WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

De quoi l'auto-gynécologie est-elle le nom ?


par Lolane Dentand
Université Lumière Lyon 2 - Master Psychologie Sociale 2017
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3. Rapports au soin

Le rapport au soin nous renseigne quant aux pratiques et expériences de soins de l'individu, ainsi que sur son rapport à la santé et à la maladie. Les pratiques et les représentations des soins sont très variées selon les participantes, qu'il s'agisse du recours à l'homéopathie, à la gemmothérapie, à une médicamentation chimique, aux antibiotiques ou à la phytothérapie. Malgré ces variations dans les pratiques, on retrouve des perceptions communes avec une valorisation des traitements naturels en théorie, mais un recours aux traitements médicamenteux lorsque le problème rencontré est « urgent », « grave », « douloureux », ou lorsqu'on ne peut « pas faire autrement ». Pour la sphère gynécologique, le soin est particulièrement tourné vers la promotion de la santé, avec de l'auto-observation et surtout la capacité de s'auto-diagnostiquer. Cela représente du « self-care » (Charlotte), de la « sérénité » (Magali), ou de manière plus générale, une « réappropriation de sa santé » (Florence). On retrouve un schéma typique de soin gynécologique autour de l'auto-observation (visuelle ou tactile, régulière ou ponctuelle), l'auto-diagnostic (via des échanges entre profanes ou par reproduction d'un diagnostic déjà rencontré), et l'auto-soin (huiles essentielles, huiles végétales, yaourt, vinaigre, ail, plantes...).

Le discours des participantes sur le recours aux soins est en fait tourné autour du pouvoir que permet le savoir sur sa santé. Il s'agit de savoir, de comprendre, pour avoir le choix sur la manière d'envisager le soin, et ne pas se « donne[r] l'entière responsabilité de [s]e soigner » (Clara), et « connaître [s]es limites » d'autosoin (Alice). C'est ainsi que s'expliquent les pratiques variées ; malgré les choix différents que font les participantes face aux possibilités de soin, leur point commun est d'être au courant de ce panel de choix et d'être consciente d'en faire un.

Magali : « s'autonomiser c'est aussi pouvoir dire non en fait, c'est aussi pouvoir... pouvoir savoir ce dont on a besoin »

4. Rapports au savoir

Le rapport au savoir traite de la place du savoir, de ses sources, de sa conception, de ses formes ainsi que de sa transmission. Il s'agit d'une catégorie importante dans le discours des participantes, qui est assimilée à une véritable pratique de l'auto-gynécologie à part entière.

En effet, les fondements de l'auto-gynécologie semblent résider dans le savoir autour de la gynécologie. Les interrogées évoquent un réel intérêt, voire une « passion » (Prune, Lola, Mélissa) pour la gynécologie, l'anatomie, les cycles menstruels. Elles décrivent une « réappropriation du savoir gynécologique » (Charlotte, Amandine, Alice, Eve, Clara, Magali, Maud, Mélissa) et regrettent un cruel manque d'informations à ce sujet de manière générale. Ce savoir est souvent décrit comme appartenant autrefois aux femmes non-professionnelles, qui le transmettaient aux femmes de leur entourage. Cette représentation du savoir gynécologique est alors associée à la figure de la sage-femme, de la sorcière, de la guérisseuse ancestrale, dont le savoir a été récupéré par l'institution médicale.

Ces premières considérations sont également liées à un pan important du savoir, le savoir expérientiel. Être concernée, ressentir, expérimenter un vécu apporte une légitimité dans le savoir, que le ou la professionnelle de santé ne peut pas remettre en question.

Eve : « C'est la réappropriation du pouvoir. De son pouvoir. De la connaissance de soi, et de bah voilà on gère, et on a pas besoin d'écouter quelqu'un extérieur à soi qui, qui nous fait croire qu'il sait mieux que nous. »

Caroline : « ouais puis `y a ce côté aussi `fin c'est mon corps, je le vis tous les jours alors je veux bien que `y ait des personnes qui connaissent un grand spectre des symptômes, qui ont un savoir plus élargi, mais mon corps c'est quand même moi qui le vis, quoi. »

Dans certains discours, cette légitimité à savoir tend à un naturalisme et un essentialisme des capacités de « la » femme à gérer la sphère gynécologique.

Eve : « Moi j'ai vraiment cette confiance que le corps de la femme est fait pour enfanter etc., et plus on lui laisse faire sa vie tranquillement, à partir du moment où on laisse la femme, où elle est détendue, où on lui fait confiance où on l'encourage à se faire confiance, à s'écouter, et euh... voilà quoi, le corps il a tout ce qu'il faut là où il faut pour que ça fonctionne bien »

Les sources de savoir sont variées, sur un continuum de profane à scientifique. Ainsi, des participantes reconnaissent avoir recours à des livres de médecines (Eve : « des bouquins de médecins, des trucs un peu costauds quoi »), d'articles scientifiques (Lola : « j'essaie de chercher en anglais, et puis j'essaie de passer par Google Scholar et des sites un peu scientifiques des fois pour trouver vraiment des articles »), de vulgarisation scientifique (Prune : « Et après j'ai plein d'ouvrages de vulgarisation, sur la gynéco, sur la contraception »), mais également beaucoup d'échanges de conseils entre personnes concernées (Charlotte : « l'échange, c'est vraiment pour moi une encyclopédie, c'est mon Wikipédia à moi, [rires], `y a toujours des gens plein de bon sens et plein de bons conseils »). Il est intéressant de noter que les professionnel.les de santé peuvent également constituer une source de savoir -ce qui n'est plus tout à fait surprenant compte tenu de la collaboration possible évoquée dans le rapport à la gynécologie. Ainsi, poser des questions à sa gynécologue et échanger davantage avec elle permet aussi de développer des connaissances en gynécologie, et favorise donc la pratique de l'auto-gynécologie.

De même, la transmission du savoirgynécologiquese développe autourdes échanges et des conseils entre personnes concernées, dans des groupes spécialisés (virtuels ou des ateliers ponctuels) ou entre proches. Les femmes interrogées mettent l'accent sur l'importance de transmettre ces savoirs aux plus jeunes, via l'éducation, et de le démocratiser.

En définitive, le savoir est un élément clé de l'auto-gynécologie, puisqu'il est compris comme outil de pouvoir -face à sa santé, face à son corps, face à l'institution médicale- et reconnu comme une forme de « self-empowering » (Florence).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry