Jean Dubost avance lui aussi l'ignorance du grec en commentaire du 12ème chapitre de l'Erotika Biblion, édition critique avec introduction, notes et variantes par Jean-Pierre Dubost, éd. cit, note 143, page 141.

4 Lorsqu'on surprend un chroniqueur radiophonique expliquer la raison des publications d'écrits licencieux et pornographiques par le Vatican « pour en maîtriser l'édition et en assurer la distribution limitée aux confesseurs, aux enfers des bibliothèques et aux caves du Vatican », on frôle le paroxysme de la censure de l'Index ; écouter La Provence insolite : Erotica [sic] Biblion du comte de Mirabeau, par Jean-Pierre Cassely, France Bleu, le mercredi 18 novembre 2015.

5 Erotika Biblion, dans OEuvres érotiques de Mirabeau, collection L'Enfer de la Bibliothèque Nationale, Fayard,

1984.

6 Erotika Biblion, édition critique avec introduction, notes et variantes par Jean-Pierre Dubost, Paris, Honoré Champion, 2009.

7 L'oeuvre du Comte de Mirabeau, introduction, essai bibliographique et notes par Guillaume Apollinaire, Paris, Bibliothèque des curieux, 1921.

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