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La présomption d'innocence et la pratique judiciaire congolaise


par Giresse Emery Kasaka Ngemi
Université Révérend Kim - Licence 2017
  

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B. Respect des règles de procédure

Le respect des règles de procédure obéi au principe de légalité des délits, des peines et de procédure (1) ainsi qu'à l'égalité entre l'accusation et la défense (2).

1. Légalité des délits, des peines et de la procédure

De tous les principes consacrés par le droit pénal congolais, le plus important est le principe de la légalité des délits et des peines exprimés par la maxime latine « nullum crimn, nulla poena sine lege98(*)». Le principe de la légalité criminelle est sans doute le principe du droit pénal, car celle-ci est la « règle cardinale, la clé de voûte du droit criminel99(*)».

C'est le principe de la légalité qui fait de l'Etat, un « Etat de droit » dans lequel, à l'inverse à ce qui se passe - selon Baruch Spinoza - dans un « Etat de fait ou l'Etat de nature100(*) », les organes administratifs et judiciaires sont tenus de respecter les règles générales posées par la loi, dans le but d'assurer le respect des libertés individuelles et la vie de la communauté ; d'où l'on parle de la « légalité administrative101(*)» et en droit pénal, de la « légalité de délits et des peines».

De plus, si l'Etat trouve sa croissance et son émergence dans les textes juridiques qui font de lui un Etat de droit, celui-ci n'est rien qu'une société fondée sur des lois, et l'Administration publique établie par celui-ci devra traiter et considérer tous les hommes sur le même pied d'égalité devant la loi102(*) et elle-même sera soumis à la légalité.

En effet, si le principe de légalité s'impose pour permettre aux citoyens de connaître à l'avance ce qui est autorisé ou interdit sous la menace d'une peine, il a pour conséquence d'imposer à ces mêmes citoyens de se renseigner avant d'agir, car il insinue la présomption de connaissance de la loi, théorie issue de Thomas Hobbes, qui pense quecelui qui, dans ses actions, observe les lois de son pays103(*), ne fait qu'une seule dénomination, équivalente à ce seul mot, juste104(*). Cette obligation est posée par la Constitution du 18 février 2006 dans son article 62 en ces termes : « Nul n'est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République105(*)».

Donc, en matière criminelle, la contrepartie de la règle posé par le l'article 1er du code pénal «Nulle infraction ne peut être punie de peines qui n'étaient pas portées par la loi avant que l'infraction fût commise106(*)» et l'existence d'une présomption à ce sujet témoigne de ce que les citoyens sont supposés avoir exécuté leur obligation de se renseigner sur le contenu des lois.

De plus, l'article 17-3 de la constitution du 18 février 2006  va compléter le code pénal en ces termes: « nul ne peut être poursuivi pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction au moment où elle est commise et au moment des poursuites107(*)». Cela se traduit littéralement par : nul ne peut être poursuivi que pour des actes ou des omissions prévues par la loi (légalité des infractions) ; nul ne peut être puni des peines qui ne sont pas prévues par la loi (légalité des peines) ; nul ne peut être poursuivi que dans la forme prescrite par la loi (légalité de la procédure).

Ce principe est également posé par l'article 11-2 de la DUDH : « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis », réaffirmé par l'article 22-1 du Traité de Rome portant Statut de la CPI : « une personne n'est responsable pénalement en vertu du présent Statut que si son comportement constitue, au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de la Cour 108(*)».

Il appert que, eu égard à ce qui vient d'être analysé, seuls peuvent faire l'objet d'une poursuite, d'une condamnation pénale, les faits déjà définis et sanctionnés par le législateur au moment où l'accusé a commis son acte, et seules peuvent leur être appliquées les peines édictées à ce moment déjà par le législateur. C'est ainsi que le criminologue canadien Denis Szabo dans son ouvrage de criminologie et politique criminelle dit  que « l'individu dont l'acte échappe à la sanction pénale n'est pas, aux yeux de la loi, un délinquant109(*)». C'est un innocent110(*).

Il s'ensuit qu'en vertu de l'article 150 de la Constitution du 18 février 2006111(*), au niveau juridictionnel112(*), le pouvoir constituant a fait du pouvoir judiciaire le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux de chaque citoyen. De ce fait, il a posé le principe de la légalité des juridictions pénales, étant donné que les libertés proclamées dans la Constitution ne peuvent être restreintes que par les juges habilités, car c'est seule la loi qui crée les juridictions pénales chargées de juger les auteurs des infractions et de leur infliger les peines qu'ils méritent.

Au demeurant, sur base des articles 17-3 et 150 de la Constitution, une formulation plus exhaustive mérite d'être retenue dont « nullum crmen, nulla poena, nullum judicium sine lege».

Somme toute, le principe de la légalité des délits, de procédure et des peines incombe au Ministère Public de ne viser d'abord que le texte légal avant de prouver la matérialité des faits incriminés, afin de dire qu'il s'agisse d'une action ou d'une omission, ou avant de prouver l'intention délictuelle du prévenu. Ce principe impose au législateur, comme exigence logique de sa fonction normative, la rédaction des textes définissants sans ambigüité les comportements qu'ils érigent en infraction.

* 98 MVAKA NGUMBU I-A., Droit pénal général, Notes de cours, URKIM, 2014, p.18 et 19.

* 99 NYABIRUNGU mwene SONGA, Op. cit, p50

* 100 Pour Baruch de Spinoza, l'Etat de nature est celui par lequel la population décide selon sa propre nature, ses propres intérêts. Selon lui, dans l'Etat de nature, la population n'est tenue par aucune loi et n'obéit à personne d'autre qu'à elle-même ; voir NTUAREMBA ONFRE L., Civisme, développement et droits humains, Notes polycopiée, G1 R.I, UNIKIN, 2012, p15.

* 101 YUMA BIABA L., Droit administratif, Kinshasa, éd. CEDI, 2011, p229.

* 102NTUAREMBA ONFRE L., Civisme, développement et droits humains, Notes polycopiée, G1 R.I, UNIKIN, 2012, p20.

* 103 HOBBES Th., Léviathan, Traité du pouvoir de la république ecclésiastique et civile, Première partie : de l'homme, Traduction originale de M. Philippe Folliot, Normandie, 23 novembre 2002, p31.

* 104Or, à notre avis, comme rien ne permet de postuler que le comportement de l'auteur d'une infraction soit déterminé par le point de savoir s'il va enfreindre ou non la menace légale qu'il peut d'ailleurs ignorer ou mal connaître, une loi, bien que publiée, peut être ignorée. Car, actuellement, l'ignorance de la loi est aussi une cause de non imputabilité ; d'où la jurisprudence congolaise a ajouté l'erreur de droit. En d'autres termes, ce n'est pas la loi pénale qui dirige les comportements humains. Dans le langage sociologique, on dit que ce n'est pas la règle juridique qui détermine les pratiques sociales. C'est avec raison que César Lombroso parle, par exemple, des délinquants d'occasion, lorsqu'il dit : « les délinquants passionnels sont des gens honnêtes qui agissent sous une impulsion subite due à la passion. Ils ont un remord aussitôt leur forfait accompli. Il n'y a pas de mesure à prendre contre eux », car leur repentir suffit ; néanmoins, ils doivent réparer leur dommage causé. C'est ainsi que Emile Durkheim pense les crimes sont un facteur de croissance d'une société, et en tant que tel, ils sont normaux. Car, la normalité est définie par la généralité, l'explication, selon Durkheim, est définie par la cause. Enfin, si certains individus observent une conduite conforme aux prescriptions de la loi, parce qu'ils sont capables de retenir leur hérédité avec le libre-arbitre. En effet, en affirmant que l'homme est libre de céder ou pas à la prédisposition transmise héréditairement, Prosper Lucas concilie la notion de l'hérédité avec la notion de libre-arbitre, chère aux juristes : tout individu est susceptible de résister à sonhérédité.

* 105 Constitution de la République démocratique du Congo, J.O.RDC, 52ème année, n°spécial, 1er février 2011.

* 106 Décret du 30 janvier 1940, B.O., 1940, p193.

* 107 Constitution de la République Démocratique du Congo, 52ème année, Journal Officiel - n°spécial, 1er février 2011,

* 108 Le texte du Statut de Rome est celui du document distribué sous la cote A/CONF.183/9, en date du 17 juillet 1998, et amendé par les procès-verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30 novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002.

* 109 SZABO D., Criminologie et politique criminelle, Les Presses de l'Université de Montréal, 1978, p19.

* 110 Cela fut même avant Jésus Christ, où dans la cité antique, tant à Rome qu'à Athènes, le décret de Démophante en 410 av. J.C en témoigne de la manière suivante : (...) « Si quelqu'un renverse le Gouvernement démocratique d'Athènes, il sera censé ennemi des Athéniens, il pourra être tué impunément, ses biens seront confisqués... Quiconque le tuera, ou conseillera de le tuer sera réputé innocent et pur », SZABO D., Op. cit, p202.

* 111 Constitution du 18 février 2006, 52ème année Kinshasa - 1er février 2011, numéro spécial, p52.

* 112 KAMUKUNY MUKINAY A., Droit constitutionnel congolais, Kinshasa, éd. EUA, coll. DES, 2011, p114. L'acte juridictionnel est un acte juridique et même judiciaire qui concerne un domaine spécifique de la justice : le domaine de la fonction qui consiste à dire le droit (fonction réservée aux juges) du latin : jus = droit et dicere = dire.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo