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Les opérations d'aménagement olympique : intéret général ou intérêt de classe ? le cas de la complétude de l'échangeur Pleyel en vue des jeux olympiques de Paris en 2024


par Aristide Miguel
Université Sorbonne Paris Nord - Master 1 Politiques Publiques et Territoire 2021
  

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Section 2 : Critique rationnelle de la légitimité de l'action publique

Questionnement des prétentions de légitimité de l'action publique

L'intérêt général se présente comme la finalité de l'action publique et occupe une place importante dans l'oeuvre juridique française.

Alors que nous avons vu dans la première partie du Chapitre 1 comment l'intérêt général institue la légitimité de l'action publique, Patrick Pharo, lui, pose une réflexion portant sur les conditions de légitimité de l'action publique59. En effet, Patrick Pharo indique que la prétention à la légitimité est « (...) soumise à des contraintes de cohérence normative » par lesquelles l'on vérifie la « (...) cohérence et vérité des énoncés ». Son analyse rompt avec la pensée rousseauiste telle que décrite dans le Contrat Social et dépeignant un ordre civil légitime et reposant sur des « (...) structures régulatives librement et antérieurement consenties ». Pour ainsi dire, la légitimité d'une action publique ne saurait uniquement se fonder sur la loi ou la morale, mais aussi sur la capacité de l'individu de raison à critiquer sa cohérence. Cette cohérence est alors définie par Patrick Pharo comme étant une action publique qui « (...) se montre vraie, dans un sens très large du terme ».

Si un questionnement portant uniquement sur la légitimité ne permet pas de définir une action publique comme légitime ou illégitime, la réflexion autour de la légitimité peut être étudiée en portant l'attention sur le rapport qu'entretiennent les actions publiques entre-elles, notamment en observant la manière dont elles s'imposent à elles mêmes des contraintes de légitimité qu'elles respectent ou non. Ainsi, c'est dans la dichotomie entre le discours affiché et l'acte public que l'on peut critiquer la légitimité de l'action publique, qui, parce que porteuse d'un intérêt général, se doit d'être cohérente.

Jean-Philippe Bras et Gérald Orange se sont aussi penchés sur la légitimité de l'intervention publique dans l'idée de comprendre quels éléments confèrent à l'action publique sa légitimité

59 Pharo Patrick. Les conditions de légitimité des actions publiques. In: Revue française de sociologie, 1990, 31-3. pp. 389-420.

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60. Si effectivement la légitimité économique d'une opération peut se remarquer dans la capacité à rendre le territoire attractif, elle ne saurait toutefois se dépourvoir des principes démocratiques visant à informer les citoyens et à incorporer des mécanismes participatifs dans la prise de décision.

La question de la légitimité de l'action publique est d'autant plus intéressante qu'elle a été critiquée par Marx et Engels, qui définissaient l'État comme une entité au service d'une classe capitaliste. Chez Marx, l'action publique est alors foncièrement illégitime puisqu'elle est le fruit d'une administration politique dont l'illégitimité découle d'une subordination à un groupe - classe - plutôt qu'à la société politique. Mais cette conception tient ses limites dans la démocratie moderne - que Marx n'a que très peu observer - dans laquelle l'action publique est l'expression de tous, parce que volonté générale, et de chacun, parce que sommes des volontés particulières.

Malgré tout, alors que la démocratie, fondée sur le suffrage universel, a, semble-t-il, équilibré le jeu du pouvoir politique, la thèse générale marxienne continue à présenter l'État comme inévitablement enclin à servir les intérêts d'une classe dominante.

Vers une illégitimité du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel ?

Alors que la réflexion de Patrick Pharo invite à questionner la légitimité de l'action publique par la capacité de cette dernière à se montrer vraie, les limites de la rationalité nous empêchent de pouvoir évaluer la cohérence d'une intervention publique. Alors, pour ce faire, c'est par l'analyse de la dissemblance entre le discours étatique - notamment le discours juridique - et l'action publique, que sera pensée la possible illégitimité du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel.

L'article L. 103-2 du code de l'urbanisme indique que la concertation avec le public est requise lorsque le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) est révisé, lorsqu'une zone d'aménagement concerté (ZAC) est créée, pour certains projets d'aménagement modifiant la cadre de vie - notamment ceux susceptibles d'affecter l'environnement, et pour les projets de renouvellement urbain. Dès lors, l'article précise que l'autorité compétente en charge des

60 Bras, Jean-Philippe, et Gérald Orange. "Risques et légitimité de l'action publique locale: heurs et malheurs d'une collectivité territoriale dans ses interventions économiques." Politiques et management public 23.4 (2005): 53-72.

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concertations doit « (...) préciser les objectifs poursuivis dans le cadre du projet, (...) déterminer les modalités de concertation, (...) rendre les informations accessibles aux publics » et « (...) enregistrer et conserver les observations ».

Alors que des concertations ont eu lieu en 2017 puis en 2018 entre la DiRIF et les citoyens dyonisiens, dans laquelle ces derniers ont proposé plusieurs variantes au projet, sans succès, le préfet de la région Ile-de-France a déposé une autorisation de travaux le 22 novembre 2019.

Plusieurs variantes avaient déjà été préparées par la DiRIF et les variantes proposées par le public « (...) apportaient des éléments intéressants » mais ne permettaient pas de répondre aux objectifs fixés. Alors que la DiRIF affirme qu'elle a « (...) récupéré la variante B, (...) l'a améliorée, (...) l'a modifiée, (...) en a fait une variante B (...) optimisée (...) qui a été choisie, derrière »61, les habitants du quartier Pleyel indiquent, eux, qu'ils ont « (...) proposé plusieurs solutions, comme le déplacement de l'entrée de la bretelle vers la périphérie du quartier, mais les élus n'ont pas donné suite »62. La Mairie de Saint-Denis explique quant à elle que « (...) leurs propositions ont été écoutées, et évaluées mais écartées par la direction des routes d'Ile-de-France, maître d'ouvrage du projet ».

La question de la concertation est importante puisqu'elle est encadrée par le code de l'environnement et permet « (...) la participation du public en amont de la finalisation d'un projet, afin de l'élaborer en associant les habitants/ associations / personnes publiques et autres parties prenantes »63.

Figure 7 - Projet citoyen de variant au projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel

61 Entretien téléphonique avec la DiRIF, réalisé le 23 février 2022.

62 « Seine-Saint-Denis : le futur échangeur Pleyel épinglé par l'Unicef ». Les Echos,

www.lesechos.fr/pme-regions/ile-de-france/seine-saint-denis-le-futur-echangeur-pleyel-epingle-par-lunicef-1365 276. Consulté le 12 juin 2022.

63 Entretien écrit avec Géo Avocats, réalisé le 3 mai 2022.

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Source : Pleyel à venir (2017)

En 2020, bien qu'elle ait rejeté le recours déposé par le FCPE Pleyel par la suite, la CAAP a suspendu les travaux d'aménagement du système d'échangeur Pleyel en relevant notamment « une irrégularité de la concertation » ou encore une « (...) erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences sanitaires négatives du projet et son impact sur la dégradation de la qualité de l'air au niveau des sites sensibles »64. Plus encore, alors que selon le code de l'urbanisme l'autorité compétente en charge des concertations doit « (...) préciser les objectifs poursuivis dans le cadre du projet », l'Ae avait, elle, relevé des cas d'incohérences « (...) dans les données utilisées par les différentes études », mais aussi « (...) entre les objectifs affichés par le projet et le projet lui-même ».

De fait, alors que le projet a été confirmé par un rejet du recours par la CAAP en octobre 2020, l'illégitimité du projet de l'échangeur ne résiderait non pas dans sa mission, qui est

64 Décision n°20PA00254 du 5 mai 2020 de la Cour administrative d'appel de Paris

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jugé nécessaire par les requérants eux-mêmes65, mais plutôt dans son adoption « non démocratique » qui met en exergue une dichotomie au sein du discours juridique.

En effet, on observe d'une part, la nécessité de concertation avec le public conformément à la législation et dans un souci de démocratie, et d'autre part, la validation d'un projet qui, lui, ne respecterait pas les dispositions exigées par cette même législation.

La loi du 30 décembre relative à l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie dispose à son Article 1er que « L'Etat et ses établissements publics (...) concourent (...) à la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé », et précise que cette « (...) action d'intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l'air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l'énergie ». Aussi, l'article 3 indique que « L'Etat (...) confie à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie la coordination technique de la surveillance de la qualité de l'air ». Mais toutefois, alors que l'avis de l'Ae avait recommandé que la variante du projet soit expliquée, conformément au code de l'environnement qui impose de donner « une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine », la variante retenue, bien qu'étant « (...) la plus préjudiciable à la qualité de l'air déjà dégradée de cette zone »66, n'a pas empêché la CAAP de valider les travaux d'aménagement malgré une reconnaissance des « (...) effets « incertains » des mesures prévues pour limiter les impacts sanitaires du projet (...) ».

Ceci étant dit, cette dissemblance dans l'oeuvre juridique qui tend à discréditer la légitimité de l'action publique, n'est-elle pas simplement la conséquence d'un « désordre normatif »67? Un désordre résultant d'une loi comme outil de gestion des politiques publiques soumise à diverses tentatives de déréglementation et de privatisation ?

65 Le projet est perçu comme nécessaire par les habitants du quartier, ce sont les variantes proposées - notamment celle retenue -, qui, elles, se heurtent aux contestations.

66 Entretien écrit avec Géo Avocats, réalisé le 3 mai 2022.

67 Le Conseil constitutionnel avait mis en évidence la désorganisation qui pouvait exister dans l'édiction des normes, notamment quand ces dernières tendent à se confronter.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera