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Do not disturb: étude observationnelle des interruptions de tàches dans la pratique des infirmiers anesthésistes au bloc opératoire.


par Christopher Jean-Baptiste
Institut Régional de formation des infirmiers anesthésistes diplômé d'Etat (IRIADE, La Réunion 974)) - Infirmier Anesthésiste 2019
  

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101

6.6 Analyse globale des résultats de l'observation

Après avoir détaillé dans son ensemble les résultats de chaque séquence d'activités de l'IADE de l'ouverture de salle jusqu'à l'incision, je vais vous présenter ce qui en ressort d'un point de vue global. Pour rappel, j'ai effectué 45 observations parmi lesquelles j'ai pu identifier 164 interruptions de tâche au total.

Dans un premier temps, nous pouvons finalement définir la séquence la plus exposée aux IT durant mon enquête. Le graphique ci-dessous, classé en ordre décroissant, nous montre les périodes d'activités les plus touchées par les IT.

14,64

12

7,32

Induction et finalisation

Surveillance pré-incision

Accueil du patient
et analyse du
dossier

Ouverture de salle Installation du

patient au bloc opératoire

Répartition totale des interruptions de tâches selon les 5
séquences d'activités répertoriées dans la grille
d'observation

69

20,73

Nombre d'IT Part en %

80

15,24

34

70

60

50

40

30

20

10

0

25 24

42,07

Graphique 1 : Répartition totale des interruptions de tâches selon les 5 séquences d'activités répertoriées dans la grille d'observation

Il s'agit de la période qui couvre l'induction jusqu'à la finalisation de l'installation du patient au bloc opératoire. Ne disposant pas du temps exact qu'elle est supposée durer, elle enregistre néanmoins une proportion de 42,07% soit 69 IT qui ont été recensées sur la totalité (164 IT). Période regroupant pas moins de 8 items, elle reste parmi les plus pourvues en tâches techniques comme la pré-oxygénation et l'intubation.

102

Cependant, il semblerait que l'IADE doit faire face à un grand nombre d'interruptions qui peuvent être gênant dans sa pratique et donc mettre en danger la sécurité des soins prodigués au patient. Mais pourquoi existe-il autant d'IT à ce stade de la prise en charge anesthésique ?

C'est aussi une période qui regroupe un effectif important en termes de personnels de santé et ce dans un même endroit. Nous verrons dans la discussion pourquoi cela est-il important de le soulever. Par comparaison, la séquence « surveillance pré-incision » qui regroupe 5 items a été plus impactée par les IT (34 IT soit 20,73%) que dans la séquence « ouverture de salle ». Elle regroupe pourtant 9 items (25 IT soit 15,24%), soit bien plus que l'autre séquence cité ci-dessus. Cependant cette dernière (séquence « ouverture de salle ») n'est pas dotée du même effectif professionnel que la séquence couvrant la période « surveillance pré-incision ». Nous pouvons donc nous poser la question si les IT ne sont pas plus du fait de la présence d'un certain nombre d'individus dans une même pièce plutôt que le fait que ces séquences soient plus ou moins longues à effectuer ?

En regardant le tableau suivant, qui regroupe les tâches les plus impactées de chaque séquence d'activités par les IT, nous pouvons remarquer que la tâche « pré-oxygénation/sédation inhalatoire » est la plus affectée. L'IADE a été interrompu 27 fois pendant cette tâche, soit une proportion de 16,46%.

Activités/Tâches

Nombre d'IT

Part en %

1 Pré-oxygénation et/ou sédation inhalatoire

27

16,46

8 Préparation du plateau d'anesthésie

18

10,97

2 Feuille d'anesthésie (rédaction) paramètres, etc...

18

10,97

2 Monitorage et oxygénation

11

6,72

2 Recherche et analyse du terrain du patient

5

3,05

TOTAL

79

48,17

 

Tableau 50 : Les 5 tâches de l'IADE les plus affectées par les interruptions de l'ouverture de salle jusqu'à l'incision et par séquences d'activités.

Toujours d'après ces résultats, ce qui est intéressant de dégager, c'est l'ensemble des items qui ont enregistré le plus de perturbations dans la pratique de l'IADE. Avec un total de 79 IT (soit 48,17%), cela signifie que presque la moitié de ces interruptions, se concentre sur 5 tâches, réparties dans chaque séquence de la grille d'observation. Non seulement, nous pouvons affirmer que les IT se manifestent

103

fréquemment de l'ouverture de salle jusqu'à l'incision mais aussi qu'elles se focalisent sur des points clés de la prise en charge anesthésique. En effet, nous observons qu'elles touchent des points sensibles comme la « préparation du plateau d'anesthésie » et la « recherche et analyse du terrain du patient ». J'ai été moi-même exposé à cette difficulté, ce que je décris dans ma situation d'appel.

Que cela signifie-t-il ? Existe-t-il d'autres facteurs déterminant la survenue de tels risques pendant ces tâches ? Quels sont-ils ?

Dans un troisième temps, nous pouvons aussi clarifier la localisation où se manifeste le plus d'IT ainsi que le type. Sans surprise, la « salle d'opération » comptabilise 95,12% des interruptions enregistrées pendant l'enquête.

180

160

156

Répartition totale des interruptions de tâche selon le lieu où elles se produisent

5 3,05 3 1,83 0 0

1 Salle d'opération 3 Couloir 2 Salle d'accueil 4 Autres

Nombre d'IT Part en %

95,12

140

120

100

80

60

40

20

0

Graphique 2 : Répartition totale des interruptions de tâche selon le lieu où elles se produisent.

Véritable plateforme pluridisciplinaire pour les acteurs du bloc opératoire, il est intéressant de retrouver une telle proportion puisque la « salle d'opération » est le théâtre des activités de chaque professionnel de santé qui s'y affère. Regroupant pas moins de 5 individus en général (Chirurgien, MAR, IBODE, IADE, IDE, etc...), la salle d'opération est l'endroit qualifié le plus exposé aux itinérantes interruptions de tâche.

104

Dans un quatrième temps, le graphique suivant montre la répartition totale des IT selon le type d'IT :

Répartition totale des interruptions de tâche selon le
type d'interruption

19 16

11,59 9,76 6 3,66 1 0,6

140

122

120

100 80 60 40 20 0

74,39

2 Physique (contact
humain, discussion
avec l'iade)

4 Bruit 3 Alarmes 1 Téléphone,

smartphone

5 Autres

 

Nombre d'IT Part en %

Graphique 3 : Répartition totale des interruptions de tâche selon le type d'interruption.

Avec une proportion proche des 75% (74,39%), le « contact humain » qui est afférent au type « physique » d'IT, domine de loin dans cette catégorie. En effet, tout au long de mes observations, j'ai pu remarquer que le travail d'équipe qui est le « ciment » du bon fonctionnement d'un bloc pouvait être aussi la principale cause des IT. Dans un système aussi hiérarchisé où circulent et se croisent en permanence, les professionnels de santé, les interruptions peuvent être démultipliées en fonction du nombre de personnes qui y travaillent. Ce n'est pas un hasard si un des impératifs de l'IBODE est de se préoccuper, entre autres, de l'effectif circulant et nécessaire pour une intervention. Au même titre que le risque infectieux, plus il y a d'individus dans une même salle, plus le risque de véhiculer des IT est important. Une étude qualitative pour évaluer cette hypothèse pourrait certainement nous éclairer pour infirmer ou confirmer cela.

Dans un cinquième temps, concernant l'origine des IT, les professionnels de santé seraient les plus à même d'être la source. Ils représentent 71,95% des IT rencontrées lors de mon enquête, soit 118 interruptions sur 164. Qu'est ce qui pourrait justifier un tel résultat ? La pluralité disciplinaire serait-il en cause ? Le BO serait-il un lieu hospitalier favorisant les IT ?

120

4

2,44

2 Patient, famille

1 Professionnel de santé 3 Soi-même 4 Autres (respi, scope,

etc...)

Nombre d'IT Part en %

Répartition totale des interruptions de tâche selon

l'origine

118

18

14,63 10,98

24

140

71,95

100

80

60

40

20

0

105

Graphique 4 : Répartition totale des interruptions de tâche selon l'origine.

En ce qui concerne les « auto » interruptions, l'IADE mobilise 14,63% des IT. Ce qui pourrait démontrer une certaine concentration sur ce qu'il fait. Les machines « qui font du bruit » et les patients sont aussi peu représentatifs des origines des IT, ce qui montre que l'IADE reste peu perturbé par l'individu qu'il prend en charge et son environnement technologique.

Parmi ces professionnels de santé, qui obtiennent néanmoins des scores plutôt équilibrés, les IBODEs semblent être les principaux professionnels, sources d'IT. Ils représentent 32,2% (38 IT) parmi l'ensemble des IT observées chez les professionnels de santé (118 IT). Ce qui constitue ma sixième analyse. Cela peut s'expliquer par plusieurs paramètres :

§ En effet, il faut noter que les IBODEs effectuent leur ouverture de salle au même moment que l'IADE. Celui-ci se retrouvant de façon permanente en contact avec l'IBODE.

§ De plus, ils sont amenés à échanger davantage sur la prise en charge des patients car ils partagent des informations cruciales. Là encore, il serait intéressant de questionner les IADEs sur les professionnels qu'ils croisent le plus souvent pour confirmer ce constat.

106

§ Ensemble, ils accueillent le patient au bloc opératoire afin de recueillir les éléments nécessaires à sa prise en charge et les regrouper dans le dossier médical. Ils l'accompagnent et l'installent au bloc, en collaboration, puis le préparent techniquement en même temps.

§ La collaboration continue lorsqu'ils finalisent l'installation chirurgicale et se poursuivra tout au long de l'intervention jusqu'à la suivante.

Répartition totale des interruptions de tâche selon le
statut professionnel

40

38

 
 

30

25,42

 

22

 
 
 
 

18,65

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

10,17

8

 
 
 
 
 
 

5 4,24

3 2,54

 
 
 
 
 

MAR Chirurgien IDE de salle IADE

AS

Autres
(interne,
manipulateur
radio, etc...)

 

Nombre d'IT Part en %

35 30 25 20 15 10

5

0

32,2

IBODE

Graphique 5 : Répartition totale des interruptions de tâche selon le statut professionnel.

Les MAR recueillent 25,42% d'IT, les chirurgiens 18,65%, les IDE de salle 10,17%, les IADEs 6,78%, les AS 4,24% et les autres (internes, manipulateur radio, etc...) 2,54%. Là aussi, plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour comprendre pourquoi les résultats sont aussi variables comme dans l'hypothèse où les IT se manifestent en fonction de l'heure d'entrée en salle des différentes catégories de professionnels. Cela même, en fonction de leurs implications dans l'intervention.

En effet, de l'ouverture de salle jusqu'à l'incision, l'IADE rencontre ces différents acteurs à des moments clés de sa prise en charge. Par exemple, les IBODEs et les IADEs ouvrent la salle et arrivent donc les premiers. Le MAR, qui travaille en collaboration avec l'IADE, fait son apparition quelques instant plus tard, notamment en fin de check-list ou de reconditionnement pour l'intervention suivante (cf.

107

paragraphe 2.1 « analyse des résultats pour la période d'ouverture de salle (checklist anesthésique) », tableau 5 « Nombre et part des différents professionnels de santé responsables des interruptions de tâche dans la pratique de l'JADE pendant l'ouverture de salle. »).

Au moment de l'installation, tous les acteurs du bloc peuvent être présents avec le chirurgien, les IDEs de salle (qui sont aussi parfois faisant fonction d'IBODEs et donc présents dès l'ouverture) ainsi que les AS.

Cette observation démontre qu'à chaque étape du déroulement des séquences d'activités de l'IADE, celui-ci peut se retrouver confronter aux IT en fonction des interventions de chaque acteur du bloc dans le processus de préparation du site et de la prise en charge.

Un individu comme l'IBODE qui passe autant de temps au BO que l'IADE va forcément avoir provoquer des IT. Les IT sont donc proportionnels au temps partagé avec un autre individu.

Dans un septième temps, nous allons aborder les motifs d'interruption de tâche. Précédemment décrit dans la définition de la Haute Autorité de Santé, il existe des interruptions « justifiées » mais aussi « non-justifiées ». Celles qui concernent les IT « justifiées » sont davantage attribuées à un type collaboratif et coopératif, comme peut l'être l'IADE avec le MAR ou d'autres professionnels. Pour rappel, collaborer, c'est appuyer, contribuer, assister aux tâches d'autrui. Coopérer, c'est aider, participer, échanger.

Même si le graphique suivant montre une part importante d'IT « non-justifiées » (discussions non professionnelles, perturbations sonores, etc...), la part de collaboration représentée par les items « recherche d'information », « apport d'information » et « demande de l'aide » restent conséquentes. Elles cumulent 46,95% des motifs d'IT « justifiées » vs 53,05% pour les IT « non-justifiées » (cf. graphique 7, page 99).

70

60

50

64

39,02

36

25

21,95

Répartition totale des interruptions de tâche selon les

motifs

40

16 14

9,76 8,54 9 5,49

15,24

0

Nombre d'IT Part en %

30

20

10

108

Graphique 6 : Répartition totale des interruptions de tâche selon les motifs.

77

Part des motifs "justifiés" et "non-justifiés"

"JUSTIFIÉS" "NON-JUSTIFIÉS"

46,95

Nombre d'IT Part en %

87

53,05

Graphique 7 : Part des IT « justifiées » et « non-justifiées » dans la pratique de l'IADE au bloc opératoire.

109

Avec l'objectif et le souci permanent de sécuriser sa pratique, la prise en charge et l'environnement du patient, l'IADE montre une résistance particulièrement efficace face aux IT de façon générale. Pour près de la moitié des IT relevées dans cette enquête observationnelle, l'IADE « ne se laisse pas interrompre » tout en restant attentif aux informations qu'on lui donne. Il enregistre un score de 51,22% (soit 84 IT), ce qui est remarquable (cf. graphique 8, page 100).

Répartition totale des interruptions de tâche selon les
réactions de l'IADE face aux IT

90 84

51,22

42

34

20,73

80 70 60 50

40

30 20 10

0

3 1,83 1 0,61

25,61

2 Ne se laisse pas
interrompre (écoute
mais poursuit sa
tâche)

3 Stop la tâche
initiale, débute la
tâche secondaire

puis reprend la

tâche initiale

1 Stop puis reprend
la tâche initiale
(s'interrompt, fait
face à son
interlocuteur et
reprend sa tâche)

4 Stop la tâche
initiale, débute la
tâche secondaire,
mais ne reprend pas
la tâche initiale
(oubli)

5 Autres (ex : relais pris par le MAR)

 

Nombre d'IT Part en %

Graphique 8 : Répartition totale des interruptions de tâche selon les réactions de l'IADE face aux IT.

Professionnel « multitâche », l'IADE, de par sa formation, développe des compétences et une pratique sécurisée. La rigueur et l'organisation ordonnées de son site d'anesthésie font partie intégrante des responsabilités qui le conduiront vers des prises en charge optimales laissant peu de place à la survenue de risque pré, per et post-opératoire. Il doit anticiper en permanence, afin de garantir une maitrise de des risques liés à la chirurgie, à l'anesthésie et au terrain du patient.

Cependant, il lui arrive malgré tout de suspendre sa tâche initiale pour en débuter une autre avant de reprendre celle-ci là où il l'avait stoppé (25,61%). Faut-il y voir un défaut d'expérience ou de sensibilisation à ce phénomène pour expliquer cela ? Est-ce que les tâches secondaires étaient-elles plus importantes que celles

110

initialement effectuées ? Je ne peux, malheureusement pas apporter de réponse là-dessus car je n'ai pas pris en compte cette subtilité.

3 IT mentionnant un « oubli » de la part de l'IADE ont été observées dans l'ensemble de mon enquête, ce qui représente peu et démontre que l'on peut être « multitâche » et concentré sur sa pratique en même temps.

Enfin, dans un huitième temps, le graphique exposant la part des IT en fonction de leur durée, pourrait appuyer l'idée qu'une interruption n'excédant pas une minute, permettrait à l'IADE de plus facilement se prémunir face aux IT par rapport à une perturbation qui serait plus longue.

Répartition totale des interruptions de tâche selon leur

durée

180

 
 
 

153

160

 
 
 

140

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

100

 
 
 
 
 

80

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

40

 
 
 
 

20

 

6,71

 
 

0

 
 

0

0

 
 
 
 
 

1 Moins de 1 minute 2 De 1 min à 5 minutes 3 + de 5 minutes

Nombre d'IT Part en %

Graphique 9 : Répartition totale des interruptions de tâche selon leur durée.

Avec une proportion équivalente à 93,29% (153 IT), les interruptions de tâche sont majoritairement inférieures à une minute. Nous pouvons donc penser qu'elles ne mobilisent pas toute l'attention de l'IADE car elles sont relativement courtes, ce qui lui permet de ne pas perdre complètement le fil conducteur de ses actes et ainsi de pouvoir remobiliser ces facultés cognitives plus aisément.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon