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Urbanisme et santé


par ERIC Omar MOUSTAQIL
Institut d'urbanisme de Lyon - Master 2 Urbanisme et aménagement 2020
  

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II- La santé : Un facteur déterminant de l'architecture des

villes

II.1- L'urbanisme et santé - Aperçu historique

Bien que les villes soient conçues sous le prisme économique, la santé s'est toujours imposée comme une thématique de grande ampleur. L'histoire de nos milieux urbains l'affirme : la perspective de la santé, à travers les époques, a conditionné les orientations et les réflexions de la pensée politico-urbaine, qui ont beaucoup influencé sur la conception morphologique et l'organisation spatiale de nos villes. La première partie de ce mémoire est composée de deux objectifs majeurs : d'une part, rapporter comment la question de la santé en ville a évolué à travers les siècles (partie 1) et d'autre part, mettre en exergue sa relation avec l'urbanisme et son inscription essentielle dans l'espace. Le choix des époques est axé sur les moments forts de l'histoire des épidémies qui ont marqué la science et la recherche en santé dans un milieu perpétuellement pathogène (l'urbain). Ce choix périodique de l'histoire, de l'époque antique jusqu'à aujourd'hui, sert à élucider les évolutions des paradigmes que la santé a imposées dans la sphère de l'urbanisme.

II.2- L'antiquité : la naissance de la pensée hippocratique10

Nous remontons donc à la Grèce Antique, au Vème siècle avant notre ère. Dans un traité, intitulé « Des airs, des eaux et des lieux » Hippocrate donnait une importance à l'environnement pour aborder les maladies.11 Il préconisait aux médecins, alors nomades d'un lieu à un autre, de s'informer de la nature et de la périphérie de l'environnement pathogène du lieu où ils allaient exercer.12 Cette théorie qui traite le corps, son fonctionnement et surtout son environnement a marqué la médecine occidentale jusqu'au début du XXe siècle.

10 Cette partie est tiréé des travaux de Sébastien fleuret, Florence Gherchanoc, Mirko Drazen Grmek

11 « HIPPOCRATE : Traité des Airs, des Eaux et des Lieux. », consulté le 31 octobre 2021, http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Hippocrate/eaux1.htm.

12 Sebastien Fleuret, « l'évolution des savoirs en santé et la place de la médecine dans la société, dans les territoires et dans la ville - ESPACES Et SOCIETES - UMR 6590 CNRS- UNIVERSITE D'ANGERS », Eso Angers, s. d.

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Hippocrate voulait interpeller les médecins sur l'importance du contexte, du climat, de l'influence déployée sur l'organisme par le milieu extérieur, ainsi que de son impact sur les facultés psychique de l'individu et sur les institutions des sociétés13. Il insistait déjà sur la nécessité d'une topographie médicale. Dans son étiologie des maladies, Hippocrate a accordé une grande importance à l'air. Sa doctrine va dominer la pensée médicale jusqu'à la fin du XIXe siècle, jusqu'à la révolution pastorienne. Ainsi les romains avaient adopté les thermes pour l'hygiène du corps, cette pratique étaient accessible à tous (nobles et esclaves). La question de l'hygiène chez les romains était aussi bien d'ordre individuel que collectif afin d'améliorer l'hygiène publiques. Les thermes jouaient également un rôle de sociabilisation et de culture.14 Les romains donnaient également une grande importance à l'assainissement et à la gestion de l'eau. Ainsi pour l'adduction de l'eau potable (sources) et pour l'évacuation des eaux usées hors de la ville, ils construisaient des aqueducs.15

Au Ier siècle avant notre ère, Vitruve va se servir de cette théorie pour inciter les architectes à connaitre la médecine, car selon lui, sans cette connaissance, il serait difficile voire impossible d'assurer la salubrité dans un milieu urbanisé16.

II.3- Le Moyen âge : La suite de la pensée hippocratique

Au XIIe siècle, la médecine commençait à se restructurer et à connaître une certaine évolution. Son utilité sociale et l'essor des villes ont impulsé la réorganisation scientifique de la médecine. Ainsi, des textes grecs et arabes ont été traduits en latin à partir de la fin du XIe siècle, concédaient à la reconstitution d'une théorie médicale, qui ont pu guider la rationalité de la pratique et de la recherche médicale. En effet, parallèlement se développait la pratique clandestine et sauvage de la médecine, considérée comme déviante. Les autorités

13 Mirko Grmek, « Géographie Médicale et Histoire Des Civilisations », Annales. Histoire, Sciences Sociales 18, no 6 (décembre 1963): 1071-97, https://doi.org/10.3406/ahess.1963.421086.

14 Florence Gherchanoc et Institut des sciences et techniques de l'Antiquité, éd., L' histoire du corps dans l'Antiquité: bilan historiographique; journée de printemps de la SOPHAU du 25 Mai 2013, Dialogues d'histoire ancienne Supplément 14 (Besançon: Presses Univ. de Franche-Comté, 2015).

15 Encyclopædia Universalis, « AQUEDUCS, Antiquité », Encyclopædia Universalis, consulté le 31 octobre 2021, https://www.universalis.fr/encyclopedie/aqueducs-antiquite/.

16 Martin Galinier, « L'eau et l'hygiène dans la Rome antique », in Cadre de vie, équipement, santé dans les sociétés méditerranéennes, éd. par Jean-Michel Goger et Nicolas Marty (Presses universitaires de Perpignan, 2005), 261-73, https://doi.org/10.4000/books.pupvd.11503.

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ecclésiastiques, constituant alors le « biopouvoir »17 et auprès desquelles se cantonnait le savoir scientifique, luttaient et interdisaient le recours à ces pratiques entretenant un certain charlatanisme, ce qui explique partiellement, l'évolution du savoir médical. C'est alors que la médecine imposait, pour être exercée, des connaissances et des savoirs scientifiques, notamment la connaissance de l'anatomie et de la physiologie du corps humain.18

« Au Moyen-âge, les épidémies de peste ont donné lieu à des initiatives que l'on pourrait comparer aujourd'hui à des mesures de santé publique urbaine. Par exemple, en 1347, en Italie, on instaura une surveillance des provenances de marchandises sur les marchés (on interdit la revente de vêtements ayant appartenu à des pestiférés) et des contrôles aux portes des villes, dans les ports assortis de mesures de quarantaine et d'isolement. Ce type de mesures, si elles ne permettaient pas de soigner ni même de comprendre la maladie, permettaient de la contenir ».19 On constate que la pensée hippocratique a bien marqué la médecine du Moyen-Âge. L'importance donnée à la connaissance et à la gestion de l'espace pour limiter les contaminations ainsi que la recherche des causes des maladies avant d'administrer un remède constituaient le principe même de la doctrine Hippocratique.

Le Moyen-Âge, marqué, historiquement, par sa longue période de dix siècles, débute à partir de la chute de l'Empire romain à la Renaissance, agitée par de nombreux conflits et guerres entre tribus et pays.20 Cependant, elle connait également une étape importante pour la médecine, qui devenait alors une discipline importante à s'approprier. Pour lui donner forme et développer sa scientificité, des universités s'étaient alors développées pour enseigner ses connaissances et ses savoir-faire extraits de l'Antiquité (Cf. figure n°1)21.

17 Katia Genel, « Le biopouvoir chez Foucault et Agamben », Methodos. Savoirs et textes, no 4 (2 mai 2004), https://doi.org/10.4000/methodos.131.

18 Danielle Jacquart, « Quelle médecine pratiquait-on au Moyen Âge ? -CONFÉRENCES- », 2017, https://www.franceculture.fr/conferences/palais-de-la-decouverte-et-cite-des-sciences-et-de-lindustrie/quelle-medecine-pratiquait.

19 Fleuret, « l'évolution des savoirs en santé et la place de la médecine dans la société, dans les territoires et dans la ville - ESPACES Et SOCIETES - UMR 6590 CNRS- UNIVERSITE D'ANGERS ». art déjà cité.

20 « Comment se soignait-on au Moyen-Âge? », https://www.passeportsante.net/, 4 janvier 2016, https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=medecin-moyen-age.

21 Idem, art. déjà cité

Source : ENCYCLOPEDIA UNIVERSALIS. SALERNE, Ecole de Médecine de [en ligne] http://www.universalis.fr/ (Comment se soignait-on au Moyen-Âge ? - La théorie des humeurs ( passeportsante.net)

Figure n°1 : L'école de Salerne : la première faculté de médecine

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II.4- Le XIXe siècle : naissance de l'hygiénisme 22

Au XIXème siècle, la ville telle qu'elle est construite à cette période, connait un bouleversement radical avec son expansion et le développement de l'industrie. Plusieurs villes avaient enregistré une densité populaire et une expansion urbaine sans précédent. Elle leur imposait une logique de rentabilité et de productivité détruisant le système socioculturel et empêchant tout développement personnel. La vie citadine s'est vue alors imposer une temporalité quotidienne axée sur l'organisation du système industriel. Les villes industrielles ne cessaient d'enregistrer et d'observer une dégradation de la vie mentale et sociale.23 A Paris, on a pu enregistrer une forte hausse de la démographie : sa population a doublé en moins de 50 ans entre 1800 et 1851, à cause de l'exode rural. Cela a créé une concentration ainsi qu'une densité humaine et animale dans les logements pauvres. Cette recrudescence industrielle a créé un exode rural important et une urbanisation désordonnée, entraînant la

22 Cette partie traitant la période du mouvement hygiéniste est tirée des travaux de : S. Barles, S. Fleuret, G. Jorland, M. Coornaert, P. Bourdelais, C. Chaline etc.

23 Laurence Costes, « Le Droit à la ville de Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique? », Espaces et sociétés 140-141, no 1 (2010): 177, https://doi.org/10.3917/esp.140.0177.

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dégradation de la qualité de l'environnement et la vétusté de l'habitat ouvrier entrainant ainsi l'émergence des épidémies infectieuses (typhoïde, variole, syphilis, choléra etc.).

Le choléra, épidémie qui a affecté l'Europe et la France entre 1830-1892, est caractérisé par la déshydratation complète de l'organisme et une cyanose au visage. Elle a pris le nom de «peur bleue» (la peste était noire), appellation toujours utilisée de nos jours.24 Aucune étude scientifique n'avait pu déterminer officiellement son origine, il était donc communément établi que l'épidémie provenait de l'air que l'on respirait. La méconnaissance de la cause de la maladie n'a pas permis à la médecine de trouver un remède et a encouragé en conséquence l'organisation et l'évolution de la recherche scientifique.

Sabine Barles explique que : « La médecine était impuissante dans la compréhension et le traitement de cette maladie. On pensait qu'elle avait pour origine les miasmes putrides qui stagnaient dans l'air souillé des villes qui provenait de la décomposition de tous les détritus et déchets, organiques ou non, produits des activités urbaines, rejetés dans l'espace urbain »25.

À ce constat, nous pouvons ajouter le phénomène de l'expansion urbaine pour subvenir aux besoins de l'industrialisation galopante qui a engendré une extrême insalubrité, infectant l'air, les eaux, les sols et les sous-sols. Cette expansion est également la cause principale de la formation des boues, des miasmes, des exhalaisons méphitiques et par conséquent une prévalence de mortalité supérieure à ceux des campagnes.26 Plusieurs phénomènes vont alors apparaître pour faire face à cette situation. Nous observons l'exode de la classe bourgeoise vers la campagne pour fuir ces miasmes et l'organisation multidisciplinaire regroupant des médecins et des ingénieurs27. Deux communautés de professionnels vont collaborer ensemble pour intervenir. C'est cette intersectorialité amorcée dès la fin de l'Ancien Régime, puis systématisée durant la Monarchie de Juillet et le Second Empire, notamment à Paris28, qui prendra le nom d'Hygiénisme. Ainsi, à partir du milieu du XIXe siècle, le mouvement hygiéniste étend sa philosophie et marque l'histoire de la pensée de la médecine. Il s'inscrit alors dans la lutte contre l'insalubrité et installe la doctrine d'urbanisme de la moitié du XIXème siècle. Ce

24 Lucie Coignerai-Devillers, « La France et le choléra : Patrice Bourdelais, Jean- Yves Raulot, Une peur bleue. Histoire du choléra en France 1832-1854. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 76e année, n°276, 1988. pp. 101103. », s. d., http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1988_num_76_276_2939_t1_0101_0000_4.

25 Sabine Barles, L'invention des déchets urbains: France, 1790-1970, Collection milieux (Seyssel: Champ Vallon, 2005).

26 Sabine Barles, La ville délétère: médecins et ingénieurs dans l'espace urbain, XVIIIe-XIXe siècle, Collection Milieux (Seyssel: Champ Vallon, 1999).

27 Idem, art déjà cité

28 Idem, art déjà cité

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volontarisme et ce militantisme aigus sont, en outre, appuyés par un engagement politique et un cadre législatif.

Pour les hygiénistes, il fallait alors opérer par l'éradication des odeurs nauséabondes constituant, selon eux, la cause de la propagation des épidémies en agissant sur l'espace urbain. Il est donc communément admis qu'il faut « aérer, ventiler, dédensifier l'espace, purifier l'air en chassant les odeurs méphitiques »29. Pour cela, il fallait transformer la ville en l'assainissant, faire circuler et apporter « l'eau pure, évacuer les eaux usées, assécher le sol, étanchéifier les chaussées, favoriser les écoulements et flux, éviter la stagnation, séparer les éléments (air/eau/sol) et empêcher leur mélange qui produit pourrissement et odeurs morbides. Il fallait aussi éliminer les fortes densités et la promiscuité qui facilitent la contagion, déplacer les populations, planter arbres et végétaux, jardins et parcs pour purifier l'air, ouvrir et dégager les espaces par des percées et des places pour faire circuler l'air, éloigner les activités polluantes, démolir les constructions insalubres..., toute une multitude d'actions et de mesures hygiénistes qui développent une diversité d'expériences (urbanistiques) et donnent la naissance de l'urbanisme comme discours théorique ». 30

L'urbanisme naissant s'est donc développé comme nouvelle discipline de l'aménagement, de la gestion et de l'organisation de l'espace urbain. Il s'est vu doté d'une mission sanitaire : combattre et éradiquer les foyers d'infection dont les formes urbaines anciennes pathogènes étaient la cause. L'objectif de l'urbanisme consiste à remodeler l'espace urbain, créer de nouvelles formes urbaines et de nouveaux aménagements ainsi que des équipements destinés à traiter et éliminer les épidémies afin de protéger et sauvegarder la santé des citadins. Telle était la mission prophylactique et thérapeutique affectée à l'architecture et à l'urbanisme. Ainsi se développe une incontestable « science appliquée à l'amélioration de l'espace urbain exercée par les ingénieurs et les architectes ».31

29 Par Richard_admin, « Urbanisme et médecine, une brève histoire des rapports », Réseau Environnement Santé (blog), 7 janvier 2016, https://www.reseau-environnement-sante.fr/urbanisme-et-medecine-une-breve-histoire-des-rapports/.

30 M. Coornaert, « Choay F, L'urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie- Revue française de sociologie/ année 1966, 7-4.pp. 551-552; », 1966.

31 Sabine Barles, « Les villes transformées par l'hygiénisme : cent ans d'innovations locales », Métropolitiques, 3 décembre 2014, https://metropolitiques.eu/Les-villes-transformees-par-l.html.

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Le mouvement hygiéniste a influencé la pensé « Médico-urbanistique » jusqu'au XXe siècle. Cette pensée, associée à la science, a fondé « l'hygiène publique qui s'institutionnalise dans divers conseils et comités. Le mouvement publie et diffuse ses observations, surmonte les obstacles, combat l'obscurantisme et les inerties administratives, se crée une idéologie et conquiert le pouvoir, puis légifère pour le bien de la société »32. En effet, ce mouvement interdisciplinaire porté par des médecins, des ingénieurs, des philosophes, notamment Lavoisier, Hallé, Villermé, Pasteur etc. a marqué le progrès de la science et de la politique en France.

Ainsi l'épidémiologie aura commencé à faire son chemin. Elle sera fondée sur une démarche d'observation scientifique de l'environnement. L'histoire du Dr John Snow en est une parfaite illustration : en 1854, il avait identifié la cause de l'épidémie de choléra du quartier londonien de Soho en cartographiant les cas énumérés pour ainsi constater que le choléra n'avait dévasté qu'une zone bien délimitée. Au centre de cette zone se trouvait Broad Street et sa vieille pompe qui fournissait l'eau potable à toute la communauté. La carte de Snow avait montré qu'on n'enregistrait pas de cas de choléra là où les gens s'approvisionnaient en eau dans d'autres pompes que celle de Broad Street (Cf. figue n°2). En fin, La fermeture de la pompe stoppa l'épidémie.33

32 Barles. Art. déjà cité.

33 Fleuret, « l'évolution des savoirs en santé et la place de la médecine dans la société, dans les territoires et dans la ville - ESPACES Et SOCIETES - UMR 6590 CNRS- UNIVERSITE D'ANGERS ». art. déjà cité

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Figure n° 2 : Cartographie du Choléra par le Dr John Snow

Source : snow.gif (544×421) ( healthcybermap.org)

Cette naissance de l'épidémiologie est parallèle à des progrès médicaux majeurs (travaux de Pasteur ou de Koch par exemple). La médecine et l'épidémiologie vont être à l'origine de l'hygiénisme dont la portée dépasse le seul champ de la santé pour se définir comme la recherche de réponses aux maladies endémiques et épidémiques dans les conditions d'environnement.34 Ainsi, courant le XIXe siècle, l'hygiénisme et la médecine sont inséparables. L'hygiénisme du XIXème siècle a laissé des traces dans l'espace, particulièrement dans l'espace urbain et ces traces sont visibles encore aujourd'hui.35

L'essor de l'hygiénisme s'accompagne de grandes transmutations des espaces urbains qui sont déléguées, généralement, aux ingénieurs qui ont développé les connaissances de la nouvelle profession relative à la conception de l'urbain.36

34 idem

35 idem

36 Barles, « Les villes transformées par l'hygiénisme ».

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II.5- Le XXe siècle : l'urbanisme moderne et fonctionnaliste37

Ce lien entre urbanisme et santé perdure jusqu'au début du mouvement fonctionnaliste, soit au début du XXème siècle. Des études épidémiologiques démontrent que le choléra est éradiqué, mais la tuberculose reste le problème à résorber dont les logements et bâtiments sont identifiés comme la cause principale. En effet, le fonctionnalisme est arrivé, non seulement pour concevoir une ville efficiente, mais également pour apporter une solution à la cause de la tuberculose. Étant donné qu'aucun traitement n'existait, l'urbanisme a donc été sollicité, en se basant sur les principes d'Hippocrate. En effet, le sanatorium, considéré comme étant un traitement contre la tuberculose, notamment grâce à l'air pur et au soleil, représente tout à fait cette doctrine. Nous allons, en effet, faire appel à l'urbanisme et à l'espace, encore une fois, pour apporter des soins, toujours inspirés de l'hygiénisme (Air, Lumière et soleil). Cependant cette nouvelle doctrine urbanistique va réexaminer et interroger la forme traditionnelle et radioconcentrique de la ville compacte et ses îlots.38

En revanche, doter l'ensemble des bâtiments anciens de la ville de la lumière du jour et de l'air afin de lutter contre l'épidémie exige une intervention « chirurgicale » très complexe au regard de la morphologie moyenâgeuse des bâtiments. Cela concerne effectivement la morphologie des îlots. Nous observons donc un changement de paradigme dans l'aménagement de l'espace au regard du modèle haussmannien : le modèle qui avait marqué la pensée urbanistique avec ses « 3 systèmes39:

· Système des percés et des îlots afin d'aérer la ville

· Système d'espace vert, pour apporter plus d'oxygène

· Système d'adduction d'eau pure et d'assainissement des eaux usées »

En effet, l'action urbanistique fonctionnaliste concernera non seulement l'espace public (Voiries, jardins, parcs, réseaux etc.), mais également l'espace privé (logements).

37 Cette partie est tirée des travaux de : S. Barles, P. Panerai, P. Castex, T. Paquot, A. Levy etc.

38 Philippe Panerai, Jean Castex, et Jean-Charles Depaule, « www.editionsparentheses.com / Panerai,
Castex, Depaule -- Formes urbaines, de l'îlot à la barre / ISBN 2-86364-602-8 », s. d., 20.

39 EIVP, « Urbanisme et Santé, Transition ou Effondrement ? » - Université du Génie Urbain - EIVP - Partie 1 ( Albert Levy, Thierry Paquot et al, 2021, https://www.youtube.com/watch?v=ggGGabvVUJk.

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En considération de la contrainte sanitaire, la ville fonctionnaliste naît des CIAM- Congrès International d'Architecture Moderne (1928) et de sa proclamation, la Charte d'Athènes (1933), a ébranlé le principe traditionnel de la forme urbaine (l'îlot fermé) estimé source de la propagation de l'épidémie40. Elle préconise que la conception de la ville doit remplir quatre critères de besoins et de fonctions : (habiter, travailler, circuler, se récréer) et elle est présentée comme solution thérapeutique de nature spatiale (A. Lévy préfère que l'on utilise le néologisme SPATIALISME)41.

Cette doctrine de la table rase s'inscrit comme un nouveau paradigme de la chimère d'une nouvelle conception du tissu urbain moderne et fonctionnel, marquant ainsi une rupture avec l'idée de la ville historique considérée comme pathogène. En effet, face à la menace de la tuberculose, la priorité sanitaire a été primordiale et indiscutable pour Le Corbusier. Ainsi, nous observons que «l'organisation de l'espace urbain apparait alors comme un moyen thérapeutique, les formes urbaines sont employées comme pharmakon ».42

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon