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L'Albanie, histoire de langue(s) : pour une approche sociodidactique de l'enseignement apprentissage du français en contexte universitaire albanais


par Amélie GICQUEL
Université Paris 3 La Sorbonne Nouvelle - Master 2 professionnel Sciences du Langage mention Didactique du Français et des Langues Etrangères 2014
  

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Conclusion générale

A mi-chemin entre mes conclusions actuelles et le monde des possibles qu'offre l'Albanie, je proposerai finalement les problématiques qui auront été soulevées ici et les autres questions qui se sont ouvertes tout au long de mon cheminement dans ce pays.

Cette étude ne se prétend nullement exhaustive de la situation de l'enseignement-apprentissage du français en contexte universitaire albanais, mais offre un panorama en plusieurs dimensions par ce qu'il adopte différents angles de vue pour rendre la lumière sur un contexte particulier. Alterner entre regard en hauteur pour prendre la loupe chère à Chaudenson et voir comment cela se passe dans le détail ; prendre la ligne du temps pour voir si elle a un effet de miroir sur la situation d'aujourd'hui aura été autant de jeux de lumière qui permettent de mieux comprendre ce contexte. En adoptant quelques-unes des approches préconisées par les défenseurs d'une didactique responsable et respectueuse, j'ai ainsi voulu rendre ce pays tel que je l'ai reçu. Après avoir initialement pensé à prospecter les étudiants, je me serai finalement attardée aux enseignants, plus accessibles et occupant une place centrale dans ce noeud de contacts et de carrefours que forment les acteurs de la francophonie en Albanie. A mi-chemin, j'aurai constaté que présenter les conditions dans lesquelles les représentations vis-à-vis d'une langue étrangère se forment pouvaient rendre l'état d'une très bonne introduction à ce terrain, plutôt que de m'engager dans quelque chose que j'aurai pu survoler et ne pas considérer dans toute sa complexité.

De la manière que je viens de le présenter, se limiter aux représentations ne serait pas non plus fidèle en particulier quand il est si difficile d'accéder aux représentations des acteurs concernés par notre contexte et que se limiter à leurs paroles ne viendraient pas à représenter objectivement la place qui est faite par les individus aux langues étrangères et au français et à travers ces langues, à la société dans laquelle ils évoluent et à eux-mêmes. Chaudenson & Rakotomalala (2004), Porcher (2012 [2000]) et Blanchet & Chardenet (2011) rappellent chacun la nécessité de ne pas se limiter aux pratiques langagières des locuteurs d'une communauté donnée pour comprendre la place qui est accordée à un code linguistique, mais également au contexte qui encadre et régule ces pratiques. Il est donc induit que les politiques linguistiques sachent prendre en compte la question dite « spontanée, sauvage » de Chaudenson (1991 : 6) des pratiques langagières du point de vue national.

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J'ai également décidé de ne pas me limiter à une analyse des interactions didactiques bien que cette approche aurait pu être tout aussi intéressante. Je crois pouvoir dire avec l'aval de mes collègues que si on se limitait aux seules compétences langagières des acteurs observés, la stagiaire que j'ai été ne serait pas restée deux ans et n'aurait pas effectué un autre stage sur ce terrain précis, en particulier ici et sans doute plus qu'ailleurs, ça ne dépend pas de la seule personne mais d'un enchevêtrement de relations intersubjectives qu'il est parfois difficile de percer mais nécessaire à introduire pour tenir précisément les tenants et aboutissants de ce contexte. D'autant plus que dans la mesure où la littérature en langue française à propos de ce contexte n'est pas proliférante ou pas toujours de confiance, j'ai pris le parti de me lancer dans un travail où j'avais parfois toutes les connaissances mais qu'il me manquait un fil conducteur pour les assembler. Mes lectures au cours de ces trois dernières années sont ici, et elles ne le sont pas toutes, car comme précisé dans l'introduction, un travail exhaustif sur la problématique qui m'a animée tout au long de ce travail occuperait un plus grand nombre de pages. Puis-je remercier le lecteur à cette étape ? Cette étude peut plaire autant qu'elle peut déplaire, mais la connaissance se construit justement dans la confrontation à l'inconnu et de là naît une réflexion argumentée. Un grand nombre de questions subsistent encore et mériteraient d'être observées.

Cette obsession du « comprendre » m'aura emmenée sur un chemin complémentaire aux études qui permettraient d'étudier le public apprenant albanais en situation d'apprentissage, en même temps que le pendule albanais m'aura aussi absorbée (Peteuil, 2012). Certaines réflexions avancées dans ce travail où la subjectivité est souvent apparue malgré elle, croyez-le bien, doivent être considérées au plan intellectuel et d'intérêt humain et ne se constituent pas vérité absolue simplement parce que cette vérité n'existe pas et encore en plus quand les efforts qui font sens aux hommes sont ceux qui proviennent d'eux-mêmes.

Ce jeu entre connaissance du terrain, des acteurs et des problématiques sous-jacentes aux pratiques observées m'aura faite balancer entre le savoir et le vouloir pour donner cette étude. En partant de l'hypothèse que les Albanais étaient situés à un carrefour entre leurs pratiques sociales et éducatives, je me suis permise de considérer la problématique de l'enseignement-apprentissage du FLE sous un autre angle. Considérer les rapports entre langue et société m'aura permis d'identifier l'idéologie qui circule à propos des langues en Albanie et m'aura amenée à proposer une définition de l'identité culturelle et linguistique des Albanais qui permet cependant de mieux comprendre le plurilinguisme effectif en Albanie, bien que la définition qui se pose aujourd'hui nécessitera certainement un ajustement dans les années à venir tant les langues ont été instrumentalisées au profit d'assouvissements

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communs (je l'entends) mais distendus de leur contexte. Précisons que les instances privées ou parfois mêmes individuelles en rentabilisant un capital humain, celui de pouvoir communiquer (à travers des pratiques qui n'ont rien de linguistiques) ont procédé à la même ablation d'une compétence pourtant riche.

Le plurilinguisme existe en Albanie bien qu'il a été banalisé de manière assez vulgaire, au profit de la constitution d'une image qui est censée plaire à l'Europe. Comme l'un de mes informateurs me l'avait initialement conseillé, ce n'est pas dans un département de français que l'on trouve les bons francophones mais dans certaines classes du secondaire et dans les bons lycées généraux. Ne me focalisant pas sur la francophonie ou francophilie initialement existantes, mais ayant réalisé qu'un intérêt pour les langues étrangères était bien présent, je ne voyais pas personnellement l'intérêt de rendre un hommage à ces locuteurs et à leurs bonnes compétences, toutes aussi louables soient-elles. Par ailleurs, une étude portant sur cette autre communauté de locuteurs serait intéressante en ce qu'elle pourrait directement contribuer à celle-ci, à travers la révélation de ce qui constitue des représentations positives par les Albanais à propos de la langue française. On observe finalement les mêmes problématiques relatives au domaine social qu'au domaine éducatif : appropriation du pouvoir sans légitimité reconnue, symbolique de la violence et de l'annexion de capitaux privés dans le seul but de se placer dans une société qui survit sur le respect de ses moeurs et traditions ancestrales. Vous m'excuserez le parallèle, mais ça fait pourtant parfaitement écho à notre contexte. Une campagne de sensibilisation proposée par le Ministère de l'Intérieur à propos de la sécurité routière montre parfaitement ce jeu de violence symbolique à l'oeuvre (McCanna, 2014), tout en respect des valeurs qui tiennent les Albanais de manière unanime. Nous avons finalement vu que la langue française occupait une place particulière en Albanie, car les valeurs qui sont attribuées à sa culture ont soutenu l'élévation de ce peuple autant que cette langue continue à le faire. Les réformes prévues par le gouvernement albanais pourraient bien mettre à mal la seule protection d'un plurilinguisme pourtant effectif, officialisé par l'acceptation de l'Albanie de s'adjoindre à cet ensemble de la Francophonie qui défend pourtant les valeurs auxquelles le peuple albanais aspire. Se reposer sur des représentations et des paroles qui ont parfois été émises dans des conditions peu propices à l'aisance peut paraître rebutant. Deux points seront alors rappelés : rappelons que les paroles sont perméables et instables autant en durée de vie qu'en consistance, mais elles restent encore le moyen d'avoir accès aux liens qui unissent la partie au tout, l'individu à sa communauté, l'acteur à son environnement.

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Le thème de la fracture m'aura occupé l'esprit pendant toute l'élaboration de mon étude. Inspiré par ma directrice de mémoire dès le début de ma réflexion, c'est pourtant la première fois qu'il apparaît. Il me semble très caractéristique de ce qui sous-tend la nature des problématiques à l'oeuvre en Albanie de nos jours. Cependant, ce terme me semblait effrayant et peut-être annonceur d'un non-retour, ce qui ne caractérise pas la volonté tenue des Albanais de rester fidèle à ce qui les aura accompagné. Cette fidélité prend parfois des tournures étonnantes pour l'occidentale que je suis, mais elle est à l'oeuvre. Vivre la différence et la diversité pour se construire sont précisément des compétences qu'il faut mettre à l'oeuvre pour réaliser ce type d'étude contextualisée, car s'inspirer d'un seul regard ou d'un seul angle de vue, ne rend pas à nouveau les particularités d'un contexte qui est pourtant doté de toute son unité.

Dondeyne (1956 : 8) nous dit que : « la liberté est ce pouvoir que nous avons de nous mettre à distance du passé, pour le faire apparaître tel qu'il fut, ce qui ultérieurement, nous permettra de prendre position à son égard soit pour le réassumer, soit pour le récuser ». Selon ce philosophe, l'idéalisme de la signification et le positivisme peuvent lisser certains aspects d'une situation, ce qui serait dangereux car pas approprié et peu de responsable, de décrire et d'expliquer dans le seul but de vouloir justifier l'injustifiable. Cependant, l'effort de vouloir ancrer l'être humain dans sa continuité le replace dans sa situation actuelle sociale et historique. Sans compter que ce type d'écrit dans sa structure et son contenu informatif permet de rendre son relief à la partie. Cette conception de la liberté rend la nécessité d'user de procédés, si ce n'est d'adopter des structures glottopolitiques pour permettre de faire ressortir les besoins d'aujourd'hui et de forger la vie de demain.

Est-ce le temps tout relatif qui s'est écoulé depuis la fin du communisme qui n'amène pas les acteurs décrits ici à poser une réflexion sur le passé de leur peuple ? Ou serait-ce par une présence encore palpable des habitus propres au régime communiste ? Est-ce aussi parce que l'avenir est incertain quand beaucoup déplorent encore les temps communistes parce qu'à cette époque, tous avaient un travail ? Depuis 1945 où la nécessité d'être uniformisé répondait au besoin d'élever le pays à un autre rang que celui qu'il a connu, et le pays aura connu un développement et une croissance uniques. La chasse à ce qu'il ne va pas et ce qu'il faut changer a profondément altéré la société albanaise et en particulier depuis la chute du communisme, comme cela a été mentionné d'après Mustafaj quand il qualifie les actions menées par les acteurs sociaux de cette période de chasseurs aux sorcières. La question n'est

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pas fermée parce qu'il y a encore de nombreux éléments révélateurs de ce contexte à révéler, pleines de leurs paradoxes et portant entières leur consistance.

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Table des matières

RESUME 4

REMERCIEMENTS, FALEMINDERIT... 7

SOMMAIRE 8

LECTURE DE L'ALBANAIS 9

GLOSSAIRE DES SIGLES PRINCIPAUX 11

« PREAMBULE : ASSISE COGNITIVE » 13

INTRODUCTION GENERALE 17

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand