WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Etudes littéraires sur l’Erotika Biblion. Quand l’ironie sème le doute.


par Sylvain Haure
UNIVERSITE PAUL VALERY, Montpellier III - MASTER II Littérature française et comparée 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

La Métaphore coïtale

Il faut rappeler la nature des Saturniens : ce sont des êtres aériens dont la description ne tourne

1 Erotika Biblion, édition critique par Jean-Pierre Dubost, éd. cit, page 9.

2 Nous évaluons dans notre partie suivante l'exacte maîtrise des textes sacrés et les connaissances théologiques de Mirabeau. Cette assertion est appuyée par de nombreux faits relevés par nos études.

1 Nous invitons le lecteur à relire le passage de « Anagogie », de la page 18 à 22 ; cf. Errotika Biblion, `Åí ?áéñ? ??ÜôÞñïí, Abstrusum excudit, À Rome, de l'imprimerie du Vatican, ed. cit.

52 - Au commencement était le Verbe

qu'autour de leurs facultés sensitives1 car Shackerley est dépossédé de ses mots quand il essaye de les peindre. La sensibilité qui les définit est ramenée à un dialogue de molécule sensible que le récit compare à aux jouissances des amants d'Alphée et d'Aréthuse à travers la métaphore de la fontaine et du fleuve.

Cette cohésion vive et presque infinie de tant de molécules sensibles, produisoit nécessairement dans ces êtres un esprit de vie que Shackerley exprime par un mot mozarabe, que l'académie des Innamorati a traduit par le mot électrique, quoique les phénomènes de l'électricité ne fussent point connus dans ces temps reculés. [« Anagogie » ; page 20]

Il faut noter l'embarras de l'académie italienne devant la traduction de ce mot mozarabe qui n'est d'ailleurs pas donné dans le texte. Mirabeau parle de cohésion qu'il qualifie de vive et de presque infinie pour les ramener à un phénomène électrique. Et justement, Shackerley précise bien que ces molécules ont besoin des émanations des corps pour se propager et communiquer, formant ainsi « une atmosphère toujours agissante à des distances considérables » [« Anagogie » ; page 19].

Toutefois, le récit indique aussi que ces émanations « sont en pure pertes sur la Terre » [Ibid] ; et il s'agit de comprendre cette phrase. Il n'y a qu'une seule autre occurrence du syntagme en pure perte dans l'Erotika Biblion. Il est attribué à la liqueur lymphatique qui séjourne autour du gland en contact avec le prépuce et qui lubrifie le phallus lors de l'accouplement. On trouve ce syntagme dans le chapitre « Le Thalaba », il est utilisé pour décrire le tempérament de ceux qui ont le gland découvert quelque en soit la raison : la vieillesse, un prépuce naturellement plus court ou la circoncision.

Ceux [les hommes] qui avec du tempérament savent se contenir et ont le gland recouvert, conservent une salacité digne des anciens satyres : la raison en est simple ; le gland qui forme le siège de la volupté, s'entretient dans un état de sensibilité exquise, par le séjour continuel de la liqueur lymphatique qui le lubrifie, au lieu qu'il devient dur et calleux avec l'âge chez ceux qui l'ont découvert, qu'on a circoncis ou qui ont naturellement le prépuce plus court ; car chez eux cette liqueur préparatoire qui s'échappe existe en pure perte. [« Le Thalaba » ; page 77]

Si les émanations saturniennes renvoient à la liqueur lymphatique terrienne, il serait inutile d'en recomposer l'image, et une reconstruction cérébrale suffira amplement : l'anneau de Saturne serait le contenant des émanations ; il tient en son centre la planète échauffée et mal formée de Saturne. Par ailleurs, l'anneau de Saturne est qualifié de « mince et plutôt attiédi » [« Anagogie » ; page 10] et de « bien situé » ; [page 12] ; et l'orbe de Saturne est « immense », « point encore tranquille », parsemé de « tremblements de terre presque continuels », de « débordements », etc... [pages 9 et 12].

La Métaphore coïtale - 53

Toutes ces précisions sont dues à des mouvements qui témoignent d'une certaine sensibilité. Les Saturniens qui séjournent dans l'anneau au contact des rayonnements de la planète sont tous semblables, ont une sensibilité exacerbée, et communiquent par la pensée, justement grâce à cette atmosphère agissante. On peut très bien les comprendre comme concourant au système nerveux, qui n'est rien d'autre que le phénomène de la pensée dans les thèses sensualistes ; et ils sont d'ailleurs décrits comme relevant d'un phénomène électrique. Par ailleurs, les Saturniens sont tantôt ramenés à des formes, tantôt des pensées, tantôt des sensations.

Vu le titre du chapitre « Anagogie » qui consiste en une révélation métaphysique et le fait que la liqueur lymphatique et les émanations seraient deux substances liquides, on pourrait comprendre que l'âme et la corporalité des Saturniens sont réduits de même, à l'état de liquide ; il s'agit justement d'un mythe ancien qui ramène l'âme à un liquide que les dieux puisaient dans une fontaine pour l'insérer dans le vase féminin. Dom Calmet et Voltaire ont d'ailleurs disserté sur cette question. Dans ce cas, pourquoi choisir Saturne plutôt qu'une planète lambda ? Parce que Saturne présente la particularité de posséder un anneau, et surtout parce que Saturne est une divinité pour laquelle certains peuples, comme les Phéniciens se circoncisaient. Il est possible que Mirabeau ait lu quelques passages des Dissertations de Dom Calmet lorsqu'il disserte sur la circoncision dans le chapitre « Akropodie »1 ; et il n'y a aucune difficulté à concevoir qu'il ait rapproché Saturne des prépuces, et que, par extension, il en ait fait un rapport coïtal. Et par la même occasion, on pourrait mieux comprendre la raison de son amalgame entre les peuples philistins et israélites pour désigner ceux qui se sont fait des prépuces au début de « Anagogie » comme nous avons vu l'exemple dans le dernier chapitre2.

Dans cette lecture de « Anagogie », l'anatomie des Saturniens ne s'inscrit pas comme une nécessité pour une société idéale. Elle apparaît plutôt comme l'expression de la vivacité organique parfaite, prépondérante et fertile qui se déroule lors de l'accouplement. Le suivi de la métaphore fait que l'on se représente bien mieux la consistance de l'exercice anagogique de Jeremy Shackerley ; ce qui peut nous éclairer sur la raison pour laquelle ce dernier soit effectivement dépossédé de ces mots pour décrire la nature de ces êtres. La position première de ce chapitre n'est pas un hasard, il donne le ton de l'ouvrage, et c'est le seul qui soit écrit intégralement de la main de Mirabeau. On peut aussi

1 Nous en proposons une étude détaillée dans le chapitre suivant. Pour l'heure, nous avons annexé ces pages, et celle dont nous parlons se trouve à la page 419 du chapitre « Sur l'origine de la circoncision » du Tome I des Dissertations qui peuvent servir de Prolégomènes de l'Écriture Sainte, revue, corrigées, considérablement augmentées, et mises dans un ordre méthodique, par le R.P. Dom Augustin Calmet, 3 volumes, Paris, chez Emery, Saugrain et Pierre Martin, 1720. Voy. l'annexe II : « Dissertations f...], de Dom Calmet, Tome I ».

2 Il s'agit d'une erreur car les Philistins n'ont jamais été un peuple circoncis. Il est d'ailleurs curieux que cette erreur soit seulement présente dans le chapitre « Anagogie » et qu'il évite de la commettre dans « L'Akropodie ». Nous développons une analyse autour des erreurs de Mirabeau dans le chapitre suivant.

54 - Au commencement était le Verbe

y noter une subtilité : Mirabeau pense qu'il n'y a que les circoncis qui ne profitent pas des bienfaisances du liquide lymphatique ; ceux-là ne peuvent donc pas interpréter et encore moins révéler l'Écriture par un exercice anagogique. Vu la teneur de son matérialisme, il pouvait tout à fait croire que les circoncis ne comprendraient rien au chapitre « Anagogie » et qu'il en abandonnerait très vite la lecture ; ce premier chapitre pouvait, dans cette conception des choses, faire office de garde-fou et de repoussoir aux lecteurs indésirables.

Après avoir étudié la cohérence et l'unité stylistique de l'oeuvre, il est temps de s'intéresser aux inspirations et aux ressources de Mirabeau afin d'éclairer l'ouvrage dans une étude élargie aux documents ayant servi à sa conception. Autant que possible, nous dévoilons les méthodes de nos recherches intertextuelles ; et si quelques références se trouvent déjà dans l'édition de Jean-Pierre Dubost, nous l'indiquons, mais bien d'autres nous sont apparues grâce à un travail minutieux. Loin de prétendre à une présentation exhaustive de la bibliographie de l'Erotika Biblion, la partie suivante de notre travail vérifie la crédibilité de ses sources, afin de relever la cohérence et l'unité de l'ouvrage aux vues de ces références éclectiques ; il s'agit surtout de nous donner les moyens d'apprécier au mieux l'exacte maîtrise des textes commentés et investis par Mirabeau après les avoir identifiés.

- 55

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote