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Partir ou rester ? Intention d’émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique.


par Josue Begu Mbolipay
Université catholique de Louvain - Master 2 en Sciences de la population et du développement 2018
  

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Chapitre 6. Discussion des principaux résultats

Cette discussion se fait premièrement du point de vue de l'ampleur de l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au Canada et deuxièmement du point de vue des facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique vers ces deux destinations et vers l'Europe.

Du point de vue de l'ampleur, les résultats de cette étude réaffirment l'importance de l'immigration africaine aux Etats-Unis et au Canada et montrent que l'émigration secondaire africaine, bien que faible, existe mais les données qui permettent de la saisir se font de plus en plus rares. Certaines bases de données permettent de la saisir uniquement par déduction. De même, les bases de données individuelles sur la migration secondaire africaine effective notamment aux Etats-Unis et au Canada sont inexistantes39. Les bases de données exploitées pour le compte de cette étude ont permis, outre les caractéristiques des immigrants africains, d'identifier le profil des migrants secondaires africains aux Etats-Unis et au Canada. Ces migrants sont les plus qualifiés en termes de compétences ou niveau d'éducation et de revenus.

Ces résultats corroborent ceux trouvés par Takenaka (2007) et Greenwood & Young (1997) qui montrent clairement que bon nombre des immigrants admis aux Etats-Unis (12.5%) et au Canada (16%) venaient des pays autres que ceux dans lesquels ils sont nés. Ces migrants secondaires africains, aux Etats-Unis, sont arrivés dans 92% de cas après l'année 2000 (IPums, 2018) en provenance principalement du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne et de l'Italie. De ce constat découlent deux informations pertinentes. Premièrement, il révèle que l'émigration secondaire est un phénomène ancien -même si sa mesure pose problème dans nombre des pays- mais le plus grand intérêt que les chercheurs y ont accordé ces dernières années s'explique par la mondialisation et l'émergence des personnes hautement qualifiées (africaines en particulier) à la recherche de meilleures opportunités de carrières dans les pays les plus développés. Deuxièmement, il confirme le fait que les migrants secondaires viennent généralement des pays les plus pauvres et migrent d'abord vers les pays les plus riches avant de migrer davantage vers les États-Unis (Takenaka, 2007). Dans le cas d'espèce, l'Europe est le principal continent de transit des migrants secondaires africains vers les Etats-Unis et le Canada.

39 D'ailleurs, le recensement au Canada ne tient pas compte de la dernière résidence des migrants

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Il faut néanmoins signaler que le résultat en rapport avec les pays de transit est obtenu en isolant les autres continents dont l'Afrique dans l'analyse afin d'identifier les principaux pays européens de transit vers les Etats-Unis et le Canada dans la logique de Takenaka (2007). Notons, par ailleurs, que l'analyse fine et globale, intégrant tous les continents, sur quelques pays africains à l'aide de données de Ipums (2018) pour les Etats-Unis et Demig C (2015) pour le Canada, révèle que l'Afrique reste le premier continent de transit des Africains avant d'atterrir aux Etats-Unis et au Canada (fig.13 et 18). Ceci est valable aussi pour les migrants secondaires d'origine africaine, c'est-à-dire ceux qui sont nés en Afrique comme ailleurs.

Du point de vue des facteurs explicatifs, la non-intégration socio-économique explique mieux l'intention de quitter la Belgique. Cette non-intégration se manifeste par l'intention de quitter la Belgique à un nombre important des migrants africains, soit 42,46%, pour aller s'installer dans un autre pays que leur pays de naissance. Cette intention de quitter la Belgique est soutenue par des motivations qui sont d'ordre professionnel (30,6%) et d'amélioration des conditions de vie (35,9%). Ces résultats reflètent la réalité de la société Belge car le rapport de Service public fédéral Emploi, travail et concertation sociale chiffre à 19% l'écart de taux d'emploi en faveur des Belges comparativement aux migrants non-européens (SPFE, CTC, 2017). Cet écart s'explique notamment par la non-qualification, la non-reconnaissance des diplômes et les discriminations auxquelles font face les migrants non-UE (Martens et al, 2005 ; Flahaux, 2013 :45 et Unia, 2017). Au-delà de cet écart, qui est une réalité dans la société belge, il convient de noter que, dans la zone européenne, le taux d'emploi des migrants non-UE reste faible en Belgique comparativement aux autres pays de l'Union européenne (OCDE, 2015).

Par ailleurs, à la situation dans d'emploi, s'ajoutent notamment la nationalité et le statut de logement comme facteurs majeurs dans l'explication de l'intention de quitter la Belgique, d'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada et aussi vers l'Europe.

S'agissant de la situation dans l'emploi, il ressort de nos analyses que les chances de vouloir quitter la Belgique au profit des Etats-Unis et du Canada sont d'environ trois fois plus élevées chez les migrants qui sont moins intégrés, c'est-à-dire qui ont un travail instable, soit d'intérimaire ou sans contrat formel, soit à durée déterminée comparativement à ceux qui ont un contrat à durée indéterminée. Ces migrants moins intégrés justifient leur choix principalement par la plus grande ouverture aux personnes d'origine africaine et par les motivations relatives à l'amélioration des conditions de vie. Cette évidence montre que les

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moins intégrés sur le plan professionnel sont plus nombreux à espérer trouver mieux aux Etats-Unis et au Canada comparativement aux plus intégrés en Belgique. Ces résultats corroborent ceux trouvés par Toma & Castagnone (2015). Ces dernières soulignent que la probabilité de ré-migration est faible si le candidat à la migration a un emploi qualifié ou semi-qualifié contrairement à ceux qui n'ont pas d'emploi ou ont un statut plus précaire. Il en est de même pour l'étude menée par de Hoon et al (2019) auprès de réfugiés au Pays-Bas. Ces derniers trouvent à leur tour que la probabilité d'une émigration secondaire est très élevée chez les réfugiés sans emploi ou sans revenus comparativement à ceux qui ont un emploi. Il s'agit ici du contexte ou de l'environnement dans lequel se trouvent les migrants et de leurs conditions socio-économiques dans cet environnement qui déterminent leurs nouvelles aspirations. Il y a là nécessité de reconnaitre l'importance de l'expérience migratoire antérieure dans l'explication d'une mobilité continue ou de migrations multiples (Scheibelhofer, 2018) et du caractère économique intrinsèquement lié à la migration (Piguet, 2013 ; Leslie et Richardson, 1961 ; Drechsler et Gagnon, 2008).

Pour ce qui de la nationalité, la naturalisation des migrants africains vivant en Belgique s'avère une variable importante dans l'explication de l'intégration socio-économique et de l'émigration secondaire. La naturalisation est un élément important dans l'intégration sociale des migrants dans ce sens qu'elle les accorde les avantages inhérents à la citoyenneté belge. Parmi ces avantages, les deux principaux sont la réduction des obstacles pour obtenir un emploi et la liberté de mouvement. De ce fait, ne pas détenir la nationalité belge est un frein à l'emploi mais son acquisition augmente les chances de trouver un emploi de 14% selon le Conseil supérieur de l'emploi (2018) en Belgique. L'engouement à la recherche de la naturalisation dont fait montre les migrants non-UE et africains en particulier est l'une des explications possibles. Quant à la liberté de mouvement, les résultats de notre étude montrent que l'intention d'une émigration secondaire vers l'Europe est très élevée chez ceux qui ont la nationalité belge comparativement à ceux qui n'en ont pas. Toma et Castagnone (2015) rappellent à ce sujet que la naturalisation facilite le mouvement intra union-européenne en particulier dans ce sens que les directives de l'UE sur l'immigration permettent d'octroyer les droits d'entrée et de séjour au sein de l'UE qu'à certaines catégories de migrants tels que les étudiants, les résidents de longue durée et les travailleurs hautement qualifiés. Ainsi, les migrants ne faisant pas tous partie de catégories susmentionnées, avoir la nationalité belge ne fait que faciliter davantage leur mobilité. A ce sujet, l'étude menée par de Hoon et al (2019) sur les réfugiés au Pays-Bas montre que la naturalisation entraîne un taux d'émigration

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secondaire plus élevé parmi les réfugiés qui ont bénéficié d'aides sociales et parmi ceux qui étaient en possession d'un «passeport faible40» avant la naturalisation. Ce résultat révèle une forme de protection et une marge de manoeuvre que possèdent ceux qui ont déjà acquis la nationalité belge. La protection est assurée par la facilité de mouvement en tant que citoyen belge et la marge de manoeuvre s'appréhende par la possibilité de rentrer en Belgique même si l'émigration secondaire se soldait à nouveau par un échec ou par le fait de ne pas réaliser les aspirations inhérentes à la énième mobilité.

En ce qui concerne le statut de logement, la probabilité de quitter la Belgique au profit des Etats-Unis et du Canada est largement plus élevée (5,3) chez les hebergés comparativement aux migrants africains propriétaires. Etant un facteur d'intégration sociale41 à part entière, le statut de logement est significativement lié à l'intention d'une émigration secondaire et à la migration secondaire effective. L'étude menée par Beenstock (1996) en l'Israël a révélé que la migration des immigrants vers d'autres destinations n'était pas nécessairement expliquée par le chômage mais par des facteurs d'intégration sociale tels que la langue et le logement. De même, l'étude de Humphries et al. (2009), menée dans un contexte diffèrent de celui de Beenstock (1996) -avait pour objectif d'éclairer les décideurs dans la prise de décisions en rapport avec le besoins en main d'oeuvre infirmière migrante dans le cadre du projet "The Nurse Migration Project"- ont trouvé que l'intention d'une émigration secondaire des infirmières philippines et indiennes d'Irlande vers le Canada, les États-Unis et l'Australie s'expliquait par l'accès à la résidence permanente et à la citoyenneté. Ces études corroborent nos résultats et confirment le pouvoir explicatif du statut de logement ou de l'accès au logement sur non seulement l'intention d'émigration secondaire mais aussi sur l'émigration secondaire effective.

Enfin, pour ceux qui ont exprimé l'intention d'émigration secondaire vers l'Europe, leur choix s'explique principalement par la recherche de meilleures opportunités de carrières. Cette catégorie des migrants est constituée essentiellement des migrants africains les plus intégrés sur le plan socio-économique en Belgique : ceux qui ont un travail à durée indéterminée qui correspondent à leurs qualifications et qui sont propriétaires de leur maison. Contrairement aux moins intégrés qui n'ont pas souvent les ressources nécessaires et disponibles pour concrétiser leurs aspirations, -comme c'est le cas de ceux qui ont l'intention

40 En termes de droits de mobilité et de possibilités de voyager sans visa.

41 Certains considèrent l'accès à la propriété immobilière comme une variable purement économique et d'autres par contre comme une variable sociale ou socio-économique.

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de migrer vers les Etats-Unis et le Canada-, ceux-ci sont pour la plupart hyper qualifiés, disposent plus de ressources par rapport au reste de la population (Docquier & Marfouk, 2006 ; Nekby, 2006 ; Sorana et Eleonora, 2015) et peuvent effectuer autant de migrations possibles à la recherche de mieux-être. En effet, la poursuite de la mobilité permet une meilleure valorisation du capital humain des migrants, tout en étant facilitée par leur niveau de compétence (Kelly, 2012).

C'est à ce titre que nous avons développé à l'aide du modèle de Carling (2002) une catégorisation nous permettant de différencier la capacité des migrants à convertir leurs aspirations en migration effective en fonction de leurs ressources car l'intention et le comportement sont intimement liés (Carling & Schewel, 2018). Une autre explication possible à cette catégorisation est que lorsque les individus développent le désir de migrer ou de ré-migrer, le résultat dépend de leur capacité à le concrétiser, compte tenu des obstacles et des opportunités propres au contexte. Pour Carling (2002), les obstacles les plus importants à la migration sont souvent les politiques d'immigration restrictives. Mais ces politiques s'appliquent inégalement à différents groupes sociaux (Van Hear, 2014). Elles ont tendance à faciliter le mouvement des personnes hautement qualifiées tout en le restreignant aux migrants peu qualifiés (Carling & Schewel, 2018 :12).

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams