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Etudes littéraires sur l’Erotika Biblion. Quand l’ironie sème le doute.


par Sylvain Haure
UNIVERSITE PAUL VALERY, Montpellier III - MASTER II Littérature française et comparée 2019
  

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Shackerley et Anquetil-Duperron

Le personnage de Jérémie Shackerley peut référer à l'astronome et mathématicien anglais Jeremy Shakerley qui se serait adonné à l'astrologie brahmanique au milieu du XVIIe siècle1. Ses découvertes, relatées dans le chapitre « Anagogie », figurent le manuscrit de Shackerley décrivant son voyage sur Saturne. Et justement, il s'avère que le mathématicien a effectivement porté à la connaissance de l'Europe de vieilles traditions ésotériques et d'anciennes spiritualités toujours pratiquées en Orient. Mais c'est toujours au nom de la science et de la connaissance que Shakerley rapportait l'intérêt de ses textes, et non pas dans la volonté de convertir ses contemporains à cette foi païenne. Loin de louer cette intention, le texte de Mirabeau en fait le fondement d'une littérature inspirée tout au long du chapitre « Anagogie », en opérant le déplacement de l'âme de Shackerley dans le monde immatériel qui révèle des vérités absolues par un moyen de locomotion tout à fait absurde. Et à la fin du chapitre « Anagogie », il opère une analogie entre le manuscrit de Shackerley, avec les livres sacrés de Brames rapportés par Anquetil-Duperron2 ; il se place ainsi dans le giron de la querelle née des doutes sur leur authenticité3 . Aux yeux de Mirabeau, ces deux personnages présentent des points communs : leurs recherches concernent la même spiritualité, et ne sont motivés

1 En vérité, il peut s'agir d'une surinterprétation d'une de ses lettres, adressée à un certain Henry Osborne depuis Surat (Inde) en janvier 1653 ; malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de vérifier la teneur de la correspondance.

2 C'est ce que dit le chapitre « Anagogie » à la page 22 ; mais en vérité, il n'a rapporté que des commentaires sur les livres sacrés zoroastriens et non pas les textes sources.

3 Nous renvoyons le lecteur désireux de s'informer des circonstances et du contexte de la querelle aux travaux de Claire Gallien, « Une querelle orientaliste : la réception controversée du Zend Avesta d'Anquetil-Duperron en France et en Angleterre » dans Littérature classiques 2013/2 (N°81), pages 257 à 268.

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que par le besoin de trouver des réponses à un problème existentiel propre. Anquetil-Duperron s'est aussi rendu à Surat pour en rapporter la sagesse gnostique ; mais à la différence de Shakerley dont les croyances spirituelles sont un peu floues, il s'est ouvertement et complètement adonné et converti à ces mystères. On retrouve d'ailleurs dans les OEuvres complètes de Diderot1, une lettre d'Anquetil-Duperron décrivant ses manoeuvres pour parvenir à ses fins. Diderot se moquait de ce dernier qui voulait convaincre les prêtres brahmaniques d'entamer la traduction des anciens livres indiens en leur faisant fait part de l'exemplarité de ses moeurs qui, par ailleurs, s'apparentent fortement au jeûne ascétique attendant la révélation. De par son attitude austère, Anquetil-Duperron croyait au monde démiurgique et regardait le corps comme une enveloppe imparfaite emprisonnant l'âme éternelle qui est intacte d'impureté.

L'attitude de Shakerley et d'Anquetil-Duperron était bien connue puisque leurs lettres pouvaient être un objet de lecture dans les salons. Souhaitant aussi s'en moquer, Mirabeau a donc reproduit les qualités d'un manuscrit ancien qu'il attribue à Shakerley et qui rappelle le débat autour du texte ramené de Surat. C'est l'intention des deux savants, leurs espoirs de trouver des vérités dans des textes primordiaux qui sont tournés en ridicule, par un doute sur l'authenticité des textes d'une part, mais aussi par le fait qu'ils cachent leurs motivations sous couvert d'une entreprise scientifique. Nulle part, le texte de Mirabeau ne remet en question l'intérêt scientifique de posséder une traduction de ces ouvrages, mais l'intention réelle de leurs auteurs. Ces derniers voileraient sous l'apparence d'une démarche scientifique, un besoin propre et personnel d'obtenir des réponses existentielles. D'ailleurs, Diderot évoque lui-aussi les motivations réelles et secrètes de ces savants en donnant par exemple les raisons de « celui-ci [Anquetil-Duperron ; qui] vous dira qu'il est consumé du désir de connaître ; qu'il s'éloigne de sa patrie par zèle pour elle ; et que, s'il s'est arraché des bras d'un père et d'une mère, et s'en va parcourir, à travers mille périls, des contrées lointaines, c'est pour en revenir chargé de leurs utiles dépouilles [des efforts fournis à cette entreprise] »2. Anquetil-Duperron est ici considéré comme un explorateur de l'éternel qui ne trouvera rien avec ses méthodes, le texte de Diderot montre qu'il n'obtiendra pas ce qu'il est venu chercher car l'objet de sa quête, la paix, ne se trouverait que dans la mort. Car à la suite de la description de l'entreprise de l'orientaliste français, il souligne l'inutilité d'une telle dépense d'énergie.

Ô bienheureux mortels, inertes, imbéciles, engourdis ; vous buvez, vous mangez, vous dormez, vous vieillissez, et vous mourez sans avoir joui, sans avoir souffert, sans qu'aucune secousse ait fait osciller le poids qui vous pressait sur le sol où vous êtes nés.

1 Salons, Tome II dans OEuvres complètes de Diderot, Volume IX, Paris, Chez J. L. J. Brière, 1821, page 356, note de l'éditeur.

2 Idem, page 359.

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On ne sait où est la sépulture de l'être énergique. La vôtre est toujours sous vos pieds.1

Il n'existe que trois autres occurrences de « la sépulture de l'être énergique » dans la production littéraire de Diderot2 et elles renvoient toutes au développement de la condition humaine tourmentée. Le terme sépulture évoque la mort, l'inaction et donc la paix éternelle ; la sépulture peut aussi renvoyer au lieu où il y aurait le moins d'interaction possible entre la matière sensiblement active, le végétal et l'organique, avec la matière sensiblement inerte, le minéral. C'est la raison pour laquelle Diderot considère que l'être qui recherche son âme3, c'est-à-dire une partie de lui-même qui ne serait pas matière et donc hors du monde physique, a déjà un pied dans la tombe. Dans le texte de Diderot, la recherche de la paix trouve une réponse orchestrée par la voix de la vérité immortelle - peut-être même d'une divinité, par l'interjection « Ô bienheureux mortels » - se faisant terrible et implacable. Le ton de la voix divine est l'inverse de la paix recherchée par le personnage dépeint par Diderot. Notons aussi qu'une fois que ce dernier a été introduit dans le texte, la voix divine apparaît suite au récit de la rencontre entre le sauvage Moncacht-Apé4 et le chef d'une nation étrangère qui était venu le consulter.

Le texte de Mirabeau présente les mêmes procédés, donc les mêmes significations, à deux différences près. La première est que le personnage principal n'est pas Anquetil-Duperron, mais Shackerley qui visite un peuple étranger, les Saturniens, pour en tirer des vérités comme le fait le chef d'une nation étrangère avec Moncacht-Apé. Et la deuxième est située dans la conclusion du voyage de Shackerley qui finit par admettre que « la véritable gloire d'un être intelligent est la science, et la paix son vrai bonheur » [« Anagogie » ; page 22]. Le texte de Mirabeau évacue l'adresse directe de Dieu au lecteur - du moins, d'une voix qui n'est pas humaine -, comme on peut la retrouver dans l'adresse de Diderot, ou même dans celle de Voltaire d'ailleurs5, pour la repositionner dans la finalité du cheminement anagogique et ascétique de Shackerley et donc comme la seule vérité logique que l'on peut trouver dans ces types de recherche. C'est une vérité générale et banale que « la triste

1 Idem, page 356.

2 Lettre du 10 février 1769, et Lettre à Sophie de 1763. Il s'agirait d'un syntagme employé par le philosophe pour digresser sur l'énergie. Pour compléter notre étude sur ce point, nous renvoyons aux travaux d'Elisabeth Zawisza, « Une lecture littéraire des lettres de Diderot à Marie Madelaine Jodin » dans Diderot Studies XXIX, edited by Diana Guiragossian Carr, Librairie Droz S.A, 2003.

3 Dans l'Entretien entre M. d'Alembert et M. Diderot, Diderot met en correspondance les termes âme et chair dans la bouche de sa fille ; il est donc difficile d'approfondir la signification de ce rapport. Néanmoins, cela pourrait vouloir dire que seule la matière faite de chair pense qu'elle a une âme. Cf, Mémoires, correspondance et ouvrages inédits de Diderot, publiés d'après les manuscrits confiés, en mourant, par l'auteur à Grimm, tome IV, Paris, Paulin, Libraire-éditeur, Alexander Mesnier, Libraire, M. DCC. XXXI, page 109.

4 Explorateur amérindien dans la région du Mississippi au début des années 1700 ; il est évoqué dans les mémoires de Jean-Baptiste Le Masrier, Mémoires historiques sur la Louisiane, Paris, Chez CL. J. B. Bauche, 1753.

5 « Prends garde, ô homme ! [...] Tu es né, tu vis, tu agis, tu penses, tu veilles, tu dors, sans savoir comment. Dieu t'a donné la faculté de penser, comme il t'a donné tout le reste ; et s'il n'était pas venu t'apprendre dans les temps marqués par sa providence que tu as une âme immatérielle et immortelle, tu n'en aurais aucune preuve ». Cf. article « Âme », Dictionnaire philosophique et portatif de Voltaire.

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expérience de tant de siècle nous enseigne encore vainement » [« Anagogie » ; page 21]. Il faut noter que lorsque Shackerley formule sa conclusion concernant la gloire et la paix, une proposition incise à la première personne appuie cette conclusion1 ; ce n'est pas la voix de Shackerley, mais celle de la voix narrative, ou dissertative, si l'on peut dire. C'est l'usage de la première personne qui soutient l'analogie avec Anquetil-Duperron ; elle participe à la controverse autour de ces travaux scientifiques, et montre ainsi qu'elle contribuerait à la diffusion des savoirs grâce à la traduction du manuscrit de Shackerley tel que le fait Anquetil-Duperron avec les livres sacrés de Brames. On peut en conclure que ces deux entreprises, étant vaines et stériles, constitueraient une dépense d'énergie inutile. La logique énonciative du texte de Mirabeau ramène la démarche d'un savant qui, au nom de la science, s'intéresse de près aux textes sacrés à une démarche personnelle guidée par la foi. L'intérêt général ne pourrait donc pas être servi par des croyances propres travesties en démarches scientifiques.

C'est finalement la question du progrès qui au centre de cette étude. On constate que ces deux personnages, Shackerley et Anquetil-Duperron, sont décrits par Mirabeau comme deux êtres qui veulent se défaire de leurs sens pour mieux appréhender le monde parfait des idées et de l'immatérialité afin d'y trouver une connaissance absolue, une sagesse salutaire ; ils sont donc à l'exact opposé de l'être sensualiste qui ne peut connaître le monde que par l'usage de ses sens. Mirabeau estime que l'énergie inutilement dépensée constitue une perte de progrès. En plusieurs endroits de l'Erotika Biblion, la considération que l'énergie n'est malheureusement pas réinvestie dans le progrès est évoquée par l'emploi de la première personne. En outre, il s'agit d'une considération personnelle qui considère la perte d'énergie d'une personnalité historique ou mythologique comme un dommage au progrès des connaissances humaines au nom d'un questionnement existentiel absurde. De plus, l'emploi de la première personne alimente le texte avec la tonalité de la controverse : le « je » implique un rapport conflictuel avec des individus, ce qui est justement le nerf de la querelle.

- « Anagogie » : rapport avec Anquetil-Duperron au sujet de la traduction inutile des livres sacrés de Brame ; page 22.

- « L'Anélytroïde » : rapport avec Moïse au sujet des doutes stériles qui sont formulés sur son élection divine ; page 25.

- « L'Ischa » : rapport avec Jacques del Pozzo au sujet de l'aberration de douter de la perfection avérée de la femme par l'Écriture ; page 40. Puis rapport avec Schurman au même sujet2 ; page 43.

1 « Les plaisirs stériles ou factices n'y régnoient pas plus que le faux honneur ; & l'instinct de ces êtres fortunés [Les Saturniens] leur avoit appris sans effort ce que la triste expérience de tant de siècles nous enseigne encore vainement, je veux dire, que la véritable gloire d'un être intelligent est la science, & la paix son vrai bonheur » ; Errotika Biblion, `Åí ?áéñ? ??ÜôÞñïí, Abstrusum excudit, éd. cit, pages 21 et 22.

2 Nous traitons de la conception de la femme dans le texte de Mirabeau plus loin. En attendant, nous renvoyions

La Raison du corps - 101

- « La Tropoïde » : rapport avec St Augustin au sujet des mauvaises représentations de l'exemplarité des moeurs antiques ; page 60.

- « Le Thalaba » : rapport avec Martial au sujet de son appréciation morale erronée de certaines pratiques sexuelles ; page 79.

- « L'Anandryne » : rapport avec J. de Névisean au sujet de la stupidité de dénombrer les charmes féminins et d'en établir un modèle de perfection absolue1 ; page 98.

- « Kadhésch » : rapport avec un homme d'Etat au sujet de la nocivité de son renoncement à modeler certaine société ; page 123.

- « L'Anoscopie » : rapport avec les charlatans au sujet de leurs efforts pour détourner l'étude, la science et le talent à leur crédit ; page 158.

- « La Linguanmanie » : rapport avec les érudits au sujet de l'utilité de leur recherche sur les

inventions sexuelles de l'Antiquité qui choquent l'imagination ; page 191.

L'emploi de la première personne évolue au fil de l'ouvrage ; elle apparaît de plus en plus fréquemment, tout comme l'emploi de la troisième personne inclusive « on » qui articule des observations d'ordre général à la démonstration. Nous pouvons donc noter que Mirabeau, au fur et à mesure de son ouvrage, se place au sein d'un groupe pour participer à la querelle. Nous nous sommes donc intéressés au rapport entretenu tout au long de l'ouvrage entre l'énergie dépensée et la philosophie du progrès imaginée par Mirabeau. Or, notre étude révèle que ce rapport est contenu dans tous les chapitres, sauf deux : le chapitre VII, « L'Akropodie », et le chapitre IX, « Béhémah ». Et ce sont justement les deux seuls chapitres qui dissertent sur la morale. « L'Akropodie » traite de la moralité des goûts nés dans certaines interprétations de l'Écriture comme nous l'avons déjà vu ; « Béhémah » regarde la moralité des goûts naturels pour certaines pratiques bestiales. Dans son anthropologie, Mirabeau distingue les goûts qui relèvent de la Révélation - on pourrait même dire de la civilisation - de ceux qui sont naturels. En somme, notre étude montre que son raisonnement sur les pertes d'énergie écarte les pratiques venant des goûts car il ne les considère pas comme des dépenses d'énergie inutiles en vue du progressisme ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il renonce à redresser les pratiques contre-nature, car il pense qu'elles peuvent être utiles à l'expérimentation et donc au savoir (notamment par l'étude de la physionomie des êtres monstrueux) en éclairant davantage les spécificités de l'homme sur l'animal. De plus, les moeurs nées des goûts constituent le moteur énergique justifiant l'anthropologie de Mirabeau. Ce n'est pas un hasard si tout le projet

le lecteur désireux de s'informer sur toute la bibliographie parue à l'époque qui traitait du sujet, à l'Essai sur le caractere, les moeurs et l'esprit des femmes dans les différens siècles, par M. Thomas, de l'Académie Françoise, à Paris, Chez Moutard, M. DCC. LXXII. page 86. Quant au rapport avec Schurman, il est recopié mot pour mot d'un extrait de l'article « FEMME » de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

1 Ce passage est très commenté dans l'édition critique de Jean Pierre Dubost ; il essaie notamment de rétablir l'origine du texte qui n'appartiendrait pas à l'auteur cité par Mirabeau, tout en dressant une liste des textes ultérieurs à l'Erotika Biblion. À titre informatif, nous renvoyons le lecteur à ses travaux ; voy. Erotika Biblion, édition critique par Jean-Pierre Dubost, éd. cit, notes 62 à 64, pages 129 et 130.

1 Nous mettons les termes clefs en italique pour montrer l'importance du rapport entre les goûts et le corps dans la réflexion anthropologique de Mirabeau.

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anthropologique de Mirabeau regarde l'homme comme une matière sensible qui peut évoluer et que les institutions peuvent façonner en vue de le perfectionner.

Oh ! si l'on employait autant d'efforts à former les moeurs qu'à les corrompre, à créer les vertus qu'à exciter les désirs, que l'homme aurait bientôt atteint le degré de perfection dont sa nature est susceptible ! [« L'Anandryne » ; page 100]

Les institutions présentées dans l'Erotika Biblion sont nombreuses ; nous les étudions dans les chapitres qui suivent. Les moeurs et les goûts représenteraient donc les moyens pour faire progresser l'humanité, et non plus la raison comme le répétaient les Philosophes dans la première moitié du XVIIIe siècle ; c'est un changement philosophique majeur qui est peut-être né de l'assimilation du sensualisme dans l'idée du progrès. Pour terminer cette étude, il faut noter que Mirabeau pense, en partie, comme un matérialiste : l'éducation doit passer par le corps et les goûts qui lui fournissent de l'énergie, ce qui lui fait dire qu'« il n'y a que les exercices du corps, où se trouve ce mélange de travail et d'agrément, dont la partie constante occupe, amuse, fortifie le corps et par conséquent l'âme » [« Le Thalaba » ; page 65]1.

Il faudrait maintenant définir la notion de progrès dans le texte de Mirabeau. Nous avons montré qu'elle était inséparable d'un projet anthropologique qui donne au corps et aux goûts un rôle central dans la progressivité que nous avons présentée comme étant le processus du progrès ; de plus, nous venons de voir que Mirabeau conçoit ce processus en termes d'énergie. Par ailleurs, notre étude sur sa réflexion sémiologique contenue au chapitre « Anagogie », montre que les sens déterminent le langage, la représentation du monde, et la pensée. Même si le texte ne dit pas explicitement que la nature parfaite des Saturniens est redevable de la physique de la planète, on peut tout de même y voir une illustration de la thèse du transformisme que nous venons d'aborder. De là, une idée ne serait jamais idée en tant qu'elle-même, mais elle serait le résultat d'un processus empirique né de l'exercice de nos sens ; elle est organique, car elle est tout simplement déterminée par la disposition et l'usage des organes. Il faut donc convenir que la progressivité regarde l'usage de l'énergie, et la perfectibilité, l'usage des sens. Nous étudierons la notion du progrès en la replaçant au sein d'une articulation entre la progressivité et la perfectibilité que l'on définit aussi comme un processus, et qui n'est autre que l'hypothèse que l'on peut perfectionner les sens humains. Entre autres, on remarque que la dépense d'énergie dépend des goûts qui eux-mêmes sont conditionnés par la nature, tandis que l'usage des sens dépend de la physique. Il fallait clarifier ces notions car il s'agit de la base théorique sur laquelle Mirabeau réfléchit son projet anthropologique ; même si nous ne

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proposons qu'une reconstruction de ses principes philosophiques qui ne sont jamais explicités et formulés, ils apparaissent au début de chaque chapitre pour articuler le projet anthropologique avec l'objet de la démonstration.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery