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Etudes littéraires sur l’Erotika Biblion. Quand l’ironie sème le doute.


par Sylvain Haure
UNIVERSITE PAUL VALERY, Montpellier III - MASTER II Littérature française et comparée 2019
  

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Au Commencement était le Verbe

En supposant que Mirabeau se trouvait en possession de textes d'autrui pour composer son ouvrage, comment pourrait-on identifier ces sources, les propos initiaux qui lui auraient servi d'inspiration ? On les retrouverait aisément en étudiant les visées axiologiques et les constructions idéologiques de l'Erotika Biblion, mais il est fort probable que l'intention initiale des sources textuelles ait été confondue, voire détournée.

Pour éclaircir l'étendue des ressources de Mirabeau, nous nous sommes employés, dans un premier temps, à rechercher les ouvrages cités dans le texte afin de vérifier l'exactitude des citations et de saisir la signification des curieux mélanges de culture qui ponctuent le discours. Puis, en étudiant le degré de subversion entretenu dans le style et en catégorisant les détournements des sources textuelles, nous avons été en mesure d'esquisser le positionnement axiologique de l'auteur vis-à-vis de ses sources, ainsi que de définir son éthos masqué subtilement derrière une stylistique savante mobilisant elle-même les propos d'autrui. Que ce soit par le degré d'altération des citations, ou par les expressions et tournures de phrase qui semblent propres à l'auteur, la manière de recomposer les sources servant d'inspiration est la manifestation la plus visible d'une intention de l'écriture. Mais comme bien souvent, il est plus facile de savoir comment un texte littéraire est construit que de trouver les raisons de sa conception, surtout lorsque le texte présente des curiosités idéologiques.

Puisque Mirabeau semble se dévoiler particulièrement lorsqu'il contextualise une source ou une citation, on pourrait penser que l'ouvrage a d'abord été conçu comme la façon la plus originale de penser et de commenter ces sources. Et si la raison de sa conception était réductible à la volonté de traiter les lectures et auteurs qui ont servi de passe-temps vertigineux au sein d'une solitude, l'Erotika Biblion ne serait-il plus qu'un patchwork de commentaires déliés sur des textes éclectiques ? En un sens, il est enfermé depuis deux ans, pour la quatrième fois et de façon arbitraire par lettre de cachet à la demande de son père. Il en ignore les raisons ; il ne cesse de les demander aux autorités compétentes tout au long de sa détention ; il espère pouvoir s'en dégager ; et surtout, il souhaite défendre sa liberté. Le sentiment d'impuissance certainement, l'amène à protester vivement contre toutes les formes de pouvoir arbitraire et despotique1. Grâce à l'Erotika Biblion, il aurait trouvé un sujet bien familier, la sexualité, lui permettant d'exercer sa parole - exercice primitif du pouvoir2 -,

1 On relève parmi sa production littéraire à Vincennes, un traité politique significatif et univoque d'un rapport séditieux avec le pouvoir royal ; voy. Des Lettres de cachet et des prisons d'État : ouvrage posthume composé en 1778, Hambourg, 1782. N.B : Il est possible que l'ouvrage ait été imprimé de son vivant, et publié après sa mort ; sinon « ouvrage posthume » serait en contradiction avec la date de publication.

2 Pour Pierre Serna, exercer la parole dans une vue contestataire du pouvoir reviendrait à une forme de requête au

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de répondre aux auteurs et productions littéraires faisant autorité en la matière, d'éclairer l'héritage historique qui expliquerait logiquement les convenances de la sexualité - vues comme une privation de liberté. Il pourrait accuser l'abscondité des raisons privant l'individu de liberté en démontrant qu'elles reposent sur la superstition, la crainte du péché, et un interdit chimérique divin. Car, pour autant que l'on puisse prêter à son ouvrage une intention spécifique, Mirabeau ne lui donne aucune fin particulière lorsqu'il le présente à Sophie de Monier.

Il t'amusera [ce manuscrit] : ce sont des sujets bien plaisants, traités avec un sérieux non moins grotesque, mais très décent. Croirais-tu que l'on pourrait faire dans la Bible et l'antiquité des recherches sur l'onanisme, la tribaderie, etc. etc. enfin sur les matières les plus scabreuses qu'aient traité [sic] les casuistes, et rendre tout cela lisible, même au collet le plus monté, et parsemé d'idées assez philosophiques ?1

Les raisons de la conception de l'Erotika Biblion ne sont pas explicitées ; et pourtant, elles ont fait office de justification systématiquement discriminatoire pour perpétrer et poursuivre la censure dans la production littéraire de l'auteur. Pour l'essentiel, l'ouvrage était réduit à l'expression obscène d'une sensualité bridée par la captivité, ou ramené au besoin de se procurer rapidement des moyens afin de pourvoir aux besoins matériels immédiats. Devant l'absence totale de justification de l'oeuvre, il faudrait s'abstenir de lui prêter une sur des critères autres que littéraires, ou tout au plus maintenir sa pertinence hors de toute appréciation de l'état de l'auteur, matériel et émotionnel, même s'il s'agit de contraster cet « écart » au vu de toute sa production littéraire2 . Notons que les sensibilités se rencontrent lorsqu'il s'agit d'incorporer l'ouvrage dans la production littéraire de Mirabeau ; le paradoxe, né d'une pensée politique sérieuse côtoyant l'obscénité, divise l'opinion qu'on se forme de lui, et plutôt que de le laisser poursuivre sa course infernale, on souhaiterait presque le rayer d'un trait de plume ; peut-être pour absoudre l'auteur devant le tribunal des belles lettres, quitte à faire l'impasse sur le poids de ses écrits clandestins dans sa pensée politique. Inutile de dire que c'est amputer l'héritage idéologique de Mirabeau que de fermer les yeux sur l'Erotika Biblion ; et selon des considérations plus générales, choisir la cécité face à l'altérité revient à se priver des perspectives pertinentes pour formuler une problématique. Ce qui reviendrait à ne pas pouvoir répondre aux enjeux qui regardent l'appréhension présentée par des sujets gênants, en établissent une juste

pouvoir en place. Dans la logique du déclassé, l'auteur qui décrit ou conteste les rouages du pouvoir offre un négatif de la réalité permettant de mieux la renverser ; ses écrits apparaitraient alors comme un chantage dont l'enjeu est le reclassement de sa propre classe écartée de ses prérogatives et de ses richesses par la monarchie absolue instaurée par Louis XIV. Voy. « Sade et Mirabeau devant la Révolution française », Pierre Serna, dans Politix, vol. 2, n°6, printemps 1989, pp. 75-79.

1 Lettre à Sophie, le 21 octobre 1780, dans Lettres originales, écrites du donjon de Vincennes, pendant les années 1777, 78, 79 et 80, recueillies par P. Manuel, T. IV, Paris, Chez J. B. Garnery, 1792, page 298.

2 Louis Barthou qualifie l'ouvrage d'inavouable et ramène la production littéraire de Mirabeau à un gaspillage prodigieux de son talent, ce qui n'était apparemment pas le sentiment de leur auteur. Voy. Mirabeau, Louis Barthou, Figures du passé, Paris, Hachette, 1913, page 69.

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compréhension et en conditionnent un certain degré de tolérance.

La somme de savoir nécessaire pour rédiger l'Erotika Biblion s'étend jusqu'à une époque très ancienne, Mirabeau souhaite remonter aux origines spirituelles de la sexualité. En joignant la sexualité et la philosophie - deux matières toujours mises de pair dans la littérature pornographique du XVIIIe siècle -, il dévoile l'esprit de l'ouvrage sans pour autant justifier son champ d'étude, sa problématique et son corpus.

Ce n'est pas un ouvrage pornographique, car sa prétention est érudite ; c'est une recherche, une curiosité dont la fin n'est pas définie et qui articule au souci de plaire à son lecteur, celui de l'instruire. La confection de l'Erotika Biblion a nécessité l'étude de divers auteurs souvent plagiés à la virgule près dans l'ouvrage. Or, le plagiat présentait le risque d'une confusion inhérente à la composition d'un texte assemblé à partir de sujets initialement différents ; mais non sans cohérence, les propos initiaux adhèrent et correspondent au sujet central du texte, malgré la divergence des sources : de l'Encyclopédie1 au manuel de guerre de Santa Cruz2, la sexualité a une place prépondérante dans l'Erotika Biblion, elle lui transmet cette cohérence qui rend le texte si curieux. Aussi, l'intention la plus évidente de Mirabeau est de reconstruire une spiritualité primitive faisant de la sexualité, une injonction originelle. Échafaud idéologique de son ouvrage, son rapport au sacré ne concerne pas seulement le christianisme, mais aussi les mythologies antiques grecques, égyptiennes et judaïques. Il leur suppose des traditions et des pratiques communes à propos de la sexualité, (telles que la circoncision, le rôle des institutions dans l'éducation sexuelle, la féminité en tant que vecteur transcendantal et divin) pour les établir comme des coutumes courantes et répandues dans l'Antiquité, afin de les comparer de façon originale avec les pratiques contemporaines ; toute loi axiologique promulguant l'abstinence ou l'interdit sexuel serait alors une hérésie. Les civilisations antiques servent d'éléments de comparaison avec la contemporanéité ; aussi, l'étude de Mirabeau en serait presque diachronique s'il n'y avait cette recherche des origines qui apparaît comme une déduction d'envergure visant à asseoir la sexualité comme une spiritualité originelle, la préoccupation première, la raison d'être de l'humanité.

Souvent décrié comme un ouvrage se contentant de décrire la perversion des Anciens, l'Erotika Biblion contient pourtant des démonstrations plus subtiles si l'on relie les motifs et les problématiques repris d'un chapitre sur l'autre. Sa source de prédilection étant la Bible, notamment les livres de l'Ancien Testament, il ramène la sexualité à une transcendance originale. Pour ce faire,

1 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres, 17 tomes, Paris, Chez Briasson, David, Le Breton et Durand, 1751-1765.

2 Réflexions militaires et politiques de Monsieur le marquis de Santa Cruz de Marzendo, traduites de l'espagnol, La Haye, Chez Jean Vau Duren, 1734.

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Mirabeau construit d'abord la sexualité originelle par l'étude de différentes spiritualités pour la confirmer dans l'Écriture. Mais la recherche de cette sexualité n'est jamais explicite. Elle n'apparaît pas dans un absolu fracassant le rythme du texte, elle se fait dans un rapport constant à différentes spiritualités, contemporaines ou anciennes. Le rapport constant des sources anciennes avec la Bible caractérise le texte par l'objectivité, qui apparaît alors comme savant. Mirabeau écrit dans un style savant : son écriture mobilise une érudition éclectique dont la prétention est de traiter objectivement son objet sans trancher ou écarter les aspérités problématiques. La démarche se veut scientifique : il s'agit de construire une connaissance méthodique par la formulation d'hypothèses adoptées par des faits ou par les textes. Mirabeau dédaigne l'exercice exégétique ; pour lui, l'inspiration divine revient à une connaissance sans fondement produisant une idée arbitraire des ordres divins.

Le texte serait presque limpide s'il n'était pas ponctué d'une charge subversive et comique, inhérente à l'usage de l'ironie. Et comme l`objet de l'ouvrage était déjà hardi, on pourrait se demander si l'humour ne le dessert pas plus qu'il ne lui est secourable.

Spiritualité, sexualité, et philosophie sont les ingrédients clefs de l'Erotika Biblion, alors comment s'organise la subversion dans la cohérence du texte ? Dans sa lettre à Sophie, Mirabeau confesse le souci de traiter sa recherche décemment, de façon à la rendre recevable et compréhensible. Les soucis de cohérence, de décence, et de pertinence impliquent une écriture proche de son sujet. Et en même temps, le ton objectif instaure suffisamment de distance avec le sujet pour ne pas heurter les convenances, d'où peut-être l'emploi de l'ironie. La particularité du style de Mirabeau est de trouver une juste mesure entre la dénonciation et l'approbation forcée de ce qu'il lit dans la Bible. Mais l'irone est bien plus qu'un secours stylistique. Les propos ironiques procèdent d'un double discours repérable par le ton comique, largement inspiré de Voltaire, ou par des marques dissonantes prenant la forme de noms célèbres, de témoignages inventés par Mirabeau pour nourrir l'argumentation de crédit et de véracité. L'intention de l'écriture se complexifie. D'une part, ce double discours malmène les préjugés et les bienséances au regard d'un progrès spirituel, moral et artistique ; mais d'autre part, l'ironie présente le risque de renverser l'argumentation par dissonance avec la gravité requise selon les conventions, pour traiter des conceptions sérieuses d'un sujet si sensible, la sexualité. D'ores et déjà, on peut diviser les effets ironiques en deux fonctions : démontrer que seuls les préjugés sont à l'origine d'un interdit sur la sexualité, et procurer du crédit et de la véracité par effet de dissonance aux sources inventées pour appuyer l'argumentation.

Notre analyse identifie les procédés d'une ironie « savante » par une étude stylistique abordant l'oeuvre comme une unité, une composition originale pour en dégager une première cohérence d'ensemble ; dans un second temps, nous isolons quelques procédés d'ironie savante pour illustrer le concept de dissonance et interpréter plus significativement la charge subversive du style dans la

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cohérence de l'ensemble de l'oeuvre. Nous classons ensuite les références citées par Mirabeau selon leur affinité religieuse pour situer plus exactement l'héritage théologique de son interprétation des mythes.

La production littéraire de Mirabeau est riche : il traduit les Elégies de Tibulle, des contes, écrit des traités politiques, de médecine, des sermons religieux, un abrégé de grammaire française, entretient des correspondances abondantes et s'adonne même au roman-mémoire. Son style, vif et incisif, se prête particulièrement à des genres composés pour l'oralité (le sermon, le conte et la poésie) ; mais son écriture n'en est pas moins protéiforme, car à chaque genre pratiqué, son expression s'enrichit du lexique agréé, témoin d'études poussées sur les sujets abordés. Rappelons qu'il est avant tout un redoutable orateur qui défend sa propre cause devant les magistrats, lors de maints procès dirigés contre lui, qu'il a dirigé ensuite, en quelques phrases, un acte protestataire vers un mouvement qui s'autoproclame Assemblée Nationale1 , et que sa vocation politique l'amène naturellement à concevoir la langue comme un outil puissant au service d'une cause.

On pourrait considérer que la littérature lui apparaît de même, comme un investissement volontaire requérant de l'application et du travail, et que toute intentionnalité d'écriture repose sur un enjeu propre, une cause, une conception personnelle à défendre ou à reconstruire. En conséquence, on devrait retrouver une certaine cohérence axiologique entre l'Erotika Biblion et ses autres écrits, ou du moins établir différentes logiques pour assimiler le projet anthropologique de l'ouvrage avec une idéologie de la liberté et du bonheur inhérente à sa production littéraire. D'ailleurs, cette recherche de cohérence est formulée dès les premières pages dans l'introduction de Jean-Pierre Dubost.

Pour expérimenter les articulations toujours nouvelles et toujours risquée de l'éros et de la raison, Mirabeau ne choisit pas, comme le fait Sade, de mêler intimement les ruses de la fiction à l'érudition. Il préfère séparer les genres, en écrivant parallèlement deux textes complémentaires et foncièrement différents - d'un côté un roman libertin, Ma Conversion ou Le Liberté de qualité, et de l'autre Erotika Biblion [...].2

Il peut être difficile de catégoriser un genre « savant » ou « érudit » en littérature, surtout pour comparer deux textes, l'un relevant de la fiction, et l'autre de l'érudition ; d'autant plus que l'Erotika Biblion relève des deux à la fois. Par les procédés d'écriture en revanche, on pourrait établir un style articulant la fiction et l'érudition sous couvert d'un ton général : l'ironie savante.

1 23 juin 1789, Henri-Evrard, marquis de Dreux-Brézé, grand maître des cérémonies, communique l'ordre royal dispersant l'Assemblée Constituante. Alors que les députés du Tiers-Etat hésitaient sur le comportement à adopter, seul Mirabeau se lève et prononce la locution engageant la révolution française, que la tradition déformera : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et qu'on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes. »

2 Erotika Biblion, édition critique par Jean-Pierre Dubost, ed. cit, page 7.

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Le ton savant de l'Erotika Biblion pourrait d'abord se comprendre comme le désir d'assimiler l'objet de sa démonstration, la sexualité, à l'objectivité. De facto, sa première fonction est de diminuer la charge licencieuse et déplacée d'un tel objet, et d'en constituer le coeur d'un raisonnement recevable et digne d'être argumenté. Par ailleurs, Mirabeau définit lui-même son style comme passable, non pas médiocre, mais recevable et honnête ; un style adaptable selon le ton de son objet, comme une capacité à livrer une pensée propre, son caractère, son esprit et ses sentiments sans choquer les conventions et la bienveillance du lecteur.

Mon style est passable, parce qu'il est à moi ; parce que communément j'ai le ton de la chose que je dis ou que j'écris, attendu que je ne dis et que je n'écris que ce que je pense : c'est là, je crois, le grand secret. Suivre son caractère propre, la tournure naturelle de son esprit et les inspirations du sentiment.1

Il paraît étrange de considérer l'expression de soi comme une convention stylistique recevable. D'ailleurs, on recense dans l'Erotika Biblion2, 64 occurrences d'un pronom personnel à la première personne renvoyant à l'auteur-narrateur. Et malgré le titre de l'ouvrage, on constate curieusement que le ton employé est différent de celui adopté dans la littérature érotique de l'époque. Pourtant, on y traite essentiellement d'érotisme (31 anecdotes concernant la sexualité) tout en maintenant son objet à distance par un ton savant, un style objectif et apparemment neutre. Contrairement à ce que le titre laisserait supposer, l'ouvrage n'est en rien pornographique. C'est même tout l'inverse ; grâce à des renforts de raisonnement et des références savantes, le ton s'approche plus d'un essai que du récit pornographique. Mirabeau a pourtant déjà versé dans les textes pornographiques, et les idées en la matière ne lui manquaient pas pour renouveler le genre3. Rien de tel dans l'Erotika Biblion, car l'association entre la sexualité et le savoir l'amène à construire un discours appuyé par des éléments discursifs plagiés sur autrui, et par conséquent cadencé par des allusions et des citations provoquant des variations sémantiques et stylistiques dans le texte. De facto, le discours étale une richesse lexicale qui l'aide à être reçu comme un texte érudit traitant de sexualité4. Ponctué par la première

1 Lettres à Sophie, le 28 décembre 1778, dans Lettres originales, écrites du donjon de Vincennes, pendant les années 1777, 78, 79 et 80, recueillies par P. Manuel, T. II, éd. cit, page 445.

2 L'ouvrage de référence pour notre travail est l'édition princeps ; Errotika Biblion, `Åí ?áéñ? ??ÜôÞñïí, Abstrusum excudit, À Rome, de l'imprimerie du Vatican, MDCCLXXXIII. Cote Enfer 1286 de la Bibliothèque Nationale de France.

3 On lui prête bien des écrits licencieux dans le genre pornographique, mais le seul attesté par sa correspondance est Le Libertin de qualité, ou Confidences d'un prisonnier au château de Vincennes, Auri Sacra fames, écrites par lui-même, éd. cit. Son originalité provient de la nature du moteur de la narration : l'argent. Auri Sacra fames (l'exécrable faim de l'or) constitue la qualité d'un libertin qui ne se prête plus aux femmes par désir charnel mais par rémunération, faisant ainsi la différence avec le libertin de moindre qualité, mal éduqué, mal contrôlé. Voy. « Ma conversion, ou la puissance satirique du grotesque », Valérie Van Crugten-Andre, dans Lumen : travaux choisis de la Société canadienne d'étude du dix-huitième siècle, vol. 15, 1996, pages 215 à 228.

4 Par exemple, le dernier chapitre, « La Linguanmanie », relève un nombre significatif de termes empruntés à l'érudition hellénistique pour accuser les déviances des pratiques et des institutions d'ordre sexuel dans l'Antiquité. Le dispositif éditorial procède d'une ironie savante en donnant leur définition et plus de détails en langue originale dans les notes de bas de page.

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personne en tant que témoin d'une situation initiale dont l'étonnement justifie la dissertation, le discours opère une distanciation caractérisant le texte par l'objectivité.

Alors pourquoi parlons-nous d'ironie savante ? Parce que la fiction est invitée dans l'argumentation à grands renforts de preuves factices ou par stratégie argumentative. Nous la mettons en évidence en étudiant la dissonance et la charge subversive du discours après avoir dégagé la cohérence générale de l'ouvrage.

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