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Les opérations d'aménagement olympique : intéret général ou intérêt de classe ? le cas de la complétude de l'échangeur Pleyel en vue des jeux olympiques de Paris en 2024


par Aristide Miguel
Université Sorbonne Paris Nord - Master 1 Politiques Publiques et Territoire 2021
  

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Partie 1 : A la recherche de l'intérêt général

Section 1 : Du bien commun à l'intérêt général : histoire de l'intérêt général

L'émergence de l'intérêt général au XVIIIe siècle

Comme énoncé plus tôt dans l'introduction, l'intérêt général demeure un concept abstrait, ancien, et parfois contesté. Vera Bolgar dira que de « tous les les concepts sociaux, celui d'intérêt général est l'un des plus anciens, des moins précis, et de ceux qui se laissent le moins aisément définir »21.

Si aujourd'hui l'intérêt général renvoie à l'intérêt du peuple, la notion n'a, elle, pas toujours revêtie cette définition, et a été façonnée par son temps et par les différents auteurs de tradition, libérale, égalitariste ou républicaine qui ont tenté de la saisir.

La notion d'intérêt général apparaît au XVIIIe siècle - bien qu'existante, par exemple, sous l'appellation de « commun profit »22 depuis le Moyen-Âge - en se substituant à la notion de bien commun. Si le bien commun, comme défini par Saint Thomas d'Aquin, représentait la propension naturelle de la Création à tendre vers le Bien, qui est Dieu; l'intérêt général vient, quant à lui, désigner, conformément à la pensée Rousseauiste, l'intérêt d'une nation qui « transcende celui de ses membres ». Mais la désignation de l'intérêt général ne revient pas de manière récurrente dans le Contrat Social de Rousseau. Bien au contraire, cette dernière est souvent remplacée par le concept de « volonté générale », qui, lui, renvoie à la somme de la volonté de tous les individus.

Parfois définie en tant que volonté générale, intérêt public, ou encore bien commun, la question de l'intérêt général va peu à peu irriguer le milieu des penseurs politiques avant de connaître un essor majeur sous la Révolution française. Il va devenir un point de divergence entre les monarchistes et les défenseurs de la République, partisans d'une égalisation des conditions. Le concept, bien que contesté et parfois incertain, revêt une fonction majeure dans l'élaboration d'une rhétorique révolutionnaire. Il va endosser un rôle critique par la dénonciation de la noblesse comme d'une altératrice de l'intérêt général à des fins personnelles, et vient aussi redéfinir la conception usuelle de l'Etat. L'Etat, qui était jusque-là l'expression de l'ordre militaire, va devenir l'incarnation de l'intérêt du peuple, et

21 Bolgar, Vera. "L'Intérêt général dans la théorie et dans la pratique." Revue internationale de droit comparé 17.2 (1965): 329-363.

22 Le commun profit était autrefois la conception royale du bien commun, principalement entre le XIIIe et XVIIIe siècle.

21

l'avènement du peuple en tant que personne politique va alors consacrer le concept de l'intérêt général.

L'intérêt général vient ainsi poser les fondements de l'Etat moderne ; l'idée d'un État caractérisant le « peuple en corps » dont le pouvoir et la légitimité reposent sur le dépassement de la « pure considération des intérêts d'ordres ou de corporations »23.

Définition et redéfinition de l'intérêt général

Ce que nous expliquent Pierre Crétois et Stéphanie Roza, c'est que l'intérêt général a pendant très longtemps été un outil de contournement des difficultés liées à la conceptualisation de la formation de la volonté générale. En effet, l'usage de l'intérêt général a constitué un moyen de mettre en perspective l'idée qu'il existe un intérêt impartial et neutre - qui est l'expression du peuple tout entier - sans avoir à représenter cet intérêt de manière concrète. Ainsi, dans un contexte révolutionnaire, l'intérêt général reposait sur l'idée d'un « accord substantiel du peuple » pour un renouvellement de la société, chose que critiquera par la suite Proudhon en dénonçant la « fausse unité »24.

Les auteurs tendent aussi à démontrer comment le concept s'est construit par le débat constant. C'est ainsi qu'au-delà de renvoyer à un réalité sociale ou à un concept juridique précis, l'intérêt général renvoyait en premier lieu à une position philosophico-politique dont la mission portait sur une critique de l'ordre social. Derrière la désignation de l'intérêt général reposait d'abord le projet d'une nouvelle société fondée sur une reconception de l'Homme et de ses droits.

C'est d'ailleurs cette idée que présente Florence Perrin dans son ouvrage L'intérêt général et le libéralisme politique. Selon elle, l'émergence d'une pensée libérale a conduit à la reformulation de l'intérêt général à partir des droits et des intérêts particuliers. Mais cette redéfinition se détache de la conception rousseauiste faisant de l'intérêt général - présenté en tant que volonté générale - la somme des volontés des individus. Parce qu'en effet, alors que la volonté générale chez Rousseau soulève l'idée d'une société qui se serait mise d'accord pour que la volonté de tous soit la volonté de chacun, Florence Perrin nous invite, elle, à questionner la formation de la volonté générale non pas comme un consensus, mais plutôt

23 Pierre CRÉTOIS et Stéphanie ROZA, « De l'intérêt général : introduction », Astérion [En ligne], 17 | 2017, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/asterion/2996.

24 Proudhon estimait que l'unité de l'ordre social était un mythe servant à justifier l'autorité hétéronome de l'Etat.

22

comme la convergence conflictuelle, mais nécessaire, des intérêts particuliers pour créer l'intérêt commun.

De l'intérêt général à l'intérêt des classes : courte introduction à la définition marxienne de l'intérêt générale

Plusieurs interprétations de l'intérêt général ont conduit à repenser le rôle prétendu de l'Etat comme celui d'une entité assurant la primauté de l'intérêt collectif sur l'intérêt particulier. En effet, la pensée proudhonienne reposant sur le fédéralisme intégrale25 - bien que la notion d'intérêt général n'y soit explicitement présentée - conçoit l'intérêt général comme décentralisée d'un État, qui, lui, serait à l'origine d'un ordre social établi.

Dans Intérêt général, intérêt de classe, intérêt humain chez le jeune Marx, Stéphanie Roza explique comment une lecture classique de Marx tend à délégitimer le rôle de l'Etat dans sa mission de convergence des intérêts particuliers vers un intérêt général. Chez Marx, l'intérêt général est indissociable de l'intérêt du prolétariat. Toutefois, la pensée marxienne définit l'intérêt général comme un intérêt ayant été accaparé par une classe dominante, et qui serait porté par une entité faussement fédératrice et convergente que serait l'État.

La définition marxienne de l'intérêt général diffère très largement des définitions qui lui ont été imputées plus tôt dans l'histoire, parce qu'en effet, si précédemment l'intérêt général était conçu comme l'intérêt de tous, chez Marx, l'intérêt général représente avant tout un concept visant à mettre en évidence le conflit des classes. Aussi, l'intérêt général a de si particulier que c'est un concept français n'ayant pas d'équivalent en allemand. De fait, si le nom de Marx sonne comme un questionnement visant à comprendre comment se présente l'intérêt d'une classe au détriment d'une autre, toute la difficulté de l'analyse des ses travaux résidait dans la capacité à faire émerger la notion d'intérêt général au sein de son oeuvre.

L'intérêt général, qui a participé à faire émerger une rhétorique révolutionnaire, à inspiré les auteurs de la Révolution qui auront eux-mêmes insufflé leurs idées au sein de la pensée de Karl Marx. Dès lors, si pendant son séjour en France Karl Marx s'inspire des grands historiens français pour conceptualiser sa théorie de la lutte des classes, son oeil se porte particulièrement sur l'émergence d'une bourgeoisie qui est celle de « (...) l'intérêt particulier

25 Dans la pensée proudhonienne, le fédéralisme intégral est perçu comme la réalisation du principe de souveraineté populaire.

23

en opposition à l'universel » et qui aspire à promouvoir par la défense de chaque individu ses propres intérêts.

La définition marxienne de l'intérêt général constitue alors une nouvelle manière de penser l'intérêt général. Elle entend non seulement critiquer la légitimité de l'Etat - et son appareil juridique qui produit la loi et son interprétation de l'intérêt général - en tant qu'institution prétendument convergente, mais aussi contester la légitimité de son action - publique.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore